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[FB] Sauvetage de haut vol - Partie 1
Abad El Shrata du Khamsin
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Localisation : Le Nouveau Monde
Roi en exil
Abad El Shrata du Khamsin
Armand:


La première chose que fit Armand lorsqu’il mit le pied à Ram fut … vomir. Appuyé fébrilement sur une des rambardes de l’embarcadère, il dégobilla violemment ce qu’il avait ingéré durant cette dernière journée de voyage, en soit deux filets de sardines et une patate.
Le voyage avait été atroce : Ariel avait déchainé la mer sur eux tout le long du voyage. De toute manière un typhon une semaine après le départ avait calmé tous les membres de l’équipage désireux de retourner voir leur patrie dont Armand.
Mais le pire avait été les plusieurs tonneaux d’eau claire perdus en mer durant l’évènement faute de sangles mal sanglées. Malgré son statut de chef au sein de l’équipage, Armand avait refusé tout traitement de faveur, rétorquant lorsqu’on lui avait présenté une des dernières gourdes d’eau disponible, que les membres de l’équipage qui passaient leurs journées à s’activer sur le pont pour faire fonctionner le rafiot en avaient surement plus besoin que lui.
Deux jours qu’il ne buvait pas une goutte d’eau tout en étant maltraité en permanence par la chaleur et les vents salins et alors qu’il régurgitait les derniers morceaux de nourritures pré digérées il sentit une terrible soif l’envahir. Il avait l’impression que son cerveau allait exploser, et une douleur partant de sa nuque venait poignarder ses orbites. Alors qu’il s’essuya la bouche d’un revers de main, il s’aperçut que l’environnement autour de lui n’était plus qu’un vaste mirage. Des sons arrivaient à ses oreilles mais parvenaient à son cerveau en un brouhaha incompréhensibles. Car le port semblait bondé, et ses occupants, taches noires estompés dans des oscillations oranges semblaient être un grand essaim de mouches vrombissantes autour de sa tête.
Au bord de ses cils à la surface de sa rétine lisse se creuse un puit de lumière en fusion, réflexion liquide du soleil au rayon d'or où s'anime l'image d'un soldat qui passe près de lui.
« Votre gourde, dit-il en tendant une pièce d’or vers le soldat, je vous la rachète. »
Il la but en entière avant de la jeter par terre. Le soldat, le regard mauvais se pencha pour la récupérer. Mais Armand s'était déjà dirigé vers un passant qui portait sa gourde à sa ceinture. A lui aussi il proposa de lui racheter pour une pièce d'or. Suspicieux de prime abord, le passant hocha vigoureusement la tête lorsque Armand lui présenta la pièce brillante. Armand but à grande gorgée. Quand la rumeur se propagea qu'un étranger rachetait des gourdes d'eau pour une pièce d'or, tout le monde se rua sur lui en lui tendant sa gourde. Armand fut prit de court par la foule compacte qui s'était précipitée sur lui. Il recula jusqu'au ponton de son embarcation, et plaça une main sur la garde de son épée au moment même où une délégation de gardes à cheval vinrent disperser la masse de gourdes tendues.
"Suivez nous, lança un des gardes dans leur direction, Qassim Anar vous attend."
Jeu 16 Aoû 2018 - 21:53
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Noire
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Localisation : ???
Heaven can wait
Noire
Dur comme la pierre et t’effritant comme elle.
En marche vers la force dont le chemin est aussi celui de la mort
Résolu à aller aussi loin, aussi longtemps que possible.
C’est à dire vivre.

Desnos



Spoiler:



Le garçon, en demi-toilette, avait établi son quartier général dans le petit salon au troisième étage du palais de Vindex. C'étaient là les appartements que lui avait octroyé le Calife -ou plutôt le grand conseiller de Qassim, Brahama- au capitaine Armand Ravengen et à  lui-même.  Là, sur une table entourée à distance d’un divan large et moelleux, tous les tabacs connus de l'Ancien Monde oriental, depuis le tabac jaune de Kaqhar, jusqu’au tabac noir du Shinaï, en passant par le tête-de-cobra, le Tif Al Yubi et le latakié des sables, resplendissaient dans les pots de faïence craquelée qu’adoraient les voisins Tahariens. À côté d’eux, dans des cases de bois odorant, étaient rangés, par ordre de taille et de qualité, les touffes de korkom, le Felel Akhel, les Oud Kronfol et les kabbar ; enfin dans une armoire tout ouverte, une collection de pipes originaire des royaumes plus au nord, Kelvin et Tahar, de chibouques aux bouquins d’ambre, ornées de corail, et de narguilés incrustés d’or, aux longs tuyaux de maroquin roulés comme des serpents, attendaient le caprice ou la sympathie du garçon. Palomar aurait pu présider lui même à l’arrangement ou plutôt au désordre symétrique que les convives d’un déjeuner arabe aiment à contempler à travers la vapeur qui s’échappe de leur bouche et qui monte au plafond en longues et capricieuses spirales ; que cela n'aurait rien changé à la décoration de ses appartements.

Qu'il était bon d'être de retour dans l'Ancien Monde ! Après plus d'un Tour à errer sur le Nouveau. Palomar apprenait à se familiariser de nouveau avec les splendeur Ramiennes. Bien sûr, son Sultanat natal, Guedria, lui manquait encore. Mais Vindex apportait avec elle son lot de trésors et de senteurs enfin retrouvées. Posé sur une table basse en verre, un petit livre à la couverture de cuir noire que le garçon avait tiré de la mince bibliothèque des appartements. Ouvert en son milieu, il faisait mention entre les pages d'opium, belladone, fausse augusture, bois de couleuvre, byine dioïque extrait de la racine, laurier-cerise des sables, noix de Cheikh Ridma et feuilles de Thâath. Les poisons Ramiens végétaux et animaux étaient à l'honneur. À la tombée de la nuit, un valet de chambre entra. C’était un petit esclave de quinze Tours, parlant avec un fort accent Taharien et répondant au nom de Oussouf. Il fit maints allers et retours afin de remplir la baignoire de cet invité d'honneur d'une eau chaude dont la vapeur embuait les vitres des fenêtres. Sans un mot, le regard dur et fermé, le garçon se dévêtit puis se coula à l'intérieur. Il avait besoin de se détendre. Même pour lui qui était fils de marin et n'en était pas à son premier voyage de par les mers de Ryscior, la traversée de la Passe avait été rude. Son corps souffrait de mille et une courbatures. Le premier conseiller du Sultan, ce Brahama Kalahal, leur avait dit à tous deux, le capitaine Armand Ravengen et lui-même, qu'ils seraient reçus par Qassim Anar demain peu après l'aube. L'équipage avait ses quartiers au-dehors du Palais, non loin de la cour intérieure.

« Sais-tu masser ? demanda le garçon à l'esclave d'une voix tranchante comme la lame d'un couteau de boucher.

Le garçon parut surpris que le fils d'un grand Capitaine Guedriain lui adresse ainsi la parole.

- Si non, reprit le garçon, appelle-moi un esclave ou bien une servante qui sait. Je la paierai ; j'ai de quoi.

Sur ce, le jeune esclave se prosterna et détala. Palomar prit une grande inspiration dans son bain. Un violent mal de crâne le faisait souffrir. Il se délecta des murmures et des sons extérieurs de Vindex et de l'Ancien Monde. Il n'oubliait pas que c'était le Grand Sultan, Qassim Anar en personne, qui avait envoyé son père, Hikhesh Nadheeri sur le Nouveau Monde exécuter les ordres du Cheikh El Shrata. Il songea à la profondeur du néant où il était. Il avait l'impression d'épuiser les jours que Lothÿe lui donnait, jusqu'à celui-là, où il se trouveras couché sous la terre où les hommes posent leurs pas. Le garçon tendit le bras afin de saisir le petit recueil sur les poisons qu'il avait déniché dans la bibliothèque de ses appartements de luxe : véritable mine d'or. Enfin, une esclave entra dans sa chambre. Sans pudeur, il s'extirpa du bain où il se prélassait, posa le petit ouvrage à la reliure de cuir, passa une serviette autour de sa taille et s'allongea sur le ventre. L'esclave se dévêtit. Il ferma les yeux, le menton encore gouttant sur ses avants-bras. Elle entreprit de le masser. Le garçon se serait endormi si mille pensées ne s'élevaient pas en des cris muets dans son crâne douloureux.

