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[Terminé][PV Sélanæ, Phadria, Argorg, Sirk, Triss] Se battre pour ses idéaux
Sélanæ d'Harmattan
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Sélanæ d'Harmattan
Après que l'équipe eut parqué les provisions dans le bâteau -même si ce fut l'orque qui les porta presque toutes à lui tout seul- on s’apprêta un peu pour délier les voiles puis le l'embarcation leva l'encre. Lentement le bâtiment quitta le port Karak'Tur, paisible a cette heure avancée de la nuit.

*

     '' Tiens, prend ''
 
     L'enfant habillé en haillons se saisit du fruit que lui tendait Sélanæ et croqua dedans à pleines dents. La cale était remplie des anciens esclaves que Sélanæ avait racheté en Oro. Leurs yeux braqués sur Sélanæ semblaient briller dans la pénombre aux reflets des quelques bougies. Des femmes tenaient leurs nourrissons dans leur bras à qui elles donnaient le sein, et un vieillard torse nu dont la barbe hirsute cachait presque ses yeux se tenait assis le dos accoudé contre le mur, bras posé sur son genoux plié. 
Mon dieu qu'ils étaient maigres. Leurs cotes étaient saillantes sous leurs peaux diaphane et leurs visages  étaient émaciés. 

'' Bientôt vous serez officiellement libres et vous pourrez à nouveau vivre une vie normale ! '' dit Sélanæ, comme si elle voulait se convaincre elle même. 

Mais aucune réaction ne se fit sentir autour d'elle, toujours ces même regards, vides et exténués. 
Alors les larmes montèrent aux yeux de Sélanæ. 

'' Je vous ai laissé de quoi vous nourrir dans cette caisse. Vous avez aussi des cruches remplies d'eau.. Je.. je reviendrai vous voir demain. '' 

     Elle réussit tout juste a finir sa phrase car sa gorge était assagie de sanglots. Elle remonta les marches de l'escalier menant sur le pont à la hâte.  Puis arrivée en haut, elle ne put se retenir plus longtemps et accrochée contre le bastingage elle déversa toutes ses larmes, une main plaquée contre la bouche pour éviter de faire trop de bruit. Elle pleura ainsi pendant une bonne minute.   

     Quand elle eut cesser de pleureur, elle s'adossa au bastingage et essuya ses larmes. 
Elle s'en voulait d'avoir craqué de la sorte dans les cales mais au delà de ne plus supporter la vision de ces pauvres gens à qui la vie n'avait plus fait de cadeau, ce qu'elle craignait le plus, c'était qu'elle ne puis pas tenir les promesses qu'elle leur avait faites. A vrai dire elle n'était jamais allé aux Marches d'Aciers, elle avait seulement su au fil du bouche à oreille que l'esclavage y était là bas interdit. Mais ce qu'elle trouverait là bas serait-elle à la hauteur de ses promesses ? Elle était emplie de doute.
Elle releva la tête et un peu plus en avant du bateau, elle aperçut Phadria à la barre dont la chevelure flottait dans la légère brise de la nuit.

     Sélanæ entreprit de traverser le pont afin d'aller la rejoindre. 
Sur son chemin elle croisa l'orque -dont elle ne connaissait toujours pas le nom- allongé contre le bastingage, sa hache lui servant d'appui tête et le tigre ronronnant à ses pieds. Il ronflait à en faire pâlir Dwalin. Pas loin, son acolyte ogre dormait lui aussi à point fermé, les ronflements ne semblaient pas le géner plus que ça d'ailleurs il en produisait lui même de plus forts encore.
Pas loin le gobelin s'était fait une sorte de nid avec des couvertures crasseuses où il s'était terré en leur centre et se bouchait les oreilles de ses mains pour les protéger des ronflements des deux autres. 
Sélanæ passa tout près en le croyant endormi quand tout à coup elle vit s'ouvrir un grand œil d'un jaune brillant qui transperça la nuit. Sélanae accéléra le pas, elle sentait le regard malsain de la créature dans son dos.
Les légendes n'avaient pas tord pensa-t-elle, les gobelins sont immunisés contre le sommeil. 

     Arrivée devant les quelques petites marches menant à la barre, elle s'essuya une nouvelle fois les yeux et s'apprête a retrouver Phadria. 

''Vous ne dormez pas ?
- Non, et il ne vaudrait mieux pas si tu veux arriver aux Marches d'Acier en vie, dit-elle avec un petit sourire. 
Sélanæ ne dit rien. Phadria reprit :
- Et ne me vouvoie pas, tu ne l'as pas fait à l'auberge alors -elle tourna la tête vers Sélanæ et s'arrêta un instant- :
- Tu as pleuré ? ''

Sélanæ garda le silence.

'' Tu es jeune Sélanæ, pourquoi t'investis-tu dans des quêtes qui te dépassent et que tu ne pourras jamais finir ? L'esclavagisme sur Ryscior existe depuis la nuit des temps. Les Dieux ont crée les Hommes pour qu'il y ait des forts et des faibles et c'est dans l'ordre des choses que les uns prennent le dessus sur les autres. 
- Tu dis ça parce que tu ne sais pas ce que c'est toi, tu n'as jamais été l'esclave d'un autre.
Sélanæ marqua un temps puis reprit : 
- Au début tu te bats, oh oui, tu veux la retrouver ta liberté, car quand tu ne l'as plus tu t'aperçois que c'est la chose la plus précieuse qui existe. Mais après un temps tu abandonnes, car ILS prennent possession de ton corps, car tu n'es plus maître de toi même et au final c'est comme si tu étais déjà mort, et j'ai l'impression que c'est le point où en sont ceux que nous hébergeons dans nos cales. 

Sélanæ regardait la Lune ronde et pleine. Phadria ne l'avait pas lâchée des yeux, un peu ébahie par le discours de cette jeune femme, qui avait surement souffert autant qu'elle. Elle tourna les yeux vers la mer.

- Sur terre il y a des loups et des brebis. Et il est normal que le loup se repaisse de la chair de la brebis. C'est la même chose avec les hommes. Lorsque je passe devant un marché d'esclaves, je ne me dis : mieux vaux eux, que moi. Ça t'aide à vivre ce credo je te garantie. Ça t'aide à ... comment dit-on déjà, mmm, relativiser, oui c'est le mot ... 

Un silence pesant plana sur le bateau. Seul le clapotis des vagues sur la coque venait troubler le calme de la nuit. Phadria jeta un regard furtif vers Sélanæ et y vit de la colère, elle reprit rapidement : 

- Mais moi tu sais il me suffit d'une bourse bien remplie d'or pour me faire changer d'avis. On va leur rendre la liberté à tes esclaves ! dit-elle en rigolant légèrement pour détendre l'atmosphère. 
- Ancien esclaves, murmura Sélanæ, et ce ne sont pas les miens.
- Et toi ? Quelle est ton histoire ? enchaine Phadria, faisant mine de ne pas avoir entendu.
- Il y a un peu plus de deux ans, après la prise de Khamsin, j'ai été réduite en esclavage par les Levêchiens. 

A ces mots, Phadria détourna le regard ; Sélanæ sentit comme une gêne. 

- Euh ça va ? 
- Oui, je connaissais bien Khamsin, une cité magnifique. C'est difficile d'y repenser sans être nostalgique. 

Encore une silence.

- Tu vois Sélanæ, lorsque tu m'as trouvé dans cette auberge j'avais en tête de souffler un peu, m'éloigner de la piraterie quelque temps, mais jamais je ne pourrai me couper d'un tel paysage, dit elle en tendant le bras vers les eaux noires, c'est la mer mon véritable foyer et nulle part ailleurs. 
- Rien ne t'empêche de travailler en mer sans être pirate, la mine toujours renfrognée.

Phadria ne put retenir un petit éclat de rire.

'' Je t'aime bien petite, je sens qu'on va bien s'entendre toi et moi ''
Dim 13 Déc 2015 - 18:11
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Phadria Red
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Localisation : Quelque part dans les Îles de Jade
Je suis à toi pour toujours
Phadria Red
Il était décidément bien séduisant ce sac d'or qui lui avait été offert par cette Sélanæ, d'autant plus que les cinq écus dorés ajoutés par le vieux lui revenaient personnellement et en totalité. « Dommage que je ne puisse prendre le temps de faire un peu les commerces, songeait Phadria alors qu'elle barrait le petit Brigantin loin du port de Karak-Tur, avec ces cinq écus d'or j'aurai bien pu refaire dix fois ma garde robe ! » Mais l'heure était propice à d'autres interrogations. Derrière la barre de l'Ankor sous l'ombre de ses deux mâts dénués de hunes, Phadria, Sélanæ ainsi que cette troupe d'infortune avait dû passer outre les défenses et sécurités du port. Rien de moins dangereux que ce qu'ils faisaient là, en réalité, songeait la pirate, mais pour une raison où une autre Sélanæ tenait absolument à partir de nuit favorisant un retrait discret...et non réglementaire. Phadria Red y consentit. Non pas que l'absence de réglementation la dérangeait grandement -elle était une pirate, une criminelle après tout- mais quoi qu'il advienne, la jeune femme devrait se résoudre à passer devant les Officiers du Port. La Capitainerie du port de Karak-Tur était imposante, et on disait que rien n'échappait à l’œil de ses Officiers, choisis par le roi en personne en raison de leurs compétences. Et si par soucis d’ordre illicite ils choisissaient de se dérober à cette règle, alors ils auraient à leurs trousses, en plus des Officiers chargés de l'ordre et de la maintenance du Port, l'Amirauté de la Marine Militaire. Ce qui évidemment ne serait pas bon pour la suite, surtout avec le petit navire sur lequel ils envisageaient de prendre la mer. Phadria Mary Red abandonna donc aux Officiers le nom inscrit sur la coque du navire, à savoir l'Ankor, et s'acquitta personnellement de la taxe qu'ils devaient. Les complications survinrent lorsqu'elle dû donner son nom. Qu'à cela ne tienne, elle en inventa un. Cora Colton. De Tanequil, ajouta-t-elle après un clin d'oeil à l'Officier du port. Après tout son navire avait été déjà enregistré avant de mouiller à Karak-Tur, et elle venait de s'acquitter de la dette avant de le quitter, il n'y avait pas donc aucune raisons à ce que l'homme en face d'elle ne l'importune outre mesure. Ce dernier approcha une lanterne faiblarde près d'une feuille jaunie longue de plusieurs dizaines de centimètres, qu'il semblait consulter du regard.

- Ca n'est pas le nom du Capitaine enregistré pour l'Ankor, lâcha-t-il en étouffant un bâillement.
- C'est pourtant le mien, lui assura Phadria Red.

Ce n'était pas le tout que de quitter Karak-Tur en règle afin de s'éviter quelques ennuis par la suite, il fallait également s'assurer d'atteindre les Marches d'Acier en un seul morceau. Après plusieurs minutes de parlementage -Phadria résista à l'envie de céder à l'Officier une pièce d'or dans le but de faire cesser ses questions, car il aurait pu prendre ce geste pour celui d'une criminelle ayant quelque chose à cacher- l'Ankor fut autorisé à quitter Karak-Tour. Sous l’œil de la Marine Militaire et de l'Amirauté qui jamais ne dort, l'Ankor avec à son bord Sélanæ la libératrice d'esclaves, Argog l'Orc, son compagnon l'Ogre et l'espèce de chat géant qui leur servait visiblement de familier, une cale emplie d'esclaves, un mercenaire Gobelin ainsi qu'une pirate entama sa course lascive vers l'horizon sous une lune pleine.


~


Plus tard, Phadria Red hésita un peu avant de se lancer plus avant. Elle qui avait vu de ses yeux la Reine des Mers et connaissait les usages marins, savait qu'il était de fort mauvais augure de prendre la mer sans avoir au préalable honoré la déesse. Elle ne se sentait néanmoins pas le devoir de demander à Sélanæ de jeter l'ancre si tôt après leur départ -pas même une heure- alors elle entreprit de déclamer en son cœur une prière silencieuse, mais bien sincère. Elle ne put l'achever pour s'assurer de la candeur de ce voyage, que Sélanæ vint la trouver. A son visage, Madame Red vit tout de suite que la jeune femme avait pleuré. Son mal était-il présent à bord ou bien venait-il de bien plus loin ? Elle n'aurait su le dire. Elle interrompit ses dévotions comme Sélanæ venait lui parler : leur conversation s'enchaîna et elle en oublia presque ses petits soucis personnels envers la Déesse.

« Dis moi donc ma belle, lui demanda-t-elle après plusieurs échanges, pourquoi les Marches ?
- C'est l'un des seuls endroits de Ryscior où ils pourront vivre leur vie en paix, lui répondit son interlocutrice les cheveux au vent, l'esclavage y est aboli.

Phadria était immobile concentrée sur le bois dans ses paumes et la mer autour d'elle. Tout lui semblait si parfait.

- Aye, oui possible. Je suis déjà allée dans les Marches, mais je ne me souviens plus de ce détail.

