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Une bonne lame n'a pas de prix : Part II [Pv Dren/ Pygargue]
Le Pygargue
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Fils de Kafkon Samuel
Le Pygargue
Les yeux flambent, le sang chante, les os s'élargissent, les larmes et des filets rouges ruissellent. Leur raillerie ou leur terreur dure une minute, ou des mois entiers.
J'ai seul la clef de cette parade sauvage.

Rimbaud



Le Pygargue empoigna solidement son arc Ramien. Ses poumons demeuraient contractés, l'air lui semblait chargé d'électricité et de poix. Il respirait mal.
Le Capitaine banda son arc. Il sentit le sang pulser à l'intérieur des muscles de ses bras. Il confina la flèche entre son index et son majeur, visa, puis tira.

Une seconde plus tard, la dépouille de Horace De Klemmens s'embrasa sur les eaux de la Mer Intérieure en un dernier adieu à ce monde.

Le Pygargue avait construit un brûlot, puis y avait placé le corps sans vie de son éducateur et Premier Lieutenant, beau et bien mis dans ses vêtements impériaux. Muet comme une tombe pour les dernier sacrements, il avait ajouté à la dépouille de son ami celle de son oiseau. Le fameux rapace à col blanc avait lui-aussi trouvé la mort au cours des derniers événements. On accusait l'aura spectrale d'Everhell. L'oiseau s'était agité, puis était tombé de son perchoir, s'était cogné le crane contre le sol de la cabine de Klemmens, et était mort sans raison.

Le trépas de Klemmens avait été plus difficile à expliquer, et plus difficile à comprendre. Sitôt après que des pirates tout juste rentrés d'une expédition dans la Jungle l'eurent enlevé et rançonné, Le Pygargue avait mis sur pied une opération visant à récupérer son Lieutenant au plus vite.

Le reste, il n'en conserve aucun souvenir.

Selon ce qu'on lui a raconté, lorsqu'il était parvenu jusqu'au lieu où on séquestrait Klemmens, il avait découvert un champ de cadavres. Tous ses ravisseurs avaient été tues. Et Klemmens gisait là, tremblant de fièvre, la main tranchée par ses bourreaux. Le Pygargue l'avait ramené jusqu'au Prince de Palmyre tant bien que mal, afin de l'y soigner. Les deux hommes s'étaient ensuite retrouvés, à la suite de quelques actions mystérieuses, dans la cabine du Capitaine, à parler, probablement.
Cette singulière discussion avait fini sur le lit, Klemmens presque entièrement nu, la gorge ouverte en deux, gargouillant des paroles incompréhensibles tandis que Le Pygargue l'empêchait de se débattre, observant ce cadavre en sursis se vider de son sang.

Puis, une fois Klemmens dans l'autre monde, il s'était saisi d'un coutelas, et s’apprêtait à se trancher la gorge lui-même. C'était à ce moment-là que la prêtresse d'Ariel séjournant à Prébois, ainsi que ce jeune forgeron, Dren Hortys, avaient fait irruption dans sa cabine, criant, le maintenant solidement afin d'empêcher l'esprit mauvais à l'intérieur de son corps de le pousser au suicide.
Les deux prêtres -respectivement d'Ariel et de Dwilin- avaient ensuite unis leurs forces afin de pratiquer un exorcisme sur Le Pygargue et chasser définitivement de lui toute trace de Baldassare Everhell. En un ultime cri de tourmente, le spectre du pirate aux yeux rouges avait été expulsé, livré à d'interminables errances aux enfers, exilé au cœur du chaos.

Une main sur le cœur, Le Pygargue assistait à la crémation de celui qui fut son maître, son éducateur et son ami. Autour de lui, tout l'équipage du Prince de Palmyre demeurait réunis. Les aspirants, les enfants perdus et les Emulzes. Et le Pygargue sentait leurs regards. Ils n'étaient pas ciblés sur Klemmens en un ultime adieu, comme cela aurait dû être. Mais sur lui.

Le Capitaine se força à les ignorer. Mais ils exerçaient une pression sur son âme, comme arrachant par lambeaux un remord douloureux du fond de sa pensée. Il savait que tous à Prébois, depuis les derniers événements, le voyaient comme un monstre et le dévisageaient froidement. On l'avait accusé de tant de maux ! La mort des ravisseurs de Klemmens, la mort de son propre pygargue, le viol puis l'assassinat de son Premier Lieutenant ! Les gens avaient peur, les murmures courraient. Même son équipage le craignait. On parlait de lui comme d'un mage noir, un nécromancien. Un monstre. Ne fallait-il pas en être un pour arracher aux griffes de la mort son fidèle ami, dans le seul but de le tourmenter et l’égorger quelques heures plus tard ?

Klemmens était mort. Et Le Pygargue était son assassin.

Pire que tout, il n'en gardait aucun souvenir. Seulement le sang poisseux maculant ses mains livides dès l'instant où il avait ouvert l’œil quelques jours plus tôt, et qui le mettait face-à-face avec le cauchemar éveillé qu'était devenu sa vie.

~



Le Pygargue ne dormait pas dans le Prince de Palmyre. Depuis les derniers événements, il abhorrait ce navire. Il l'abhorrait d'autant plus que son propre lit était devenu le lit à l'intérieur duquel Klemmens avait trouvé la mort. Avait-il réellement violé son Second avant de l'envoyer s'arranger avec Canërgen ? Le Pygargue ne voulait plus y penser. Partout à Prébois, on l'évitait. Il marchait la tête basse, la mine sombre. Sans oiseau. Sans Klemmens. Il marchait seul. Les femmes murmuraient et s'écartaient, les hommes lui lançaient des regards de dédains. On le traitait de nouveau de tous les noms. "Pédé", "assassin", "nécromancien", "sorcier", "monstre", "psychopathe", "invocateur de démons", "fratricide" et tant et tant d'autres qu'il était épuisé de tous les entendre. La prêtresse d'Ariel le bénissait plusieurs fois par jours, lui imposant les mains, priant comme elle le pouvait pour son âme. L'imposition de telles mains, si dévotes et si banches, aida Le Pygargue à ne point sombrer dans la folie, et à pouvoir trouver quelques temps de repos.

Les jours suivant son exorcisme, il avait dû réapprendre à contrôler son corps. Comme aux premiers Tours, il dut s'imposer seuls maître de son cerveau, de ses actions, de ses muscles. Il dû réapprendre à marcher, sans avoir besoin de s'aider des murs ou de la coque de son navire ! Parfois, il était pris de convulsions violentes, bien que courtes. Il ne dormait plus. Son corps l'élançait tout entier, il avait toujours l'impression d'avoir Bervers en lui. Et bien qu'il ait supplié plusieurs fois la prêtresse d'Ariel de le bénir, encore et encore, rien n'y faisait et il continuait à entendre son frère lui murmurer des infamies au creux de l'oreille, ou encore tordre son corps dans ses positions qui n'auraient jamais dû exister. Il vomissait plusieurs fois par jours, sans savoir quoi. Son alimentation s'était réduite à presque rien. En revanche, il buvait beaucoup d'eau.