~



Toc. Toc. Toc. Trois coups.

- Je peux entrer ?

Le garçon entendit de l'autre côté de la porte la voix d'Armand Ravengen. Il ouvrit donc la porte et pénétra dans la chambre du blondinet. Le bras droit du Cheikh el Shrata était en petite tenue, comme lui quelques heures plus tôt. Il portait une robe de chambre en tissu fin et délicat, refermée par une écharpe de soie autour de la taille. Son torse était nu sous l'étoffe remarqua Palomar, et ses pieds passés dans des babouches de cuir jaune brodées de perle blanches. Le garçon remarqua que plusieurs bakhûr de bois de santal à l'odeur de musc oriental parfumaient les appartements du capitaine Ravengen.

- J'espère que je ne vous dérange pas, dit le garçon.
- Du tout, répondit Armand Ravengen en l'invitant à s'asseoir sur des petits coussins disposés à même le sol autour de tapis moelleux et de peaux de coyotes.
- Un arguilé ?
- Je ne fume pas, merci. Mais vous pouvez en allumer un si vous le souhaitez, lui dit Armand Ravengen.

Ne se faisant pas prier, le garçon se saisit d'un ghelyan traditionnel.  Il pressa doucement entre ses doigts la pâte humide de couleur brune, composée de tabac, d'écorce et de mélasse à l'odeur de dânoune hameïdha. Il fit perler une goutte de miel, nectar divin sur le tout et inhala la fumée. Un nuage odorant se répandit dans toute la chambre. Armand Ravengen s'était assis en tailleur, à côté du garçon. Il regardait les étoiles de Ram, par la clarté des fenêtres de la chambre.

- Remis du voyage ? dit ce dernier tandis que Palomar fumait.
- Bien remis, oui. Ariel nous aura bien malmenés. Mais nous sommes arrivés, c'est ça qui compte.
- C'est ça qui compte, répéta le blond en pliant sa jambe pour déposer son bras sur son genou.
- Vous n'aimez pas trop la mer Cheikh Ravengen, je me trompe ?
- Si Lothÿe avait voulu voir l'homme sur la Passe, il ne l'aurait pas doté de mains et de pieds mais de nageoires. répondit le bras-droit d'Abad.

Palomar expira une large bouffée de son arguilé.

- De plus, reprit Armand Ravengen, je ne suis pas Cheikh. Appelez-moi simplement Armand.
- Vous êtes le bras droit du Cheikh du Nouveau Monde ; ce n'est pas rien.
- Et vous vous êtes le Capitaine Nadheeri, fils du Cheikh Guedriain Hikhesh Nadheeri.
- Mon père n'est plus de ce monde, dit simplement Palomar.
- Cela n'enlève rien à votre titre, Palomar.
- Cela ne m'a pas permis d'obtenir le commandement de la galère qui nous a ramené à Vindex, objecta le garçon. C'est à vous qu'Abad l'a confiée.
- Je ne suis que son bras droit, reconnut Armand Ravengen.
- D'où venez-vous, Armand ?

L'éclair d'un frêle sourire passa sur les lèvres du jeune capitaine blondinet.

- Mon père était un Oréen, répondit-il. Nous nous sommes établis à Ram alors que je n'étais qu'un jeune enfant.
- Vous y avez passé toute votre enfance ?
- À Vindex principalement, acquiesça Armand. Et vous ?
- Tutoyons-nous, Armand. Puisqu'il ne doit pas y avoir de ''Cheikh'' entre nous. En plus, nous avons presque le même âge.
- Très bien.
- Vindex, donc ?
- J'ai toujours servi le Sultan Qassim Anar, avec fidélité. J'ai accepté d'être envoyé sur le Nouveau Monde pour seconder le Cheikh Abad el Shrata.
- Khamsin, tu connaissais ?
- Avant que le sultanat ne tombe, tu veux dire ? Non, je n'y ai jamais mis les pieds.

Un silence prit son souffle entre les deux hommes. Palomar remit le charbon en place et lécha le peu de miel resté collé sur son index.

- Raconte-moi encore comment cela s'est passé, Armand.

Le ciel bien loin dans les yeux du blondinet lui donna un air triste.

- Palomar, je vou...je t'ai dis tout ce que je savais.
- J'aimerai l'entendre. insista-t-il. Encore.
- Que voudrais-tu savoir de plus ?
- Armand, s'il te plait. Tu es la dernière personne à les avoir vu en vie.

Armand prit une grande inspiration. Palomar aurait voulu que le bras droit d'Abad ait bien la noblesse d'âme de l'excuser si il trouvait en lui quelque chose de trop insistant. Par delà les fenêtres, au pieds du palais de Vindex, la toile se leva, comme d’habitude, sur une salle de théâtre nocturne à peu près vide. C’était une habitude de la noblesse Ramienne, d’arriver au spectacle quand le spectacle était commencé. Il en résultait que le premier acte se passait, de la part des spectateurs arrivés, non pas à regarder ou à écouter la pièce, mais à regarder entrer les spectateurs qui arrivaient, et à ne rien entendre que le bruit des portes et celui des conversations. Palomar devina sans mal que la pièce de ce soir était, comme le leur avait précisé le conseiller Brahama à leur arrivée, un hommage triomphant à la prise de Teikoku par le Cheikh Abad el Shrata. Il se demanda quel serait le nom de l'acteur qui interpréterait le rôle du vampire. Et le pirate au vaisseau gigantesque, serait-il présent sur les planches ?

Armand raconta à Palomar, pour la dixième fois peut-être, les détails du clash des Rois du Nouveau Monde et la prise de Teikoku. Tenu en arrière sur vœu de son esclave, Rajah et de son propre père, le fils de Hikhesh n'avait pu y assister. Il visualisait pourtant, comme s'il y fut, les détails de la caravelle. L'envol d'Amar, fraîchement sortie des chantiers de Nahamel, les barques pleines de Teikokujins qui viennent à son encontre. Son père lui avait toujours dit qu'il y avait un temps pour la prudence et un temps pour l'audace ; un bon marin devait savoir louvoyer. Le garçon voyait Rajah, drappé dans son surah bleu-de-gris, bombardé capitaine de la caravelle par le Cheikh el Shrata en personne. Rajah qui avait escaladé à mains nues le mât de son bâtiment, ses bottes s'enfonçant des les enfléchures des haubans, pour y dégainer son arc et tuer. Tuer. Tuer. Chassant les teikokujins qui les abordait, les faisant choir d'une flèche en plein cœur. Et chaque fois que l'un des hommes de Samuel tombait, précisait Armand lorsqu'il racontait, Rajah avait dans le regard une lumière pleine de noblesse. Il tuait avec le calme et l'habitude d'un professionnel. Parfois, sa bouche s'ouvrait pour ne rien dire du tout, et il décochait flèches sur flèches. L'envol d'Amar avait de quoi être fier de son capitaine, perché là-haut sur sa hune, comme un aigle en haut d'une montagne. Comme un pygargue. Puis l'un de ses ennemis avait réussi à l'atteindre. Armand l'avait vu chuter sur le pont. Le flot profond n'était pas chanteur de romance. Alors l'enfer avait surgit des ténèbres, et le chaos s'était déchaîné, halène profonde de gueules noires abominables. L'envol d'Amar en flammes, Armand avait tenté de relever Rajah, tandis qu'un crâne humain les lorgnait de haut en souriant de toute sa dentition. Des pirates !

- Serrez les basses voiles, enchaînez les vergues pour qu'on ne puisse pas nous abattres. avait murmuré Rajah du sang entre les dents.

Mais il délirait, la chute lui avait volé sa raison. Rajah n'était pas Ramien, et il se revoyait encore à bord de son Prince de Palmyre, à la poursuite des écumeurs des mers des tours plus tôt. ''Capitaine ! disait Armand au milieu des flammes, de la foudre et des tourbillons, Capitaine, il faut que vous quittiez l'envol d'Amar. Nous coulons, Capitaine ! Nos hommes se sauvent déjà !''

