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[Terminé] [PV Phadransie]Et moi je suis tombée en esclavage...
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
Dargor
Le conseil des échevins était réuni au grand complet. Chose exceptionnellement rare chez les elfes noirs, et qui présageait toujours de bonnes comme de mauvaises affaires pour l’intégralité de l’Ile. De bonnes affaires car cela voulait dire que la politique concernée serait une politique à l’échelle de l’Ile entière, et donc potentiellement du monde extérieur. Mauvaise car qui disait rassemblement des plus puissants elfes noirs en un seul lieu disait intrigues politiques. Toutes les familles s’attendaient donc à devoir redoubler de vigilance pour ne pas risquer de voir leurs membres disparaitre dans de sombres ruelles, ou mourir d’une mort toute naturelle, car un poignard dans le cœur met naturellement fin à la vie.
En l’occurrence, ceux qui espéraient la revanche concernant ce que bien des elfes noirs appelaient la débâcle de l’invasion, que d’autres appelaient franc succès, furent déçus. Il ne s’agissait en effet pas un seul instant de planifier une nouvelle attaque de masse sur les royaumes humains. Il s’agissait simplement d’une délégation en provenance d’Oro. Le phénomène était plutôt intéressant malgré tout. Aucun elfe noir n’ignorait désormais qui régnait sur le trône du royaume humain. Certains, à cet égard, s’estimaient insultés, tandis que les autres respectaient l’autorité du roi Asarith. Il ne faisait aucun doute pour ces derniers que si le roi avait choisi d’aller régner sur des vermines humaines, c’était dans un dessein précis, qui échappait à leur compréhension.
Glaïrh Lamepoison était le nom de l’envoyée d’Asarith. Une épéiste à n’en pas douter. Les tristelames qui entouraient la reine Dhaulnyre la jugèrent du regard. Si elle était la championne d’Asarith, alors il ne faisait aucun doute que, comme en témoignait d’ailleurs son pas assuré, elle savait fort bien manier la lame qu’elle portait à la ceinture, et qui ne semblait d’ailleurs pas un seul instant la gêner dans sa marche, détail fort significatif s’il en était. Derrière elle venaient de nombreux humains. Les elfes noirs regardèrent le convoi avancer dans leurs rues d’un œil étonné. Si une grande partie de ces humains étaient enchainés, d’autres étaient libres et armés. Comment se pouvait-il qu’une telle insulte leur soit faite ? Seul l’ordre de la reine en personne, qui était sortie en public, accompagnée des cinq échevins, retint les elfes noirs de tirer les lames sur lesquelles s’étaient posées leurs mains. La tension était palpable. Les humains armés avaient peur.

Mais Dhaulnyre et Glaïrh échangèrent ensuite un échange. La reine acquiesça de la tête après une remarque de l’envoyée d’Asarith, les six échevins et la messagère partirent dans les méandres du palais royal. La foule d’elfes intéressés s’éparpilla, comprenant qu’elle n’aurait qu’à flâner en ville en attendant que cette discussion qui ne la concernait pas prenne fin. Les humains enchainés, pour leur part, furent entassés au centre de la place publique, sous l’étroite surveillance de leurs camarades armés comme des guerriers elfes noirs qui n’aimaient définitivement pas cette situation.

Ce fut après plusieurs heures de conversation que les cinq échevins et la reine ressortirent. Glaïrh s’en alla sans demander son reste, avec sur le visage une certaine satisfaction. Son devoir était accompli, cela ne faisait aucun doute. Les guerriers humains se retirèrent, en dissimulant mal leur hâte de quitter ces lieux inquiétants. Ils furent remplacés par les tristelames, gardes d’élite de la reine, qui prit la parole une fois que la foule fût rassemblée en un nombre impressionnant.

« Peuple élu ! dit-elle. Le roi Asarith d’Oro nous envoie un message de paix. Il nous fait savoir qu’il a bien reçu la diplomate que nous lui avions envoyée il y a un tour, et qu’il regrette qu’elle n’ait jamais pu revenir pour terminer la mission qui lui avait été confiée. »

Plusieurs visages sourirent ou se rembrunirent à l’évocation de Cinder, la fameuse diplomate. Il ne faisait aucun doute pour personne qu’elle n’avait trouvé que la mort en Oro.

« Afin de nous garantir sa bonne volonté, le roi Asarith nous a envoyé ces esclaves, qu’il a trouvé parmi sa propre population. »

Signe d’une admirable retenue, aucun ricanement ne se fit entendre. A voir l’état de ces esclaves, le roi Asarith avait très certainement dû vider ses geôles et capturer quelques mendiants dans les rues pour les leur donner. Aucune valeur en somme.

« Ils seront vendus demain selon les modalités habituelles, dit la reine. A présent, attachez-vous à considérer tout navire oréen comme un navire … ami. »

Elle avait dit ces derniers mots sur un ton qui ne masquait pas son déplaisir. Alors, tous surent que le roi Asarith avait trouvé un moyen de pression sur la reine. Et cela ne plut à personne. Que le roi Asarith puisse faire pression sur la reine en personne signifiait qu’il pouvait faire pression sur l’Ile entière. Chacun dans la foule se jura d’identifier ce qui pouvait être tenu contre leur reine… Et les tristelames comprirent qu’ils allaient avoir fort à faire pour la protéger.

---

L’échevin Lokhir, le lendemain, vint à la vente d’esclaves. Il était accompagné de l’échevine Gerydra. Il n’avait besoin d’aucun esclave, en soi, mais avait une petite idée en tête. Gerydra, quant à  elle, cherchait à acheter une dizaine d’esclaves pour pouvoir terminer une expérience de son idée.

« Coudre des bouts de cadavres ensembles, expliquait-elle à Lokhir, et tenter d’animer la chose ainsi créée. Si je parvenais à aller jusqu’au bout de mon idée, je pourrais créer une sorte d’abomination de viande apte à tout ravager sur son passage par sa seule force brute. »

Voilà pourquoi elle s’avança, Lokhir derrière elle, pour être la première à examiner la marchandise. Elle voulait des esclaves forts, bien sûr, mais pas nécessairement aptes à utiliser cette force, ce n’était pas grave. Voilà pourquoi, quand elle repéra, dans une cage, une femme sans mains, elle ne l’ignora pas. D’autant plus que de la force, elle avait l’air d’en avoir.

« Qu’en dites-vous Lokhir ? dit-elle en ouvrant, à travers les barreaux de la cage, la bouche de l’humaine afin d’essayer de voir l’état de sa dentition, par pur réflexe plus que par réel intérêt. Celle-là m’a l’air utile…
-C’est une femme de mer, dit Lokhir. Une misérable vermine humaine, qui n’a jamais sû naviguer, mais elle sait tenir des cordes sur ce qu’ils appellent des navires et qui font honte à l’océan. Elle est forte, pour une vermine humaine. Tu pourrais en avoir l’utilité. »
Dim 18 Oct 2015 - 0:44
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Noire
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En condamnant son bras gauche, Théoden ce fils de pute l’avait condamné à seulement une triste vie, alors qu’en réalité, le Capitaine s’était attaqué à détruire tout ce qui faisait de Phadransie, Phadransie. Il l’avait privé de beaucoup de ces choses qui lui permettaient de vivre, à commencer par sa liberté, qui lui avait été retirée par la matérialisation de ces barreaux de fer dans la cage à l’intérieur de laquelle on l’avait séquestré. Il faisait sombre. Bien que Phadransie La Noire s’était toujours complainte dans les ténèbres –d’où son nom- elle se sentait mal à l’aise ici. Mal à l’aise et furieuse. Ici, ça  n’était pas son domaine. Ces ténèbres n’étaient pas d’elle. Elle en avait assez de se recroqueviller en boule, comme un animal, entre ces quatre murs minuscules, tellement minuscules qu’elle ne pouvait se tenir debout. Pour Théoden, semblait-il, c’était là plus qu’un sort mérité pour La Noire, bête futile qu’elle était devenue, et si il avait eu vent de sa situation actuelle, il n’aurait rien eu à opposer. Phadransie releva sa tête, sans relâche prostrée sur son bras droit, entourant ses genoux.

-Tu t’es cru malin, fils de pute ?!!

Elle allait faire sauter cette putain de cage d’un putain de coup de pied, en un seul putain de coup. Ça serait vite réglé. Ce coup-ci différa de tous les autres coups portés par Phadransie. Habituellement, elle donnait des coups de pieds tout à fait magistraux, lorsqu’elle combattait plusieurs adversaires à la fois par exemple, et que son crochet, occupé déjà quelque part, n’avait pas le temps de mutiler ailleurs. Ces coups partaient, si l’on pouvait dire, de l’extérieur, et servait à atteindre les cibles qui la gênaient en pénétrant avec trop de liberté dans son aire de mouvement personnelle. Aujourd’hui, ce fut différent. Son coup partit de l’intérieur de la cage, frappant les barreaux avec une violence défiant le plus sauvage des ouragans de Lorin. Une onde de choc sembla même frôler le sol alors que les barreaux de fer cédaient comme des allumettes.