La lune brillait, fière, cette nuit-là au travers les fenêtres de l'auberge. Habituellement, Le Pygargue prenait ses repas seul, dans sa chambre -celle-la même qu'il avait partagé avec son Second durant plusieurs semaines- et passait ses soirées à pleurer et paniquer. Ce soir, il avait décidé de relever la tête. Un peu de compagnie lui ferait du bien, avait-il songé, et il était descendu dans la salle commune. L'auberge qu'il louait, il l'avait de suite remarqué, s'était vidée presque de moitié depuis cette histoire d'exorcisme et de spectre. Et l'aubergiste, même si il demeurait trop bon -ou effrayé !- afin de le lui dire, se languissait du départ de ce client à ennui. Les clients restants faisaient du bruit tout bas sur son compte, tout en portant à leurs lèvres une cuillère de ragoût ou de potage. Ces bruits lui faisait mal.

Il mangeait seul. De toute façon, qui viendrait partager son repas ? Même son propre équipage le craignait. Il ne s'était jamais senti si loin de ses hommes qu'aujourd'hui. Les enfants perdus le regardaient comme s'il eût été un monstre, voire un démon. Ou les deux.
Le Pygargue écrasa une larme contre sa joue, puis termina son repas. Il avait récupéré le tabac de son Lieutenant, et, bien qu'il lui ait laissé sa chère pipe pour l'au-delà -il savait combien Klemmens tenait  à cet outil à pétun !-  il se roulait lui-même cigarettes sur cigarettes, en l'honneur de son vieil ami. Tout en fumant, il contemplait la lune, et jamais elle ne lui parut si lointaine, inaccessible, que ce soir-là.


Bientôt, une silhouette trapue et massive vint le trouver. Plutôt silencieux, il tira une chaise et s'installa juste à côté du Capitaine Impérial. Le haut-de-forme du Pygargue posé sur la table, près de lui, contrastait avec les deux grosses haches de l'Orc qu'il venait aussi de poser. Les deux personnages ne se dévisagèrent même pas, chacun observant une part de ciel, de ce ciel si noir et si grand, et souhaitant, peut-être, s'y noyer. Au bout d'un interminable silence, la voix de l'Orc se fit entendre.

- Je suis désolé pour Klemmens. C'était un homme brave et droit.

Le Pygargue écrasa dans sa chopine ce qu'il restait de a cigarette, sans un mot. Arriverait-il seulement à parler sans que sa voix se brise sous un raz-de-marée de pleurs ?

- Que demandez-vous Maître Orc ? lui fit-il froidement, en le dévisageant enfin.

L'Orc se mit à soupirer. C'est seulement à ce moment-là que Le Pygargue remarqua le tigra rayé couché à ses pieds, semblant l'observer avec méfiance.

- Tu as capturé une de mes amies proches, lui dit l'Orc, du nom de Phadria Mary Red, et j'aimerai savoir ce que tu as fais d'elle.

Silencieux comme un lac mais gros de pleurs comme leurs flots, Le Pygargue soupira à son tour. Il se souvenait de cette femme-là, oui. Cette histoire remontait à bientôt un Tour. Dieux, que le temps passait lentement parfois ! Cela lui paraissait une éternité.

- Ne seriez-vous point descendu dans l'estomac de mon Prince de Palmyre afin de l'y retrouver ?

Le Peau-Verte secoua la tête :

- Je veux d'abord entendre de ta bouche, Pygargue, ce que tu lui a fais et où elle se trouve.

Allons bon. Voilà qu'un Peau-Verte le tutoyait à présent ! Preuve faite qu'il avait perdu tout son crédit et tout son honneur ! Il venait de perdre Klemmens. Il venait de tout perdre. Madame Red pouvait bien aller au diable! De plus, il était persuadé que cet Orc lui mentait. Si il n'était réellement pas descendu dans les geôles du Prince de Palmyre afin de se rendre compte lui-même, il devait être stupide. Ou si peu pressé de revoir son amie !

- Votre amie m'a été reprise.

Le Pygargue se coiffa de son chef et alluma une autre cigarette, les doigts tremblants.

- Par un homme œuvrant sur la Passe de l'Ouest, à quelques milles du Royaume Halfelin. Il me l'a volée jusque dans mon bâtiment d'une cruauté qu'il révèle fort bien. Il se fait reconnaître comme étant Commodore Théoden.

Il porta la cigarette à sa bouche. L'alluma.

- La pirate Madame Red et ce Commodore Théoden étaient amants, j'escompte bien.

De nouveau un silence tomba.

- Je vois.

Le Pygargue serra convulsivement sa clope. Théoden... Théoden qui lui avait imposé l'humiliation d'un Joly Roger sur son grand mât. Puis avait tué tous ses hommes. Et ça, à quelques mois seulement de la fin de cette chasse à l'homme qui lui avait volé dix Tours de sa vie. Théoden qui l'avait marqué de sa rapière, et pire encore, lui avait dérobé tous ses papiers. Sans son journal de bord, sans son journal de compte, sans ses archives et les journaux des Capitaines qu'il avait pu arrêter, comment justifier une telle aventure sur les mers ? Comment éviter le billot à son retour dans l'Empire sans ses papiers ? Il était perdu d'avance.

- Sais-tu comment le trouver ?

Le Pygargue avait presque oublié la présence de cet Orc.

- A mes dernières nouvelles, les deux faisaient route vers l'Ouest, devers le Nouveau Monde. En tout cas La Passe. Je prise que ces eaux leur conviennent.
- Très bien... Une dernière question : quel est l'endroit le plus fréquenté par les pirate  ?

Le Pygargue trouva l'ironie amusante. Lui était un chasseur de pirate, non un pirate !

- Avant qu'elle ne chute, il y a plus de quatre Tours, j'aurai élu Port-Argenterie. Aujourd'huy, je miserai davantage sur l'île Puerto-Blanco, à plusieurs centaines de lieues d'Argenterie. Cependant, rien ne demeure moins sûr.
- Je vois merci des informations.

L'Orc attrapa ses deux haches, se retourna afin de s'en aller, puis s'arrêta soudainement et sans raison apparente.

- Ah et une dernière chose...

En une seconde, Le Pygargue fut soulevé par le col de son pourpoint, et dès l'instant où il refermait ses mains sur celles, géantes, de son interlocuteur, il fendit l'air et vint s'écraser par delà le comptoir, au milieu plusieurs barils de bière !