Elle ajouta en souriant, sans détacher son regard émeraude du lointain manteau de vagues et d'écumes qui gonflait son cœur de joie.

- Bon, en tout cas nous sommes sur la bonne route. Tu devrais aller dormir un peu, le voyage sera long...et pas forcément très paisible.

Nul marin ignorait cette histoire. Celui du Capitaine Bartolomey, qui, un peu trop pressé, avait quitté Argenterie sur son trois-mâts à huniers, lourd de près de mille tonneaux de rhum, sans honorer Ariel ni même demander la présence d'une prêtresse à son bord. Moins d'une nuit qu'il était parti le Capitaine Bartolomey, et une tempête jamais vu s'était levée sur son vaisseau. Moins d'une heure qu'il naviguait, et il avait déjà été coulé. Tous les pirates se racontaient cette histoire, en l'enjolivant de différentes et plus ou moins belles façons selon l'orateur ! L'on avait coutume de clore ce chapitre poing sur le cœur en récitant "Yo ho ho Cap'taine Bartolomey. Au moins vous avez tout ce bon rhum pour l'éternité afin de pas vous ennuyer !"

- Avec les ronflements que fait l'Orc je ne suis pas prête de dormir, je préfère encore rester ici et apprécier la vision de cette si belle lune. Dis moi, tu as l'air inquiète ?
- Disons que j’apprécierai moyennement qu'on se mange un ou deux grains sur la coquille après notre départ précipité du port. La Garce des Profondeurs se fiche pas mal de ce que transportent les navires qui prennent le large sans l'honorer avant. Mais bon, hauts-les-cœurs comme ils disent ! Je priais un peu tout à l'heure. Ça devrait aller.
- A vrai dire c'est la première fois que je pose le pied sur un bateau, ajouta Sélanæ en jetant un regard bâbord.

Phadria sourit et la claque qu'elle octroya dans le dos de Sélanæ dû avoir son petit effet.

- C'est triste d'avoir attendu autant de Tours avant de te décider à naviguer ! Combien exactement ?
- Oh, tu veux savoir mon âge ? Dix-sept.
- Mais t'es encore une gamine !

Madame Red partir alors d'un rire franc comme elle se pliait presque en deux sur la barre. Néanmoins rien de bien mauvais à son intention.

- C'est pas que j'trouve que tu fais physiquement vieille hein, ajouta-t-elle comme pour s'excuser, mais cette armure...et tes lames. C'est peu conventionnel quand on a dix-sept Tours !
- Parfois Finil pose une arme dans ta main. Et alors tu te dois de grandir plus vite.  
- Ma foi, c'est joliment dit. Ça se défend.

Un silence vint s'imposer entre les deux femmes. Ce qui en faisait l'importance était justement la sonorité régulière des vagues du grand large venant buter contre la quille de l'Ankor. Des goélands passèrent dans la voûte céleste au dessus de leurs têtes en piaillant comme pour rendre hommage à la mer et ses caprices.

- Tu veux prendre la barre un instant ? demanda Phadria Red à Sélanæ, conscience de l'aspect quasi sacré de cet instant pour tout pirate.

Sélanæ accepta sans trop qu'on eut nécessité à la forcer. Durant ces quelques minutes que cela dura, Phadria Red observait les eaux, se délectant des caresses du vent du large sur son visage ambré.

- On peut dire tout ce qu'on veut du sale caractère d'Ariel, mais ses territoires sont magnifiques...
- A vraie dire cette vue me rappelle beaucoup mon enfance à Khamsin. En fin de comptes ces vagues ne diffèrent pas tant des dunes aux alentours de ma cité. Lothyë et Ariel doivent avoir un sent esthétique commun.

Putain, pourquoi on en arrive encore à parler de ça. Quelle était le putain de pourcentage de chance pour que cette donzelle-ci vienne de la cité que le Galion a pillé ? La cité que j'ai moi même mise à sac. Un frisson l'assailli bien malgré elle. Merde merde merde. Surtout ne change pas d'expression Phadria, parle d'autre chose.  Il ne faut pas qu'elle sache...


- Moi j'viens du nord, lâcha-t-elle sans réfléchir -ce qu'elle regretta aussitôt-. Des Îles de Jade pour être exact.

Phadria Red ne concevait point de besoin de parler de soi à autrui, mais là les mots avaient jaillis presque tout seuls de ses lèvres. Et comme elle les regrettait, des images toutes neuves, mais également fort anciennes, semblèrent venir danser devant ses yeux émerveillés.

- Que j'ai quitté il y a plus de dix Tours maintenant.
- Ça ne me dit rien.

Cet instant-là, Phadria Red ne trouvait nulles entraves au fait de partager de vieux souvenirs, car elle songeait moins à sa réputation rougie par le sang et marqué du fer de la piraterie. Elle avait des yeux pour revoir les merveilles du passé, et une voix pour les partager. Ce fut la première fois en dix Tours.

- C'est la plus belle région du monde, je le sais ! Les nuits d'hivers, lors de la Dernière Lune, alors que les étoiles sous un ciel miroir d'océan semblent se perdre derrière les cimes et les cols des défilés boisés, on peut parfois y voir un arc-en-ciel de lumière à la naissance de l'aube ! Une sorte de truc boréal, que mon père disait.

Elle sourit à l'évocation de ce vieux souvenir.

- Putain, que c'était beau par les enfers !
- Au nord dis-tu ? Plus loin que Nova je ne connais pas les cartes. Les aurores boréales ? On dit que ce sont les âmes de Canergën qui sont autorisées à revenir voir la terre pour une nuit et s'assurer que leurs proches sont en paix.
- Par chez moi, répondit Madame Red avec le bruit admirable d'un rire léger, on disait que c'était le regard d'Elué sur Athor. Mais les vieux marins aimaient à dire que c'était aussi un signe de Finil à l'attention des familles des personnes en mer. C'était un très bon augure !
- Je suis une fille du Sud, reprit Sélanæ, je ne connais même pas Elué. J'ai par contre juré allégeance à Lothyë.
- Aaah, ce bon vieux Lothyë, sourit Phadria.
-  Tu dis être restée loin de chez toi plus de dix Tours ? C'est bien long. Jamais tu n'as pensé à retourner sur tes terres natales ?
- Jamais, non. Enfin, peut être une ou deux fois.

Comme Sélanæ semblait insister auprès de Phadria Red, incapable de se faire à l'idée qu'une personne pouvait passer tant de temps si loin de chez elle, Phadria se tourna vers elle, lentement. Elle souriait toujours, mais ce sourire là demeurait un  brin crispé.

- Ce que je vais te dire petite, je ne l'ai jamais dis à personne d'autre avant toi. En réalité je suis déjà retournée dans les Îles de Jade, il y a peut être cinq Tours.

Dans ce moment d'oubli d'ambition comme elle s'arrêtait, Sélanæ paraissait suspendue aux lèvres de la pirate qui poursuivit, effleurant de ses doigts le tatouage rouge représentant un crane et des tibias entrecroisés sur son épaule gauche.

- Le Galion sur lequel je servais avait décidé de mener une attaque sur l'Île d'Eudézée. Il voulait y faire le raid de Port-Dual. Port-Dual, c'était le plus grand marché des Îles de Jade, capable de rivaliser même avec celui de Tanequil. Vois-tu Sélanæ, pour la plupart des gens les Îles de Jade est en fait le nom donné à un archipel regroupant sept terres, l'Île de Tanequil, l'Île de Feoh, l'Île Verte, l'Île d'Odam, l'Île de Bay, l'Île de Valaam et l'Île de Kaer. Mais en réalité, il existe une multitudes d'autres petites îles, leurs noms ne figurent souvent même pas sur les cartes d'ailleurs. Mais elles font partie de l'Archipel, au même titre que Tanequil et les autres ! Il s'agit souvent d'îlots peu grands, et surtout pauvres. La population est composée essentiellement de pêcheurs. L'île d'Athor fait partie de celles-ci. Et l'île d'Eudézée est une grande cousine d'Athor. Sa principale réputation et richesse lui vient de son marché, réputé dans toutes les Îles de Jade : Port-Dual. Il a lieu une fois par mois. Moi, j'ai grandie sur Athor, mais chaque mois je me rendais avec mon père et mes frères à Port-Dual sur Eudézée, c'était un voyage identique et pourtant unique à chaque fois, tu vois l'genre ? Alors quand le Galion Déité a laissé tomber qu'on allait mettre Port-Dual à feu et à sang ça m'a fait...un peu un choc. Le Galion a fédéré l'aide d'un autre galion, barré par l'Ondinois* qu'on l'appelait, un Capitaine pirate assez connu dans le milieu. Leur stratégie d'attaque était simple, on allait attaquer par la crique au nord, et le port d'Eudézée, au sud. Les habitants de l'île étaient tous des putains de pêcheurs ou de commerçants, ils ne savaient pas se battre là bas ! Puis il y avait le marché et ses visiteurs ; il accueillait parfois de riches acheteurs. Toujours était-il que le plan d'attaquer Port-Dual sur deux fronts était bon, et nous étions plus de trois cents flibustiers bénéficiant de l'effet de surprise. Du coup, je n'avais pas vraiment mon mot à dire. Le marché de Port-Dual s'étendait haut en couleurs et en commerces sur des kilomètres.

Un silence, de nouveau. Phadria remarqua que Sélanæ l'observait avec une expression sur le visage stupéfaite. Comme si Ariel venait de se matérialiser sur le pont de l'Ankor.

- Attends une minute...Tu es en train de me dire que tu as attaqué ton pays natal ?

J'aurai dû fermer ma grande gueule putain.

- Qu'est-ce que j'ai l'air de vouloir dire ?
- Mais...Pourquoi avoir fait ça ?!
- Il n'y a pas beaucoup de place pour les beaux sentiments dans ma profession.
- Tu aurais très bien put quitter le bateau ! Tu as le pouvoir de décision, la liberté, ça te dis quelque chose ?!
- Oui.

Phadria voulut fort s'éloigner de ces souvenirs. Elle prit le temps de clore les paupières avant de les rouvrir.

- Et j'ai fais ce que je devais faire en connaissance de cause. Et puis toi non plus j'ai du mal à croire que tu sois blanche comme neige Sélanæ. Cet or avec lequel tu m'as payé ça n'était sûrement pas les restes d'un héritage parental.
- Cela n'a rien à voir ! Bien que j'ai dû voler pour vivre, je n'aurai pu trahir mon pays.
- Je n'ai trahi personne. Appelle ça plutôt..."voler pour vivre".
- Voler sa propre patrie, j'appelle ça une trahison.
- Nous n'étions pas des brutes tu sais. Ça a été fait proprement...Plus ou moins.

Le plus grand mensonge de Phadria à ce jour, tant qu'il lui brûlait la bouche. Elle revoyait encore les bicoques des pêcheurs sur le port incendiées, les femmes violées à même le sol, les échoppes de bois constellées de tâches de sang. Elle entendait encore Phadransie La Noire hurler le "Pas de quartier !". Les pirates, tels des chiens affamées de chairs et assoiffés de sang, n'avaient laissé aucune chances à leurs victimes. A ce jour, il ne devait rester plus guère de choses de l'Île d'Eudézée. On l'avait d'ailleurs renommée l'Île Affliction.
Alors que Sélanæ la scrutait de ses yeux verts, tant emplis d'innocence qu'ils la faisait paraître pour le pire des monstres, Phadria n'aspira pas à argumenter davantage afin de défendre ses actes passés. Qu'est-ce qu'une vie de richesses et de rhum après tout, mise en balance par Canergën, avec une éternité de délices ou une éternité d'huile bouillante dans les enfers ? Putain, elle en avait marre.

- Je vais me coucher. Garde le cap. Et si t'as un soucis tu hésites pas. »

Sans un mot, Phadria Red s'éloigna et gagna sa cabine. Elle balança son tricorne sur les draps sans une once de délicatesse, ôta ses bottes et s'allongea. L'on aurait pu penser qu'une plaie trop maladroitement bandée venait de se rouvrir d'un seul coup. Fait chier.


~


Tombaient sur les pieds nus de Red des petits copeaux de bois par centaines. N'ayant point réussi à trouver le sommeil, assaillie par d'anciens souvenirs sortis tout droit du tiroir le plus poussiéreux de sa miroir, Phadria avait entreprit de faire quelque chose qu'elle avait cessé de faire depuis plus de dix Tours : sculpter. Ho, pas un chef-d'oeuvre bien sûr, de plus elle ne disposait pas des instruments nécessaires à une telle création, mais munie d'un bout de bois dégrossi et d'une lame, elle savait se débrouiller. Les gestes lui revenaient, comme instinctifs. Comme si depuis toujours ils étaient parqués de force au fond de ce tiroir, et à présent qu'une force invisible l'avait forcé et ouvert, il fallait qu'ils se manifestent. De son couteau, elle laissait tomber de copeaux, encore et encore. Bientôt naquit entre ses doigts un petit navire de la taille d'une main, fait dans ce qui semblait être du tilleul. Phadria Red contempla plusieurs minutes son oeuvre, comme un artiste l'aurait fait lui-même. Les coups de lame étaient grossiers, les angles non travaillés, et la proue ratée. Mais tous auraient reconnus au premier coup d’œil la forme d'un navire à trois mâts. Alors, lentement, Phadria Red défit les attaches du hublot de sa cabine et après une pensée pour la grande Garce des Océans, quoique brève, lui fit don de sa création. Ainsi, ils devraient être tranquilles pour le reste du voyage.