Phadransie La Noire était libre. Elle balança en souvenir du Capitaine un crachat sur le sol poussiéreux et s’avança. Autour d’elle, plusieurs personnes. Des elfes apparemment. Mais elle n’avait d’œil que pour une seule d’entre elle.

Brecianne Léocadas.

En la voyant ainsi libre, la Capitaine se saisit de son sabre qu’elle portait sur son flanc gauche. Sa main droite se posa ainsi sur la garde finement travaillée et dorée et le crissement singulier de l’acier raclant le fourreau pour y jaillir opéra des frissons jusque dans le dos de La Noire. Elle avait toujours adoré cette épée. Tout autant que la femme qui s’en servait, en fait, avouons-le. Peut être.

-Traîtresse ! cria Brecianne en chargeant Phadransie, sabre en avant. Ton plan c’est quoi ?! C’est ce navire ?!

Désarmée, Phadransie La Noire se prépara à faire face à l’assaut mortel qui l’attendait sur l’instant, élaborant à la vitesse de l’éclair un plan afin de parer avec son crochet.
Dès l’instant où la lame de l’épée de Brecianne entra en contact avec le crochet de Phadransie, une sorte de maelstrom gigantesque apparut, séparant les deux adversaires, soufflées littéralement par la venue de ce dernier. Phadransie tomba sur le sol, sur le ventre. Elle reconnaissait très bien le sol sous elle. C’était là le pont du Seigneur Émeraude. La pirate hurla quelque chose, probablement un tierce fragment de la haine que toute son âme pouvait contenir, et elle vit alors Brecianne se dématérialiser doucement, sabre encore en main.
Sous elle déjà, le bois du Seigneur Émeraude pourrissait, se couvrait d’algues marines et de petits crabes. Phadransie se redressa, en proie à une peur panique, car dès à présent se trouvait devant elle, la regardant droit dans l’œil, la Reine des Mers en personne. Si Phadransie était d’une taille plutôt grande, bien que dans la moyenne humaine en fait, il n’y avait pas de mot pour décrire celle de la dame en robe blanche qui surplombait tout. A l’instant où Ariel saisit Phadransie à la gorge afin de la maintenir par-dessus le bastingage, elle obtint une taille correcte et à priori normale. Phadransie se débattait, tentait de s’expliquer et se justifier auprès de la Déesse. « Brecianne, aide moi ! » Mais personne ne l’aida. Brecianne était désormais sous elle, une queue de poisson à la place des jambes, et des crocs nacrés rugissant à la recherche de chair fraîche.
Phadransie se débattait telle une furie lorsqu’Ariel la lâcha. Durant sa chute, elle eut le temps d’entendre rire le Capitaine Théoden.

-Je te tuerai !! Théoden !!
 
L’eau glacée. Brecianne fut sur elle en deux coups de sa queue de poisson. La douleur de ses crocs aiguisés dans sa gorge fut la paradoxalement la plus acerbe, la plus courte et la plus longue.

Elle se réveilla en sursaut, ses joues humides et le souffle court. Elle était dans les geôles du palais d’Oro. Son bras gauche tranché en dessous de l’épaule.


~


Une fois que le duel funestement sanglant se soit clos, Phadransie La Noire laissée pour morte aux galets du port de Karak-Tur au milieu d’une multitude de spectateurs, plusieurs prêtres d’Athyë s’étaient précipités sur le corps. «Elle vit toujours ! » s’étaient-ils écriés. « Il faut la sauver ! » Alors que le Capitaine avait été emmené loin de cet acte là par plusieurs de ses compagnons, notamment son Second Lieutenant et son ami Bolch Ragymwa, les hommes et femmes en blancs s’étaient penchés sur une Phadransie agonisante dans le but de stopper les hémorragies. Elle avait été gravement touchée à deux endroits distincts du corps. Le bras gauche, avec sa seule main valide, avait été tranché net dans la rage meurtrière la plus aveugle par une hallebarde. La seconde blessure, presque tout aussi importante, s’étendait du côté jusqu’à la base de son épaule opposée, traversant là les chairs. Avec un sabre aussi émoussé que celui du Capitaine du Wicked Wench, trancher du fil de la lame n’était pas concevable. Ainsi, son adversaire avait dû trouver la feinte idéale afin d’enfoncer dans le corps le plus profondément possible la pointe de l’épée dans le but de creuser dans la chair et le sang un passage tout en force brute jusqu’à buter contre l’os de l’épaule. Une blessure profonde, et profondément dangereuse de surcroit.

Sans l’intervention des partisans du culte d’Atyë, Phadransie serait morte sur les quais de Karak-Tur, dans un océan de sang –le sien.

Elle s’était réveillée elle ne sut jamais combien de temps après ces événements. A demi nue, dans une cellule puant l’urine et la rouille. Mais elle était bien trop faible pour s’inquiéter et se plaindre de ces détails. Phadransie constata avec horreur la perte de sa main, et pire, de son bras. Si la blessure sur sa poitrine avait été refermée par magie –ça n’était pas la première fois que Phadransie La Noire était aidée de la sorte- son bras était bel et bien perdu. Au début, elle se persuada être en plein cauchemar, mais les faits étaient là et le sang sur elle et dans la cellule ne mentait pas. C’était bien le sien –principalement-. Si un insoutenable mal de crâne ne la torturait pas déjà, elle aurait hurlé sa rage envers le Capitaine Théoden responsable de cela, jusqu’à ce que sa voix s’éteigne. Mais la douleur était trop forte, la fièvre la clouait au sol. Elle ne remarqua même pas la présence de ces compagnons de cellule la première fois, et sombra comme une masse avant même de réaliser.

Il lui fallut plusieurs réveils comme celui-ci avant de comprendre et accepter les faits En condamnant son bras gauche, Théoden ce fils de pute l’avait condamné à seulement une triste vie, alors qu’en réalité, le Capitaine s’était attaqué à détruire tout ce qui faisait de Phadransie, Phadransie. Sans mains, elle réalisait qu’elle ne saurait jamais plus se battre, tenir la garde d’un sabre entre ses doigts. Lorsque le Capitaine Korlanos lui avait tranché la main à ses 16 Tours, alors droitière de naissance, elle avait dû, et su apprendre à utiliser sa main gauche avec une efficacité toute démontrée. S’adapter à toutes les situations, et même les pires, était là un des points forts de Phadransie La Noire. Surtout les pires, songeait-elle. Mais voilà, comment contrer la perte d’une main, quand on n’avait plus ni mains, ni bras ? Aussi longtemps qu’elle avait réussi à y penser, entre deux réveils fiévreux, elle n’avait rencontré aucune solution.

Et il y avait pire que ça. Sans main, elle ne pourrait plus jamais abattre sur ses adversaire ses Trois Coups qu’elle avait prit tant de temps, d’années à apprendre puis à tester et perfectionner. Une technique aussi rare, aussi puissante l’emplissait d’orgueil au point tel qu’elle aurait concédé plus facilement, si elle avait eu la chance d’un choix, sa maîtrise du sabre plutôt que cet art martial.

Et Théoden l’avait définitivement privé de ça.

Elle le haïssait. Elle le haïssait au-delà des mots. Au-delà de tout ce qu’elle avait connu jusque là. C’était une haine différente que celle qu’elle destinait à Lissander, elle vomissait son nom, son visage et son souvenir. Elle criait qu’elle le tuerait ! Car le Capitaine Théoden, s’il lui avait volé un bras, avait commis l’erreur –qui lui serait fatale- de lui laisser l’autre. Elle plantera son crochet dans son cœur encore chaud, encore palpitant, et atteindrait là le bonheur et le plaisir ultime.

Elle
Le
Détestait
Plus
Que
Tout
Au
Monde.

Après avoir hurlé sa rage, elle avait su voir plus loin. Sans main, les actions de la vie quotidienne les plus simples comme le simple fait de se nourrir, ou boire, lui paraissaient désormais un défi impossible à relever sans l’aide d’autrui. Une humiliation au-delà de tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Elle était supérieure à ça, ça n’était pas juste ! Ça ne pouvait pas lui arriver à elle.

Et il y avait le paroxysme de ce châtiment. L’innommable. L’impensable.
Jamais plus elle ne pourrait barrer un navire, ni même servir à aucun bord que ce soit. Théoden ne l’avait pas tué lui-même, mais il avait au moins tenu sa promesse. Il lui avait offert la plus horrible, la plus humiliante et la plus lente des morts. Un supplice en vérité, qu’elle comptait bien lui rendre au millésime lorsque qu’elle le retrouverait. Puis elle pourrait crever tranquille. Phadransie La Noire refusait l’idée de la mort, terrassée par la fatigue, la hargne, le chagrin et la fièvre, elle se rendormit une énième fois.