- Dis-toi que c'est une compensation pour avoir capturé et emprisonné mon amie. Maintenant adieu, le piaf.

L'Orc ne ferma pas même la porte derrière lui. L'un des baril fuitait en s'étant renversé, et le Pygargue se redressa maladroitement, redressant les fûts du même coups. Tous les regards étaient tournés sur lui. Sa veste, son pantalon et sa chemise demeuraient tâchées de bière. Ils en avaient même l'odeur.

Sans un mot, Le Pygargue ramassa son haut-de-forme tombé plus loin, puis regagna sa chambre la tête baissée. C'étaient les seuls vêtements Impériaux qu'il possédait. Théoden avait fait main basse sur tous les habillements que comptait le Prince de Palmyre.

~



Le Pygargue ne trouva point le sommeil, même une fois que la prêtresse d'Ariel fut passée le bénir. En revanche ce qu'il trouva très bien, ce fut au fond de l'une de ses poches le flacon de poudre du docteur de la Wicked Wench. D'un geste expert à force d'entraînement, Le Pygargue en ôta le bouchon, et en laissa tomber une petite part dans le creux de la paume avant de l'inhaler. Il se laissa retomber sur le lit, les bras croisés derrière la tête. Il se sentait infiniment triste. Mais il c'était déjà infiniment mieux que tout à l'heure !



~

Le Pygargue se rendit chez le seul couturier de Prébois, dès le lendemain à l'aube. Il déposa une importante somme d'argent qu'on lui réclama, afin que l'homme puisse reprendre le costume, cape y compris, et y ôter ces vilaines traces de bière grasse. Le résultat fut au-dessous de ses espérances, mais cela resta correct, songea le Capitaine. Ce qui l'était moins à présent, demeurait les écus qu'il lui restait. Il se rendit trouver maître Hortys, le forgeron, le pourpre au front, dérobé au sang de son cœur. Il expliqua qu'il souhaitait revenir sur sa commande passée, que Klemmens mort, forger deux lames demeuraient inutiles, comme il aurait souhaité lui faire don de la seconde, et de surcroît, plus tellement dans ses moyens. Il voulut récupérer l'avance qu'il avait faite pour les deux armes, cela lui aurait servi à se payer de nouveaux habits si il devait rentrer sans tarder en Empire d'Ambre pour y mourir. Au minima, qu'il y soit présentable. A sa grande stupéfaction -qui quoi que ce soit pouvait encore le surprendre- le forgeron tira d'il ne sut jamais où une arbalète de poing, allant jusqu'à le menacer avec !

- J'irai moi-même dire à la Topaze l'origine de vos désagréments, ajouta Dren Hortys. Un valet de la cour m'en a causé.

Le Pygargue demeura coi. Les pupilles blanches, irréelles du forgeron qui l'intriguaient le visaient comme des bouches d'arquebuse.

- Il souviendrait plus à votre sûreté d'éviter de mêler vos jours à mes erreurs. Vous les ignorez toutes. Restez à vos forges et à votre feu, maître forgeron. Se mêler de juridiction et de tribunal mettrai votre sort entre de très sévères mains.

Dren Hortys ne lui fit point de réponse. Blasé, Le Pygargue renonça à récupérer son argent. Il s'en alla trouver le valet, celui-là même prisonnier des Chasseurs de Vouivre, d'après ce qu'il avait compris. Il eut grande peine à le trouver, mais on le laissa l'approcher. Et comme tout Prébois, l'expression sur le visage du héraut de l'Empire changea du tout-au-tout dès qu'il croisa Le Pygargue.

- Vous désiriez de ma part une réponse, attaqua directement le Capitaine. La voici. Et bien faite. Les derniers événements ayant eu lieu, imprévus de par leur ampleur et leur nature, m'ont empêché de partir en entreprise dans la Jungle comme je l’escomptais. Ne vous faites point ignorant : vous savez ce qu'il est advenu de Maître Klemmens, mon Premier Lieutenant. Seul, je n'ai ni l'inclination ni le temps de m'enrichir de telle façon. Sitôt que la commande que j'ai passé auprès de Maître Hortys, le forgeron des Chasseurs, sera achevée, je mettrai à la voile pour la Topaze de Palmyre.

Le valet hocha la tête, sans rien dire, et l'air bien effrayé par cet homme qui était possédé par un esprit frappeur il y avait même pas une semaine de cela. Tandis qu'il s’apprêtait à prendre congé, il l'arrêta :

- Mais Capitaine...vous m'avez déjà donné votre réponse.

Le Pygargue fronça les sourcils sous l'effet de la surprise. Il sentait le plastron de soie de sa chemise frotter contre son col.

- Je ne comprend point.

Le Valet tira alors un morceau de papier, visiblement une lettre de marque, ou officielle, de sa chemise et la tendit au Pygargue. Il sentait la terre s'ouvrir sous lui tandis qu'il prenait connaissance de son contenu.

- Je n'ai jamais écris cela.
- C'est votre écriture. C'est votre nom. C'est votre sceau, messire.

Le Pygargue tremblait de dépit.

- Messire, croyez-moi, je ne suis pas l'auteur d'une telle infamie.
- Sur le papier, vous l'êtes, conclut le Valet avant de s'en retourner, lui abandonnant la missive entre les doigts.



A Madère D'Angualmar, Premier Secretaire,
Par la grâce de Canërgen,

Monsieur,


Sachez que votre lettre à fait bon port, et que vos paroles ont été lues et réfléchies avec minuties.
Malheureusement, ma couardise n’ayant d’égale que l’ampleur de la traîtrise dont j’ai fait pâtir l’empire, je ne peux me résoudre à rejoindre Palmyre pour y mourir sous son joug.
Sachez cependant qu’à ce jour, je me trouve en Prébois et qu’à l’heure où vous recevrez cette lettre je n’en serait que guère loin. Envoyez vos flottes et alors je pourrais mourir sur la mer, là ou est ma place, car je peux me résoudre à rejoindre ma cité plein de honte.



Le Pygargue.



Le Pygargue s'en retourna trouver Maître Hortys, travaillant à sa forge.

- Combien de temps espérez-vous, afin d'achever ma commande, messire ? demanda-t-il.

Il sentait sa propre-lettre, roulée contre son sein sous sa chemise, lui brûler la poitrine.

- Puissiez-vous, pour les bonnes grâces dont me pourvoira Ohiel, forger vite, Maître Hortys... »
Jeu 28 Juil 2016 - 3:56
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Dren Hortys
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Localisation : Empire d' Ambre.
Lenneth's slave
Dren Hortys
Dren s'avança vers le valet qui transpirait la fébrilité.