Mais Rajah ne voyait pas que les pires assassins de toute la Passe étaient sur eux, alliés à la Non-Mort. Cherchant en ce jour funeste querelle à tout le monde, mais la priorité appartenait à Ram ! Et l'envol d'Amar se contentait de ployer sous l'affront des gueules noires de la forteresse flottante de Kafkon Samuel. Armand tentait de le secouer, mais du sang coulait des oreilles de Rajah. Devenu sourd à cause des volées de mitrailles et de poudre, il n'entendait plus rien. Un boulet frappa de plein fouet l'étambot qui avait éclaté dans un craquement sinistre, touché au gouvernail ! Une ultime détonation avait entrepris de couper la caravelle en deux ! Le mât d'Artimon s'était abattu sur le pont, faisant feux de tous bois. Armand avait dû sauter à la mer pour sauver sa vie. Ce jour-là, il avait lutté contre la nature, qui était Ariel, et contre le monde entier qui aurait bien pu passer pour le diable ! Rajah avait disparu sous les flots en même temps que l'envol d'Amar. Puis L'Alvaro De La Marca, classe comme un roi et dangereux comme un tsunami, avait subitement changé de cible pour diriger ses canons vers le fort de Teikoku et Kafkon Samuel. Le corps de Rajah, par la suite, n'avait jamais été retrouvé. Palomar avait dans l'âme les yeux de la femme en rouge qui avait rejoint Amar-medina la veille, un Joly Roger tatoué sur son épaule gauche.


- ''Franco''...dit Armand. Ce fut les derniers mots de votre ami, Rajah, lorsqu'il vit le navire qui nous bombardait. La seconde d'après, la caravelle se brisait nette et j'ai dû me jeter à l'eau pour échapper aux flammes.
- Je ne le connais que de réputation, rugit Palomar les yeux noirs, et elle me faisait peu désirer de le connaître davantage : mais il me semble qu'il vaut déjà mieux qu'elle.
- Elle ? demanda Armand.
- La femme à qui le Cheikh a accordé son pardon. Cette Phadria Red. Qui a mystérieusement disparu après l'attaque de Teikoku. Elle non plus, son corps n'a pas été retrouvé.
- Grands de nombre de Ramiens se sont noyés, Palomar. Tous les corps n'ont pas été retrouvés.
- L'erreur d'Abad aura été de laisser filer le pirate et ses bateaux, poursuivit le regard dans le vague le garçon, quand il aurait pu utiliser les gyrkimes pour lui tomber dessus. La fille en rouge était avec lui.
- Peut-être Franco l'a-t-il séquestrée de nouveau.
- Je ne crois pas à son histoire ! La chienne a profité de l'occasion pour retrouver le loup. Si lui est né salaud, elle est née salope !
- Je n'en sais rien...avoua Armand. Mais le Cheikh avait plus important à faire. Nous devions prendre le fort et secourir les blessés. Je soutiens à cent pour cent Abad sur les décisions qu'il a prises. D'autant plus que nous avions perdus bien trop d'hommes pour tenter de nous opposer à Franco.
- Si Abad avait pris la peine de bloquer Franco dans la rade alors nous aurions probablement retrouvé mon père ! Ainsi que les corps nombreux de tous les guerriers qui manquaient à l'appel ! Tous les guerriers que Franco Guadalmedina a emmené comme esclaves sur l'Ancien Monde !

On eût dit que le garçon avait pâli en prononçant ces mots -pâli à jamais ! Il avait à présent un regard que la haine enflammait.

- Palomar, tenta de le calmer Armand en mettant une main sur son épaule, je suis désolé pour votre père, sincèrement. Et votre ami Rajah.

Il était repassé au vouvoiement sans même s'en rendre compte.

- Pour moi, une des choses qui me débecte le plus c'est cette attaque vive et bien fourbe des pirates, où tout se succède avec ordre, avec rapidité ; qui sait garder l'air de la violence, le feu de la défense et le plaisir de notre défaite, annonça le garçon en fumant encore sur son arguilé. Mon père et Rajah ne sont plus, Abad a Teikoku, Franco la victoire et nous, nous ne gardons plus que nos larmes pour pleurer nos morts disparus !

Il se massa douloureusement les tempes, comme s'il sentait les doigts blancs du fantôme de Rajah posés dessus.

- Armand, savez-vous pourquoi j'ai demandé à faire parti du voyage ?
- Je... commença le bras-droit d'Abad.

Palomar dégaina alors de sa tunique une dague à la lame finement incurvée, polie et tranchante comme du diamant.

- Je veux retrouver mon père et venger Rajah.
- Abad ne cautionnerait pas de tels actes, avec tout mon respect, Palomar.
- Abad n'est pas bête, cracha le garçon. Il sait que ma détermination est sans faille, c'est pour ça qu'il m'a laissé vous accompagner ! Arrêtez de jouer au plus fin et de me mentir, Armand. Je sais quels sont les consignes secrètes que vous a donné le Cheikh.
- Des consignes secrètes ?
- Le véritable but de votre retour sur l'Ancien Monde, c'est de retrouver ce gyrkime que l'on appelle Fayro ! Le frère de l'épouse du Cheikh.

La température des appartements chuta de plusieurs degrés. Armand regarda dans les yeux le garçon, silencieux comme une tombe.

- Je me suis déjà renseigné, reprit Palomar. Franco Guadalmedina s'est établi roi sur un archipel au sud du continent : Grande Lagoon. Il règne sur l'île de Puerto Blanco et se sont ses subordonnés qui écument la Passe pour lui. Si, comme le pense le Cheikh Abad, et comme je le pense aussi, mon père et Fayro ont été vendus comme esclaves par Franco, alors c'est sur Puerto Blanco que doivent débuter sans attendre nos recherches.
- Nous sommes attendus par le Sultan Qassim Anar pour un compte-rendu de la situation sur le Nouveau Monde, annonça Armand du même ton que s'il parlait de la pluie et du beau temps. Demain à la première heure le Sultan nous att...
- Je sais ! le coupa le garçon. Mais après ça, nous irons rechercher Fayro. Et mon père !
- Palomar, dit Armand avec compassion, j'ai peur que rien ne soit si simple.
- Qu'y a-t-il de compliqué ? écuma le garçon avec de la fureur sous tous les pores de la peau. Faisons équipe Armand, et montrons-nous dignes de la confiance que vous accorde Abad. Je veux vider ce Franco plus vite qu'un cochon et avec autant de cris !
- Si j'avais deux âmes, je pourrais en risquer une. Mais ça n'est pas le cas, donc nous devons nous méfier. Les facettes de cet homme paraissent multiples, tout autant que ses zones d'ombres.
- Une seule chose m'inquiète pour le moment ! dit Palomar. Je veux que vous me promettiez quelque chose.

Après une hésitation, le blondinet hocha la tête de haut en bas en demandant :

- Quelle est cette chose ?
- Lorsque nous aurons atteint Puerto Blanco et que j'aurai enfumé le Loup dans son propre terrier...

il fit mine de passer la lame sous sa propre gorge d'un coup sec !

-...Franco sera à moi ! »

Armand vit le visage du garçon se crisper si violemment que les bords de ses traits devinrent blancs. Il buvait sa propre vengeance, jusqu'à l'ivresse.
Mer 3 Oct 2018 - 22:51
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Abad El Shrata du Khamsin
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Abad El Shrata du Khamsin
Les portes s’ouvrirent doucement, dévoilant aux yeux d’Armand l’intérieur du petit salon dans lequel le recevait Qassim Anhar.

« Entrez. », dit le Sultan d’une voix empreint d’un fort accent ramien.

Une fois qu’Armand eut passé la porte, mettant un pied sur le somptueux tapis qui recouvrait presque l’intégralité de la pièce, le Sultan se leva de sa chaise au centre de la pièce et vint l’accueillir. Il était vêtu d’une chemise crème bouffante au niveau des épaule et des manches, serrée à la taille par une ceinture faite d’un foulard de soie violet à laquelle était entremêlées une longue chainette d’or qui faisait plusieurs fois le tour de sa taille. Armand eut presque du mal à le reconnaître : en trois ans le Sultan avait pratiquement doublé de volume.

Il se saisit de la main d’Armand en un poignée de main typiquement ramienne, les mains molles et sans serrer. La d’où venait Armand, une poignée de main n’était pas officielle si elle n’imprimait pas la marque des doigts sur la paume de son invité.