Combien de temps resta-t-elle enfermée dans les geôles d’Asarith Lune-Pâle ? Elle ne sut le dire. Peut être une semaine. Peut être deux ou peut être trois. Elle perdit la notion du temps à force de sommeiller. La fièvre était tombée au bout de plusieurs jours à l’état du supportable. Elle ne se nourrissait pas –la bouillie que les gardes jetaient aux prisonniers n’avait de toute façon rien d’appétissant- mais s’abreuvait autant que possible. Elle n’avait jamais eu aussi soif de toute sa vie. Des migraines la prenaient parfois d'assaut avec un impact intenable.

Et la douleur l’insupportait. Elle était acerbe, vive, pointue. On  eut dit que chaque seconde, quelqu’un s’amusait à transpercer sa peau de l’intérieur avec des milliards de petites aiguilles, y compris dans son crâne. Le fait de ne plus avoir de bras était-il censé faire souffrir tant que ça ? Elle avait souffert pour la perte de sa main, bien sûr, mais la plaie avait été cautérisée très vite à l’époque. Peut être que le fait que la magie fut à l’œuvre cette fois ci entraînait des symptômes différents ? Parfois elle gémissait si fort que les gardes accouraient, la pensant au seuil de la mort. Puis elle sombrait dans ses eaux intérieures salvatrices, son mental et son corps étant incapable de supporter la douleur plus longtemps. Et les dieux savaient que Phadransie La Noire savait s’accommoder de la souffrance mieux que personne.

Elle dû manger pour rester en vie. La fièvre diminua encore un peu. Elle s’habitua un peu plus à ce « nouveau corps », à ce déséquilibre incessant dû à la perte de son membre. Elle put se mettre debout, faire quelques pas. La douleur diminua doucement également. Elle ignorait pourquoi le roi Asarith la gardait en vie. Les prisonniers murmuraient des choses sur lui. Il était un putain d’Elfe Noir. Phadransie le détesta encore plus pour ce détail.

Dans les geôles, certains prisonniers se pendaient régulièrement, apprit-elle. Les lascars préféraient de loin se passer eux même la corde autour du coup plutôt que d’avoir à affronter un « interrogatoire » exécuté par les sbires du roi, voire le roi lui-même lorsque ledit prisonnier était important. Au cours de son séjour entre ces quatre murs, un énième suicide de prisonnier vint confirmer ces rumeurs. Elle apprit que les quelques hommes tassés avec elle étaient tous là pour de petits vols où des bagarres de rues. Elle dû s’estimer heureuse, sans doute, de ne pas avoir été enfermée avec une bande de violeurs fous furieux.

Elle s’en foutait. Tout ça était insignifiant à côté de sa soif de vengeance. Envers Everhell, qui l’avait lâchement abandonné sur le port alors qu’elle se mourrait. L’Eradicate levant l’ancre prouvant ainsi les vils mensonges de son Capitaine, à propos de celle qu’il appelait « Élue ». Mais elle songeait surtout à Théoden. Tout le temps. Où se trouvait-il en ce moment ? Rêvait-il d’elle comme elle rêvait de lui ? La voyait-elle en permanence près de lui ? Elle aurait pu parier sur l’affirmative.

Il lui avait fait la promesse, lors de leur combat, qu’il ne lui offrirait pas une mort rapide.

Phadransie lui fit cette même promesse en retour, encore plus noire.

Puis un beau jour, des gardes vinrent ouvrir la porte de leur cellule. Elle pensait qu’ils la laisseraient sortir elle seule, qu’ils l’interrogeraient. Ils n’en firent rien. Ils tirèrent les uns après les autres ces rats puants de leurs trous et les enchaînèrent comme des bêtes. Une femme commandait à ses hommes. Phadransie enregistra son visage mentalement, sur sa liste de personne à tuer.

Repérant la pirate, la femme eut un rictus amer. Phadransie riposta par un regard foudroyant, immobilisée comme elle l’était par toutes ces mains calleuses l’empêchant de lui bondir dessus –faisant fi de son état physique- et laisser libre droit à sa rage, comme  à une bête. Trois hommes durent user de toutes leurs forces afin de l’immobiliser sur ordre de la femme à la tête de cet étrange convoi, ils lui arrachèrent son crochet sans une once de faire play. Puis ils la tirèrent jusqu’à une cage de métal à l’intérieur de laquelle la femme elle-même la poussa à entrer, au vu de sa résistance, et ce d’un coup de botte en plein visage qui lui éclata une lèvre. Son mal de crâne s’éveilla de nouveau et elle fit la moitié du trajet jusqu’au port noyée dans ces étranges songes où Ariel et Brecianne Léocadas triomphaient toujours.

Ils parquèrent cette file étrange de prisonniers à bord d’un navire quelconque. Rien n’aurait rendu Phadransie La Noire davantage heureuse. Elle était une fille de l’eau,  et alors qu’elle se pensait condamnée par le Capitaine Théoden à mourir loin de la mer, sans avoir pu voir les Grand’Eaux une dernière fois, et respirer l’air du large une dernière fois, tous ces rêves semblaient s’être réalisés. Elle s’échapperait vite, c’était sûr. Le plus dur était derrière elle, désormais. Comme pour appuyer cet état d’esprit, sa fièvre tomba totalement durant le trajet, et elle n’était plus déséquilibrée par la perte de son bras. Le désespoir en elle s’était mué en rage pure, en folie froide. Ses migraines stoppèrent doucement, elles aussi.

Elle ne comprit pas que déjà, loin devant le gaillard d’avant, se profilait une terre à l’horizon. L’Île des Elfes Noirs.


~

« Qu’en dites-vous Lokhir ? dit une de ces salope d’Elfe de l’autre côté de la cage, tout en s’adressant à un fils de pute d’Elfe mâle derrière elle.

La pute fit passer un bras au travers les barreaux de la cage. Elle veut quoi cette chienne putain ?

-Celle-là m’a l’air utile…dit-elle en examinant la bouche de la prisonnière d’une main habituée.

Une main avec laquelle le moindre contact dégoûtait Phadransie toute entière. Elle vomissait les Elfes Noirs, elle les haïssait ! Elle leur était tellement supérieure ! C’étaient des bâtards qui se pensaient meilleurs qu’elle, des incapables au final, des connards superficiels qu’elle réduirait à l’état de loque de chair dès qu’elle le pourrait.

Elle dégagea la main de cette salope encapuchonnée d’un mouvement de tête étonnamment rapide pour une femme en fin de convalescence. Puis elle la mordit à l’avant  bras. Elle l’eut jusqu’au sang et s’en délecta avec un plaisir malsain qui lui procura un net plaisir. Ne viens pas te frotter à Phadransie La Noire, salope !!

Elle voulut planter son crochet dans l’avant bras de cette chienne, sentir ses chairs se rompre, se déchirer sur plusieurs centimètres, lui procurer un cri de souffrance que toute cette putain d’Île de merde pourrait entendre. Mais hélas, l’Elfe Noire avait de bons réflexes, et retiré son bras de justesse. De toute manière dans sa rage démente elle avait oublié jusqu'au retrait de son crochet en Oro. Néanmoins, elle ne compta pas s’arrêter à si bon chemin. Elle se jeta contre les barreaux, et lui expédia sur la joue un crachat digne de sa renommée, qu’elle n’avait pas eu besoin de beaucoup chercher au fond de sa gorge afin de l'en faire jaillir !

-Approche toi encore une fois salope de bordel, et je te crève !! Toi, et tous ceux de ta putain de race !!

Elle n’avait pas baissé le regard en criant ça.

-Je suis Phadransie La Noire, Terreur des Grand’Eaux de Ryscior, pirate et âme libre ! Vous me faites vomir, et je ne serai jamais une de vos putains d’esclave !!! Alors garde tes sales mains d’elfe loin de ces barreaux, si tu ne veux pas que je te les arrache de mes dents…

Elle ajouta, d’une voix puissante, emplie de haine jusqu'à en avoir la vision brouillée.

-Qu’Ariel coule votre putain d’Île ! Et si la Reine des Mers a trop a faire, je m’en occuperai moi-même !''
Dim 18 Oct 2015 - 5:32
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Dargor
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Dargor
Gerydra, ignorant l’énervement des plus amusants de l’humaine, suça tranquillement son doigt ensanglanté pendant quelques instants. Le goût salé de son propre sang envahit sa bouche. Ça la brûlait un peu, mais elle ignorait superbement cette douleur. Elle aimait bien ce goût étrange. En fait, cette humaine l’amusait. Peut-être ne l’utiliserait-elle pas pour son projet finalement. Ou peut-être que si. Ce serait tellement drôle de voir son abomination de chair continuer à l’insulter, si elle parvenait à maintenir l’humaine en vie et à l’utiliser comme cerveau… Elle se voyait déjà trouver une solution pour mener à bien ce projet quand Lokhir la sortit de ses pensées.