« - C'est votre écriture. C'est votre nom. C'est votre sceau, messire. »
Répéta le forgeron. Insistant pour que le timbre de sa voix soi le plus proche de celui du valet.
Ce dernier répliquant qu'il avait rendu la lettre comme le forgeron l' y avait vigoureusement encouragé.
C'est alors que Dren se vaporisa devant ses yeux.
Avant de rentrer dans la pièce par la porte situé de l'autre côté où son illusion se tenait encore un instant avant.
« -Magie grise. » Dit Dren sans pour autant croire utile de donner plus d'explications à un valet de l'empire d'Ambre.
« _Vous connaissez, à en juger par la qualité de vos sorts l'université de la cité de Jade ? » Se risqua a demander le valet.
Dren acquiesça.

« -Et je connais également du monde dans cette cité. Cet homme a été victime d' un spectre. Ses agissements n'étaient en aucun cas les siens. Cette lettre que vous venez de lui rendre et son incompréhension en la lisant le confirme.
Reste que vous n'êtes qu'un valet qui avez entravé dans son travail un enfant de Dwilin. Ne pensez pas que je ne me soit pas renseigné même à moindre mesure sur la commande de mon client avant de m'engager auprès de lui. Cet homme qu'il soit complétement suicidaire ou inconscient reste pour tous ici un chasseur de pirate à la solde de l'empire pour les gens de cette ville.
Je me dois de témoigner en sa faveur. Du moins en ce qui concerne les événements récents. »

Dren se dirigea vers une table prit un parchemin et commença à écrire.

A l'attention de Léon de Sainte-Croix. Chevalier de l'ordre du même nom, par la grâce de l'impératrice.

Mon ami.

Je prend dans quelques jours, la direction de la cité de Topaze. Me voilà malgré moi témoin d'événements qui requiert la justice éclairée d'Ohiel et de l'empire. Je vais, une fois mon œuvre achevée ici, voguer, (Oui tu as bien lu voguer) vers les côtes de l'empire. Espérant ton soutient autant moral que physique à la descente du navire. J'ose croire que tu sera sur la jetée pour m'épauler. Puisse mes prières envers Ariel rendre le moins pénible possible mon voyage sur son domaine.

Maître Dren Hortys. Enfant de Dwilin.

Ceci étant fait.Il fit lire au valet cette lettre. Ce dernier dût rapprocher la bougie ainsi que ses yeux pour lire et dire à voix haute :

« -Léon de Sainte-Croix !? » S'exclama le valet.
-On était à l'université ensemble. J'étais son parrain lors de son premier tour...
-Mais si j'avais su messire Dren ! Jamais je ne...»

Le forgeron lui fit signe de ne rien ajouter.
De la bouche du valet plus aucun son ne sortit. Dren prit sa chaise et la plaça en face du valet.
« -Vous conviendrez que vous poursuivre pour enfreinte à l'exercice d'un enfant de Dwilin mérite punition. Cependant, je suis prêt à accepter vos plus plates excuses et à laver cet affront si vous m'accompagnez jusqu'à Topaze pour que je puisse témoigner dans cette triste affaire. Il est évident que je paye mon voyage ainsi que le surplus de bagage.
-Quel surplus de bagage messire ?
Le matériel nécessaire pour pouvoir forger ailleurs. Mes marteaux, enclumes, pierre à eau, et autres moules, pinces, plaques, établit, soufflets, gants, tabliers, candélabres, moule, pierres à eau et j'en passe. »

Le valet se confondit en excuses et lorsque les oreilles de Dren ne purent plus en supporter davantage. Il le fit savoir au valet qui patienterait avant de reprendre la mer que le forgeron termine enfin sa commande.
Dren eut une discussion avec Vyrah. Le forgeron l'invita même a quitter Prébois en prétextant que sa troupe de mercenaire connaitrait certainement plus d'activité dans les campagnes de l'Empire d'Ambre que dans cette foutue ville gangrénée par la racaille. Vyrah sans refuser l'offre, ne l'accepta pas pour autant.
Dren envoya sa lettre qui prit la direction de l'empire et enfin il put commencé à forger.

Quatre jours et quatre nuits plus tard il finalisait la deuxième lame.
Sous le regard bienveillant d'Astarra il frappa une rune de feu.
Plusieurs méthodes existent pour poser des runes sur une arme ou sur une pièce d'armure. Dren pour ça part préférait celle consistant à frapper la rune en dernier. Il avait déjà vu faire des forgerons nains bien mieux en noyant la rune dans l'arme, mais son client semblait pressé alors il choisit la technique la plus simple.
Il passa l'arme à Astarra qui ne put que le féliciter de son travail.
« -On dirait que tu a posé des runes toute ta vie. » Dit-elle avant de reposer l'arme et de rajouter.
« -Tu vas nous manquer. »
Dren fuyait le regard de la maîtresse des runes en se justifiant :
« -Qu'il soit jugé pour bien des choses, je m'en moque un peu, mais si je ne témoigne pas pour justifier que certains de ses actes aussi ignobles soient-ils. Alors le spectre qui le possédait aura gagné et cela personne ne peut s'y résoudre. »
Dren ferma sa forge et alla trouver le valet pour lui dire qu'il pouvait avec son équipage commencer à procéder au déménagement de celle-ci.
Puis il se rendit au temple d'Ariel ou était certainement son client.
Cet homme avait été brisé et lentement la prêtresse d'Ariel recollait peu à peu les morceaux de son âme avec ceux de son corps.
« - J'ai votre commande. » Dit Dren en présentant les deux armes dans leur fourreaux.
« -Rassurez- moi vous connaissez les danger des armes runiques capitaine ? »

Le questionna le forgeron avant que le capitaine ne lui réponde qu'il était tout ouïe.
Vraisemblablement ce client avait commandé une lame dont il ne supposait même pas la puissance et encore moins les dangers.
Dren se racla la gorge. Si la situation n'avait pas viré au drame avec cette histoire de spectre. Il se serait fait un plaisir de plumer un peu plus ce capitaine au surnom d'oiseau en lui dispensant des conseils vitaux, mais chèrement facturé.
« -Je vais garder la lame runique et vous laissez celle-ci. Reprenez un peu de force sinon cette lame va vous prendre ce qu'il vous en reste voir même votre vie. »
Dren fit demi-tour la lame runique soigneusement rangée dans son fourreau sous le bras.

Passant devant le navire impérial du valet il put constater que déjà son équipage chargeait ses affaires. Malgré la chaleur et la moiteur du climat. Dren frissonna quant à l'idée de prendre la mer. Il retourna au temple d'Ariel pour y faire une offrande. Sachant qu'il multiplierait ce genre d'acte jusqu'à l'embarquement.
Dim 31 Juil 2016 - 13:43
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Le Pygargue
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Le Pygargue
Vous qui prétendez que des bêtes poussent des sanglots de chagrin, que des malades désespèrent, que des morts rêvent mal, tâchez de raconter ma chute et mon sommeil.