« Bon retour parmi nous, lui dit Qassim en souriant, dévoilant plusieurs dents en or.

Armand répondit par un signe de tête civilisé.

Il le guida vers la petite table centrale et y prit place -sa chaise laissant échapper un craquement qui ressemblait à un cri d’agoni- puis il se rapprocha de la table jusqu’à ce qu'elle touche son ventre. Armand ne revenait toujours pas de la prise de poids du Sultan.

Une piquante odeur de bois de santal imprégnait la pièce. Armand détourna les yeux et vit que de l’encens brulait dans une coupelle de bronze posé sur le sol.  Au-dessus se trouvait l’unique fenêtre de la pièce dont les rideaux tirés diffusaient la lumière en rayons carminés.  Le petit salon royal était une pièce strictement réservé aux plus importantes discussions d’état et le Sultan avait l’habitude d’y recevoir les délégations étrangères, ambassadeurs et autres fleurons de la politique. Armand, lui, aurait préféré ne pas être là.

« Asseyez-vous, lança le Sultan accompagné d’un geste de la main, je vais nous faire servir à manger. »

Il était dix heures du matin.

« Merci mais je n’ai pas faim Sheihk, j’ai déjà …

Mais le Sultan avait déjà tapé dans ses mains et deux servantes entrèrent dans la pièce, posant sur la table quatre plateaux en or, remplis de coupelles en or elles aussi à l’intérieur desquelles fumaient agneau aux quatre épices, riz sauvage aromatisé à la violette, épais bouillons aux légumes et à la viande ainsi que des poivrons et des aubergines marinés à l’ail accompagné de fromage de chèvre.

Qassim se jeta sur l’agneau aux épices qu’il engloutit instantanément. Il avait ouvert sa bouche si grande qu’Armand avait aperçu sa glotte.  Voyant que son invité ne touchait à rien, Qassim frappa de nouveau dans ses mains et les servantes servirent à Armand une assiette composé d’un peu de tout ce qui se trouvait sur la table. Celui-ci leva les mains en signe de protestation mais elles firent fit de son geste et déposèrent l’assiette devant lui avant de quitter la pièce.

« Ne te fatigue pas elles n'obéissent qu'à moi, dit-il en se léchant les doigts. Même si elles en pincent toutes pour toi, si tu savais comment elles gloussaient avant que tu ne rentres, une vraie basse court.

Qassim déglutit, puis il fixa Armand un instant :

- Hm, c'est vrai que ton visage est fin, dit-il se tout en se resservant une tranche d’agneau- tu aurais plus à ma fille.

Armand ne sut quoi répondre, gêné il se raidit sur sa chaise.

- Mais comment aurais-tu pu la prendre pour épouse ? Tu n’es pas Ramien, même pas des anciens Sultanats. Tout droit venu d’Oro ! Ahhh les Oriens, vous êtes les seuls que je peux m’encadrer. Je crois que Ramien et Orien partageons ce même respect pour les secrets, n’est-ce pas ?

Son regard était insistant. Armand hocha la tête.

- Tu dois savoir que j’ai fait part de ma proposition à Abad El Shrata … aucunes réponses, reprit-il en arrachant un beau de viande dont la sauce au curry vint dégouliner sur son menton en laissant une trainée jaunâtre, même pas une petite missive. Ma fille est l’une des plus grandes beautés de tout le pays et celui-là ose la refuser. Tu devras m’en dire plus sur cette affaire, ajout a-t-il en pointant vers lui le reste de viande qui se dandinait entre ses doigts.
Puis il l’enfourna tout entier et ajouta tout en se léchant les doigts :

- De toute façon ce n'était pas en beau visage qu'il lui fallait. Non, je l’ai marié au prétendant le plus laid que j’ai pu lui dégoter et qui plus ait un simple soldat, le sous fifre d’une maison vaguement noble. Tu aurais vu sa tête, la chienne me fusillait du regard, elle qui se voyait déjà mariée au Prince Demi Sang.

Il eut un rire gras, et un morceau de fromage de chèvre atterrit depuis ses lèvres sur la table.

- Au moins elle sait ce qu’elle vaut à mes yeux ; rien.

Il récupéra le morceau de fromage et le remit dans sa bouche puis il se saisit d’un cure dent dans le pot en or à sa gauche et tout en se soignant la dentition il ajouta :

- Quel choc ça n’a pas été pour toutes les autres familles, elles qui croyaient que j’allais choisir le mari de ma fille parmi elle, AH ! Si tu les avais vu tourné autour de ma fille comme des mouches. Comme si j’allais les laisser engrocer ma fille et s’infiltrer dans ma lignée et ma cour ! Et puis quoi encore, les inviter à s’asseoir sur mon trône ? Jamais !

Il avait tapé du point sur la table, de sa main potelée et saturée de bagues. Son cure-dent coincé entre ses incisives, il reprit :

- Non, ajouta-t-il suivant un bruit de succion, sa langue se collant et se décollant de l’intérieur de ses dents comme une limace, un soldat c’est parfait pour elle : ça m’obéit au doigt et à l’œil, d’ailleurs je l’ai envoyé dans un camp militaire à Tahar pour six mois, tout de suite après le mariage, ils ont le temps de pondre ces deux-là. Et puis un soldat qui dort dans des draps de soie ça fait mauvais genre. En tout cas mon armée à beaucoup apprécier le mariage. Qu’un des leurs ait eut cette chance cela les rend fier vois-tu ? Quelle bande de con.

Il jeta son cure dent dans son bol encore plein de nourriture :

« Enfin, il en est mieux ainsi car j’aurai bientôt besoin d’eux.

Armand tilta :

- C’est-à-dire ? dit-il en fronçant les sourcils.
- Je te raconterai cela plus tard, répondit Qassim expédiant sa remarque d’un geste de la main. D’abord parle moi de ma ville, tout se passe pour le mieux ?
- Amar-Medina se porte on ne plut mieux, les aff …
- Non pas celle-là, coupât-t-il d’un ton sec, l’ancienne Teikoku, comment l’a-t-il renommée déjà ?

Bien entendu il le savait déjà, mais Armand ne pouvait lui faire remarquer. Il s’obligea à répondre :

- El Shrat’Alkabira, dit-il soutenant son regard.

Qassim Anar lacha un « Ah ! » sonore et tapa dans ses mains. Les servantes entrèrent aussitôt dans la pièce et débarrassèrent la table. Elles amenèrent aussi une grande théière en cuivre toute travaillée et à part, dans grand plateau de bronze, elles déposèrent un assortiment de pâtisserie au miel et aux amandes agencées en pyramide. Tandis qu’elles s’affairaient, Qassim ajouta :

- « El shrata la grandiose », quand je l’ai appris je n’en croyais pas mes oreilles. Ce merdeux de pseudo noble donner son nom à MA capitale ?
- Nous avions déjà nommé la première ville à votre nom, mon Sheik, ainsi que plusieurs forêts, montagnes et points culminants …

Qassim lui lança un regard si noir qu’il faillit tomber de sa chaise :

- Je pourrais en parler à Abad lorsque je serai de retour sur le Nouveau Monde.

Satisfait il se saisit du verre de thé qui lui avait été versé.

- Bien, il en sera fait ainsi dans ce cas, dit-il en le regardant par-dessus le verre qu’il avait amené à ses lèvres. Vous renommerez la ville Amar’Alkabira.

Armand hocha la tête. A son tour, il but un peu de thé.
Qassim se saisit d’un loukoum. Contrairement à son repas, il n’en croqua qu’un tout petit bout, et sembla savourer toute son arôme avant de l’avaler :

- Et ces Gyrkimes ? Je meurs d’envie d’en voir un de mes propres yeux, dit-il, ses yeux soudain scintillant de curiosité.

Armand eut un rictus. Si Qassim n’avait pas encore vu de Gyrkimes, ce n’est qu’aucun des esclaves de Franco n’était passé par le grand marché d’esclaves de Vindex. Pourtant c’était le centre mondial de la revente d’esclave. Pour que Franco puisse s’en passer c’est qu’il avait lui-même réussi à monter son propre commerce parallèle. Puerto Blanco avait pris beaucoup plus d’importance que ce qu’il ne pensait.