« Je vois que l’humaine t’intéresse, dit-il. Mais il y a un problème, elle m’intéresse également. Ce qu’elle vient de dire était amusant. Je suis le plus grand capitaine elfe noir, ce qui fait de moi le plus grand capitaine du monde, et elle invoque la protection de la déesse qui pourtant m’aime… Amusant n’est-ce pas ?
-Ça ne suffit pas à te la donner, répondit Gerydra, qui comprit que Lokhir avait l’intention de s’amuser d’une autre façon qu’elle avec l’objet de leur négociation désormais ouverte. J’ai plus utile que toi à en faire. Tu as déjà des hordes d’esclaves, bien plus qu’il n’en faut, et de toute façon tu passes ta vie sur ton navire.
-Et toi tu as déjà amassé largement assez de chair pour mener à bien ton projet d’abomination, répondit Lokhir. Ce n’est pas cette misérable humaine maigre comme un clou qui va t’en donner plus.
-Qui sait… dit Gerydra. A tout le moins ai-je une raison de la vouloir, moi. Pas comme toi. Comme je te l’ai dit, elle ne te sera d’aucune utilité. A quoi bon s’encombrer de poids morts ?
-Je la veux pour Briza, dit finalement Lokhir. Ma fille est méritante après tout, mieux vaut récompenser les efforts qu’elle fait.
-Ha ! rit Gerydra. Ta fille à qui tu en veux d’avoir choisi la voix de la chasse plutôt que celle du corsaire, empêchant ta famille de maintenir une domination ? »

Lokhir haussa les épaules.

« J’assois ma domination comme bon l’entend. Crois-tu vraiment que je ne comptais que sur elle ? Et j’aurais fait quoi si elle disparaissait ? Je ne suis pas devenu échevin par simple caprice de la reine, pas comme une sorcière de ma connaissance.
-Fais attention à ce que tu dis, siffla Gerydra, sous le coup de l’insulte. La reine n’a peut-être jamais expliqué pourquoi cette promotion, mais ne crois-pas que je sois une sorcière de pacotille… »

Avant même qu’elle n’ait finit, une lame était apparue dans la main de Lokhir. Une épée fine et longue. Légère, mais sans nul doute mortelle entre ses mains. Mains qui, dans le cas de Gerydra, s’était mises à teindre d’une lueur bleutée inquiétante.

« Alors c’est ainsi ? dit-il en riant ? Nous sommes prêts à nous entretuer pour une simple humaine ? »

Gerydra attendit un instant, puis partagea son fou rire. Aussitôt, ses mains s’éteignirent, en même temps que la lame de Lokhir rentrait dans son fourreau.

« Elle ne représente rien à mes yeux, finit par admettre Gerydra. Elle est amusante, mais dans le cadre de mon projet, ça n’a aucune utilité. Je te la laisse bien volontiers, j’en ai des plus costauds… Et plus jolis aussi, pour jouer ce rôle. Mais dis-moi, si tu veux un esclave pour Briza, pourquoi elle en particulier ?
-Parce qu’elle a appelé la malédiction d’Ariel sur moi. Et c’est amusant, quand on sait que je suis son élu. Après tout, le Seigneur Emeraude n’est-il pas sous mon commandement ? »

Il avait appuyé sur cette dernière phrase, attendant sans nul doute la réaction de l’humaine qu’il ne prenait toujours pas la peine de regarder. Il n’eut pas à attendre longtemps, car sans se soucier des paroles ou actes de cette dernière, Gerydra le prit par le bras et commença à le tirer hors de la pièce.

« Est-il si exigeant que cela, ton travail de capitaine ? commençait-elle en sortant… »

Il était évident que leur discussion était terminée, et qu’ils allaient changer de sujet. Leur dispute n’avait pas été sérieuse un seul instant. Les elfes noirs étaient adeptes de ce genre de scènes. Ils avaient tendance à très fréquemment tirer leurs armes du fourreau pour rien. De temps en temps, il arrivait qu’un elfe particulièrement susceptible la tire réellement pour de simples insultes basiques comme celles qui avaient été prononcées, mais l’infortuné ne vivait jamais longtemps, car il se retrouvait alors à devoir livrer des duels contre ce qui était souvent l’Ile Noire dans son entier, tant le phénomène était courant. Sans compter le fait qu’il se mettait les proches de la victime à dos en agissant ainsi.
Voilà pourquoi à l’instant où ils avaient tiré leurs armes, Lokhir avait su qu’il emporterait l’esclave. A vrai dire, il l’avait toujours su. Gerydra n’avait aucun intérêt à garder une pitoyable humaine en particulier. Lui non plus d’ailleurs, mais son argument concernant Ariel faisait un petit effet. Rien de bien grave, les humains étaient des êtres si ridiculement fiers, et en même temps ridiculement faciles à humilier ! Les êtres humains, pensait-il, étaient en effet des gens qui ne parvenaient jamais à cacher la moindre émotion. Voilà pourquoi il était amusant de confier à des elfes noirs jeunes un esclave inutile en tant que premier esclave. Souvent un humain handicapé, comme c’était le cas de celle-ci, afin que le jeune elfe noir puisse comprendre plus aisément les mécanismes de contrôle psychologique total qu’il devait exercer sur sa victime.
Bien sûr, l’exercice n’avait de réelle utilité que lorsqu’il s’agissait de former un futur maitre des esclaves, les autres n’ayant pas pour rôle de s’assurer du dressage de leurs nouveaux arrivés. Toutefois, cela faisait partie de l’apprentissage d’un elfe noir que de savoir se faire obéir. Lokhir, en tant que capitaine corsaire et échevin d’une ville, tenait particulièrement à cet aspect de l’éducation de ses enfants.
Mar 20 Oct 2015 - 21:04
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Noire
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Refuser la folie quand elle l'attire à elle, n'est-ce pas déjà un premier pas sur le sentier de la démence ? L'entende qui le peut et le veut, songeait Phadransie tout en cognant une millième fois, peut être, contre les barreaux de fer, toute humaine que je sois, je les surpasse tous.

Qu'est-ce qui lui faisait le plus mal au juste ?

Elle se laissa tomber de nouveau contre les barreaux. Elle était incapable de dire si elle y croyait encore ou non. Ces barres de fer n'étaient pas conçues dans le but de se briser. Et ses quelques soixante kilos n'y ferait pas grand chose. Mais elle s'en foutait. Elle se laissait tomber sur les barreaux, encore et encore, sans jamais abandonner. Hors de question de cesser, ça serait un premier pas vers la renonciation, et la renonciation signifiait la victoire des Elfes Noirs sur Phadransie. Les deux Elfes Noirs -le mâle et la sorcière encapuchonnée- s'en étaient allés. Phadransie aurait voulu les voir s'entretuer, voir jaillir de leurs corps respectifs un torrent de sang frais duquel elle se serait délecté. Du sang noir. Mais il ne s'était rien passé.

Elle manifesta une telle force sur le coup suivant contre les barreaux de fer, que son épaule droite prit cher, et elle dû cesser temporairement avant de s'esquinter davantage.

Qu'est-ce qui lui faisait le plus mal au juste ?

Les innombrables bleus qu'elle aurait dès demain sur l'épaule, le bras et le front à force de s'élancer ainsi contre les barres de sa cage ?
Cette rage tapie au fond d'elle même, si puissante, si hargneuse, si intense, qu'elle ne demandait qu'à en jaillir en nettoyant tout ce qui se dresserait sur son chemin dans un bain de sang ?
La dure réalité de sa condition qui lui revenait en pleine gueule dès qu'elle tentait d'en chasser le souvenir ?
Ou cette vengeance inassouvie ? Elle était tel un monstre demandant à être nourri, et sa triste pitance ne saurait être autre que la personne de Théoden, Everhell, Asarith Lune Pâle, et tous les autres.

Phadransie éclata de rire, convulsivement. Evidemment que non ! Tout ceci était de la menue monnaie comparé à ce qui lui faisait réellement mal. Ce qui venait de la précipiter un cran de plus dans les méandres de la folie froide et furieuse.

Ariel avait offert le Seigneur Émeraude à un Elfe Noir. Et celui ci se considérait comme son nouvel Élu, et meilleur Capitaine de Ryscior, qui plus était. C'était impensable. Ce serait en effet une bien surprenante nouvelle si l'un de ces Elfes là était promu Élu Divin de la Reine des Mers et s'il jouissait en quoi que ce soit de la protection de la Déesse. Théoden avait rencontré Ariel, et Théoden avait dit de vive voix à Phadransie qu'il n'y aurait jamais plus d'Élus . Mais ce fils de pute d'Elfe prétendait porter ce titre. Lequel croire ?

Phadransie était trop emplie de folie et de rage pour se concentrer et réfléchir à la situation, mais si elle l'eut pu, elle aurait sans doute rapidement cru en Théoden. Malgré toute la haine qu'elle vomissait sur sa personne, il ne lui avait jamais menti. Mais en cet instant, réfléchir, même l'espace d'une demi seconde, lui semblait chose impossible.

Brecianne Léocadas était morte il y avait 2 Tours bientôt, en dressant Port-Argenterie à se défendre contre les Elfes Noirs. Et une fois son Élue près d'elle, la Déesse impitoyable avait offert son navire, le plus beau bâtiment d'entre tous, à ces même Elfes contre lesquels avait lutté Brecianne. C'était pire qu'inacceptable pour Phadransie. La mort de Brecianne a-t-elle servi à quelque chose au final ? Sa mémoire sera-t-elle un jour honorée ?! Son assassin traqué et tué ?!