Rimbaud



Les instructions contenues dans la Résolution des Deux Maisons traitant d'affaires, des droits et des devoirs liant la maison De Everhell à la maison De Klemmens prescrivaient bon nombre d'engagements. Lorsque Horace de Klemmens s'était présenté pour la première fois en tant que précepteur et éducateur au Pygargue, c'était dans même le Tour que celui où Bervers De Everhell avait abandonné derrière lui sa maison afin de se livrer à la piraterie dans l'Ouest. Le Pygargue consultait ce gigantesque ouvrage vieux de près de quatre cent Tours, la fameuse Résolution des Deux Maisons, Klemmens et Everhell, à la lumière du soleil passant à travers les verrières du salon du manoir. Il était âgé d'à peine seize Tours. Klemmens en avait trente.

Le Pygargue n'oublierait jamais cet instant où cet homme, vêtu de ses plus beaux habits, la cape enroulée autour de l'épaule, le pourpoint doré de rubans, accrochant les rayons du soleil au travers la verrerie s'était présenté à lui. Il avait simplement hoché la tête à l'attention de son futur élève, bien droit dans l’entrebâillement de la porte, le chapeau à la main. Le Pygargue avait refermé dans un claquement sec la Résolution des Deux Maisons afin de saluer cet homme que le valet venait de conduire depuis le hall. Avec le temps, Le Pygargue songea là qu'il s'agissait du premier chaînon de sa destinée.

« Michaël Vinzent De Everhell, s'était-il présenté en serrant la main de cet homme aux traits graves et aux cheveux coupés courts et bien plaqués. Messire De Klemmens, j'imagine ?
- Horace De Klemmens, pour vous servir Messire, conformément à la Résolution des Deux Maisons, qui lie nos deux familles depuis plus de quatre siècles.

Le Pygargue avait senti la commissure de ses lèvres se détendre. Il avait remit sur sa tête son haut-de-forme avant d'inviter cet allié improbable en une telle période de crise à s'asseoir sur l'un de divan.

- Vous étiez, me semble-t-il, -il s'interrompit quelques secondes afin de se saisir du verre de vin qu'un valet apportait aux deux hommes- un ami de mon frère ?

A ces propos, Horace de Klemmens qui avait comparu le front haut, le regard assuré, le maintien ferme et plein de confiance cilla lorsqu'il peina à allumer sa cigarette.

- Un ami proche, répondit-il enfin.

Le Pygargue but une gorgée de vin, hésitant sur la suite de la réplique. Klemmens tira une bouffée de tabac qui parut lui rendre son assurance. Le Pygargue se souvint que les De Klemmens demeuraient tous de grands marins. Il était vrai, que les membres de cette maison étaient depuis des générations et des générations de francs diplômés de l'académie navale de l'Empire, des Capitaines, des officiers, des ingénieurs marins, des lieutenants ou des têtes de l'Amirauté. Lui qui désirait prendre la mer et laver l'affront qu'avait fait Bervers à sa maison se trouvait probablement face à un Capitaine. Horace de Klemmens dit enfin, d'une voix grave de sens.

- Je l'ai connu lorsqu'il était encore un enfant. Et à en juger aujourd'huy par l'allure de son jeune frère que j'ai sous les yeux, il doit être un homme.

Par la suite, jamais Le Pygargue n'avait connu meilleur éducateur et confident que Horace De Klemmens, diplômé de l'académie navale, diplômé de l'académie des vœux d'Ohiel et de droit pénal de la cité de Jade Étincelante, et diplômé de l'académie d'instruction et de pédagogie de Tourmaline de Jaspe. Bien que de quinze Tours son aîné, il fut plus proche de ce De Klemmens que de n'importe quel autre homme de sa propre maison.


Le Pygargue se saisit à deux mains le crane, et, à bord de l'Eradicate sur lequel il se trouvait, tenta de se concentrer sur ce qui faisait l'essentiel de sa lecture. Ayant sa cabine en horreur depuis la mort de son Second, il s'était rendu à son bureau uniquement afin de récupérer ce qui faisait la paperasse dérobée de son frère, Capitaine de l'Eradicate, pour prendre le temps de l'étudier. Depuis sa possession, il sentait, il voyait, il entendait son frère partout. Le Pygargue s'était dit qu'il aurait peut-être plus de chance d'échapper à ce cauchemar si il apprenait à connaitre davantage son frère. Ils avaient quinze Tours d'écart. Et ils n'auraient pu être plus différents l'un de l'autre.
Parmi la foule de documents, autre le journal de bord du Capitaine de l'Eradicate, se trouvait un lot de cartes. Son frère avait toujours entretenue une passion pour la cartographie marine. Et il y avait là des cartes fort rares, il n'en doutait pas, et de qualité exceptionnelles, certaines même de sa main ! Bon nombre de trésors qui auraient intéressés, sans nuls doutes, n'importe quel chasseur un peu mal avisé ! Bervers avait toujours été une sorte de génie, songeait Le Pygargue. Il l'avait toujours haï pour ça. Il s'en rendait compte maintenant. Jamais il n'avait aimé son frère. Il en avait été jaloux, tout le temps. Il mit de côté le lot de cartes -dont certaines paraissaient dater de plus de cinq-cent Tours !- et se concentra sur d'autres papiers. Il reconnut l'écriture de Bervers, encore. Des griffonnages, des ratures. Il avait entre les mains les chants de pirates du Capitaine de l'Eradicate, écrits et composés par lui. Parce que oui, en plus d'être l'enfant prodige, le favori de Finil, le surdoué, Michaël Bervers était un artiste de talent !


- Tout cela ne rime à rien, clama le jeune Pygargue alors âgé de seize Tours, laissant de côté la viole qu'il tenait serré entre son poignet et son cou. Je suis mauvais en tout. Mon père ne me regarde même pas !

Il avait soupiré, arrangeant les manchettes de sa chemise.

- Savez-vous, avait-il ajouté en se tournant vers son éducateur, que Bervers n'a jamais eu besoin d'apprendre ? Il lui suffisait de toucher un instrument, n'importe lequel, pour savoir y jouer !

Lui n'avait point l'âme d'un musicien. La seule musique que ses oreilles entendaient, autres que celles des épées s'entrechoquant dans la cour d'entraînement, étaient celles des rapaces qu'il dressait dans la cour arrière en compagnie du maître fauconnier. Klemmens avait posé une main amicale sur son épaule, le réconfortant par le bleu tranquilles de ses yeux habituellement sévères.


- Mais ça n'est pas en jouant de la viole que l'on capture des pirates, lui avait-il confié la voix mi-basse. Moi, j'ai foi en vous, Mickaël. Ensemble, nous y arriverons.