- Les relations avec les indigènes se portent pour le mieux, Sheik, répondit Armand, répressant le nœud qui s’était formé dans sa gorge.
- Pour le mieux … ? lâcha Amar qui s’était penché au-dessus de son bureau.

Surtout pas un mot à Qassim, Armand, je te fais confiance.

- Abad … s’est … marié à l’une d’entre eux.

Au début le Sheik ne bougea pas d’un pouce, les yeux toujours fixé sur son interlocuteur. Mais quand l’information fut montée au cerveau, son visage prit la même couleur que sa ceinture. Bouillonnant de rage, il se leva d’un bon et jeta son verre à travers la pièce qui atterrit avec fracas dans l’une des étagères, cassant au passage une sculpture en cristal qui s’y trouvait.

- C’est donc pour ça que cet enfoiré a refusé ma fille, et pourquoi ? Une putain d’hybride étrangère ?
- Vous trouverez tout dans mon rapport, ajouta Armand, lui tendant un rouleau de parchemin.

Puis d’une voix si basse que lui seule pouvait s’entendre :

- Ne m’obligez pas à le trahir plus longtemps.

Qassim lui arracha le rouleau des mains, et s’empressa de le lire. Armand pouvait voir ses pupilles osciller au fil des lignes qui défilaient devant ses yeux, de droite à gauche. Quand il eut fini de lire, il se rassit, bizarrement calme.

- La fille du chef de clan… cet enfoiré s’est garanti une place à vie. Maintenant qu’il a le soutien des Gyrkimes je ne pourrai jamais le déloger de là où il est.

Il aplatit le parchemin sur la table d’un geste sec.

- Dire que les elfes m’avaient promis une fortune pour sa tête. J’aurai dû me méfier de son sang royal. Je croyais que la ruine de sa famille et son séjour chez les pirates l’avaient privé de son ambition mais je m’étais trompé. Mais non, elle est encore bien présente dans ses veines, ses putains de veines de sang-mêlé.

Il claqua des doigts et ce fut un scribe qui entra dans la pièce. Il se prosterna à ses pieds :

- Note.

Le scribe sortit une feuille de papyrus de son sac et trempa sa plume dans l’encrier qui pendait à sa ceinture.

- A partir de ce jour, chaque théâtre performant pièces, chants ou autre forme de divertissement traitant de la prise de Teikoku par mon vassal Abad El Shrata, s’exposeront à de fortes sanctions, pouvant, selon le désir divin du Sheik, aller jusqu’à une éviscération publique.

Sans un mot le scribe prit note. Puis il se prosterna à nouveau et sortit de la pièce.

- Quant à toi, n’oublie pas la raison pour laquelle je te paie, Armand Ravengen, ajout a-t-il le regard noir.

Puis il sortit une bourse d’une des manches de sa chemise qu’il jeta sur la table. Au son distinctif de celle-ci, elle était remplie d’or. Au même instant, Armand aperçut l’image de son reflet dans le miroir au fond de la pièce. Celui-ci lui avait été caché par l’imposante stature du Sheik tout le long de leur conversation, mais en se rasseyant, celui-ci avait quelque peu bouger, assez pour que le miroir reflète à présent son visage, comme le portrait d’un homme qu’il ne reconnaissait plus. Il baissa les yeux.

- Puis-je disposer, dit-il en se saisissant de la bouse remplie d’or.

- Pas si vite, répondit Qassim en reprenant la bouse. Que peux-tu me dire sur Franco Guadalmedina ? Il était présent lors de la prise de Teikoku n’est-ce pas ?

Armand déglutit.

- Oui, mais je n’ai pas eu le temps de l’apercevoir Sheik. Tout ce que je sais c’est qu’il était du côté de Kafkon mais Abad a réussi à le faire changer de camp. Il nous a aidé à prendre la ville en bombardant ses remparts, mais à la suite de cela il a réussi à s’échapper. Volant au passage plusieurs ressources rares et faisant prisionniers Teikokujin, Ramiens et Gyrkimes.

- En somme pas grand-chose de plus que ce que m’a déjà envoyé l’autre bouseux.

Il lissa sa barbe, l’air songeur puis reprit :

- J’ai une mission pour toi, ce sera une manière de me prouver ta loyauté. Même si Abad est pour l’instant sous la protection des Gyrkimes, il est toujours possible que je le fasse descendre du pied d’escale qu’il s’est construit. Mais je serai impuissant tant que ces maudits pirates de Puerto Blanco sont entre mes pattes. Ces raclures coulent mes navires les uns après les autres sans que rien ne leur soit fait.

Il leva la bourse au-dessus de la table.

- Tu vas t’infiltrer sur Puerto Blanco et m’en dire plus sur celui qui se fait appeler le Loup de la Passe. Je te laisse le choix sur qui t’y accompagnera mais tu ne pourras prendre le navire avec lequel tu es venu ici. Ce serait comme se déguiser en souris pour aller au bal des chats : vous seriez coulé instantanément. Non, tu utiliseras un bateau de pêche, j’ai débauche quelques-uns de mes meilleurs hommes pour te conduire là-bas. Tu y resteras une semaine, puis tu reviendras avec un rapport détaillé de la situation sur place. Me suis-je bien fait comprendre ?

Son ton avait changé du tout au tout. Armand reconnu là le Qassim Amar tacticien qui avait retourné la prise de l’Ost Noir à son avantage. Toujours est-il que le blondinet ne pouvait pas rêver mieux que ce que lui proposait le Sheik : il allait pouvoir essayer de retrouver la trace de Fayro sous couvert de sa mission officielle.

- Oui.
- Tu as réfléchi sur qui tu souhaites emmener avec toi ?
- Je préfère partir seul.
Qassim pencha un peu la tête sur le côté, l’expression circonspecte :
- Tu es sûr, même pas Palomar qui a fait le voyage avec toi ?
- Surtout pas Palomar, dit-il déterminé.

Qassim eut un rire dédaigneux.

- Très bien, mais en attendant ton retour, je garde cela.

Et il replaça la bourse dans sa manche.
Lun 8 Oct 2018 - 0:21
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Noire
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Heaven can wait
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C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