Exténuée, elle se laissa glisser dos contre le mur, et le visage posé sur les genoux entre ses bras, parvint enfin à s'endormir.

L'aube éclairait déjà la chevelure des Grand'Eaux.



Spoiler:
Mar 15 Déc 2015 - 20:27
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Argorg Uktathagh
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Premier Orc de Ryscior
Argorg Uktathagh
Plusieurs jours sont passés depuis qu'ils étaient partis du port de Karak-Tur. Les journées étaient longues et monotones. Seul le bruit des vagues, l'odeur de la mer, et les mouvements du navire. Jamais Argorg ne s'était autant ennuyé. Il tentait parfois d'ouvrir le dialogue avec la jeune Sélénae ou Phadria Red mais cela ne donnait jamais vraiment lieu à des échanges passionnants, quoique la pirate restait plus ouverte et une meilleure compagne d'aventure que Sélénae. Elle devait désespérément croire que les peaux vertes étaient tous des brutes sans cervelle ou des monstres, vu les regards qu'elle lanceait à Sirk, Plagt et Argorg. Il ne parlait que rarement avec le gobelin qui restait souvent seul à observer l'horizon ou à aiguiser sa dague. Attila et Plagt, eux, tournait en rond. L'ogre et le tigre devaient se sentir à l'étroit sur un si petit espace, sans pouvoir courir à leurs envies.
Le seul vrai point positif était que quelques esclaves affranchis avait bien voulus sortir de la cale. Une mère et son nouveau-né, une petite fille et un vieil homme soutenu par un jeune homme qui devait être son petit-fils. Le reste était encore trop brisés ou trop effrayés pour sortir. Seul la petite avait daigné approcher de l'orc, et elle fut suivi par le vieil homme et son petit-fils. Leurs nom étaient Mia, Jiron (le vieil homme) et Kaleb (le jeune homme). La mère, elle, préférait garder ses distances avec Argorg de peir qu'il mange son enfant sans doute.

Argorg se réveilla comme tout les autres matins avec l'odeur du sel marin et le son des vagues frappant légèrement la coque du navire. Il entendit des goélands voler au-dessus d'eux. Il décida de prendre son arc et de tirer les oiseaux bruyant: il en toucha 3 sur 5 et chacun tombèrent sur le pont. Il les leva fièrement en proclamant:
"Voilà de la viande fraîche !" Il s'empressa d'aller les préparer pour ses compagnons, et ceux-ci trouvèrent que les goélands avaient un goût de poulet: une nouvelle victoire pour le cuistot qu'il était.
Plus tard, Argorg vit Attila s'agiter en train de renifler l'air et de gronder contre l'horizon. Il en parla à leur capitaine:
"Il se passe quelque-chose par là-bas. *en désignant la direction où Attila grondait*
-Ton chat s’excite contre l'horizon. Et alors ? *fit-elle d'un œil circonspect*
-Il ne gronde que quand il sent un danger ou une force ennemie. Tu ferais mieux de vérifier avec ta longue-vue. Je n'ai pas d'aigle sous la main, si tu vois ce que je veux dire.
Elle ne releva pas le sarcasme et regarda dans la direction indiqué par le tigre.
-Qu'est-ce que...? *elle regarda l'orc dans les yeux avec une mine étrange* Un navire approche.
Le sang de l'orc ne fit qu'un tour et il hurla de toute ses forces au reste de l'équipage : "NAVIRE EN VUE !!"

Le navire en question était un navire d'esclavagiste. Le capitaine exigea au navire de Phadria de s'arrêter ou alors il devrait les considérer comme des ennemis. Il les invitas ainsi sur son navire. Sélénae se retenu de sauter immédiatement à la gorge des contrebandiers. Le capitaine du navire était un homme qui semblait noble, mais juste par ses vêtements riches. Il était hideux, sale et particulièrement vulgaire. Ses hommes n'étaient guère mieux. Ils semblaient tous avides de sang et de viols. Le capitaine commencea l'échange:
-Bien le bonjour mesdames ! *avec un sourire malsain qui s'ensuivit par un regard vers les peaux-vertes* Je voit que vous avez des esclaves peaux-vertes. Méfiez-vous, ils sont coriaces à brisés et aptes à violer vos délicates personnes *un filet de bave descendit le long de sa bouche et il fixait d'un air lubrique les deux femmes*
-Merci de vous inquiéter pour nous, mais nous contrôlons ces gars-là *dit Phadria en tapotant le torse d'Argorg pour montrer son "dressage"* Ils nous sont "fidèles". Ce serait à vous de vous méfiez. Que faites-vous donc en mer ?
-Nous transportons des esclaves, pardis ! *il fit amener une jeune fille blonde et l'attrapa par les cheveux* Vous en voulez ? C'est de la bonne marchandise. *ajouta-t-il avec un sourire malsain*
La jeune pirate semblait aussi à bout de cette mascarade qu'Argorg ou Sélénae.
-Tu ferai mieux de la lâcher sale porc ! *cria Sélénae au capitaine tout en agrippant la poignée d'une de ses épées*
-Du calme Sélénae. *dit Phadria tout en se mettant entre elle et l'esclavagiste, et elle reprit au capitaine* Désolée de son attitude. Elle est un peu... Émotive. Mais revenons à nos affaires. *elle sortit une pièce, une de 8* Vous voyez ça ? C'est notre laissez-passer. Alors ? Vous en dites quoi ?
Lun 21 Déc 2015 - 17:03
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Triss Miders
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Mélodie à la gloire de la déesse
Triss Miders
Bien avant l'attaque

Voyant qu'elle partait, Triss ne put s'empêcher de réagir. Elle n'allait pas oser laisser partir Phadria sans elle. Elle pouvait prendre ses affaires mais elle n'avait pas grand chose. Sa bourse et son luth était sur elle. Le reste était quelques affaires mais pas grand chose. Elle pouvait s'en passer, par contre pas d'elle. Elle décida de sortir pour la suivre mais sans se faire remarquer. Elle allait utiliser ce qu'elle avait appris pour survivre sans mourir face aux prédateurs. Elle la suivit jusqu'à un bateau. D'ailleurs elle n'était pas seule, il avait avec elle un orc, une femme et encore d'autres personnes. D'ailleurs elle reconnaissait la femme, c'était celle de la taverne ayant essayé de s'approcher de Phadria. C'était pour cela. Elle n'en savait rien enfaîte.
Voyant qu'ils chargeaient tout sur le bateau, elle profita de cela pour monter sur le bateau et de se cacher derrière une caisse, dans l'ombre à attendre. Etant trop occupé à charger, ils ne rendirent compte de rien. 
Quelque temps après, après que tout fut chargé, Phadria partait, surement dans sa cabine. Elle la suivit en toute discrétion et au moment où elle entra dans une pièce, qu'elle ne ferma pas toute suite, elle entra d'un coup et posa son luth alors qu'elle était retournée et sauta sur Phadria en la plaquant contre un mur. 

- Tu dis un mot, je te tue.

Elle voulait faire semblant de mettre une pression comme si elle avait une arme alors qu'elle n'avait rien du tout.

- Tu parles que quand je le dis. Tu as compris?

- D'accord d'accord. C'est quoi ton soucis la barde ? dit-elle pas du tout effrayé par la situation.

- Tu es prête à me couvrir? Je fais partie du voyage que tu le veuilles ou non.

- Ah oui tiens c'est vrai, qu'est-ce que tu fous là en fait ? Ça t'excitait de te la jouer clandestine ?

- Comme tu vois, je suis ici et pas tant que ça en clandestine. Comme tu peux le voir, j'ai une cabine. Tu es sur la même onde que moi? dit-elle sans changer de ton, un ton calme mais montrant qu'elle gère la situation.

-Heu...Non. Déjà j'apprécierai que tu lèves tes sales mains...de moi !

Tout en disant ça elle pousse violemment Triss sur le coté pour se dégager du mur.

- Bien. Tu m'excuseras mais j'ai horreur qu'on me presse ou qu'on m'accule. Maintenant tu peux causer, je t'écoute. Sans doute on va pouvoir "s'aligner sur la même onde".

Triss atterrit sur le sol sans n'avoir pu résister à Phadria. En même temps qu'espérait-elle? Elle devait surement avoir beaucoup plus de force qu'elle. Elle qui ne s'entrainait jamais et Phadria qui devait le faire tous les jours lorsque qu'elle était en mer.

- Je veux rester, de toute façon, c'est trop tard pour revenir en arrière. Après c'est toi qui décide si tes amis seront au courant ou pas.

- Cool. Tu pourras jouer de la musique, dit-elle en souriant.

- Tu penses vraiment qu'ils vont accepter quelqu'un comme ca? Une clandestine qui vient comme ci de rien n'était?

- J'étais ironique.

- Alors on fait quoi? Je peux facilement me balader sur ce bateau le soir. Vous faites attention à rien.

Elle se releva et se dirigea vers la porte de la cabine pour la fermer. Elles seraient ainsi tranquille.

-Ouais. Et pour te nourrir ? J'imagine que tu piocheras dans les réserves destinées aux esclaves. A ce rythme ça ne sera qu'une question de jours avant que Selanae ne te choppe à bord, le navire n'est pas bien grand. Après ça je ne donne pas cher de tes chances de te faire "accepter" auprès d'elle. 

Elle croise les bras en détaillant Triss.

- On va signaler ta présence. Et le premier qui trouve y redire je lui éclate les dents.

- Attendons demain matin le temps qu'on soit loin de la terre pour que le retour ne soit plus possible. En attendant, je vais attendre ici. Toi tu fais ce que tu veux.

- Pourquoi tu m'as suivi jusqu'ici la barde ?

- J'ai mes raisons. Je te le dirais peut être lors du voyage.

- Tu attends quelque chose de moi ?

- Tu verras. Il a plus important pour le moment.

- Tu es quand même a mon bord l'amie, alors si tu ne me donnes pas tes raisons sur l'heure je jure par Ariel que je pourrai te les arracher de force. Je suis une pirate, ne sous-estime pas mes méthodes, car moi je ne guère enchanté des tiennes.

- Tape moi si tu veux mais cela ne changera rien à ma réponse. Tu ne sauras rien. C'est tout. Si tu es pas content, tape moi.

Elle se mit devant Phadria et la regardait dans les yeux.

Phadria ne dit rien en observant Triss puis lui tourne le dos et rouvre la porte

- Tu iras tenir les autres au vent de ta présence à bord dès demain matin. En attendant tu peux dormir dans ma cabine, tu n'y seras pas embêtée.

- Merci.

- Ne me remercie pas. Si j'apprend que tu t'es foutue de ma gueule Triss, je te jure que tu passeras par dessus bord.