Le Pygargue n'avait jamais confié à son nouvel éducateur son désir de prendre en chasse son frère. Il lui avait parlé de ses ambitions dans la marine, bien sûr, mais ses études dans le droit à côté lui prenaient beaucoup de son temps et le bloquaient. Mais Klemmens avait deviné les tracas de son cœur.

- Klemmens, lui avait répondu le jeune chasseur de pirate tout ému. Je jure de vous faire honneur en tous temps, dusse-je mourir pour cela.

Leur étreinte à peine commencée dut mourir ici et maintenant. Hilena De Everhell venait d'entrer dans le bureau, appelant son oncle. Le Pygargue avait pris sa nièce de quasiment le même âge par la main, la faisant tourner dans les airs. L'on disait "mon oncle" ou "ma nièce" mais depuis la fuite de Bervers -et Finil savait combien la jeune fille en avait souffert !- Le Pygargue était devenu comme un père pour elle. Un père de substitution, gentil et aimant, et un ami doublé d'un confident. Il l'avait baisé sur le front, et après s'être excusé auprès de Klemmens, avaient quitté le manoir. Il la menait prendre l'air dans les jardins.


~



Le Pygargue s'était attardé à Prébois. Il était peu sorti du Prince de Palmyre, sauf pour dormir dans l'auberge. Conscient des événements difficiles qui l'attendaient sitôt de retour dans l'Empire, il avait tenté de se mettre à jour sur le papier de façon la plus efficace possible. Théoden lui avait tout dérobé. Il tenta de tout reconstruire d'après souvenir. Un après l'autre, ses prisonniers furent extirpés de leurs geôles afin de comparaître à son bureau. Il voyait en leur compagnie leur nom, leur patrie d'origine, le titre qu'il se donnait à bord du bâtiment qu'ils servaient, le nom de ce bâtiment, le nom de leur Capitaine, le jour, le cycle et le Tour de leur capture ainsi que les circonstances de cette dernière. Il se recréa un Journal de bord, dans lequel il retraça les derniers événements de sa vie, en partant des dix derniers Tours. Il travailla ainsi à ses archives presque un cycle entier. Cela demeurait un ouvrage pénible, long et harassant. Surtout que sans le témoignage ou la signature de membres de son équipage, de son Premier Lieutenant, rien ne prouverait au yeux d'un quelconque tribunal Impérial qu'ils demeuraient authentiques.

Un beau jour, de l'agitation secoua le port de Prébois. Une caravelle aux voiles blanches, frappée du pavillon de l'Empire d'Ambre et de la Topaze de Palmyre (trois lions d'or) vint mouiller. A bord de l'Eradicate, dans l'ombre de son frère haï et décédé, Le Pygargue se rendit vite compte de l'arrivée de ce bâtiment. Et bien qu'il n'égala point en carrure et en tonnage le Prince, il demeurait puissamment armé de balistes, sans parler des nombreux archers, paladins et hallebardiers qui en descendirent en un instant. Le Capitaine, suivit par celui qui paraissait être son Second, ainsi qu'un troisième homme que Le Pygargue identifia, à ses habits, comme un Officier Ministériel. Le Pygargue en avait eu un à son bord avant que Théoden ne le tue également dans les mers de l'Ouest.

- Capitaine De Everhell ?

Le Pygargue se découvrit. Il portait à son côté sa toute-nouvelle lame.

- C'est bien moi, Capitaine. Qui m'annoncez-vous ?  

Le Capitaine se découvrit également. Plus jeune que Le Pygargue, il avait la stature d'un homme complaisant mais néanmoins sur ses gardes.

- Je suis le Capitaine Klemmens. Je viens tout droit de la Topaze de Palmyre, de la part du Ministère de la Marine de l'Empire.
- Capitaine Klemmens ? Seriez-vous...

Le Pygargue cilla en se recoiffant.

- ...le fils aîné de Horace ?

Le Capitaine acquiesça du chef.

- Horace de Klemmens est mon père, si fait Capitaine.
- Soyez apprêté honnêtement, Capitaine. J'en suis navré. Mais Horace de Klemmens, qui fut mon Premier Lieutenant, n'est plus de ce monde, depuis plusieurs semaines.

Il était fort ému en parlant.

- Je compatis à votre peine, s'excusa Le Pygargue.

~



Frédérique De Klemmens:



Le Capitaine Frédérique De Klemmens avait invité, seul à seul, Le Pygargue dans ses appartements. Des gardes aux portes, les deux hommes avaient tout de même eu le loisir de s'entretenir de façon ouverte et à l'abri d'oreilles indiscrètes ou incompréhensives.

- Je dispose d'un mandat d'arrêt à votre nom, Capitaine De Everhell, avait avancé Frédérique De Klemmens tout en ouvrant un rouleau de parchemin. Signé par le Messire le Ministre de la Marine, ainsi que le premier Secrétaire, Madère d'Angualmar. Il nous faut le dire, Capitaine, après que votre missive eût été remise entre les mains du Premier Secrétaire, son sang n'a fait qu'un tour. Il a ordonné votre capture sur l'heure, un bâtiment a été arrêté à cet effet. Je me suis arrangé pour en prendre le commandement, comme les De Klemmens doivent venir en soutien aux De Everhell en périodes de crises.

Frédérique de Klemmens ajouta, s'enfonçant dans le coin de son fauteuil.

- Et jamais je n'ai assisté à pire crise au sein de votre maison, Messire.
- Capitaine Klemmens, cette missive que vous dites, mieux la eusse voulu mettre entre mes mains. Je prise par ces mots vous faire savoir que je n'ai jamais rien écris qui justifie une tel ire.
- Lisez, Capitaine.

Le Capitaine Frédérique De Klemmens offrit entre les doigts du Pygargue une missive, dont il connaissait fort bien l'écriture. Il en possédait par ailleurs une copie froissée quelque part à bord du Prince de Palmyre.

- Capitaine Klemmens, je vous prie de croire que jamais je ne...
- Ce n'est point ma personne que vous devrez convaincre, Capitaine. Et vous le savez. Conformément à la Résolution des Deux Maisons qui nous lie, je suis votre allié dans cette affaire. Et jusqu'en cour martiale, où vous serez forcé de comparaître.

Klemmens reprit, après avoir servi un fond de whisky au Pygargue.

- Vous étiez dans la justice Capitaine, autrefois. Savez-vous ce qu'il en coûte de déserter une fois ?

Le Pygargue ne se donna pas même la peine de répondre. Il le savait, évidemment. Klemmens poursuivit de nouveau, l'air grave d'inquiétude.

- Mais que vous est-il arrivé ? Les De Everhell servaient les princes et l'Impératrice dans le temps ! Ils ne lui tournaient point le dos dès la première occasion ! Vous vous êtes parjuré. Et par trois fois ! Personne ne peut rien faire pour votre tête en un tel cas, comprenez-moi bien !