A.R



Cela faisait déjà longtemps que Palomar attendait dans le boudoir de Vindex que le Grand Sultan daigne le recevoir. Bras croisés, assis sur un molleton de coussins or, blancs et bleus, le fils du capitaine de navire Hikhesh Nadeeri observait par-delà les devantures et les fenêtres du palais le soleil crépusculaire éclabousser le paysage. Puis, au bout de bien deux heures d'attente, un servant vint lui annoncer que Qassim Anar ne le recevrait pas ; en effet, le Sultan de Ram avait eu une urgence et venait de quitter précipitemment la capitale. On ne lui dit rien de plus. Alors, comme le jeune Palomar s'indignait, le khadim du Sultan lui remit un rouleau en peau de bête qu'il entreprit de lire. Ce dernier n'était autre qu'une missive officielle lui informant, en des tournures élégantes mais directes, que le Sultan le recevrait dans quelques jours mais en attendant -Qassim Anar ne perdait jamais le nord !- il rappelait au jeune Nadeeri le lien qui unissait son père à Vindex, et donc le liait à présent lui-même au palais. Comme son père avant lui, Palomar Nadeeri était maintenant un homme digne de servir Ram et donc de servir Vindex. Le Sultan qui était celui de l'empire sultanats, et de surcroît le sien, lui ordonnait de poursuivre et rattraper un boutre de pirates venant de commettre plusieurs raids sur les côtes isolées d'AI qazbor, dorées à l'ouest par le soleil du Sultanat de Nakheel et à l'est par les vents chauds de Nouria. ''ma première mission officielle pour le palais'' songea en son for intérieur le garçon tandis que le khadim de Qassim se retirait après lui avoir fait servir une tasse de thé parfumé au  zaafrane. Se prenant à deux mains les tempes, qu'il se massa, Palomar s'enfonça davantage au creux des édredons qui tamponnaient son dos. Il se sentait fatigué. Hier, le bras droit d'Abad el Shrata, le capitaine Armand Ravengen avait mis à la voile au beau milieu de la nuit, sans un mot. Palomar était jeune, mais pas stupide. Il avait compris qu'Armand Ravengen ne souhaitait pas l'emmener avec lui et qu'il se rendait selon toutes les évidences sur Puerto Blanco. Armand était parti moins de deux jours après son entretien avec Qassim Anar, sur lequel il avait été extrêmement discret avec Palomar. Une fois son thé terminé, Palomar quitta le boudoir du palais et regagna les appartements qu'on lui avait octroyé. Il vida sur le lit aux couvertures moelleuses sa bourse et compta les écus qu'il lui restait. En tant qu'hôte du Sultan, et à présent mandaté par ce dernier pour chasser les pirates des îles d'Al qazbor, le garçon ne doutait pas qu'une avance sonnante et trébuchante lui serait offerte si il la demandait. Mais il lui fallait trier ses priorités. Dans sa missive, le Grand Sultan ne stipulait à aucun endroit qu'il lui prêtait un navire pour la réussite de sa mission. Á sa propre charge donc d'en dégoter un puis de lever un équipage. Palomar déroula une carte de Ram et entreprit de l'étudier. Il fut grandement étonné de constater les changements et les découvertes faites récemment sur le territoire Ramien. À l'ouest de la grande cité de Galiffi s'élargissait le canal d'al'azraq qui venait se jeter à plusieurs lieues au nord, dans la Passe. Plus au sud, au centre de l'immense désert de KarrafÍa, jusqu'alors territoire des chacals et des Orcs à la peau rouge, une cité du nom de Hijr'alkawbra, le cobra de roches, venait de voir le jour. La carte indiquait également la présence de ruines récemment mises à nues dans ce même désert, les runes de Lot'ojia. Le Sultanat de Levêche avait gagné en expension, annexant sa voisine Lassaltar que la carte renommait à présent ''A'levêlt'ar''. Imitant Levêche, la cité esclavagiste d'Alnaby'ou venait sans doute de conquérir son voisin tumultueux, khanafsat. Cela faisait plus d'un tour que Palomar et son père évoluaient sur le Nouveau Monde. L'Ancien Monde ne s'était pas endormi durant ce temps-là, et la nation Ramienne avançait à pas de géant. Elle suivait une route parmi les sables du désert et les eaux chaudes de la Passe, une route creusée par les sabots de ses pur-sang et la quille de ses baggala. Ram couvait à la fois cette noblesse volée au ciel, et cette obscurité au tombeau.
Sa ville natale, Guedria, se situait sur la carte pile entre Vindex et les îes d'Al qazbor. Palomar avisa qu'il devrait également passer par là si il comptait rejoindre Armand à l'extrême sud du territoire, puis dépasser les frontières connues jusqu'à Puerto Blanco, dans l'Archipel de Grande Lagoon. Ses priorités faites, il se fournit auprès du palais en vivres et en vêtements. Dès le lendemain matin, Palomar paya sa place à bord d'un boutre au départ de la capitale et qui desservait la cité de Martek. Il voyagerait ensuite à cheval jusqu'à Guedria, revoir sa mère puis de là lever une zaroug ou une galère à la poursuite des pirates d'Al qazbor. Et de Franco Guadalmedina. Il sembla à Palomar, en embarquant sur le port de Vindex, qu'il était fait tout comme Rajah avant lui, pour chasser les pirates sur les quatre mers de Ryscior.

~



[FB] Sauvetage de haut vol - Partie 1 Desert10



Autour de la grande ville portuaire qu'était Guedria se trouvaient quelques rares vals, aux pieds des collines déshéritées en allant par le nord qui s'avéraient stériles. Les paysans les utilisaient à leur profit, et vendaient le fruit de leur labeur en ville. Si l'on suivait, au contraire Guedria par le sud, on accédait alors à toute une étendue sèche, battue par les chacals et les coyotes et qui était la tête menant à l'immense corps désertique qui se prolongeait ensuite sur des centaines de lieues s'extirpant de la civilisation. C'était ce désert là que Palomar avait choisi de traverser seul, jusqu'à sa ville natale. La journée, le soleil de Lothÿe demeurait si fort que le paysage entier étincelait et paraissait couvert d'huile. Il était nécessaire de porter ainsi les vêtements adaptés. Le taoub, la tunique dont se parent les bédouins Ramiens originaires d'Alkhala ou des plateaux arides protégeaient des insolations, et le keffieh, le foulard mis en place autour du front, plié en carré en laissant traîner la queue dans le dos. La nuit, les vents froids provenant de la mer pouvaient faire chuter les températures de façon impressionnante. Les prédateurs sauvages, comme les hyènes, les chacals ou les coyotes étaient légions sur le plateau. Palomar savait également, pour avoir grandi en cette région, que des hordes de chevaux encore sauvages galopaient en toute liberté autour de ces îlots de sable et monts de roches noires. Ram était un territoire unique sur Ryscior. Celui où la valeur d'un cheikh pouvait être déterminée selon les pur-sang qu'il possédait. Tous avaient leur propre écurie, et il n'était pas rare qu'un cheikh bédouin tienne plus à la vie de son cheval qu'à celle de l'un de ses fils. Toutefois, il n'y avait pas de colonies de bédouins que Palomar aurait pu croiser dans ce désert-là et les troupeaux de chevaux qu'il voyait étaient peureux. Béni soit Lothÿe, il n'y avait pas de tribus Orques non plus aux alentours de Guedria.

Cela faisait plusieurs jours que Palomar progressait donc, cavalier solitaire au milieu des vents chauds et du sable granuleux Guedriain. Un vent dormant et chaud couvrait le paysage aride. Le ciel était blanc, comme du lait et les caravanes qu'il aurait pu croiser sur son trajet passaient dans les fins nuages avec des cris sourds. Soudain, quelque chose interpella Palomar. Il flatta l'encolure de son cheval et mit pied à terre. Le soleil, aveuglant, l'avait empêché de bien discerner, mais maintenant qu'il se penchait dessus il en était certain : une ligne d'empreintes. Il n'était pas, semblait-il, le seul voyageur solitaire à avoir entrepris la traversée du plateau sableux. Palomar étudia un instant les traces de pas dans le sable. Aucun doute, ce voyageur-ci semblait à bout de forces et perdu. L'orientation était hasardeuse, l'homme était sans nul doute perdu. Palomar regagna sa selle et partir au pas, sans se presser. Il remonta la piste ce qui dura plusieurs heures, puis il repéra enfin l'auteur des traces. À plusieurs mètres devant lui, une silhouette était massée sur le sol, au pied d'un arbuste sec et mort à l'écorce grise. Palomar descendit de cheval et entreprit de ranimer l'individu ! Son visage disparaissait sous un large manteau de voyageur déchiré. Des ecchymoses, nombreuses, ainsi que des blessures encore sanguinolentes tapissaient son visage et ses mains. Palomar discerna deux yeux dorés qui papilonnèrent sous les paupières lourdes de l'homme. Son arcade sourcilière droite était ouverte et le sang coagulé formait une croûte poisseuse qui s'effritait jusque sous les cils.

« Sidi ! appela le garçon. Tout va bien ?

L'individu laissa échapper un souffle rauque. Palomar comprit qu'il réclamait de l'eau, il déboucha sa propre gourde et porta le goulot aux lèvres du voyageur. Pendant que le malheureux s'abreuvait, renversant entre les mains du jeune Guedriain sa tête en arrière, son capuchon glissa et tomba de son crâne. Palomar remarqua une longue tresse blanche nouée qui descendait derrière le cou et les épaules du blessé. Ainsi que deux larges oreilles qui filaient en s'amenuisant jusqu'à former deux extrémités en pointe de flèche.

- Un Elfe...murmura Palomar pour lui-même. Un Elfe des sables.

Il n'en avait jamais vu de sa vie. Doucement, le voyageur revint à lui. Palomar remarqua qu'il était déchaussé et, sous cette chaleur, le dessous des pieds de l'Elfe étaient brûlés et couverts de cloques. Il l'aida à se relever puis alla l'asseoir à l'ombre d'un rocher. Palomar rompit le pain, et lui fit passer quelques dattes.

- Tiens, mange. Reprends des forces, tu me raconteras après ce que tu fais ici. Il faut être fou pour tenter de traverser seul et sans habits adaptés le désert de Vendavel.