Voyant qu'elle serait tranquille, elle se coucha sur le lit de la cabine et s'endormit parce que Phadria partit. Elle laissa le soir l'emporter et c'est comme ça qu'elle se retrouvait sur ce navire.
Ven 25 Déc 2015 - 21:38
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Sélanæ d'Harmattan
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Briseuse de chaînes
Sélanæ d'Harmattan
Le soleil frappait fort en ce début d’après-midi sur le pont de l’Ankhor. Mais sur les flots calmes de la mer intérieure que leur avait offerts Ariel, ce n’était pas la chaleur qui se montrait la plus affligeante mais bel et bien l’ennui.
Mes dieux qu’il n’y avait rien à faire : on se levait à l’aube et on attendait que le soleil se couche, voilà à quoi se résumait les journées de ces cinq compagnons d'infortune qui avaient pris la mer trois jour plus tôt.
    Sélanæ s’était placée à l’avant gauche du bateau, à l’écart des trois peaux vertes et du tigre qui profitaient de la paresse d'Elue en cette saison pour s'adonner à une petite sieste au Soleil. Assise  à cheval sur le bastingage, une jambe sur la rambarde et dos à la proue, Sélanæ aiguisait pour la énième fois son épée Espoir, ses cheveux ondulés flottant au grès des embruns. Le sel de l’air marin leur avait donnée cette texture gonflée et épaisse si caractéristique des filles du Sud qui aurait fait pâlir jusqu'à la princesse Dayla.
    Mais voilà,  parfois féminité et travaux manuels ne font pas bon ménage et en cet instant, ses mèches indomptables la gainaient à concentrer sur l’affûtage de ses lames. Elle sortit alors de la poche intérieure de son corset un turban qu’elle glissa entre ses dents, puis elle redressa la tête et passa ses mains dans ses cheveux afin de les attacher en amont de sa nuque nue.
    Un peu plus loin devant elle, au centre du bateau, elle aperçut Phadria qui menait la barre avec des mains expertes. La pirate détourna la tête et leurs regards se croisèrent. Celle-ci la regardait avec ce petit malicieux qu’elle arborait à chaque fois, que Sélanæ n'avait vu chez personne d'autre et qu'elle désaffectionnait particulièrement,  comme si elle connaissait des anecdotes secrètes dont elle seule était au courant et qui semblaient se refléter dans le pétillement de ses yeux verts.
Depuis le départ précipité du port de Kark Tur, et leur discussion au clair de lune, les deux femmes ne sétait plus beaucoup parler.
    Bien que Phadria ait été enclin à engager plusieurs fois la conversation, Sélanae avait préféré couper court, et ce à chaque fois.  Elle n’avait que très peu apprécié l’opinion que cette dernière avait sur l’esclavagisme  et surtout la manière dont elle l’avait dit.
« Les Dieux ont crée Ryscior pour qu'il y ait des forts et des faibles et c'est dans l'ordre des choses que les premiers prennent le dessus sur les autres » avait-elle dit d'un air si détaché qu'on eut dit qu'elle parlait de ses courses de la veille.
Sélanæ serra les dents, et fila trois tours de main pour se faire une queue.
Après tout elle n’en attendait pas moins d’une pirate. Et puis voilà, de toute façon c’était une PIRATE, et on ne fait pas confiance aux pirates, Sélanae ne le savait que trop. Après qu'elle l'ait amené aux Marches d'Acier, leur chemin se séparerait et elle n'entendrait plus jamais parler de Mademoiselle Phadria Red. Et durant ce voyage, moins elle lui parlerait et mieux ce serait.
Pourtant depuis ce matin, cela faisait plusieurs fois que Sélanæ avait surpris Phadria entrain de l'observer  et cela en devenait gênant.
Qu’est ce qu’elle me veut celle là, pensa Sélanæ.
Tout à coup, comme si Phadria avait entendu ses pensées, celle-ci bloqua la barre descendit les trois petites marches menant au point et se dirigea d’un pas décidé vers Sélanae, celle-ci evita son regard et se remit à affûter sa lame précipitamment. Elle se maudit d’avoir attaché ses cheveux qui faisait une si bonne barrière face à la pirate vêtue de rouge.
« Hé l'amie !  C’est une bien belle lame que tu as là, dit elle en arrivant à son niveau, mais tu devrais arrêter de l’aiguiser ou avant que l’on ne remette le pied à terre elle sera aussi fine que du papier à cigarette, dit elle en rigolant.
- On ne sait jamais quand le danger peut frapper, répondit Sélanae d'un ton glacial. Et quand il frappera je veux être parée. Maintenant si tu n’as rien d’autre à me dire, j’ai besoin de me concentrer. »
Devant cette réponse pour le moins expéditive, Phadria se tourna vers son camarade Orque de l’autre côté du pont qui avait ouvert  un oeill .
« Elle est toujours comme ça ? » dit-elle en remuant silencieusement les lèvres tout  en désignant Sélanae de son index .
L’Orque hocha tête en haussant les epaules.
Phdria pinca les lèvres puis rajusta son tricorne craquelé par le sel.
« Relax bébé, je trouve que c’est une belle arme que tu as là voilà tout.. Peut être que tu voudrais me montrer ce que cette épée a dans le ventre ? dit-elle avec un sourire.
A ces mots Sélanae arrêta net son geste, tête toujours penchée sur sa lame.
- Tu me proposes un duel ? dit elle sans prendre la peine de regarder son interlocutrice dans les yeux.
- Un duel ? Nooon, je dirait plutôt un match amical ! Au premier sang ça te va ? dit-elle en crachant dans sa main avant de la tendre vers Sélanae.
Phadria entendit alors ce qui ressemblait à un rire s’échapper de cet amas de mèches de cheveux.
- Bah quoi ? qu’est ce qui te fait rire dit-elle en retirant sa main.
Selanæ essaya de se contenir en plaçant une main devant sa bouche, mais c’était plus fort qu’elle, elle était morte de rire.
- Excuse moi ! dit-elle en retrouvant son calme – elle essuya une larme de son index- mais si j’était toi je retournerai à la barre. Maintenant si tu veux bien ...
Tout à coup Phadria jeta son épée vers le sol dont la lame vint s’enfoncer droite comme un piquet dans une des lames du pont, jetant un froid glacial sur le pavillon et effaçant au passage le sourire de la belle Selanæ.
- Ecoute ma mignonne, en vingt-sept tours jamais personne n’a refusé un combat à Phadria Red et c’est sûrement pas une morveuse de dix-sept tours qui va être la première. Tu sais te battre, je le sais et je le vois, alors je ne te demande pas grand-chose : lève ton petit cul de cebastingage et affronte moi, dit la pirate en appuyant une main sur la cuisse cuirassée de Sélanae, son visage presque collée contre le sien.

Sélanae releva lentement la tête et plongea ses yeux turquoises dans ceux de Phadria.

En un battement de cil, la lame de Sélanae fendit l'air en direction de Phadria, mais la pirate, comme elle s'eut attendu à cette réaction récupéra son épée en une cabriole arrière et rattérit un mètre plus loin, esquivant au passage l'attaque perforante de la guerrière. Elle se remit en garde, souffla une mèche de cheveux de devant ses yeux et haussa par deux fois son sourcil.
Sélanae se rua de nouveau sur la pirate en poussant un cri de guerre : elle l'avait provoqué ? Elle allait voir à qui elle avait à faire.
Les deux épées s’entrechoquèrent dans une gerbe d’étincelles sous les regards ébahis de l’orque, de l'ogre, du gobelin et même du tigre paresseux qui avait daigné ouvrir un œil pour ne rien manquer du spectacle qui se jouait devant ses pupilles fendues.
Sélanae profita de l’élan emmagasiné en fonçant vers la pirate pour la faire reculer inexorablement vers la poupe. Les coups de la guerrière étaient d’une rapidité telle que Phadria ne pouvait placer aucunes estoques, celle ci était réduite à parer et reculer, reculer et parer.
Seulement la pirate n’était pas bête et lentement mais sûrement, elle entraînait Sélanae vers le mat. Au moment où Sélanae s’apprêta à lancer une attaque circulaire dévastatrice, Phadria se baissa au dernier moment et la lame de la belle aux cheveux châtains alla finir sa course dans l’édifice en bois dans une explosion d’échardes.
Phadria, fit un léger bond sur le côté et profita de ce temps mort pour reprendre un peu son souffle.
Sélanae se débattit en jurant avec son épée pour l'extraire du mât, mais rien à faire elle était coincée. Craignant que la pirate ne profite de ce moment de faiblesse pour contre attaquer, celle-ci préféra laisser sa protégée dans le creux du mat et dégaina son autre lame, moitié plus longue que la première. Elle la fit tourneoyer avec abilité dans sa main droite tout en se rapprochant lentement de Pharia, celle-ci reculant prudemment pour garder une distance de sécurité avec la guerrière .
« Hé petite, n’oublie pas que c’est un combat amicale héhé, d’accoooord ?! »
Son dernier mot se transforma en une sorte de cri au moment où Sélanae se rua sur elle. Une fois de plus les lames s’entrechoquèrent et fusèrent à la vitesse de la lumière dans un concert de tintements métalliques qui firent crisser les dents des spectateurs à pustules.
Rahh elle pare bien la garce !
Sélanae poussait toujours plus Phadria vers le bastingage.
Maintenant !
Au moment où le dos de la pirate buta contre le bastingage Sélanæ lui assainit un coup circulaire qui l’obligea à se contorsionner en arrière, : pliée en deux contre la rambarde, seul le bas de son corps demeurait encore sur le pont, son buste étant carrément à l'extérieur du bateau.
ET MERDE ! Elle ne va pas esquiver mes attaques à chaque fois !!
Phadria sauta alors avec une agilité féline sur la rambarde mais c’était sans compté sur Selanæ qui ne se fit pas prier pour la rejoindre, modifiant un peu les plans de la pirate qui perdit tout à coup son air suffisant.
S’en suivit un duel de funambule, une lutte acharnée, à la fois et bien sur pour prendre l’avantage mais, et surtout pour se maintenir en équilibre sur la main courante de trois pouces qui se tenait sous leurs pieds.
Sélanae, infatigable continuait harceler la pirate d’assauts venant tantôt de bâbord, de tribord, du ciel, de la terre, circulaires, croisés, des estoques et des coups droits ... C’eut été comme si elle avait voulu donner une leçon d’escrime à la pirate qui ne savait plus où donner de la tête.
Phadria parvenait tant bien que mal à parer l’épée qui louvoyait devant ses yeux quand brusquement sa botte glissa sur la rambarde, pendant le court instant où son réflexe myoatique l’obligea à tendre les bras pour retrouver l’équilibre -et ne pas passer par-dessus bord-, Sélanae en profita pour lui asséner un coup de pied retourné qui frappa la pirate en plein dans les cotes, l’envoyant s’écraser contre les lames du pont.
En un petit bond Sélanae attérit avec légèreté sur le pont, elle n'eut qu'à faire trois pas pour arriver au niveau de la pirate et pointer son épée à quelques centimètres de son visage quand tout à coup, elle sentit sa cheville se dérober et sa tête frappa violemment le sol.
En moins de temps qu’il ne fut pour le dire la pirate l’avait fait basculer, se saisissant au passage de son épée, ce qui ramenait au nombre de deux les armes qu’elle pointait à présent vers elle.
En une demi seconde, la situation s’était inversée, du tout au tout, en défaveur de la guerrière.
« Ouch ! dit Sélanae en se frottant l’arrière de la tête.
- Waouh, murmura l’orque, ces filles là son encore plus acharnées que des Orquettes en chaleur ! 
- Désolé Sélanae mais je gagne toujours ! dit-elle toujours avec ce même sourire en coin qui commençait serieusement à la faire chier. Elle rangea son épée dans son fourreau et lui tendit sa main droite.
Sélanae jugea quelques secondes la situation, alternant son regard entre le visage de sa rivale et la main incertaine qui se présentait à elle.
Au final elle lui rendit son sourire et accepta son aide.
- Moi je le sens pas’’ siffla le gobelin entre ses dents pointues.
Quand elle fut debout elle fit un grand sourire à la pirate ; avant de lui envoyer une droite en pleine en tête qui l'éjecta face contre terre. Celle-ci se remit sur le dos en s’appuyant sur un coude, sonnée.
- Désolé Phadria, mais c’était un combat au premier sang, tu l’avais dis toi-même et, vu ta tête, je pense que j’ai gagné, lui dit-elle en lui rendant son sourire narquois.  
Phadria apporta une main à ses lèvre. Quand elle la retira , une tache de sang maculait son majeur et son index.
- Toi tu iras loin, espèce de petite salope sournoise ! dit-elle avant d’éclater de rire;

Le reste de la journée se passa dans la bonne humeur ! Bizarrement ce petit combat avait un tant soit peu resserré les liens du groupe d'aventuriers qui décidèrent qu'il était temps de redonner à ce vieux rafiot un peu de sa jeunesse passée, et puis cela occupera un peu nôtre journée pensa Sélanæ.
Contre tout attente, tous mirent la main à la pâte -même le gobelin- et le groupe passa la serpillère, lustra le pont et la main courante et astiqua même les portes et les vitres.
« Il faudrait aussi rafistoler cette parti du pont, toutes les lames sont craquelées et fendues ... dit Sélanæ en direction de Phadria occupée à passer le balais à frange.
- Oh je crois qu'il y a du bois qui peut faire l'affaire dans la cabine du capitaine, lui répondit-elle se protégeant les yeux du Soleil avec sa main.
- Okay j'y vais ! dit Sélanæ en faisant volte face.
Tout à coup Phadria lâcha le balais et vint se placer devant la guerrière.
- Non, non, laisse je vais y aller, je sais où elle sont, dit-elle en se grattant la tête et en souriant bêtement.
- Euuuh, okay, je t'attends là ... » répondit Sélanæ le regard un peu suspicieux. 
La pirate revint quelques minutes plus tard avec ce qui leur fallait. Il s'avérait qu'il y avait aussi une scie, deux marteaux et des clous.
« Le bricolage c'est pas un truc de mec ça, dit Phadria en direction de l'Orque.
- Ouais c'est vrai ça, tiens attrape ! dit Sélanæ en lui lançant le marteau que le colosse à peau verte attrapa au vol. »
Au final l'Orque se montra fort douer au maniement subtile du marteau et, de paire avec l'Ogre qui s'occupait de scier les planches, la zone fut bien vite remise à neuve.
Pendant ce temps, Sélanæ et Phadria en profitèrent pour discuter un peu sur la démarche à suivre, accoudées au bastingage :
« Bon c'est pas tout ça, mais les provisions baissent vites. Où est ce que tu as prévu de faire la prochaine escale ? demanda Sélanæ.
- Dès que nous sortirons de la Mer Intérieure, nous trouverons un village côtier où nous arrêter. Ils regorgent de denrée à prix abordables, ce n'est pas un problème.
- YAHOOOOOOOOOUUUUU !
Un cri de victoire leur fit tous tourner la tête vers la proue. Là le gobelin se tenait debout sur la rambarde, tenant dans une main ce qui semblait être une fine tige de bois et dans l'autre un poisson d'au moins vingt centimètres !
- Je savais que ces eaux étaient remplis de poissons ! C'est qui qui va se régaler ce soir ? C'est Sirk !
- Tu veux dire c'est Sirk, Phadria, Sélanæ, Argorg, Plaat ET Sirk ? » dit Sélanæ en fronçant les sourcils. 
Tout à coup Sirk écarquilla les yeux et serra tout contre lui le poisson visqueux qui se débattait encore vivement, comme si c'eut été la chose la plus précieuse qu'il posséda.
- Non ! J'en ai marre de bouffer des carottes moisies, celui-ci est pour moooAAAAAAAAAAAH !
La phrase de Sirk se finit en hurlement au moment où le tigre de l'Orque se jeta sur lui toute griffe dehors. Le gobelin fit un bond et lâcha au passage sa proie que le tigre engloutit en plein vol.
L'action s'était passé tellement rapidement que tous restèrent pantois en fixant le tigre qui se léchait déjà les babines, puis ils partirent tous en un terrible fou rire, sauf le gobelin qui décida d'aller bouder dans le nid de pie.
« La prochaine fois je la fermerai ma gueule, ça oui ... » pouvait-on l'entendre marmonner tandis qu'il montait dans les voilures.
Quand il essuyèrent leurs larmes et se remirent de leur fou rire, le Soleil se couchait déjà à l'horizon. Pour la première fois qu'ils avaient pris la mer, la journée était passée vite.
Afin de se remettre de cette journée assez éprouvant, Phadria fut d'avis d'ouvrir un bouteille de rhum, et la soirée se termina en belle beuverie. Même Sélanæ qui ne buvait pas d'alcool se prit au jeu et rit de bon cœur aux blagues de l'Orque qui était en fait un véritable clown, ils rirent tellement qu'ils en oublièrent même de manger.