-Haaaaaaa !!

Elle se jeta de toutes ses forces contre les barreaux de la cage. Le front et l'épaule gauche amputée cette fois, encaissèrent le choc. Elle entendit un bruit sourd, un craquement. Phadransie La Noire extériorisa sa douleur et se laissa tomber sur le dos, sur le sol, larmes aux yeux. La douleur présente dans son épaule lors de sa rémission dans les geôles, peu après le combat, venait de se réveiller.
Par pitié, pas ça. Mais bientôt, la douleur s'exacerba, et même serrer les dents ne suffit pas à la rendormir. De rage, Phadransie cogna de toutes ses forces avec ses pieds contre cette putain de cage. Il s'y ensuivit un son tapageur et assommant, mêlé aux hurlements de colère d'une bête devenue captive et emprise de sa liberté. Elle cessa lorsque la fatigue la gagna. Cette crise de furie et de démence avait duré bien une heure.

Le front en sueur à cause de la douleur mêlée à l'effort, la pirate sentit la soif la tirailler. Combien d'heures n'avait-elle plus bu ? Combien de jours ? Elle avait le choix de se calmer et économiser ses réserves corporelles d'eau, tentant de survivre un peu plus longtemps. Ou bien poursuivre son petit manège incessant, s'agiter, s’essouffler.

Je suis en état de m'évader, encore. Je suis Phadransie La Noire, j'ai tué un Elfe Noir par le passé. Je peux recommencer.
Elle se redressa comme elle le put dans sa prison et s'assit en tailleur. Doucement, elle recommença à cogner à intervalle régulier contre les barreaux de fer. Ils cèderaient bien tôt ou tard. Elle, ne céderait jamais.
Mer 21 Oct 2015 - 10:32
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Dargor
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« Celui-ci, dit la reine Dhaulnyre en désignant un esclave famélique. Ainsi que celui-ci, celui-ci et … celui-ci. »

Les quatre esclaves qu’elle avait ainsi choisis avaient pour point commun leur effroyable maigreur ainsi que leurs airs abattus. Dans l’arrivage récent donné par Asarith Lune-Pâle, ils étaient sans nul doute les plus misérables que l’on puisse trouver. Toutefois, aucun étonnement ne se peignit sur le visage ferme des Tristelames derrière elle. Et quand bien même se serait-il peint, il eut été impossible de le voir sous le casque qu’ils portaient. Car tous deux savaient que la reine ne cherchait pas des esclaves pour avoir de la main d’œuvre, mais pour perfectionner sa pratique de la magie encore bien trop faible pour la reine de l’Ile Noire en personne. Et si tuer un humain ne l’ennuyait pas, autant qu’elle s’entraine sur des esclaves qui n’avaient aucune utilité. Après tout, mieux valait ne pas gâcher une si précieuse main d’œuvre. Les tristelames avaient justement besoin d’esclaves eux aussi. C’est pourquoi l’un d’eux osa prendre la parole devant la reine.

« Majesté ?
-Oui ? demanda-t-elle d’une voix surprise, étonnée que les Tristelames osent lui adresser la parole, chose qu’ils faisaient rarement.
-Puis-je vous demander une faveur majesté ?
-Je ne sais pas si j’ai envie de te l’accorder, dit-elle d’une voix passablement ennuyée. »

De fait, la reine Dhaulnyre n’aimait pas vraiment sa garde personnelle. Elle reconnaissait tout à fait volontiers leur utilité, cela était vrai, mais elle n’avait jamais vraiment pardonné la façon dont ils l’avaient explicitement menacée dans la salle du trône le jour de son couronnement.

« Majesté, dit le Tristelame, passant outre sa remarque, la foudre est tombée récemment sur le toit d’une tour de la citadelle. Cette vermine humaine ayant mal fait son travail, elle a brûlé. Bien sûr, tous ont été exécutés sauf un.
-Il le faut bien, dit Dhaulnyre, reconnaissant tout à fait que la faute allait aux humains qui avaient construit cette tour sur les instructions des architectes elfiques. Et vous voulez refaire l’aile en question.
-Oui majesté.
-Et vous voudriez pour refaire cette aile de nouveaux esclaves, de préférence gratuits puisque j’ai ordonné que les échevins et moi-même aient un droit de priorité sur ce cadeau.
-Oui majesté.
-Qu’il en soit ainsi, dit-elle en retirant par jeu son cache-œil à une esclave borgne et sans mains. Prenez tous ceux que vous voudrez. Tuez-les à la tâche si vous en avez envie, cela m’importe peu. Mais laissez-en au moins la moitié pour les échevins à la vente, il ne s’agirait pas de les insulter tout de même. »

Tandis que les Tristelames choisissaient les esclaves les plus costauds pour cette tâche qui à n’en pas douter tuerait la plupart d’entre eux avant même qu’elle ne soit terminée, Dhaulnyre regarda l’humaine qui lui vouait un regard noir, allant successivement de son visage à son cache-œil qu’elle faisait tournoyer autour de son doigt d’un geste gracieux.

« C’est ça que tu veux ? lui demanda-t-elle finalement, en le mettant presque à portée de son bras, mais pas tout à fait. Oui, je vois que c’est ça que tu veux. C’est bien. Bonne humaine. Tu feras un parfait animal de compagnie pour Lokhir, qui a réservé le droit de posséder. Allez, essaye de l’attraper, petite humaine ! Essaye, tu peux le faire, même avec un seul bras sans main ! »

Elle lui tendit le cache-œil, désormais à portée de bras.

« Allez, dit-elle, amusée par ce petit-jeu, et par la colère sans nom qu’elle voyait sur le visage de cette misérable humaine qui puait la pisse et la merde. Tu peux le faire ! »

Puis, comme lassée par ce jeu, elle mit magiquement le feu audit cache-œil, et le laissa tomber au sol. Tandis qu’il brûlait dans des flammes noires, dont la nature magique était évidente, elle tourna les talons sans même faire attention à cette vermine avec laquelle elle venait de jouer. En fait, au moment où elle remontait l’escalier, suivie par ses Tristelames, pour quitter cette salle des esclaves, elle était déjà en train d’oublier cet évènement insignifiant. Mais alors qu’elle l’effaçait de son esprit, ou plutôt qu’elle le rangeait dans un coin de son esprit, prête à s’en resservir à tout moment, elle prit plaisir à imaginer que ce simple souvenir allait monopoliser l’esprit simplet de cette humaine pour un bout de temps. Temps que ne serait pas long dans la mesure où Lokhir comptait revenir prendre possession de sa part dans une heure, avant de retourner vers sa ville.

---

Lokhir vint en fait le lendemain, alors que toutes les autres cages avaient déjà été vidées. Il avait passé, suite à sa discussion d’hier, la journée puis la nuit avec Gerydra, et devait à présente repartir chez lui. Prenant une chaine reliée à un anneau, il ouvrit la cage et serra l’anneau autour du cou de sa nouvelle esclave. Assez pour la gêner dans sa respiration, pas assez pour totalement l’étrangler. Un compromis parfait en quelques sortes. Sans pavaner, car il savait que sa « prise » n’avait strictement aucune valeur, il se mit aussitôt à la trainer vers le port de la capitale de l’Ile Noire. Sur son chemin, les elfes noirs le saluaient respectueusement, sachant pertinemment qu’ils avaient affaire à un échevin. En revanche, ils murmuraient dans son dos. Lokhir avait la réputation d’être le moins bon politicien parmi les échevins, et cela était sans doute vrai, dans la mesure où il n’avait jamais eu le moindre souci de son poste d’échevin, depuis cinquante tours qu’il l’avait. Il était donc le plus facile à abattre. Qu’il soit meilleur capitaine de l’Ile Noire ne changeait rien à cette volonté qu’avaient tous les elfes noirs ici présents de lui planter un poignard dans le dos. Et s’ils murmuraient, c’était qu’ils se demandaient comment cette étrange esclave inutile pourrait être retournée contre lui.
Peu importe qu’il soit, comme l’humaine le découvrait en voyant le Seigneur Emeraude dans le port, l’élu d’Ariel, car capitaine de son navire personnel. Telle était du moins l’opinion de tous les elfes noirs. Et le Seigneur Emeraude était parfaitement reconnaissable à sa figure de proue. Après tout, quel autre navire de la flotte elfe noire aurait une figure de proue ressemblant si étrangement à s’y méprendre à Brecianne Leocadas, l’ancienne élue ? Une Brecianne plus fine, plus grande, avec une expression cruelle et des oreilles pointues. Mais on ne pouvait s’y tromper.

« Belle figure de proue non, humaine ? demanda Lokhir. Elle m'a été donnée par Ariel en personne, en même temps que le navire... Ah oui c'est vrai, tu es une humaine, tes goûts sont misérables, tu es incapable de l'apprécier...»