Palomar, selon l'hospitalité des grandes familles de cheikh Guedriain, entreprit de bander les plaies et les pieds de son protégé. Une fois hors de danger, le front de l'Elfe put se heurter à autre chose que les vents brûlants et le sable de verre de Vendavel. Au loin, le soleil s'enfonçait déjà, rond et tout rouge, dans de profonds chemins. Il remercia Palomar, la poitrine gonflée, pour ses bons services et lui souffla son nom d'une voix cassée à cause de la déshydratation. Elrimbor.

~



- Pourquoi traversais-tu le désert ainsi ?
- Je voulais rejoindre la ville la plus proche, souffla Elrimbor.

Il portait sur le visage les traces de toutes les peines d'une journée de mésaventure.

- La ville la plus proche, c'est Guedria. C'est aussi là que je me rends. Tu as de la famille là-bas ?
- Non.
- Des amis peut-être ?
- Non plus.
- Tu es un Elfe des sables ?
- Oui, c'est ça.
- Et personne ne t'attend nul part ?
- Mes compagnons humains sont tous morts.
- Comment te serais-tu défendu contre les charognards ? Le désert peut être dangereux. Parfois, des hordes de cavaliers attaquent les voyageurs solitaires pour les détrousser. Et tu n'as pas d'armes.
- Je suis un mage.
- Tu as des pouvoirs ?
- Je sais me défendre.

Elrimbor soupira. On aurait cru que toutes la douleur de Ram était contenue dans son crâne. Il se massa le front, doucement. Du sable et du sang séché restait sous ses ongles, remarqua Palomar.

- Tu sais te défendre ? ironisa Palomar en gobant une datte. Excuse-moi mais vu ton état je dirais plutôt que tu viens de te prendre une raclée !
- Nous étions un groupe de voyageurs, expliqua avec patience l'Elfe. Un groupe de griffons nous ont attaqué alors que nous venions de pénétrer dans le désert. Mes compagnons sont tous morts.

Palomar laissa un silence planer entre eux deux, doucement porté par l'aile du vent Ramien.

- Moi aussi, mes compagnons sont morts, dit-il enfin.
- Qui les a tué ?

L’œil du fils de Hikhesh s'anima d'un feu sauvage.

- Un pirate.

Elrimbor ne dit rien, alors Palomar reprit :

- J'ai quitté l'Ancien Monde depuis plus d'un tour maintenant, j'ignorais que des griffons avaient élus domicile dans ce désert.
- Nous les poursuivions pour les tuer, dit Elrimbor.
- Tuer des griffons ? Quelle idée étrange !
- Ils terrorisent les bédouins et les caravanes itinérantes.
- Combien étaient-ils ?
- Trois. Et nous étions quatre. Mais à présent, il n'y a plus que moi.

Elrimbor se leva alors, une détermination irradiant son regard doré.

- Quel est ton nom ? demanda-t-il au garçon.
- Je suis Palomar Nadeeri, fils de Hikhesh Nadeeri, un grand cheikh de Guedria.
- Palomar, tu ne peux pas rester avec moi. On me poursuit, et tu mets ainsi ta vie en danger.

Palomar haussa les épaules tout en tapotant son arc avec son index.

- Moi aussi je sais me défendre.
- Pas contre une chasseresse de démons je pense.

L'information coupa presque le souffle à Palomar.

- Pourquoi une chasseresse te poursuivrait ? Ce sont les soldats d'élite du Grand Sultan !
- Et moi, je suis un ensorceleur.

Palomar ignorait tout de ce qu'était un ensorceleur, mais son orgueil l'obligea à n'en rien montrer.

- As-tu fais quelque chose de mauvais, Elfe ?

Il songea alors au cheikh el Shrata.

- Aurais-tu fais quelque chose de mauvais, je veux dire pour que Qassim Anar te pourchasse et que les tiens t'aient abandonné dans le désert ?
- Personne ne m'a abandonné. Je n'ai jamais connu les miens et je me suis perdu dans le désert après que les griffons nous aient tous massacrés.
- Quoi qu'il en soit...

Palomar se redressa à son tour et entreprit de seller son cheval.

- Nous devons être à moins de deux jours de marche de Guedria. Faisons la route ensemble, qu'en dis-tu ? La solitude commençait à me peser.

C'était la vérité. Après une hésitation, Elrimbor remonta sur son front la capuche de son manteau.

- Faisons équipe au moins jusqu'à Guedria, ça me va.
- Sais-tu monter ?
- Oui.

Alors qu'Elrimbor se hissait en selle, Palomar s'assura que son léger paquetage était bien attaché à la selle puis se mit en route, marchant à côté.

- Tu as quel âge, Elrimbor ?

Après un silence, l'Elfe répondit en baissant la tête sur l'encolure brune qui le soutenait :

- Je l'ignore.

~



Alors que Palomar redevenait soucieux, les retrouvailles avec les siens furent chaleureuses et chargées en émotions. Tout juste arrivés en Guedria, ils avaient profité de l'hospitalité d'une auberge portuaire afin de satisfaire leurs estomacs. Des briouates de bssal, d'al qazbor et de selmiya relevée avec de la pâte de piment, des légumes et de la viande leurs furent servies. Ils accompagnèrent le tout d'un thé bakhannou avec des chebakia au miel et au sucre. Le garçon remarqua la familiarité de son compagnon de route avec les plats Guedriain et releva le point qu'il était connaisseurs des affaires Ramiennes en terme de gastronomie. Puis il paya un jeune garçon des rues afin qu'il annonce son arrivée en ville dans la demeure de son père. Moins de deux heures plus tard, un vieil esclave à la peau tannée comme du cuir venait le trouver, apportant avec lui un pur-sang à la robe noire comme la nuit. Comme les pansements d'Elrimbor recommençaient à suinter et que l'Elfe ne lui paraissait pas méchant, Palomar jugea qu'il serait de fort mauvaise mine de l'abandonner ainsi à sa chasseresse de démons et l'invita chez son père. Rajah, songeait-il tandis qu'il traversait la ville avant d'atteindre les hauteurs de sa demeure, m'aurait félicité de mon hospitalité. Dans le coin le plus silencieux de son esprit, le fils de Hikhesh Nadeeri fut saisi d'une peine immense à l'évocation silencieuse de son ancien esclave. Franco paierait.

La villa Nadeeri demeurait la plus grande et la plus élevée de la cité de Guedria. Plus qu'une demeure, il s'agissait presque d'un palais, avec sa bibliothèque aux étagères immenses remplies de volumes et de traités d'astronomie. Une vieille et impérissable passion qu'avait entretenu son père de son vivant. Avant que le sort ne l'envoie auprès d'Abad el Shrata, sur le Nouveau Monde mener une guerre qui était celle de Ram avant de devenir la leur. Il se déchaussa et confia les bête au vieux serviteur qui se chargea de les amener à l'écurie. La centaine d'esclaves contenue à l'intérieur et à l'extérieur de la maison vinrent le saluer et lui baiser les pieds. Palomar riait en les retrouvant, le cœur soudain débarrassé de toute son amertume. Il ébouriffa les cheveux des hommes, souriait aux femmes tout en tentant de se souvenir de leur prénom. Et après près de deux heures de marche sous un soleil de plomb, il fut plus que ravi que les serviteurs de son père, qui étaient aussi les siens désormais, se chargent de lui faire prendre son bain. Il se rasa le corps, se lava et se décrassa de la poussière des chemins. Ses cheveux furent peignés par deux esclaves aux cheveux tressés et reliés en deux spirales au-niveau de leurs tempes. Elles y appliquèrent des onguent et des parfums afin de leur rendre leur éclat et leur senteur d'antan. Après plus d'une heure à se faire toiletter, Palomar s'avisa que le soleil entamait déjà son ascension par-delà l'océan qui se profilait sous leurs balcons. Il se fit masser afin de paraître devant sa mère au mieux de sa forme et insista pour que l'on huile les muscles de ses flancs, de ses pectoraux et de son ventre pour qu'il gagne en virilité. Lorsque Palomar s'observa à l'éclat d'un miroir en pied, il se trouva tout-à-fait à son goût et jugea que personne dans la maison n'aurait pu être plus beau que lui. Il s'avisa rapidement qu'il s'était trompé lorsque parut à son tour Elrimbor, propre et habillé de pied en cap.