Le Pygargue avança ses justifications. Il voulait demeure fidèle à son Empire, au Ministre, à l'Impératrice, mais l'extrême nécessité d'attaques pirates en côtes étrangères, Ramiennes principalement, l'avaient forcé à ignorer les ordres ! Frédérique ne voulut point en entendre plus, arguant qu'il ferait mieux de garder ses arguments pour la cour martiale.

- Comment est décédé Horace De Klemmens ? attaqua finalement le Capitaine.
- Il nous a quitté ici-même, dans cette cité. Assassiné, il y a presque cinq semaines.
- Et qui l'a tué, Capitaine ? Qui a tué mon père ?

Une question délicate. Une réponse à la fois si simple et si complexe...

- L'assassin a été châtié, je vous prie de le croire Capitaine Klemmens.  
- L'homme a peut-être été châtie par Ohiel, mais votre Lieutenant demeurait mon père, quand bien même nous ne fumes jamais proches. Je gagerai avoir un nom !

Le Pygargue prit une profonde inspiration.

- J'aimais votre père, Capitaine. Un homme d'honneur qui jamais ne m'a fais défaut. Il me manque terriblement, aujourd'huy davantage qu'hier.

Il s'était levé, contemplant l'horizon par travers les fenêtres de poupe du navire.

- C'est Michaël Bervers qui l'a tué. Michaël Bervers De Everhell...

A ces termes, Klemmens risque de s’étouffer avec son verre. Il se leva à son tour !

- Un De Everhell assassinant un De Klemmens ? Seigneur !
- J'ai châtié ce traître, Capitaine.
- Seigneur ! répéta Klemmens. Mais ça demeure là la fin de la Résolution des Deux Maisons ! Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ?
- Notez que Bervers, même si il songe en plaisance à se faire nommer Everhell, ne porte plus aucune attache le liant à sa maison.
- Est-il mort ? Bien mort ? Je devrais le ramener à la cité de Jade, autrement.
- Il est bien mort, Capitaine.
- Et concernant votre équipage. Indiquez-moi où je peux trouver vos hommes.

Le Pygargue avança alors sa mésaventure avec le Commodore il y avait presque un Tour. Il exposa la bonté et le secours du peuple de Ram et évoqua le cas des enfants perdus. Ils ne devaient nullement être traités mal et envoyés dans les geôles de la caravelle ! Le Pygargue demanda à ce que Klemmens traite ses hommes comme des invités plutôt que des prisonniers. Le Capitaine aux cheveux blonds se leva après avoir donné son accord. Il prétendit donner congé au Pygargue quelques heures, bien que sous liberté surveillée, le temps de faire ses aurevoirs -ses adieux !- pour peu qu'il en ait, réunir son équipage et de préparer le transfert de tous les papiers, ainsi que de l'équipage de ce dernier du Prince de Palmyre jusqu'au Palais d'Agathe.

~



- J'avais prévu deux cabines spacieuses à mon bord ! Pour vous ainsi que pour mon père. Mais il s'avère que mon père n'est plus. Il ne reste que vous. Vous qui avez trahi la maison De Klemmens, l'avez trahi lui et avez trahi notre Empire ainsi que notre Impératrice ! Lorsque vous m'aviez avoué que mon père fut assassiné, vous aviez omis de préciser que vous étiez l'assassin !
- Capitaine Klemmens, se défendit Le Pygargue, je n'ai point eu la chance de...
- Quand on s'en remet à la chance, mieux vaut en avoir à revendre, Capitaine De Everhell. J'ai un mandat d'arrêt à votre nom, Michaël Vinzent De Everhell, Capitaine du Prince de Palmyre.

D'un geste du chef, il intima à ses hommes de se saisir de sa cible.

- Arrêtez-le.

On débarrassa Le Pygargue de son épée, nouvellement forgée par Maître Hortys, ainsi que de tout ce qui pouvait se trouver sur lui. Son arc lui fut retiré également, de même que sa cane et le flacon de poudre blanche au fond de sa poche.

- Non ! Ne m'allégez point de cela !
- Qu'est-ce donc ? demanda Frédérique De Klemmens en examinant le flacon de poudre.
- C'est un...médicament, Capitaine.
- Un médicament, vraiment ? Êtes-vous souffrant, Capitaine De Everhell ?

Des chaînes furent passées aux poignets du Pygargue.

- En cabine, ordonna le Capitaine, à l'isolement et surveillé. Exécution !

Tandis qu'on emmenait le Capitaine du Prince de Palmyre, Frédérique De Klemmens confia les effets de son prisonniers aux bons soins de l'Officier Ministériel.

- Ces armes lui seront rendues une fois le procès terminé.

Le fils de Klemmens se dirigea alors vers sa cabine. Il devait relater dans son journal les événements du jour et se mettre à la rédaction d'une missive pour le Premier Secrétaire D'Angualmar, affirmant que le Capitaine Everhell venait d'être arrêté comme convenu, et qu'on le ramenait à la cité de Jade Étincelante.

- Capitaine, lâcha l'Officier dans son dos. Une fois le procès terminé, pour Everhell ça sera le billot.
- Je le sais. Je voulais dire que ces armes iront à la maison De Everhell comme elles le doivent. Faisons en sorte que cette maison jouisse d'une ultime étincelle de prospérité avant de se consumer toute-entière.

~



Le Pygargue n'eut point de mauvais traitement de la part de l'aîné de Horace de Klemmens. Dès le lendemain, le Capitaine le fit amener jusqu'à lui et ordonna comme la veille qu'on les laisse seuls. Toujours affublé de ses chaînes, Le Pygargue se sentait damné plus que perdu.

- J'ai fais ôter votre pavillon, lui confia le fils de Klemmens. Il est tombé raide. Comme un oiseau qui meurt.

Le Pygargue ne releva point.

- Votre équipage sera bien traité, le rassura Frédérique de Klemmens. Il est à l'isolement, mais davantage en tant qu'invités de mon bâtiment qu'en tant que prisonniers.
- A l'inverse de ma personne ?

Klemmens acquiesça.

- J'ai passé la nuit à lire votre Journal, Capitaine. Votre frère, Michaël Bervers, fut tué plusieurs semaines avant que mon père ne fut lui-même tué.

Un silence tomba entre les deux hommes. Le pygargue confirma.