Pendant ce temps, Ariel...:
Mer 28 Oct 2015 - 23:26
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Noire
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Le grand air était assurément présent et nécessaire en cette trop déjà lointaine journée, songeait Phadransie du fond du gouffre de déchéance dans lequel Théoden l'avait précipitée. De fait, celle ci était une journée pourtant comme celles qui l'avaient précédées, et sans doute un peu similaire à celle qui devrait la suivre dans le maillon éternel des cycles des jours et des saisons. La Noire à la différence d'une bête mise en cage, avait ses souvenirs afin de s'extraire de ces barreaux d'acier. C'était assurément une bien belle journée, avec un grand air, car celui qui venait du large. Phadransie et Brecianne Léocadas foulaient de leurs bottes le pont du Seigneur Émeraude. Phadransie faisait jouer sa main nue sur le bois du bastingage. L'importance de sa mission concernant l’Élue de la Reine des Mers ne l'avait pas quittée, certainement, mais la rigueur qu'elle mettait à sa tâche avait passée. Elle était capable de prendre un net plaisir en la compagnie de la Capitaine.

Brecianne Léocadas venait d’exécuter un parfait nœud d'ajut, et ramena le petit cacatois de la Misaine tout contre sa vergue. Elle se chargea de rapiécer de main experte les points d'amure et d'écoute. Le gréément du Seigneur était fort correct ma foi, pensait Phadransie La Noire en l'observant faire.

-Anduse Onda, reprit Brecianne Léocadas en se laissant tomber sur le pont à la manière d'une danseuse. Vous avez la même chevelure. Le même regard. Les mêmes expressions. Tu es bien sa fille.

Elle n'avait pas un seul instant regardé Phadransie en face tout en lui livrant cette information, et inspectait d'un œil expert l'excellence de l'état du bois du Seigneur Émeraude. Un bois sombre, presque noir que Phadransie affectionnait grandement.

-Je n'ai pas de mère, répondit sèchement cette dernière. La Noire, c'est mon seul nom.

-J'ai bien connu une La Noire fut un temps, Phadransie, poursuivit Brecianne d'un calme que rien n'aurait pu rompre. Elizabeth La Noire. Mais c'était il y a plus de cent-vingts Tours. Je doute qu'elle fut ta mère.

-Peu importe qui elle est, reprit la pirate sans se départir entre ses doigts de ce contact si particulier qu'elle avait avec le bois du navire. Personne ne m'a élevé dans les rues et les docks merdeux d'Argenterie où j'ai grandi. Je me suis forgée moi même. C'est ainsi.

-Anduse Onda faisait partie de l'équipage du Seigneur Émeraude, lâcha soudainement la Capitaine.

A ces mots, Phadransie stoppa sa marche et écarta sa main du bastingage, comme si le bois eut été flammes en un instant.

-C'est vrai ?

-Mmh mmh. Dans le temps. Ce fut même ma Seconde quelques Tours. C'est moi qui l'ai aidée à accoucher en pleine mer, à bord de mon Seigneur. Ne me mens pas Phadransie. Je sais parfaitement qui tu es.

Cette fois ci, La Noire ne trouva rien à y redire en termes de protestations.

-Je..J'ai toujours cru que j'étais née à Port-Argenterie, avoua-t-elle.

-C'est faux. Tu es née sur les Grand'Eaux à bord du Seigneur. Quelque part entre le passage des Noires-Eaux et la Crique de Mellite, au cœur de la Mer sans Fin pour être précise. Anduse ne t'a déposée à Port-Argenterie que quelques mois plus tard, c'est là bas qu'elle t'a abandonnée.

-Et..et Anduse, elle est toujours en vie ?

Un silence vint ponctuer cette question, comme le son du glas redouté et pourtant non attendu. Brecianne Léocadas se tourna vers Phadransie, afin de pouvoir parler en face à face, ce qu'aucune des deux femmes n'avaient ne serait-ce tenté de faire depuis le début de cette conversation inopinée.

-J'en doute fort. Elle a tenté de se soulever contre moi. J'ai en horreur les mutineries à mon propre bord, et si tant est que je ne sois pas une sainte, je ne me considère pas non plus comme une tueuse de sang froid. Mais je ne pouvais laisser passer cet acte de rébellion, ne serait-ce à cause du rang qu'elle occupait à bord. Nous étions en plein centre de l'Océan des Elfes Noirs. J'ai déposé Anduse avec pour seule compagnie un tromblon d'un seul coup sur l'un de ces récifs escarpés et déserts que l'on peut nommer île. De nombreux corsaires Noirs empruntent cette route. Si son orgueil fut d'égal au tien, je doute qu'elle se soit suicidée. Elle est probablement devenue leur esclave sur l'Île Noire. Dans un cas comme dans l'autre Phadransie, elle aura succombé. Car nul là bas n'est destiné à y survivre.

Phadransie avait abaissé un tantinet son visage. Tant d'informations en l'espace de quelques secondes seulement était chose éprouvante, même pour celle qu'on appelait La Noire. Brecianne Léocadas avait déposé une main amicale sur l'épaule de son interlocutrice.

-J'ai dit qu'elle était ta mère, mais je n'ai pas dit que ton destin est lié au sien. Ne fais pas la même erreur qu'elle, Phadransie.

La principale concernée avait mimé -ou peut être était-il réel?- un air d'indignée parfaite.

-Tu insinues quoi là, putain ?

-Ne me trahis jamais, Phadransie.


~


La tête lui tournant de fatigue, Phadransie La Noire fut interrompue net dans le fil de ses souvenirs par l'ombre sinistre d'un individu rôdant parmi les esclaves. Des oreilles fort pointues encadraient un visage qu'on aurait dit tracé à la craie grasse sur un tableau noir, et un rictus fort déplaisant bordait une bouche malveillante. Un Elfe Noir. Pour changer.
Mais Phadransie se trouva davantage saisie de complaisance en remarquant le gruau et l'écuelle d'eau que le bourreau jetait à ses victimes. Cela faisait des heures interminables que sa gorge desséchée la mettait à l'agonie. Elle peinait à avaler sa salive et la torture de la soif, bien plus que celle de la faim, menaçait de la rendre enragée -si d'ordinaire elle ne l'était point déjà- ou au contraire, ce qui en soi était bien plus dangereux selon elle, aussi docile qu'un agneau. En s'envolant dans les méandres de sa mémoire et suivant le fil du son de la voix de Brecianne Léocadas, elle était temporairement parvenu à échapper à ce supplice. Cela faisait bien deux jours qu'elle n'avait plus bu une goutte d'eau.
Phadransie La Noire remarqua l'Elfe Noir déposer l'écuelle contenant une eau trouble aux pieds de plusieurs esclaves, tous enchaînés aux poignets et pour certains, aux chevilles. D'ailleurs la plupart étaient nus pieds.
Le regard de La Noire se posa sur cette eau, séparée comme elle l'était de sa gorge à cause de ces maudits barreaux et cette maudite cage. Déjà, les humains s'étaient, pour la plupart, jetés sur leur pitance et leur eau tels des chiens affamés. Cette vision écœura Phadransie.

Puis, le Noir remarqua La Noire. Il se saisit d'une parmi les écuelles d'eau et s'approcha de sa cage. Phadransie pouvait presque sentir jusque dans ses tempes les battements réjouis de son cœur. On lui promettait là bel et bien la fin d'un calvaire ! Ayant passé des heures entières à s'agiter et lutter contre la position tenue par les barreaux d'acier qui se dressaient entre elle et sa liberté, la pirate s'était bien plus vite épuisée et assoiffée que ses pairs.
Mais l'Elfe stoppa sa marche vers elle. Il se trouvait très près des barreaux, et du bon côté ce connard, songeait Phadransie. Elle le foudroya d'un regard noir, empli de funestes promesses, de terribles menaces, de rage, de désolation, de douleur, de folie et de mort. Elle avait la gorge bien trop sèche et douloureuse pour parler inutilement, mais son œil parlait pour elle. Qu'attendait ce fils de pute pour lui filer son eau ?

Dès lors, la face de son tourmenteur dépeignit un rictus acrimonieux. Avec lenteur, l'Elfe laissa tomber non loin de la cage l'intégralité de l'eau contenue dans l'écuelle, sous l’œil de la prisonnière. Phadransie déglutit terriblement. Elle cria et se jeta contre les barreaux, faisant fi de l'affliction de son état et de sa toute-raison alors que l'Elfe Noir tournait déjà les talons. Tremblante de rage, Phadransie La Noire passa son bras entre les barres de fer et tenta de le tremper dans l'eau rependue sur le sol de cette Île maudite. Mais sans sa main droite, il était trop court. Elle dû forcer jusqu'à ce que reste imprimée contre sa joue la marque dudit barreau, et que son corps entier menace de céder, mais enfin, put recueillir du bout de son bras mutilé une goutte ô combien précieuse. Elle la fit passer de son bras à sa langue, et de sa langue eut l'impression qu'elle s'était évaporée avant même d'atteindre son gosier. Trop épuisée pour hurler sa rage, trop fière pour laisser couler sur ses joues des larmes de désespoir, Phadransie se contenta de réitérer ce qu'elle n'avait cessé de faire jusqu'à présent. Lutter. Il est d'autres forces en Phadransie La Noire, qui s'éveillent après le tourment et la consternation. Elle se jeta contre ses barreaux, jusqu'à ce que la douleur irradie dans son épaule. Jamais putain, non jamais elle n'abandonnerait.


