Comment ai-je pu me faire surprendre si facilement. Un peu plus et je me retrouvais carbonisé par les rayons du soleil. Me voilà coincé au fond de cette grotte pour au moins la journée. Un enchaînement d’erreurs digne d’un débutant. Tout heureux de pouvoir chercher des ingrédients relativement rares et surpris par la beauté de l’aube. Je ne dois mon salut qu’à  ma rapidité à trouver un abri pour éviter de finir dans les enfers que Canërgen me promet si jamais je trépasse.

Ce n’est pas dans mes habitudes de prendre un tel risque, mais je suis nostalgique lorsque vient l’aube. Je payerais cher pour à nouveau pouvoir sentir la chaleur du soleil sur ma peau.
Manuela. C’est pour cela que je te déteste. Malgré les siècles qui se sont succédés, j’ai toujours en moi une part d’elfe qui vie et qui te haie pour ce que tu m’as fait. Tout en ressassant ma haine pour celle qui m’a transformé en monstre, je cherche à mettre la main sur ma besace.
C’est de la panique que je ressens alors que ma main n'attrape que de l’air.

Où ai-je bien pu la poser ? Je la cherche du regard. Mais où est-elle !? C’est une vision d’horreur qui s’offre à moi alors que je la découvre posée à même le sol au milieu de la clairière baigner par le soleil. Il m’est impossible de quitter la pénombre salutaire de cette grotte avant la nuit. Pourtant je ne peux me résoudre à la laisser sans surveillance. Toutes mes notes, mes potions ainsi que mes accessoires d’alchimiste sont dedans.
Encore une chance que cette forêt ne soit que peu peuplée.
A peine ai-je pensée cela que pourtant j’entends une voix cristalline fredonner une chanson. Lentement, je prépare mon arc. Ma fenêtre de tir est mince, mais je n’aurais aucun problème à abattre celle qui chante ainsi si elle ose s’emparer de ma besace.
Pourtant je baisse mon arme en distinguant la femme qui se tient tout près de mon bien.
Une elfe de neige ? Ici ? C’est incompréhensible.  Son regard semble avoir remarquer ma besace et elle cherche certainement du regard le propriétaire.

« C’est à moi ! Auriez-vous l’amabilité de bien vouloir me l’apporter ? Je… Le soleil me dérange fortement. »

J’ai horreur de devoir dépendre des autres, mais je n’ai pas vraiment le choix dans le cas présent. Gardant mon arc à portée, je me retire un peu plus vers le fond de la grotte dont l’obscurité cache entièrement mon visage. Inutile d’effrayer cette pauvre enfant.

Weiss avait quitté Céoda pour la journée, voulant explorer la forêt, seule. Ce n'était pas qu'elle n'appréciait pas l'amazone, non, au contraire, mais… Weiss avait besoin d'un peu de solitude, et Céoda aussi. Elles avaient donc convenues ensembles de passer la journée toute seule.

Elle marchait donc dans la forêt en chantonnant, et commença à avoir relativement chaud -elle n'avais pas pensé à emmener à boire- lorsqu'elle arriva dans une clairière. Au beau milieux se trouvais une sacoche. La jeune elfe observa les alentours, cherchant à qui elle pourrait appartenir… Elle ne vit personne, mais alors qu'elle allait la laisser là, une voix d'homme retentit :

"- C’est à moi ! Auriez-vous l’amabilité de bien vouloir me l’apporter ? Je… Le soleil me dérange fortement. "

Weiss, de nature gentille et serviable, ramassa donc la besace avec délicatesse et précaution, en prenant garde à ne rien faire tomber. La voix venait d'une grotte non loin. 
Weiss y alla donc, et la trouva agréablement fraîche, en contraste avec les durs rayons du soleil à l'extérieur, qui transformait une simple balade en marche très inconfortable pour la jeune elfe des glaces. 
En y pensant, la tristesse l'envahit, et elle soupira. Avait-elle vraiment sa place quelque part ?… La jeune princesse commençait à en douter.

Puis, elle reporta son attention sur le propriétaire de sa trouvaille. Il était caché dans la pénombre et elle ne distinguait pas son visage, mais Weiss lui tendit néanmoins son bien et osa même demander :

"-Puis-je rester dans cette grotte quelques temps, pendant les heures chaudes ? J'apprécie le soleil mais, en ce moment, il est un peu trop haut et la chaleur me dérange quelque peu…"

Elle attendit une réponse en silence, ses yeux bleu-gris rempli de solitude et de tristesse levés vers l'homme caché dans la pénombre.

Pourquoi cette elfe semble si triste ? C’est la première question qui me vient à l’esprit.
Pour ce qui est de sa requête de rester dans cette grotte. La seule chose qui me gêne réside dans le fait que tout occuper à mes recherches durant la nuit je n’ai pas pensé à me nourrir.

Je n’aime pas cela. Sombrer dans cette folie sanguinaire comme un affamé. D’autant plus que généralement, les victimes n’y survivent pas.
Cette pauvre elfe serviable et triste ne mérite pas ce que je pourrais lui faire si je cédais à l’appel du sang guider par une faim sauvage.
Je me rapproche de l’elfe lui faisant découvrir mon visage. La remercie encore pour m’avoir rapporté mon bien. En lui retirant doucement des mains.

« -Je ne suis pas certain que rester près de moi soit une bonne idée. Je suis malade. Rester si cela vous chante, mais surtout fuyez loin si je vous dis de le faire. »

Avec le temps, j’avais appris à contrôler avec plus ou moins de succès cette furie sanguinaire qui je haïssais plus que tout.
Mon regard croise le sien.

« - Pardonnez ma curiosité, mais que fais-une elfe des neiges si loin de chez elle ?