- Vous fûtes prévôt si je ne m'abuse, reprit Frédérique. Vous savez comment fonctionne le système juridique de l'Empire. Et vous avez pris seul la décision de faire crucifier votre frère, à votre propre bord. Depuis quand la justice tolère-t-elle un prévôt qui se fasse tout autant chasseur, juge et bourreau ?
- Bervers a commis des actes emplis de folie pure. Ce fut une bête, et il est mort comme une bête, voila tout. Ses victimes ne demeurent plus là afin de témoigner contre ce chien, Capitaine.
- Ce n'est point du cas de votre frère que vous devriez vous inquiéter, reprit Klemmens. Mais du vôtre. Vous êtes accusé de trahison, parjure, désertions, récidives, piraterie. Et s'ajoutent à cela fornication, fratricide et meurtre.
- Capitaine ! J'escompte que vous vous fiez aux rumeurs malpropres circulant en cette cité, malpropre tout autant, qu'est Prébois. Cependant, jamais je n'aurai fais le moindre mal à la personne de Horace, votre père. Il fut l'ami le plus loyal et honnête que j'eusse.
- Inutile de défendre votre cause à mes oreilles, Capitaine De Everhell. Ce n'est point moi qui vous jugerai.

Le Capitaine Frédérique De Klemmens soupira, bien droit derrière son bureau de chêne poli et verni.

- Je n'ai jamais été proche de mon père, savez-vous. Pour dire toute la vérité, c'est là-même un homme que je ne connais point. Jamais il n'a embrassé ses enfants, jamais il n'a touché ma mère. Ses penchants dérangés et refoulés en ont fait un être à part, pressé par la tentation auprès de votre frère, puis, plus tard à vos côtés. Vous avez passé tous deux dix Tours en mers. Et Horace De Klemmens a été retrouvé mort, nu égorgé dans vos propres draps, sur votre propre lit, à bord de votre bâtiment. Et en dépit de tout cela, sa mort me peine terriblement.

Le Pygargue vit le fils de Klemmens joindre les mains derrière son dos en se levant.

- Il n'était point mon père biologique, je ne suis pas stupide. Un aîné voit cela. Mais ce qui nous lie, ce qui fait notre force et la force de l'Empire, c'est notre nom. Nous sommes de la même maison. De la même famille. Je préférerai mille fois user de sodomie que me faire fratricide !

Le Pygargue se leva aussitôt, pressé par la violence de cette réplique.

- Vous ne savez rien de Bervers, Capitaine ! Rien du tout !
- Qu'on emmène cet homme hors de ma vue ! Sa seule présence m'indispose !

On dû forcer Le Pygargue à se retirer !

- Veillez à ce qu'il ne manque de rien jusqu'à ce que nous atteignons la cité Topaze de Palmyre, d'ici un cycle lunaire.

Le Pygargue fut ramené jusqu'à sa cabine. Deux officiers armés surveillaient sa porte, de jour comme de nuit, et il était placé à l'isolement définitif, ordre du Capitaine Klemmens, jusqu'au terme du voyage. Passant devant le reflet d'une glace, Le Pygargue vit non point sa propre image, mais celle de son frère, deux fois mort, et qui ricanait. De rage, les poings liés par des chaînes, il brisa le verre ! La folie et l'abattement étaient certains, mais il eût été de mauvais ton de se laisser aller à la fureur frénétique, et vandaliser le mobilier du Palais d'Agathe. En apercevant les reflets brisés au sol de Bervers, Le Pygargue devina le rang souverain qu'il occupait dans sa vie, jusque dans sa mort, et se laissa tomber sur les genoux.

Il était pressé de rentrer à la Topaze. ll savait qu'il allait y mourir. Il n'était pas pressé de mourir. Il était pressé de défendre jusqu'à la fin l'honneur de son fidèle ami. Et de revoir sa chère Hilena une dernière fois.
Mar 2 Aoû 2016 - 4:14
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Dren Hortys
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Localisation : Empire d' Ambre.
Lenneth's slave
Dren Hortys
Il y a des rumeurs qui filent plus vite qu'un trait de poudre qui s'embrase à Prébois. Celle de l'arrestation du Pygargue en faisait partie.
Rassemblant ses souvenirs de la justice impériale. Dren prit donc la liberté d'aller à la rencontre du geôlier de son client.
Après tout, le sabre frappé d' une rune de feu était la propriété du Pygargue. Que ses effets lui soient retirés était une chose, mais Dren ne pouvait résolument pas garder cette pièce sachant cela.
Prenant soin de rester sur le pont après avoir appeler à voir le capitaine du navire. Se présenta à lui un homme a la chevelure blonde coupé certainement à la dernière mode impériale.
Lorsqu'on l'invita à monter à bord, il déclina l'offre poliment en indiquant qu'il préférait plutôt marcher un peu.
« -Capitaine, je prend bientôt la mer mettant de côté mes peurs et appréhensions concernant ce mode de transport afin de me rendre comme témoin au procès du capitaine de Everhell. J'ai déjà prit des dispositions pour me rendre à la cité de Topaze. Là-bas je serai très certainement prit en charge par l'ordre de Sainte-Croix qui me ménera jusqu'à la capitale afin de témoigner des tristes et graves derniers événements.
Je tenais à vous remettre cette lame. Identique à celle du capitaine qui prend un nom d'oiseau. A la différence près que celle-ci est frappée d'une rune. Il n'a aucune idée de comment se servir d'une telle arme. Cependant elle reste sa propriété car cette commande a été honorée par un juste paiement.

Dren fit une pause dans son discours laissant l'occasion a son interlocuteur le loisir de poursuivre la discussion.

- Rappelez-moi votre nom, Messire ? Hortys, c'est cela. L'on dicte que juste paiement appelle à juste traitement. Si tel est votre souhait, je puis me charger des effets du Capitaine De Everhell, au complet. Je puis vous assurer que jusqu'à l'Empire ils seront correctement acheminés.

-Je n'en espérait pas moins. Une de ses lames devait revenir à son second qui portait vraisemblablement le même nom que vous. »
Dren fit face au capitaine tout en sortant lentement l'arme de son fourreau. A mesure que la lame se dévoilait des flammes commencèrent a courir le long de celle-ci. Lorsqu'elle fut complétement sortie. Le capitaine put à loisir apprécier la danse calme du feu léchant l'acier avant que Dren ne la range dans son fourreau et tendit le tout au capitaine.
« -Sachez que l'homme qui a passé cette commande n' avait rien a voir avec celui que j'ai trouvé dans sa cabine l' autre soir. Comme en atteste cette lettre écrite de ma main et signé de concert par la prêtresse d'Ariel qui m'accompagnait. Il n'était pas maître de lui-même.
Dren remit également une lettre au capitaine.
« -Au cas où je ne puisse pas témoigner de cela en personne. »
Dit-il avant d'ajouter qu'elle n'était pas cachetée à la cire, au cas où la curiosité du capitaine lui donne l'envie d'en savoir plus.

A cet instant le valet vint à leur rencontre signifier à Dren que l'heure du départ approchait.
Dren salua le capitaine avant de prendre congé.
Ven 5 Aoû 2016 - 7:29
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