C'est les rayons du Soleil du petit matin qui réveillèrent nos aventuriers. En effet ils s'étaient endormis à même le pont. Ce fut Sélanae qui se leva la première, et elle découvrir une étrange scène qui la fit sourire : Phadria s'était blottie tout contre l'Orque et dormait encore à point fermée, ronflant tour à tour comme si ils étaient rentrés en discussion. 
Sélanae alla rendre visite aux esclaves affranchis, puis quand elle revint voir ses compagnons, elle les découvrit tous réveilés baillant et se frottant les yeux. Seul l'Orque semblait être en pleine forme, si bien qu'il décida de tirer à l'arc quelques goelans.
« Arrête Argorg, tout ce que tu vas réussir à faire c'est gaspiller tes flèches, dit Phadria, encore assise en tailleur sur le sol et baillant à moitié, quand tout à coup un goelan vint s'écraser devant son nez, lui arrachant un cri et disséminant des plumes blanches un peu partout.
« Le déjeuner est serviiii ! dit Argorg en leur présentant les goelans plumés et rôti dans le four qu'abritait les cales.
- Wouah Argorg ch'est un véritab' délich', grommela Sélanae qui avait du mal à articuler la bouche pleine. Ch'est fou, ch'a à le goût du poulet ! »
Le repas se termina dans un concert de ''aaah'' et de ''mmmmh'' puis il fut d'avis de faire une sieste. 
Quand tout à coup, Argorg vint réveiller Phadria :
« Phadria, lève toi, il se passe quelque-chose par là-bas, en désignant la direction où Attila grondait.
- Ton chat s’excite contre l'horizon. Et alors ? fit-elle à demi endormie. Laisse moi dormir.
- Il ne gronde que quand il sent un danger ou une force ennemie. Tu ferais mieux de vérifier avec ta longue-vue. Je n'ai pas d'aigle sous la main, si tu vois ce que je veux dire.
Au final la pirate fit un effort surhumain pour se mettre sur pied et sortir sa longue vue.
- Ecoute moi bien Argorg, si il n'y a rien en vue je te jure que ... Qu'est-ce que...? elle leva la lunette de son oeil et regarda l'Orque dans les yeux avec une mine étrange. Un navire approche.
- NAVIRE EN VUE !! beugla l'Orque.
Sélanae se réveilla en sursaut. Les visages qui se présentaient à eux étaient bien différents que lorsqu'elle s'était endormie, plus une once de joie n'était à présent visible.
Lun 18 Jan 2016 - 18:21
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Phadria Red
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Phadria Red
J – 2 avant la confrontation entre l'Ankor et l'Esclavagiste



Depuis plusieurs semaines que le petit bateau avait pris la mer, rien de notable ne s'était passé. Au matin, tôt, Sélanae descendait dans les cales nourrir les esclaves (ou plutôt ex-esclaves, comme elle voulait qu'on dise), puis le midi chacun mangeait un bout de son côté avant de disparaître l'après-midi, lorsque le soleil tapait fort. Le Gobelin avait pour habitude de nicher dans le nid de pie et on ne le voyait quasi-jamais,  l'Orc et sa bande de joyeuses drilles passait leur temps à dormir et Sélanae pour sa part redescendait dans la cale, à l'abri de la chaleur. Phadria songeait qu'elle devait bien se faire chier, là bas. Concernant elle-même, elle barrait tout en humant l'air du large et se délectant du paysage.

Enfin, humer et se délecter ca allait bien deux jours.

Phadria, en tant qu'Officier à bord du Galion Déité puis matelot sur le Seigneur Émeraude avec Théoden avait toujours eu de la besogne pour l'occuper. Ainsi, à ce bord, les journées lui semblaient filer deux fois plus lentement.

Phadria Mary Red demeurait penchée au-dessus d'un tonnelet d'eau clair occupant le pont de l'Ankor. La nuit venait juste de tomber. Elle termina de faire un brin de toilette, essuya son visage mouillé puis se saisit de son équipement sous le bras et gagna sa cabine sans un mot. L'Orc dormait en ronflant, il n'avait même pas fait attention à elle. Sélanae devait sans doute se trouver parmi ses esclaves. Depuis leur dernière discussion, il semblait à Phadria que cette dernière l'évitait. Elle haussa les épaules mentalement et, morte d'ennui, regagna sa cabine. Au moins elle pouvait avoir quelques discussions, généralement amusantes, avec la barde le soir. Elle songea également qu'il lui faudrait -question de vie ou de mort- procéder à quelques achats dès lors que l'Ankor toucherait terre. Il lui fallait absolument une veste digne de ce nom, ainsi qu'un tricorne. Et elle ne cracherait point sur de nouvelles bottes. Et un nouveau gainage également ! Ainsi qu'un fourreau. Et puis pourquoi pas un corsetage neuf. Oui. C'était une question de vie ou de mort pour Phadria que celle de renouveler au plus vite sa garde-robe ! Heureusement, la pirate avait pu trouver dans la cabine du Capitaine de l'Ankor un vieux sabre qu'elle avait adopté sur l'instant.
Phadria songea avec nostalgie aux quelques adresses sympathiques dont elle était la familière à Port-Argenterie, du temps de l'âge d'or, puis entra sans taper dans sa cabine.

Phadria avait laissé le petit lit à la clandestine, elle-même occupant un hamac qu'elle s'était debrouillé afin de dresser à un mètre du sol dans l'un des angles de la pièce. Triss était là, comme à son habitude, discrète au possible, un grain de malice perdu dans son regard se mêlant à la contemplation de son luth. Phadria lui sourit en entrant, ses cheveux demeuraient encore mouillés. Elle referma la porte en un claquement puis se débarrassa de son sabre ainsi que de ses bottes et bondit avec une agilité sans pareil dans son lit d'infortune. Elle ne s'en plaignait pas. Elle avait connu bien pire. La barde ne l'avait pas laché d'un regard. C'est vrai qu'elle était un peu timide, mais Phadria et elle avaient réussi néanmoins à partager de longues discussions la nuit tombée, lorsque partiquement tout l'Ankor dormait.

- Tu n'aimes tellement pas dormir avec moi ? lâcha d'une voix timide Triss. J'aurais pensé le contraire. J'en suis presque déçue.
- Le lit est petit, répondit simplement la pirate en lui souriant.
- Si ce n'est que ca, je peux me serrer. Cela ne me gêne pas.

Phadria laissa un silence passer toute concentrée qu'elle était à la contemplation de ses ongles. Enfin, son attention redoubla.

- Dis moi la barde, pourquoi tu m'as suivis jusqu'ici ?
- N'ai je pas le droit de suivre une pirate? Où peut être c'est le fait que je ne sois pas marin qui vous gêne?

Phadria nota de nouveau le passage du tutoiement au vouvoiement. Triss s'emmêlait souvent les pinceaux de cette manière-là.

-  Bah c'est difficile de répondre que tu es dans ton droit quand tu me menaces à bord de mon propre navire. Meme si l'Ankor a plus une gueule de coque de noix.
- Tu aurais préféré que je te fasse quoi ?

De nouveau le tutoiement. Phadria croisa ses bras derrière sa nuque et ne répondit pas, laissant un temps necessaire afin que s'installe quelques secondes de silence.

- Je n'aurais pas dit non, reprit la barde presque pour elle-seule, mais je ne pense pas que ... Non rien d'important.

Phadria sourit, sans regarder son interlocutrice. Cette petite donzelle venait de se trahir pour la première. Nous y sommes.

- Je dirai ma belle, que soit tu te fous ouvertement de moi, soit tu me fais un plan.

Et avant que la barde ne puisse lui faire don d'une réplique, Phadria ajouta :

- Et par plan, je ne parle pas de ces vieux bornages sur une feuille en peau de bête.

Un nouveau silence, mais cette fois-ci Phadria l'attendait. Triss répondit, mais en prenant grand'soin de ne point la regarder dans les yeux.

- Tu tiens vraiment à que je dise bonjour à tes amis sur le bateau ? Une énorme orc avec un tigre, une peau verte et ... cette fille.
- Tu n'as pas répondu à ma question.

Madame Red sauta là de son hamac et s'approcha de la jeune barde en la regardant droit dans les yeux. Les mains appuyées sur le rebord du lit, penchée vers elle. Cet air railleur qui seyait à merveille à la femme rouge semblait né pour destabiliser ses interlocuteurs les moins avertis. Dès ce moment, Triss ne put plus faire semblant d'ignorer le peu de vêtements qui couvrait Phadria. Elle en parut troublée.

- Je te plais, c'est ça ?

Alors, pour l'une des premières fois depuis leur rencontre, Triss Miders osa soutenir le regard émeraude de Phadria Red. Elles restèrent ainsi quelques secondes, sans que ni l'une ni l'autre n'agisse. Puis, au moment où Phadria allait s'éloigner, avec quelques rictus, de son interlocutrice devenue muette, cette dernière, heureuse d'une sensation nouvelle, l'aggripa sans présage et l'embrassa.

Il aurait été faux de dire que Madame Red n'avait rien vu venir et fut surprise par le geste. En fait elle l'attendait, elle se demandait muettement si son interlocutrice oserait l'aborder de la sorte, et si elle l'eut voulu, il ne lui aurait suffi que d'une seconde pour échapper à cette étreinte-là. C'est en toute connaissance de cause que la pirate laissa durer ce moment, y prenant même, peut être, quelques plaisirs dissimulés. Elles finirent par s'écarter. Phadria se redressa et s'éloigna du lit.

- Tu as rougis.

Triss ne semblait plus en état de répondre quoi que ce soit, alors Phadria prit les devants. D'autant plus que la jeune barde semblait vouloir se fondre dans les draps, dans les murs, dans les planches de l'Ankor, et disparaître sur l'heure. Elle vint s'asseoir près de Triss, sur le rebord du lit, souriante comme à son habitude.

- Ecoute ma belle, c'est flatteur, très flatteur meme, tout ça. Mais c'est un peu embarrassant, tu comprends ? Moi je suis pas trop branchée donzes. Disons que je préfère les beauprés.

Rouge écarlate, Triss Miders prit grand'soin à ne plus recroiser le regard pétillant de son interlocutrice. Elle ne put néanmoins retenir les mots suivants :

- Et aussi pour cette fille...
- Sélanæ ? Putain non, révéla-t--elle en riant, elle peut pas me sentir ! Non, crois-moi, mon cœur n'est pas pris en ce moment !

Cette fois Triss pleurait pour de bon, dans un silence tapageur. Elle leva son visage vers Phadria et lui désigna ses larmes :

- Au pire... Pas grave.
- Ouais, enfin, te mets pas à pleurer pour ça. Ca me fait chier moi, de te voir te foutre dans cet état.

Comme Triss ne parvenait pas à contenir ses larmes, tel un petit ruissant torpillant dans l'attente d'atteindre le fleuve principal, Phadria se leva :

- Allez, sèche tout ça clandestine ! Allons prendre l'air deux minutes, t'en as besoin.