~



De longues heures s'étaient écoulées, sommes toutes aussi sèches et arides que le gosier de La Noire. Elle cognait toujours, à intervalles devenus réguliers, envers ces murs invisibles qui la privaient de tout. Et même si dès lors ces coups demeuraient vidés de toute énergie, elle s'assurât qu'ils soient présents. Bam. Un coup régulier. Bam. Elle enviait tellement les autres prisonniers, en possession de leurs deux jambes, leurs deux mains et leurs deux bras. Bam. Simplement tenus captifs par une fine chaîne serrée autour de leurs poings frêles. Ils avaient même eu l'occasion de se délecter et se désaltérer, eux. Bam.
Elle ne sut réagir promptement à la minauderie de cette salope d'Elfe lorsqu'elle lui déroba son cache œil sans crier gare. Phadransie était à présent physiquement incapable de hurler pour l'insulter, comme elle n'aurait point manqué de le faire en temps normal. Puis soudain, amusée par cet état de fait, l'Elfe Noire la provoqua. Jamais de mémoire, on n'avait traité Phadransie avec autant de bassesse. Elle en trembla d'une rage meurtrière. Lorsque son cache œil se consuma finalement à son nez et à sa barbe, semblant se tordre de douleur sous des flammes noires, Phadransie se fit la promesse qu'elle ferait payer cette salope pour ça. Et son prix était déjà fixé, c'était celui du sang. D'après ce qu'elle avait entendu, cette pute était la Reine de l'Île Noire. La suprême des Elfes Noirs. Phadransie La Noire se jura de leur montrer un jour ce qu'était réellement la valeur du Noir. Elle extériorisa sa rage un bon coup dans l'optique de réussir à se calmer par la suite. BAM. La puissance de l'impact n'avait eu aucun effet sur les barreaux, c'était évident. Mais Phadransie La Noire était bel et bien sonnée. Le souffle coupé, elle tomba sur le ventre à l'intérieur de sa prison. Morte de soif, elle suffoqua tentant d'inspirer autant d'air que ses poumons le lui permettaient. La rage dans son regard se relâcha, à l'instar de tous ses muscles, soudainement contractés. Elle ne pouvait hurler vraiment, mais à l'intérieur d'elle même, son être entier grondait le même nom en une boucle semblant être infinie. Et même lorsque vint l'instant de se demander si Asarith Lune-Pâle ne ferait pas un bouc émissaire davantage probant, elle choisit de rejeter cette option. Il lui fallait juste un nom. Un seul coupable. Un unique homme à tuer. Théoden.
Par la suite, Phadransie La Noire opta pour une action différente de ces dernières. Parquée à l'intérieur de cette salle sombre, elle était bien incapable de dire si le jour luisait au dehors, ou au contraire l'astre lunaire surplombait l'Île. Mais la Reine Elfe Noire qu'elle tuerait avait quitté cette pièce depuis plusieurs heures. Sûrement. Probablement. Peut être. En quel temps lointain avait été arrachée sauvagement sa liberté et sa vie à Phadransie, elle l'ignorait, et ignorait tout autant la raison de la présence des autres esclaves. Mais ils étaient là ; ils n'étaient pas sourds. Et elle, n'était pas muette.

-Et si les Elfes Noirs vous dispensent de l'esclavage, tonna-t-elle soudainement usant de toute sa volonté afin de parler malgré sa gorge en feu, vous leur baiserez les pieds ?

Evidemment, elle n'eut aucune réponse de leur part. Il ne restait que peu d'esclaves, peut être demeuraient-ils une dizaine. Les autres cages avaient été vidées, et les quelques hommes efflanqués restants à l'air pitoyables n'étaient entravés que par des chaînes autour de leurs poignets. La question de l'hygiène était difficile à traiter et évoquer. Lorsque les prisonniers avaient besoin de faire leurs besoins, il n'était ni question de les détacher ni de les isoler. Cela se faisait au vu et au su de tous, comme l'auraient fait des bêtes mises en cage dans une ménagerie publique. Les captifs évoluaient donc dans leur propre merde, c'était le cas de le dire, jusqu'à ce que ça soit nettoyé ou qu'un de ces Elfes Noir voulait bien les acheter. Rares demeuraient ceux qui n'avaient pas mouillés leurs loques sous le coup de la peur, et davantage encore ceux qui n'avaient pas attrapés froid. Les Elfes Noirs ne s'encombraient jamais des soucis matériels et naturels de leurs esclaves. Phadransie se languissait d'un simple bain.

-Morbleu, reprit la pirate, réagissez bande de larves sans cervelles ! Aucun barreaux ne vous retient, vous avez vos deux jambes pour emprunter la route qui mène à la liberté, et vos deux mains pour tuer quiconque se dressera entre vous et elle ! Vous attendez quoi, putain ?! Un déluge ? Une tempête du Dieu Lorin ? Un éclair celeste qui viendrait ouvrir vos chaînes et foudroyer vos bourreaux ?

Elle se pencha davantage contre les barreaux voyant qu'elle avait su attirer l'attention de quelques uns d'entre eux. Phadransie les aurait tous étripés sur son crochet si elle avait pu. Une telle inactivité de leur part la rendait folle furieuse à se damner. Elle finit par ne plus y tenir et força sur sa voix, bien qu’éraillée et lésée.

-Putain mais battez-vous tas de sous merdes !!
-Nous sommes sur une Île, lui répondit un homme aux cheveux déjà blancs et si maigre qu'une fillette aurait pu le supporter sur ses simples épaules. Quand bien même nous quittions cette pièce, où nous rendrions nous après ?
-Il y a des ports putain, cracha Phadransie.
-Je ne sais pas naviguer, reprit l'homme.
-Oui, nous ne sommes pas tous des pirates comme toi, murmura un second dans une quinte de toux grasse.
-Et puis tu le sors d'où le bateau pour te ramener sur le Continent ? De ta botte ?

Oui, Phadransie les aurait tous égorgé si elle avait pu.

-Ce que je sais sales fils de putes, reprit-elle la voix de plus en plus faible, c'est qu'ils ne m'auront jamais ! Bougez-vous ! Ils nous considèrent tellement comme des merdes qu'un seul de ces connards a été désigné pour nous surveiller. Si on s'y met tous, on peut le buter !!

En réponse à ces vaines paroles, un Elfe Noir s'approcha de sa cage, la noyant dans l'epaisseur de son ombre portée. Phadransie ne baissa ni le regard, ni ne recula dans sa cage. Elle termina même la phrase qu'elle s'apprêtait à lâcher :

-Après tout, les Elfes Noirs ne sont qu'un ramassis ignoble de sous merdes...

Ce fut à la faveur d'un éclat de rire qu'une réponse fut donnée à Phadransie.

-J'achète celle-ci, rétorqua l'Elfe en question qui n'était apparemment rien de plus qu'un acheteur.

Comme par magie, un autre Elfe apparut non loin de lui.

-Pas celle là, répondit-il d'un air glacial, le Seigneur Échevin de Menrenwen l'a d'ores et déjà réservé.

-Je ne vois nulle part Lokhir, insista l'Elfe en question.

-Il va passer récupérer son bien. Prenez en un autre.

L'Elfe Noir eut un ricanement sordide en direction de Phadransie qu'il surplombait de toute sa hauteur. Puis il lâcha un « Dommage, cette humaine me plaisait bien. » et tourna les talons.

Alors l'évidence apparût à Phadransie. La sorcière encapuchonnée. Le fils de pute de Lokhir. Cet Elfe là. Tous ne se disputaient pas là une esclave à acheter, mais une rebelle à briser et à torturer. Elle sentit un frisson givré remonter le long de sa colonne vertébrale en songeant au fait que la seule mention de tortures Elfes Noirs faisait trembler bon nombre de pirates sanguinaires. Elle leur donnerait alors satisfaction sur leur moindre désir pervers sitôt qu'elle capitulerait et céderait face à eux. Mais était-elle capable de supporter ce qui l'attendait ?

Phadransie La Noire se souvint d'une discussion qu'elle eût une fois avec le Capitaine Baldassare Everhell -maudit soit-il- au cours de leur périple. Toujours au bord du fier Eradicate, la vue de l'Amazone captive dans sa propre cabine jetait plus de gaieté que de commisération dans l'âme de Phadransie. En proie à une ire inommable à cause du temps que prenait l'Eradicate pour rejoindre Karak-Tur, elle avait desserré un soupçon le licol contenant cette dernière qui s'était écoulé de sa personne telle une vague de fond ; elle avait frappé la captive avec frénésie jusqu'à ce qu'elle n'eut plus rien à lui opposer en terme de regard noir ou de gémissements. Phadransie s'arracha de la vue de la femme sanguinolante à ses bottes. Elle aurait été étonnée qu'on lui prétende qu'aucune de ses côtes n'était fêlée ou brisée.