- Comment vous trouvez-vous, sidi ? demanda une vieille esclave à l'Elfe aux cheveux nacrés.

Deux autres servantes vinrent se précipiter sur Elrimbor comme deux mouches sur une nappe de miel.

- Je suis propre, répondit avec modestie ce dernier.

Les pauvres esclaves avaient eu un moment d'attente horrible. Déjà, d'autres esclaves pressaient le bout de leur nez contre la devanture des portes ou des fenêtres afin d'apercevoir le compagnon de voyage de Palomar. Personne n'avait jamais vu d'Elfe dans cette demeure. Pendant qu'Elrimbor repoussait tranquillement du bout de son pied nu le chat qui venait se frotter à ses chevilles en ronronnant, Palomar lui annonça qu'il lui trouvait une belle mine ! Le front haut et saillant, lisse et poli maintenant qu'il était propre, n'était barré que par les quelques plaies recousues et à présent nettoyées par les doigts des esclaves. Palomar reconnaissait facilement au niveau de l'arcade sourcilière de l'Elfe le sillon qu'aurait pu laisser le bec d'un oiseau de proie enragé dans la chair. Les yeux de l'Elfe, doux et doré comme du miel justement, avaient la quiétude d'un regard sans âge. Son nez droit ne souffrait d'aucune tare et relevait sa bouche charnue et rose qui avait déjà dû distribuer, sans doute, des baisers froids comme la lune mais envoûtants comme la danse d'un serpent. Malgré les imprévus désastres de son existence devina Palomar, Elrimbor était chargé de cette beauté iréelle, naturelle et qui lui rendait, à lui et à ceux de sa race, l'allure souveraine. Dans le maintien, la posture ou le derme de pêche d'Elrimbor, Palomar voyait parfois un détail de la physionomie d'Abad.

Comme la mort de son père avait été annoncée par courrier précédent sa venue, personne ne fut surpris de le voir revenir seul au domaine. Palomar embrassa sa mère et ses frères et sœur avec beaucoup de mélancolie. Les huit épouses de Hikhesh, assises en tailleur autour de la table basse où l'on mangeait, avec à chacun de leurs côtés ses fils et filles, au nombre élevé de vingt-trois. Palomar embrassa sur le front le plus jeune de ses frères, Izba, âgé de trois Tours et il raconta sans se rengorger, avec tous les détails que l'on attendait de lui son tour passé sur le Nouveau Monde en compagnie de son père et du Cheikh Abad el Shrata. Il raconta comment son père et son Oiseau, Rajah, avaient travaillé à cette grosse bombarde de vaisseaux que fut la prise de teikoku par le Cheikh. Il détailla également le tour fort avenant que fit le pirate Guadalmedina en plaçant sur l'échiquier de la bataille les bouches à feu de son horrible vaisseau de guerre pour bombarder les galères de Ram puis, subitement, les remparts de Teikoku. Il raconta comme s'il y fut, comme si sa place et celle du capitaine Armand Ravengen à bord de l'Envol d'Amar avaient été échangées ce jour-là. Puis il leva sa main droite et l'ouvrit en silence. Il fit alors le serment de ne pas repartir pour Vindex, pour le Nouveau Monde ou n'importe quel endroit sur Ryscior tant qu'il n'aurait pas retrouvé la piste de son père et venger son esclave Rajah. Il allait tuer le pirate Franco Guadalmedina. Et tandis que les yeux hagards de ses petits frères et de ses jeunes sœurs roulaient sur lui comme des cailloux, il ajouta qu'il connaissait le chemin vers Puerto Blanco. Moins de deux jours plus tard, Palomar Nadeeri sans attendre l'effet de son discours sur sa mère, fit équiper l'une de ses galères et engagea un équipage composé en partie d'esclaves de sa propre maison. Il envoyait le plus âgé de ses frère, Palmdar Nadeeri à bord d'une autre galère sur le port des îles d'Al qazbor afin de régler leur compte à la vingtaine de pirates qui énervaient Qassim Anar. Quant-à-lui, accompagné d'Elrimbor, il mit le cap sur l'archipel de Grande Lagoon.

- Un magicien me sera utile dans ma quête, expliqua Palomar à l'Elfe. Si tu n'as rien de prévu, tu m'aideras à affronter les pirates. Je te paierai bien pour tes services et tu pourras récupérer l'intégralité du butin que nous saisirons là-bas si tu le souhaites.

Elrimbor s'était contenté, sans sourire appuyé sur le bastingage de la galère, d'ouvrir légèrement la main. L'air crépita entre ses doigts puis, en un clignement de cil, Palomar vit sa propre bourse qui pendait à sa ceinture se dénouer pour venir flotter lentement jusqu'à la main d'Elrimbor.

- L'argent n'est rien pour moi. L'appât du gain est destructeur et gourmand. Si j'ai besoin d'or, je n'ai qu'à me servir. Comme je viens de le faire.

Palomar récupéra sa bourse.

- Le type que je veux tuer, ce Franco, est haut sur l'échelle de la violence !

Il s'était énervé, sans vraiment comprendre pourquoi. Peut-être était-ce le fait d'avoir sous-estimé Elrimbor, d'avoir voulu en faire un sous-fifre.

- L'avez-vous déjà rencontré ? demanda Elrimbor.

Après un silence, Palomar rumina.

- Non. Je n'ai jamais pu participer à la prise de Teikoku avec Rajah et mon père. Ils m'ont tenu à l'écart parce que j'étais trop jeune.
- Peut-être ont-ils eu raison.
- Et sur quoi te bases-tu pour dire cela !
- Et bien sans doute parce que vous êtes encore en vie. Et eux sont morts.

L'on entendait provenant de sous le pont la cadence des rameurs et le son produit par les rames lorsqu'elles tapaient les flots. Palomar reprit :

- L'homme que je vais tuer, ce Franco. Sa réussite l'a rendu vaniteux. Il aime faire étalage de ses richesses.
- Peut-être, reprit Elrimbor, est-ce plus que de la vanité. Peut-être le maniement qu'il fait de son épée égale sa réputation.

L'Elfe tourna alors ses deux yeux étincelant vers Palomar. La nuit, avait remarqué ce dernier, ceux-ci s'illuminaient comme ceux d'un chat. L'Elfe bénéficiait naturellement d'une vision nocturne.

- Qu'attends-tu de ce voyage, Elrimbor ?

Elrimbor revint s'accouder au bastingage, pensif. L'air marin faisait voler sa tresse blanche dans son dos.

- Je veux dévoiler la source de mon pouvoir. Il faut que j'apprenne à maîtriser cette magie qui m'habite. Je cherche des adversaires puissants. Pour me mesurer à eux. Les étudier, tirer parti de leur puissance pour créer, inventer de nouveaux ensorcellements. Les grands édifices, comme les grandes montagnes, sont l’ouvrage des siècles. Sans pratique, je ne peux grandir.

Il avait alors quitté la barre du bastingage, se dirigeant vers la cabine qu'il partageait avec Palomar.

- C'est ça un ensorceleur. Je ne glisse pas sur les vents magiques qui parcourent le monde pour lancer un sort. Je suis mon propre vent. Et ma magie, je la créée de toutes pièces.  »

Palomar se perdit dans le fossé large, profond, à courant vif dans les creux des vagues et qui lavait les pieds de la galère sous les siens. Lorsqu'il regagna sa cabine à la nuit tombée, Elrimbor était assis au milieu de la pièce, les yeux révulsés, en transe. Palomar se mit au lit, le cœur plein de l'image de Rajah. Il ne trouva pas tout de suite le sommeil et se surprit à songer quelle pouvait bien être la forme qu'adoptait la magie de son compagnon de voyage Elfe. Il parvint à la conclusion que peu lui importait. Qu'il s'agisse d'une boule de feu, d'une tempête de grêle, d'une onde de choc ou bien d'un projectile magique, Franco crèverait la bouche ouverte. Et c'était ce qui importait.

Ils en avaient pour quelques semaines de navigation, avec les bonnes grâces d'Ariel, pour rejoindre l'île des pirates.
Dim 21 Oct 2018 - 16:21
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