Weiss pouvait à présent voir le visage du propriétaire de la besace. C'était un elfe sylvain. 

Mais il ne paraissait pas comme les autres elfes. Il dégageait une aura dangereuse, bien qu'imprégné de tristesse et de haine. Et puis, il avait un air maladif que les autres n'avait pas : sa peau était terne, il avait des cernes sous les yeux... 

Ce qu'il lui dit plongea la jeune elfe dans la perplexité. Elle pouvait rester, mais... fuir dès qu'il le lui dirait ? Elle ne comprenait pas trop... Mais bon, au moins, ici, elle était protégée de la chaleur de l’extérieur, très difficile à supporter pour elle. 

Son regard croisa celui de l'autre elfe qui lui demanda alors ce qu'elle faisait ici. 

Elle soupira, s'attendant à cette question, mais lui répondit néanmoins : 

"-Eh bien, je... J'ai été exilée de chez moi. Enfin... pas vraiment... disons plutôt que tout le monde le voulait, mais qu'il n'avait pas le droit... alors... Je suis partie. J'en avais assez de la solitude et de l'hypocrisie..."

Sur cette dernière phrase, elle baissa les yeux en pensant à Inaën, et une larme roula sur sa joue. Elle l'essuya rapidement en espérant que l'elfe sylvain ne l'avait pas vu.

La mélancolie est propre aux elfes. La voir essuyer cette larme me ramène près de deux millénaires en arrière. Lorsque les miens m’avaient répudié comme le monstre que j’étais devenu.

Son histoire… Du moins les quelques brides de la sienne. Me rappel la mienne.  J’étais grand parmi les elfes. Avant  que Manuela me piège.

S’il est vrai que travailler pour elle me facilite grandement les choses pour continuer paisiblement mon œuvre. Malgré le temps qui passe. J’ai toujours ce fol espoir de pouvoir un jour ne plus craindre l’astre solaire et retourner parmi les miens.

« - Vous êtes encore jeune. Ne vous laissez pas ronger par la tristesse. Cela n’apporte rien de bon. »

Je me rapproche de l’elfe et de l’index lui relève délicatement le menton pour qu’à nouveau son regard croise le miens. Je peux sentir la chaleur que dégage sa peau. Et elle doit certainement trouver ma main glacée.

« - Je ne nomme Helvoran. »
Je lui adresse un sourire sans toutefois lui dévoiler, mes crocs. La pauvre semble si fragile et désemparée. L'effrayer serait une mauvaise idée.
La faim commence lentement se manifester. Cette journée va être longue.

 Autant jouer carte sur table tout de suite.

« - Je suis un vampire. Voilà le mal qui me ronge. Êtes-vous toujours certaine de vouloir rester ? »

Weiss sentit que l'autre elfe devenait lui aussi mélancolique. 

Après qu'il lui ai donné un conseil, celui de ne pas se laisser emporter par la tristesse, car elle était encore jeune, Weiss se demanda quel âge avait son interlocuteur. Ses propos respirait une maturité que n'avait pas son apparence. 

Le doigt particulièrement froid de l'elfe sylvain surpris la princesse, mais quand son regard bleu et triste fut happé par celui, insondable, d'Helvoran comme il venait de le révéler, un regard qui encore une fois, révélait une maturité de plusieurs siècles. 

Voir plusieurs millénaires. 

Weiss commença à comprendre quand il lui adressa un sourire, un des sourires les plus tristes qu'elle eut l'occasion de voir. 

Il confirma la pensée de Weiss. Oui, il était vampire. Mais, apparemment, pas comme tout les autres vampires, puisqu'il avait qualifié son état de "mal".

Elle avait étudié les vampires, mais pour autant qu'elle le sache, la plupart se satisfaisaient rapidement de leur états.  

Weiss fut prise de compassion pour l'être qui se tenait près d'elle. Cela devait être d'une souffrance abominable, de ne plus pouvoir sentir le soleil sur sa peau alors qu'on en était si proche auparavant, d'être rejeter par son peuple entier sans que cet état détesté soit de votre faute.

La princesse comprenait la solitude qu'avait du endurer Helvoran. Leurs histoires, par certains points, se ressemblaient. 

Alors, elle décida de rester, et en fit part au vampire :

-Je... Je vais rester... Enfin, si vous le voulez bien... Vous devez vous sentir bien seul, la plupart du temps...

-Je... Je vais rester... Enfin, si vous le voulez bien... Vous devez vous sentir bien seul, la plupart du temps...

Seul. Depuis bien des siècles en effet je suis seul à essayer de trouver une solution pour retarder la folie sanguinaire qui guette tous vampire. J’ai bien trouvé un moyen de retarder cela, mais la faim… C’est inexorable besoin de se nourrir tel un parasite. Cela reste le seul moyen de conserver au maximum mes capacités exceptionnelle qui me permette de surpasser en force et en rapidité ceux qui n’ont pas le discernement de cette elfe.

Les premiers signes commencent à apparaître. Je sens de mieux en mieux la présence de son cœur qui bat dans sa poitrine. Etrangement, les battements de celui-ci ne trahissent aucune crainte.
Curieusement c’est même l’inverse. C’est moi qui éprouve une légère crainte envers elle. J’imagine déjà le remord s’emparer de moi si jamais après avoir lutté en vain. Je reprenais mes esprits une fois la faim rassasié et je découvrais son corps sans vie horriblement mutilé voir même peut-être démembré.

« -Je ne suis pas certain de pouvoir me contrôler. »

Je préfère reculer d’un pas afin d’appuyer mes propos.

« - Restez le plus près possible du soleil. Je vous le conseil vivement. »