Elle n'opposa aucune résistance à Red. Les deux femmes quittèrent la cabine au cœur de la nuit. Ce fut la première fois depuis son embarquement pour Triss. Phadria fit signe à Triss, d'un index auprès des lèvres, de ne pas faire de bruits. Elles passèrent près de l'Orc ronflant sans confesse, et son matou gigantesque à ses pieds. Le gros chat les vit. Heureusement que cette bestiole ne peut pas parler. Phadria supposa le Gobelin dans le nid de pie et Sélanæ dans la cale. Parfait. La pirate poussa presque Triss jusqu'au Gaillard à l'avant, elles ouvrirent une petite écoutille et pénétrèrent à l'intérieur d'une petite cale amménagée pour le transport des provisions. Phadria avait repéré là une denrée fort interressante, il y avait plusieurs jours, et elle n'avait pas encore eu l'occasion de s'assurer d'un transfert discret jusque dans sa cabine. Elle força une caisse de bois d'apparence âgée à l'aide d'un pied de biche trainant, puis la souleva.

- Allez, retourne à la cabine !
- Viens avec moi ! Se mit presque à supplier Triss. Je ne veux pas y être seule.
- Evidemment morbleu ! Tu ne vas pas la descendre seule cette caisse d'alcool, mmh ?

Phadria ferma la porte de la cabine avant d'en faire le blocage avec le lit.

- Comme ça personne viendra nous faire chier.

Elle s'acharna ensuite à déboucher la bouteille avec ses dents, et en porta une gorgée à ses lèvres.

-Mmmh du rhum ! Il est impec' ! Un arôme sucré et tropical comme je l'aime.

Elle tendit la bouteille a Triss.

- Enfin, fais gaffe quand meme. C'est un peu fort.

La barde observa la bouteille comme si Phadria eût été l'incarnation de Nimen et lui offrait de boire là le pire des fléaux contenu dans un flacon. Néanmoins, elle s'en saisit, en but une gorgée qu'elle avala sans même apprécier, et rendit la bouteille à Phadria qui en poursuivit la mise à sac.

- Bon tu veux parler ? Qu'est ce que tu faisais a Oro par exemple ?
- Je voyageai là où le vent me mène.
- T'es née par là-bas ?

La discussion se poursuivit ainsi presque toute la mi-nuit, effleurant mille-et-un sujets différents. Cependant, il n'était point difficile à Madame Red d'estimer que son interlocutrice avait l'esprit ailleurs. Après que Triss ait parlé vaguement de Prébois à Phadria, celle ci enchaîna tout à tour, tout en prenant une gorgée supplémentaire :

- Et tu faisais quoi là bas ? Joueuse de luth ? Qui t'a apprit à en faire ?
- J'essayai plutôt de survivre. C'était surtout un passe temps, la musique.
- Les Amazones ? J'en ai déjà entendu parler. Tu en as vu ? ajouta Red un sourire élargi aux lèvres, et l'or dans l'oeil.
- J'en ai aussi entendu parler.
- Parait qu'elles valent bigrement cher sur le marché, foi de forban...
- Ce ne sont pas des animaux. Et encore, les animaux, on leur donne plus de respect qu'à d'autres humains.

Phadria sourit tout en buvant de nouveau.

- Si tu veux, je te l'accorde. Tu t'entendrais bien avec Selanae toi, haha.

Elle tendit de nouveau la bouteille à la barde qui en prit à son tour une deuxième lampée.

- Je m'intéresse pas à elle.
- Inutile de prendre la mouche.
- Je prends pas la mouche. Tu exagères.

Toujours le rhum en main, Triss se resserra près de Phadria, posant sa tête sur son épaule tatouée, et l'enlaça de ses bras. Phadria choisit de ne pas la repousser.

- Et c'est moi qui exagère...Bon, allez, je crois que tu as suffisament bu pour ce soir ma belle. Au lit !

Après avoir essuyé quelques refus de la part de sa compagne, Phadria parvint finalement à avoir gain de cause. Aussi s'apprêtait-elle à se retirer de la chambre afin de retourner prendre l'air sur le pont, quand Triss la retint.

- Reste, s'il te plait...
- Je ne coucherai pas avec toi Triss, mais si tu promets d'essayer de dormir un peu ce soir, je veux bien rester.

Elle accepta et se recroquevilla sous les draps. Phadria s'assit en tailleur sur le même lit et lui tira la couverture comme à une enfant. Elle souffla les dernières bougies allumées et laissa l'obscurité envahir la pièce.

- Putain ça craint quand même...
- Quoi ?
- Ben..C'est la première fois que je plais à une donze !

Une autre rasade de rhum. Pour la forme.

- C'est si grave ?
- J'sais pas. C'est un peu la merde en tout cas. Morbleu, on se connaît à peine Triss.
- Et en quoi c'est gênant ? On peut apprendre...
- C'est gênant parce que moi je ne ressens rien pour toi, et je n'ai pas envie comme tu dis "d'apprendre". Navrée, mais je pense que tu t'es trompée de personne.

Malgré l'obscurité, Phadria sentait avec aise que son interloctrice lui dissimulait son visage, ainsi que les larmes qui recommençaient à couler.

- T'inquiète pas. L'amour c'est comme une lame de fond. Ca vient, ca monte, ça te percute puis ça repart. Une autre lame viendra, tu sauras t'en saisir.

Phadria Red quitta la cabine, laissant là Triss Miders. Elle fit très attention à ne point oublier la bouteille. Cette dernière demeurait à demi entamée.


~



Putain, cette folle s'est embarquée clandestinement sans même savoir où nous allions. Et tout ça pour quoi ? Être avec moi ? Putain de blague. Elle continua à titiller sa bouteille, accoudée au bastingage et l'esprit au vent. Peu vêtue, l'air frais lui faisait un bien fou ! Puis elle accomplit un volte-face, appuyant son dos contre le bastingage cette fois. Et le vit. Ses deux yeux jaunes, phares dans la nuit, la scrutaient du haut du nid de pie. C'était vrai qu'ils ne dormaient jamais ces oiseaux là. Alors il avait vu Triss tout à l'heure, indubitablement...

- Fait chier lui aussi.

Madame Red ne put néanmoins s'empêcher d'esquisser un sourire en enfonçant la bouteille dans l'échancrage de son corset. Si ça coule, je me mouille. Puis elle grimpa dans les haubans, le long de la mature, et jusqu'à son sommet, nus pieds, afin de rejoindre le Gobelin dans le nid de pie. Ses longs cheveux jais dressés au vent ponctuèrent la vision charmante d'un telle actrice au cœur de ce tableau nocturne.
Madame Red s'assit près du Gobelin, récupéra sa bouteille. Aucun des deux ne se regardèrent, leurs iris dévisageaint l'océan.

- Tu n'as rien vu, rien entendu, attaqua Red.
- Pour une pièce c'est sûr.

Un large sourire vitn fendre le visage de la pirate.

- Salaud.
- Il n'y a pas de petit profit surtout pour ma race.
- Il n'y a de petit profil pour personne, le gobelin. T'en veux, répondit-elle en lui tendant le fond de rhum.
- Pas pendant le travail.
- Ca en fait plus pour moi.

Madame Red termina la bouteille, d'une traite, comme si elle se fut trouvée à l'intérieur de l'un de ces bordels d'Argenterie qui se faisait nommer aussi taverne. Puis elle la balança à la mer. Le mugissement des Grand'Eaux en couvrit la chute.

- J'imagine que t'as pas de donze qui t'attend a la maison toi, railla-t-elle, toujours le regard nageant parmi les étoiles.

Il sembla alors à Phadria discerner un sourire voilé sur le visage de son interlocuteur à sa droite.

- Non, et pas de maison non plus. Et toi ? Il n'y a pas un homme...un "capitaine" qui t'attend ?

Phadria tendit un bras devant elle, désignant la mer.

- C'est ça ma maison.

Puis elle croisa ses avants-bras derrière son crâne, profitant de cette vision qu'offrait le post de vigie.

- Quant au beau capitaine, je l'attend encore. Enfin, je ne crois plus trop à ces conneries remarque.

Le gobelin sortit alors de ses loques un papier plié de façon bien étrange. Les écritures au-dessus demeuraient codées mystérieusement.

- Si tu veux le faire venir, ceci peut t'interresser.
- Qu'est-ce donc que cette merdaille là ?
- Lettres noires. Un language codé du nord, c'est une demande de contrat. La tête de Theoden, un capitaine de navire. Tu connais ?

Phadria laissa un silence passer bien involontairement.

- Peut être bien.
- Pourtant vous aviez l'air assez intime à l'auberge.
- Ca n'est pas mon amant si c'est ce que tu veux savoir.
- Hum. Mais je suppose que si j'accepte le contrat je te trouverais sur mon chemin.
- Rien de moins sûr.
- Vraiment ?
- Mais si tu veux un conseil pour ta petite tête, n'accepte pas ce contrat. C'est un coupe-jarret rien de plus.
- Et je suis un assassin, le boulot paye bien.

Sirk lui tendit alors un second bout de papier du bout de ses doigts crochus. Geste fort inutile de fait, Phadria Red ne sachant pas lire.

- L'adresse du gars : les Marches d'Acier, l'informa-t-il néanmoins. Je te propose un truc.
- C'est non. Je ne m'allierai pas à toi pour la tête de Théoden. Un bon assassin devrait savoir quand un contrat lui coutera la vie.
- Comme tu le dis,  je suis pas assez con pour accepter, mais le fric m'intéresse et j'ai besoin d'aide pour le récupérer. Les esclave je m'en fout et encore plus de la gamine qui veut rendre leur liberté à ces humains.

Madame Red le vit sortir une fiole contenant un liquide orangé. Du moins à ce qu'il lui semblait, la nuit enveloppant tout. Putain mais d'où il sort tous ces trucs ?

- C'est du poison , le comanditaire est un vieux lubrique mais il se méfie des gens qu'il engage, il ne paye qu'un quart de la somme totale. Mais si tu m'aide à le plumer on fait cinquante-cinquante sur cinq mille pièces d'or.
- Qui ferait confiance à un assassin qui envisage de trahir son commanditaire ?
- Une pirate en manque d'argent je suppose.
- Sélanæ m'a bien payé pour mes services.
- Mais une cargaison d'esclaves, ça mange. Tu vas bientôt devoir faire escale pour réapprovisionner le bateau, et après ça je doute qu'il te restera beaucoup d'écus à dépenser.
- Tu marques un point. C'est bien beau de naviguer sur une coque de noix et filer leur liberté à deux trois pouilleux, mais contrairement à Sélanæ, je n'aurai bientôt plus un rond. Et puis en fait elle aussi est à court d'argent, de ce que je pense avoir deviné. Marre d'être ruinée.

Le Gobelin sourit de nouveau à la pirate.

- En plus il faudrait déjà que vous surviviez à bord de ce rafiot sans défense, je ne sais pas où elle a trouvé ces esclaves, mais la liberté à un prix. C'est vraiment une jeune humaine pour croire naïvement que les choses s'arrangent aussi facilement.
- Pour ce qui est de la défense du navire je m'en occupe. J'ai une lame au coté et je sais m'en servir. Puis ne juge pas Sélanae trop durement, elle a peut être du potentiel cette gamine. Bon. Deal pour ton commanditaire véreux alors ?
- Deal...rejoint moi devant la demeure du client, quand on arrivera aux Marches.

Sirk adjoignit ensuite le geste aux paroles en confiant à Phadria Red la fiole de verre.

- Garde ça. C'est mon sang. Dilué avec d'autres produits. Une lame enduite de ce poison tue en quelques secondes et le produit reste bien, même après avoir tranché quelqu'un. Ca peut servir, se serrait bête que mon associée meurt avant la fin du voyage.
- Ca m'a l'air fort utile, ouais, répondit Phadria tout en la rengeant sur elle et souriant. Je te paierai ta pièce lorsque nous aurons récupéré ces cinq mille écus. En attendant tu la boucles, je te fais confiance l'ami.
- Ouais, fais-moi confiance. Par contre un truc...si des connards débarquent pendant la traversée, laissez moi intervenir. J'ai l'habitude de traiter avec ces gars, autrement qu'avec une arme. Vous êtes encore des enfants de mon point de vue, mais eux aussi le sont. On roule facilement des gamins turbulents.
- T'as quel âge en fait papi ?
-Cent-vingt-huit Tours. Et toi ? Tu as l'air un peu plus âgée que l'autre humaine.
- Un peu plus, ouais. Vingt-six Tours.
- Les humains n'ont pas de chance. Ils n'ont le temps de ne rien faire.
- Je te remercie.
- D'ailleurs faite gaffe à l'orc. Il est jeune et il peut devenir impulsif, c'est lui le plus dangereux sur ce navire.
- C'est son chat moi que j'aime pas.
- Il a peut être l'air sympathique, poursuivit le Gobelin d'un air de glace, mais quand les humains disent que les peaux-vertes aiment le sang, vous n'êtes pas si loin de la vérité
- Tu sais, de tous ceux qui sont à bord de ce navire la personne qui me cause le plus de tracas c'est surtout la jolie barde qui dort dans ma cabine là.
- Ouais je la trouve un peu naïve, mais bon elle n'a pas l'air capable de devenir vraiment dangereuse.

Une telle opinion portée sur Triss se présenta agréablement à Phadria. Naïve mais pas dangereuse. Une enfant un peu insouciante et impulsive. Un peu comme moi dix Tours en arrière, en fait, songea Phadria Red tandis que Sirk sortait quelques composants de son sac et commençait à bricoler ce qui semblait être une sorte de piège à collet, pour s'occuper. Phadria sourit. En fait elle appréciait bien ce sale Gobelin !

- Dis-le si j'temmerde papi ! le piqua-t-elle en riant.
- Vous pensez tous que je chaume depuis que je suis à bort. J'ai filé des surin au esclave, j'ai fini de fabriquer des poisons, et des pièges peuvent toujours servir.

Ce que Phadria entendait ne lui semblait pas si absurde. Elle en vint à se demander si ouvrir une seconde bouteille ce soir ne serait pas une bonne idée, mais y renonça en songeant que la caisse se trouvait toujours dans sa cabine et que Trss y dormait. Sirk lui jeta une petite sphère en cuivre qu'elle attrapa au vol. L'alcool avait peut être diminué quelques-uns de ces réflexes, mais elle semblait disposer encore de suffisamment d'entre eux.

- Si tu veux faire dormir la barde pour une journée, mets ce qu'il y a dans ce truc dans la bouffe. Indétectable et inodore.
- Ouais, pratique genre pour un viol ta drogue. Mais je prends, on sait jamais.

Le Gobelin la scruta ironiquement, ses yeux luisant dans la nuit étoilée.

- Ca sert à ça à la base. Mais c'est pratique contre les gens encombrants.
- Merci papi !

Phadria se fendit d'un demi-sourire et jugea plus utile de le laisser à ses occupations. Allez, ne pas se casser la gueule en descendant de là maintenant. Du haut du nid de pie, Sirk s'était de nouveau plongé dans la confection de son piège. Phadria Red regagna sa cabine sans encombres.


~



La journée du lendemain se passa fort gaiement ! Ce fut là l'occasion d'un duel tumultueux et tout en spectacle entre la jeune guerrière Khamsine et la pirate. L'équipage apprit à jouer ensemble des coudes afin d'organiser le rafistolage de l'Ankor. Phadria passa la soirée à boire avec sa nouvelle bande de matelots et d'amis, riant tant qu'elle songea à peine à Triss. Lorsqu'elle se rendit pour la voir, vers la mi-nuit, cette dernière dormait à poings fermés.


~



- Navire en vue !! cria l'Orc en pointant de l'index une trace au loin.

Tous se précipitèrent au bastingage. Le vaisseau de fort tonnage surplombait de son ombre l'Ankor.

- L'Orc mon ami...J'aime pas ça. Ca pue.

Bientôt une chaloupe fut mise à la mer du côté du trois mât qui les abordait. L'épaisseur de la voilure empêchait Phadria de mettre des visages sur l'équipage. Mais à la vue du pavillon ennemi, elle sut que les ennuis commençaient. Néanmoins, elle ordonna d'une voix ferme de la laisser parler elle, et elle seulement, lorsque leur messager serait monté à bord. Chose que ce dernier ne pris pas même la peine de faire. De sa chaloupe, il leur fit les termes suivant d'un ton qui ne laissait place à aucune contestation.

- Le Capitaine vous incite à jeter l'ancre immédiatement. Il invite le Capitaine de votre raffiot à rejoindre notre bord, sur l'heure. Si vous poursuivez votre route ou bien si vous refusez son invitation, nous vous considérerons comme des ennemis, et vous serez coulés.

Il ajouta d'une voix grasse et criarde.

- Ca ne devrait pas être bien difficile à faire !

Phadria, Argorg, Sirk et Sélanae se réunirent afin de décider d'un commun accord des directives à prendre. De toutes façons, ils ne semblaient guère avoir le choix. Ils acceptèrent l'invitation et montèrent tous les quatre à bord de l'Esclavagiste. Sélanae confit pendant ce temps la garde de l'Ankhor au plus habile et fort des esclaves, un certain Avel, de ce que la pirate en avait entendu. Ne disposant pas d'embarcation afin de rejoindre le pont en face, Phadria dû accepter la proposition des esclavagistes qui consistait à monter à bord d'une de leur chaloupe, qu'ils mirent à leur disposition.

- Ecoute moi Sélanae, ces gars là m'ont l'air de beaux fils de pute. Mais il est important que nous ne les provoquions pas, nous n'avons pas les moyens à bord de l'Ankor afin de nous défendre. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il va falloir que tu réprimes toute envie de leur casser les os. Ne baisse pas le regard non plus, c'est très important. On leur fait comprendre qu'on a besoin de rien qu'ils puissent nous offrir, et on reprend notre route. Pas d'emmerde. Pas de provoc. Pas de provoc.  Pas d'emmerdes.

Les quelques minutes que durèrent le passage d'un navire à l'autre, à bord de la chaloupe des esclavagistes, furent particulièrement désagréables. Phadria ne s'était point trompée. Ces gars-là les provoquaient, ils ne semblaient rien avoir dans le crâne, et pas beaucoup plus dans le ventre. Néanmoins, les quatre compagnons surent muer leur frénésie en patience.

- Nous sommes pressés. Je suis la Capitaine de l'Ankor. Je veux juste rencontrer votre commandant conformément à ses exigences, puis nous repartirons.

Les trois esclavagistes à bord de la petite embarcation reluquèrent Phadria Red d'un air lubrique, puis éclatèrent de rire. Elle lança un regard appuyé à Sélanae à deux pas sur sa droite. Pas de provoc. Pas d'emmerde.

Ils mirent finalement pied sur le pont de l'Esclavagiste.

Le Capitaine de ce petit seigneur des mers était un homme qui semblait noble, mais uniquement par ses vêtements riches. Il était hideux, sale et particulièrement vulgaire. Son équipage n'étaiet guère mieux. Ils semblaient tous avides de sang et de viols. Mais ils sont cent fois plus nombreux que nous. Le capitaine commencea l'échange :

-Bien le bonjour Mesdames ! Je vois que vous avez des esclaves peaux-vertes. Méfiez-vous, ils sont coriaces à briser et aptes à violer vos délicates personnes !
-Merci de vous inquiéter pour nous, mais nous contrôlons ces gars-là, dit Phadria rapidement en sentant l'irritation presque électrique de Sélanae près d'elle ; elle tapota ensuite le torse d'Argorg fermement pour montrer son "dressage". Ils nous sont "fidèles". Ce serait à vous de vous méfiez. Que faites-vous donc en mer ? 
- Nous transportons des esclaves, pardis ! Vous en voulez ? dit-il en saisissant la chevelure lumineuse d'une jeune fille qui lui fut livrée comme par enchantement. C'est de la bonne marchandise ça !

Les lèvres distordues non loin de la nuque de sa prisonnière, il humait avec une délectation fort mal dissimulée - ou peut être était-elle volontairement exaltée? - l'odeur de la peur qui devait se dégager de cette dernière. Putain, elle ne doit même pas avoir l'âge de Sélanae. Phadria se jura mentalement de tuer cet homme au premier sang si un jour leur chemin devaient se recroiser sur la terre ferme.

- Tu ferai mieux de la lâcher sale porc ! cria alors Sélanae au capitaine tout en agrippant la poignée d'une de ses épées.
- Du calme Sélénae. Elle est un peu... émotive. Mais revenons à nos affaires.Vous voyez ça ? C'est notre laissez-passer. Alors ? Vous en dites quoi ?

Suite à ces paroles, prononcée avec toute la détermination dont la Capitaine Phadria Red était capable, son interlocuteur lâcha sa proie. Phadria ne la regarda ni tomber au sol, ni ramper loin des bottes de son bourreau. Elle scrutait les yeux bleus, profonds, du Capitaine.

- J'en dis que tu te fous de ma gueule ! C'est quoi ça ?
- Un précieux sésame, répondit Phadria du tac-au-tac. Je pense que vous savez aussi bien que moi ce que cela est.
- Ouais, je sais ce que c'est, tu as raison beauté ! Une pièce de Huit. Et tu as raison, ça valait une véritable fortune ce bijou-là. Mais du temps de Port-Argenterie ! Je ne pense rien t'apprendre en te disant que Port-Argenterie a été détruite il y a près de trois Tours maintenant. Donc, aujourd'hui, ta pièce ne vaut plus rien.
- Je vous prie de m'écouter, Capitaine, car c'est vous qui ne semblait rien comprendre ! Je connaissais très bien Port-Argenterie, et je pars du principe que vous aussi ! Argenterie étant une cité trop importante aux yeux de ses habitants afin que personne ne daigne la prendre en main, alors a été mis en place pour la diriger le Conseil des Capitaine. Comme un roi dirige son royaume, le Conseil des Capitaine, également surnommé Tribunal, car en plus des décisions politiques, économiques et militaires, il en prenait les judiciaires et bien d'autres, j'imagine, régnait. Dans ce cercle très fermé mais convoité, les Seigneurs Pirates -ainsi les nommait-on- assistaient aux multiples variations de leur ordre. La veille l'un des sièges pouvait accueillir un pirate, qui serait tué par un confrère jaloux, quoique plus habile, le lendemain, et siégerait sur un fauteuil tâché de sang à son tour, avant d'être lui aussi mis à mal, le surlendemain. Mais là je ne vous apprends rien, n'est-ce pas ? Néanmoins, afin de conserver au minima un semblant d'ordre et ce fut de notoriété publique, le Conseil n'outrepassait jamais les treize membres, même s'il est vrai que ce nombre a varié au fil des Tours, selon les racontars. Afin de siéger au Conseil, qui se réunissait dans l'Amirauté de la ville, un massif et vieux fort au centre d'Argenterie, les Capitaines avaient en leur possession une Pièce de Huit, à ne pas confondre avec les Pièces de Huit, monnaie rare circulant parmi les pirates, dont la valeur d'une seule équivalait à plus de dix écus d'or. Les Pièces de Huit du Conseil étaient propres à chacun de ces Capitaines, et pouvaient se trouver en l'état de tout et n'importe quoi, même quelques broutilles. Il était donc logique que les Capitaine appartenant au Tribunal avaient grand' intérêt à dissimuler l'identité de leur Pièce de Huit, car n'importe quel jaloux la leur aurait dérobé : il n'en fallait pas plus afin de siéger ! La Pièce de Huit d'un Seigneur Pirate pouvait très bien avoir la forme d'une pièce de huit particulière, rouillée et amochée, et la Pièce de Huit d'un second aurait très bien pu être l'acte de propriété de son navire.

Le Capitaine, semblant agacé par ce petit discours tout trouvé, arrêta Phadria d'un geste de la main.

- Je sais tout cela, beauté. Au fait !

Cette fois, des deux, c'était Phadria qui demeurait la plus impétueuse et menaçante.

- J'en viens Monsieur ! Cette Pièce de Huit que je tiens devant vous n'est pas une vulgaire pièce de monnaie, l'argent comptant des Pirates ! Comprenez-vous à présent sa réelle valeur, ou dois-je de nouveau tout vous réexpliquer ?
- Tu ne veux pas dire que...
- Aye ! Je veux dire que cette Pièce de Huit est l'une des Treize ! L'une des Treize appartenant aux Treize Seigneurs Pirates régnant sur Argenterie lorsque la ville était encore debout ! Et cette Pièce de Huit est mienne, et a toujours été mienne ! Je sais très bien ce que tu vas me dire, Capitaine : Port-Argenterie est tombée, et le titre qui était le mien à cette époque ne vaut plus rien. Mais comme il faut tout t'expliquer en détail, je vais le faire, malgré le temps que je perds. Penses-tu, lorsque Port-Argenterie a été attaquée par les Elfes Noirs il y a bientôt trois Tours, que l'intégralité des Seigneurs Pirates étaient à terre ? Penses-tu que Brecianne Léocadas, l'Elue Divine de la Déesse des mers, se serait faite tuer par quelques Elfes Noirs, si d'ordinaire elle siégeait à l'Amirauté au moment de l'attaque ? Capitaine, ce qui se fait à bord de ton raffiot me dégoûte, mais il n'est pas de mon obligation de m'en mêler ! En revanche, l'Ankor doit rejoindre les Marches d'Acier, et moi je suis pressée ! Ce que tu me fais perdre là, Capitaine, c'est un temps précieux, à moi et à ma cargaison de Peaux-Vertes que je dois vendre au plus vite à la Gardienne ! Maintenant écoute-moi attentivement, deux possibilités s'offrent à toi : Soit tu nous laisses repartir, de toutes façons nous n'avons rien qui puisse vous interresser à bord de l'Ankor, c'est un navire d'emprunt minuscule et nous n'allons pas tarder à faire escale car les provisions sont quasi-toutes vidées, soit tu nous retiens davantage à ton bord. Mais ce faisant, il risque de t'arriver très vite quelques malheurs ! Que l'on soit emprisonnées, séquestrées, violées, revendues ou que ne sais-je d'autre, tu auras à tes trousses très vite l'intégralité des Seigneurs Pirates de Feu Argenterie. Ou du moins, l'intégralité de ce qu'il en reste ! Et eux ne voguent pas à bord de canot comme l'Ankor, ils te prendront en chasse, un à un, jusqu'à ce que ton cadavre se retrouve crucifié à quelques Misaine, et que ton navire soit coulé ! Port-Argenterie est peut-être tombé, et les Pièces de Huit sont désormais devenues rares, mais le Code n'a pas été perdu, Monsieur !

Un silence marqua cet échange des plus bouillonnant. Phadria Red sentait dans son dos le regard tranchant et étonné des ces trois compagnons. Ils mourraient d'impatience de la questionner, elle le sentait. Pour faire bonne mesure, elle abaissa son bras avec au bout sa fameuse Pièce de Huit, et s'adressa, yeux dans les yeux, à l'esclavagiste.

- Décidez vous Monsieur, je n'ai pas toute la journée !
- Qu'est-ce qui m'prouve que tu faisais bien partie des Seigneurs du Port, et que ta Pièce de Huit n'est pas qu'un vulgaire sou pirate ?
- Rien ne le prouve, c'est vrai. Tu as juste ma parole !
- Donc tu essaies peut être de m'embobiner avec des belles paroles.
- Ou peut être que je dis la vérité ! Prendriez-vous un tel risque ?

La tension avait atteint à son apogée. Phadria Red, tout comme ses camarades, elle le sentait sans les voir, étaient raidis tout entiers. Finalement la voix grave du Capitaine se fit entendre.

- Puis-je au moins savoir ton nom, la pirate ?
- Tu le peux. A condition que tu m'appelles Capitaine, comme tout le monde le fait.
- Comment te fais-tu nommer dans ce cas, Capitaine ?
- Capitaine Phadria Mary Red. Je suis aussi connue sous le nom de Madame Red.
- Et bien, je n'ai effectivement aucune raison de vous empêcher de continuer votre route, Capitaine Red. 'puis vous l'avez dis vous-même, il n'y a rien à bord de votre raffiot qui nous interresse.

Il ajouta néanmoins, un éclair de lubricité sous la paupière :

- Je peux quand même vous inviter à mon bord ? Pour un dîner entre Capitaine.
- Je n'ai pas de temps à perdre, monsieur.
- Dans ce cas mes gars vont vous raccompagner à bord de votre embarcation, Capitaine Red.
- Je n'en attendais pas moins de leur part !

Phadria exécuta un volte face, passant entre Sélénae et Sirk qui la regardaient avec des yeux de merlans frits et archi-frits.

- Qu'Ariel soit bonne pour toi, monsieur. Jusqu'à présent elle l'a été pour moi !

Moins de cinq minutes plus tard, Sélénae la briseuse de chaînes, Sirk la dague verte, Argorg l'Orc malicieux et Phadria Red la victime de Franziska ''Seigneur Pirate'' foulaient de nouveau le pont de l'Ankor.

- Putain...dit Sélénae en posant une main sur l'épaule de son amie, c'est vrai tout ça ? Tu nous avais caché que tu étais Seigneur pirate.

Argorg, Plagt et Sirk la regardaient aussi avides de réponse. Ils paraissaient presque béats. Quels airs cons ils ont !

- Bah non, vous êtes cons ou quoi ! J'ai jamais mis un seul pied dans l'Amirauté d'Argenterie !

L'Orc, l'Ogre et les deux Humaines éclatèrent de rire. Même Sirk esquissa un rictus acide. L'Ankor reprit sa course vers l'horizon.


~



Moins de deux semaines plus tard, ils purent mouiller pour leur première escale. L'Ankor fut réapprovisionné en vivres et en eau douce, le tout pour tenir une distance deux fois plus grande que celle qu'ils venaient de parcourir. Au plus grand regret de Phadria, il ne lui resta plus rien en termes d'écus à dépenser en fanfreluches. Ils ne tardèrent point sur la terre ferme, mais Phadria jugea plus sage de faire caboter l'Ankor serrant le vent, pour le cas où Ariel sombrerait en un de ces caprices dont elle était familière. Ainsi, ils purent mouiller plusieurs fois au cours de leur voyage. Les esclaves, ou en tout cas certain d'entre eux, semblèrent aller mieux, au point de quitter la cale quelquefois au cours de la journée afin de prendre l'air et participer aux tâches à bord. Triss Miders fut présentée à l'équipage par Phadria Red, et elle fut ravie de la maturité dont fit montre Sélénae en l'acceptant parmi eux. Le petit groupe se souda, bien qu'il demeurât toujours un froid entre Phadria et Triss.
Au fil des semaines, la température chuta, et ils durent bientôt s'arrêter le long d'un village côtier afin de s'approvisionner en couvertures et en vêtements chauds. Ce fut Argorg qui se chargea de cette tractation, le tout à ses frais. Ce fut lors d'une de ces escales que Triss choisit de quitter l'Ankor, pretextant avoir à faire ailleurs. Phadria lui souhaita bonne route !
Phadria en vint à considérer Sélénae comme l'amie la plus chère qu'elle ait eu de sa vie, les deux femmes se retrouvant souvent la nuit pour bavarder gaiement autour d'une bouteille. Même Sirk, bien que distant, se mêla petit-à-petit à leur repas au coin du feu qu'ils prenaient ensemble. Très vite, Avel, l'ancien esclave, se mêla également à la camaraderie. Ce fut le premier pas d'une longue marche qui devait tous les unir. Petit à petit, quelques esclaves quittèrent d'eux-même les cales. Bien que Phadria les trouvat peu enclin à la discussion, et très mou à la manœuvre, elle ne put que convenir avec Sélénae qu'ils avaient faits de réels progrès depuis le départ de l'Ankor de Karak-Tur. La plus grande moitié d'entre eux ne quittaient néanmoins pas les cales, tout justes faisaient-ils quelques pas sur le pont afin de se souvenir de comment actionner leurs deux jambes.

- Tu n'as pas peur que la plupart d'entre eux soient foutus ? demanda une nuit de pluie Phadria à son amie, debout au gouvernail se fichant comme d'une guigne des gouttes cristallines tombant des cieux.

Sélénae était assise sur une caisse de bois -en vérité la caisse qui avait contenu les bouteilles de rhum- et avait relevé la capuche de sa veste sur ses cheveux.

- Foutus ?
- Ben..Je veux dire. Sur le plan moral quoi. Ils ne parlent qu'à toi. Ils sortent à peine de leur cale. La dernière fois j'ai voulu établir le contact avec l'une d'eux. J'lui ai demandé de me passer un cordage, sur le pont, à deux pas d'elle, rien de bien compliqué. Elle m'a regardé dix minutes sans mentir, comme si j'étais la putain de réincarnation d'Ariel.
-  Tu ne peux pas savoir ce qu'ils ont vécu avant de venir ici, laisse les se réadapter en douceur, je trouve qu'ils ont déjà fais beaucoup de progrès.
- Non, je ne peux pas savoir, c'est sûr. En tout cas, nous mouillerons bientôt aux Marches, Sélénae. Et une fois la bas, tu ne seras plus à leurs cotés chaque heures de chaque jours afin de les aider a se "réadapter".

La jeune femme laissa un silence s'insinuer entre elles-deux.

- Si ils me le demandent, je le ferai.
- Te l'ont-ils demandé ?
- Non.
- Ne crois pas que je désapprouve complètement ce que tu fais l'amie. J'avoue avoir été un peu sceptique au début, et même si j'ai encore quelques doutes, je te souhaite, et leur souhaite à eux-aussi, d'arriver à se reconstruire.
- Dans ce cas tout va pour le mieux. Tu n'es pas obligée de m'accompagner aux Marches, ton travail était de m'accompagner à bon port et c'est ce que tu fais. Je ne t'en demande pas plus.
- J'aviserai à ce moment-là ! Et puis, tu t'emmerderais toute seule aux Marches ! C'est le grand Nord là bas !

Phadria joignit le rire à ses paroles. A chacun de leurs mots, une petite buée blanchâtre se formait au bout de leurs lèvres.

- Je dois d'abord m'assurer de leur trouver une relation stable, ensuite ma mission sera terminée.
- Aye, aye ! Comme tu voudras, c'est toi la chef quand on met pied à terre !
- Tu es déjà allée aux Marches ?
- A bord du Seigneur Emeraude en personne, répondit Phadria le sourire élargissant ses oreilles. Tu connais ? Le navire d'Ariel en personne ! D'ailleurs tu me croirais jamais si je te le disais...
- Les bateaux c'est pas trop mon truc tu sais... Est ce que tu connais une auberge dans laquelle on pourrait se rejoindre ?
- Je propose qu'on organise ça le moment venu. J'en ai bien une en tete mais franchement, je n'ai guère envie d'y reposer les pieds...
- C'est une grande ville on ne pourra pas se rejoindre aussi facilement.
- Il y a de nombreuses auberges et tavernes au niveau des Ports. Nous nous donnerons rendez-vous dans l'une d'elle !
- Ou rendez-vous au bateau avant la fin de la journée.
- Je note ça. Ça nous évitera de nous perdre lorsque nous accosterons !

Les deux femmes passèrent un bout de nuit ensemble à discuter, puis la pluie redoubla et gêna leurs échanges. Finalement, Sélénae avoua que le froid la fatiguait, et s'en alla dormir.

- N'hésite pas si tu veux que je prenne ta place, lança-t-elle à la pirate.
- T'occupe ma sœur. Phadria Red gère !

La pluie gagna en intensité, devint plus drue. Les gouttes faisaient presque mal en tombant. La veste fourrée qu'Argorg avait acheté pour Phadria -rouge en plus ! une petite attention qui avait comblée la pirate- se trouva bien vite trempée.

- Temps de merde. Région de merde. Boulot de merde..

Phadria éternua tout en faisant tourner légèrement le gouvernail.

- Ne vous enrhumez pas, Capitaine.

Elle vit monter de la cale une silhouette encapuchonnée, qu'elle ne reconnut pas de suite. Puis :

- Ah, c'est toi ! Avel.
- Vous ne dormez jamais madame ? demanda-t-il gentiment à Phadria.
- Je dormirai quand je serai morte !

Il esquissa un sourire sous sa barbe et vient se tenir debout près d'elle.

- Je pense que vous avez encore de belles années devant vous.
- Elles seraient encore plus belles si tu me tutoyais, mon garçon.

Mon garçon. Avel n'avait rien d'un garçon en vérité. Il était même plus âgée que Phadria, de quelques tours, peut être. Mais nommer ainsi un aîné était une tentation trop grande pour que Phadria Red y résiste. Elle sourit de sa propre malice. Comme s'il  lisait dans ses pensées, l'affranchi lui demanda son âge.

- Vingt-six Tours. Et toi ?
- Je dois en avoir trente-quatre ou trente-cinq, madame.
- Tu n'es pas sûr ?
- J'ai été un esclave durant plusieurs Tours, et j'ai eu plusieurs maîtres.
- Tu m'en diras tant.
- En tant de temps, on oublie vite au fil des Saisons qui on est.

Phadria Red prit le temps d'observer le dénommé Avel dans les yeux.

- Mais tu n'as pas oublié ton nom !
- Ca non, c'est vrai.
- Nous serons bientôt aux Marches, Avel. Tu pourras vivre ta vie comme tu l'entends.
- Je ne saurai jamais comment te remercier, Madame Red.
- C'est pas à moi que devraient aller tes remerciements, garçon.
- Sélénae, oui je sais. Elle a été formidable avec nous, tout le long...
- A mon avis, ça ne lui ferait pas de mal de se l'entendre dire au moins une fois ! sourit Phadria en un clin d'oeil.
- Et vous, reprit Avel, vous a...
- Tu.
- Tu as quelqu'un qui t'attend, quelque part ?

Phadria ne put se retenir de rire.

- Mais qu'est-ce que vous avez tous avec ça, par la Garce !
- Quoi ?
- Et bien non, je n'ai personne ! Je vogue libre comme l'eau et là où le vent me mène ou me malmène !

Avel sourit à son tour. C'était la première fois que Phadria voyait l'un des esclaves de Sélénae sourire.

- Qui sait ? Tu pourrais faire de belles rencontres aux Marches.
- Hé Avel ! Regarde ?
- Oui ?
- La pluie.
- Et bien ?

Red tendit une main ouverte, paume vers le haut, en souriant.

- C'est de la neige.

L'esclave à la peau mate observait à présent le ciel les yeux grands ouverts, l'air totalement submergé, comme s'il ne parvenait pas à y croire. Phadria Mary Red éclata de rire !

- Bienvenue aux Marches D'Acier mon garçon !
Sam 6 Fév 2016 - 17:12
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