- On va éviter de l'abîmer plus. On la vendra moins cher sinon, avait lâché La Noire d'une voix tout aussi noire.

- J'ai peur que la bête perde son pied, avait répondu à cela le Capitaine déchu, si la blessure refuse de cicatriser davantage.

- C'est en bonne voie. Mais on peut purifier encore un peu tout ça. Dans le doute. 

Phadransie La Noire s'arracha de sa contemplation pour se saisir d'une étoupe qu'elle livra au feu à l'aide de son briquet. L'instrument suivit le sillage que son bourreau lui imposait.

-Immobilise-la.

Tandis que le Capitaine tout de noir vêtu s'était saisis fermement de l'Amazone par ses avant bras qu'il tordait derrière son joli dos lardé de bleus, celle qui se faisait sa tortionnaire entreprit, sourire aux lèvres, de cautériser une nouvelle fois cette vilaine blessure qu'elle abhorrait à la cheville. De ce fait, un tel traitement ayant été exécuté sans la moindre once d'empathie ni même de réserve, des hurlements déchirant l'air par toute la douleur qu'ils transportaient se firent entendre. Loin de conclure cette épreuve alors même que la cheville fumait avec entrain, tout à son contraire la pirate renforça sa pression sur la plaie de son crochet. Il fallait dire que les cris qu'elle répandait étaient particulièrement jouissifs pour elle, encore empli d'une souffrance qui amenait l'Amazone aux portes de la folie.

- Et fière avec ça la garce. Elle refuse de pleurer, conclut la pirate en éloignant après une durée interminable la pince du bourreau de l'âme de sa victime.

- Les bêtes gémissent. Elles ne pleurent pas.

- Tous, même les capitaines vêtus de noir comme toi pleurent, trancha fermement La Noire.

Dans un moment d'égarement sans doute, Baldassare Everhell retourna à son Élue postiche un regard empli du fin fond de sa pensée. Il ne la croyait pas. Phadransie, pour une fois, n'avait pas relevé.

Pourquoi se souvenait-elle de cet échange qu'avaient eu La Noire et le Prophète, en ce moment précis, alors qu'elle se moisissait au fin fond d'une cage au fin fond d'une salle emplie d'esclave au fin fond d'une île tombant en poussière ? Céoda n'avait trouvé nulle pitié dans l’œil noir de sa tourmenteuse, tout comme Phadransie La Noire savait qu'elle n'en trouverait nullement dans ceux de Lokhir. Et le pirate Baldassare Everhell ne l'avait pas cru lorsqu'elle lui avait affirmé que tout-en-chacun était capable de déverser des larmes lorsqu'un tiers décidait de les leur faire couler.

Pourquoi Phadransie avait foi en cette information ?

Un écumeur des mers, s'il en est, peut tout à la fois être également bourreau. C'était bien là le cas de Phadransie. Ces machinations odieuses exécutées sur autrui lui avaient permis de se tracer une véritable voie dans les méandres de l'esprit et du corps humain. Sur le plan scientifique tout d'abord, bien que cela parût simplet. Mais tout expert en art martial -et partisane de la technique des Trois Coups- se devait de connaître l'anatomie humaine, au minima, et Phadransie avait eu le loisir de découvrir cela d'elle même. L'élasticité des tissus, l'emplacement et la fonction de chaque muscles, les formidables facultés du corps humains, la solidité des os. C'étaient là des examens que peu sur Ryscior pouvaient se vanter avoir déjà pratiqué.  
Phadransie avait prit plaisir à se forger un lexique de connaissance dans ce domaine là, mais également dans celui du psyché. Elle avait mis à mal bon nombre de personnes et personnalités, et ceci avait commencé dès ses quinze Tours, alors qu'elle se vengeât du Maître Calfat du Grand Val lui vouant une mort lente et spectatrice. Les Tours qui suivirent, lorsque Phadransie parut Lieutenant en Second du Galion Déité, emplie d'une énergie nouvelle soufflée par le Capitaine Korlanos, elle creusa plus en profondeur dans ce domaine là.

Pour elle, la torture était un art, et non un moyen de passer ses nerfs, même si l'on pouvait aisément combiner, se complaisait-elle à penser très souvent. Le Capitaine du Déité n'y voyant aucun inconvénient -au contraire, il sembla même que Drakk James Korlanos appréciait les amusements de sa toute nouvelle Seconde- il avait cependant fixé une règle précise : il était hors de question de torturer des membres d'équipage, même le plus simple mousse qui avait dérobé à son travail. Pourquoi ? Le risque de mutinerie, simplement. Mais il lui laissait carte blanche pour tout ce qui faisait état des prisonniers et des esclaves. Et il y avait fort à faire, se disait Phadransie !

Elle avait démarré sa carrière de bourreau en primant la torture par le feu et l'eau sur tout ce qui était mutilation et amputation. A la recherche des cris les plus parfaits, ceux qui s'entendaient même du beaupré, elle vouait une véritable ardeur à la tâche. Elle ignorait que chacune de ces séances s'interposait entre la femme et appelait en elle la folie, et ce à chaque fois un peu plus.  

Petit à petit, elle changea d'angle de vue. Elle abandonna les tortures par le feu et l'eau, et découvrit les multiples et étonnantes facettes de capacités de son crochet. C'était si aisé de séparer des êtres pitoyables de ce qu'ils affectionnaient le plus, d'un simple revers du bras. Toute cette impudicité avait raison de son insensibilité naturelle. Elle aimait, en plus d'entendre les cris et supplications, que viennent à cela s'ajouter d'autres termes, tels que humiliation, apitoiement, renoncement.
D'un geste du crochet, elle faisait ça et là jaillir un œil de son orbite, arrachait une langue -ce qui en soi était fort peu pratique, même lorsque ledit crochet était enfoncé profondément dans ladite langue. Il arrivât que tout se déchire et rien ne s'arrache. Il fallait alors recommencer. Mais ça n'était pas aussi énervant que ça l'aurait dû pour La Noire qui en retirait même parfois des éclats de rire-, retournait un doigt ou s'introduisait par divers orifices afin de chercher toujours plus loin le cri parfait et le plaisir extrême.

Elle voyait se commuer cette excitation psychique, en plaisir physique tout du long de ses expériences atroces, transformant ces séances de boucherie en une sorte de préliminaire érotique particulier. L'état d'orgasme ? Elle savait comment l'atteindre, et l'atteignait toujours.

Arrivé vers ses vingts Tours, Phadransie décida qu'il était plus que temps de récolter davantage de ce plaisir là. La vision d'un prisonnier amaigri et plein de pisse sur une table de torture lui devenant familière, elle orienta son arc dans le but de faire atteindre à leurs flèches d'autres proies. Des Capitaines, par exemple, cela était toujours occasion de réjouissance. Ou bien des personnages importants, des nobles, voire des enfants. Elle avait déjà testé une pute, se souvient-elle. Leur « rencontre » avait été fort particulière. C'était la première fois que Phadransie se tapait une femme, et c'était la première fois qu'elle se tapait quelqu'un tout court, de fait.

Cela s'était passé à Port-Argenterie, un soir sans lune au centre d'une taverne mal famée. Phadransie La Noire et son équipage s'y étaient arrêté pour festoyer, et elle avait bu comme un trou. Trop de bière, trop de rhum, trop de cocktails. Elle se souvint juste du réveil douloureux le lendemain matin, dans un des lits de l'étage de l'établissement. Tout tournoyait et louvoyait encore autour d'elle, comme une toupie. Elle était, bien sûr, entièrement nue, et se rendit compte que ses poignets étaient liés entre eux ainsi qu'au dossier du lit par une épaisse corde. Pour couronner le tout, une des putains de la Taverne dormait à côté d'elle paisiblement comme si de rien n'était. En proie à une rage acerbe, Phadransie La Noire était parvenue à se sortir de ce piège là, et s'était jetée sur sa compagne d'infortune qu'elle avait lardé de coups de son crochet. Puisqu'elle aime tant les liens et les cordes, avait songé la pirate, je vais lui en faire profiter ! Elle s'était occupée de son cas, encore à demi ivre, sans même avoir prit le temps de se rhabiller, ce qui lui accapara une bonne heure de la matinée. Même si les hurlements de douleur de la putain demeuraient explicites, l'équipage du Galion Déité connaissait sa Seconde, et ils durent prévenir quiconque qu'il était de très mauvaise augure d'aller déranger Phadransie La Noire lorsqu'elle était ainsi « occupée ». Ainsi, La Noire ne fut nullement dérangée. Elle retapissa la chambre merdeuse en rouge sang. Personne, non personne n'avait le droit de l'attacher, elle. Elle ne fut même pas inquiétée en regagnant le pont du Déité où Drakk James Korlanos l'y attendait.

Cependant, ce qu'elle appréciait par dessus tout cela encore, c'étaient les pairs, comme elle les appelait. Mères et fils, frères et sœurs, époux et épouses... Grace à eux, il y avait tant et tant à redécouvrir, de nouvelles expériences encore à mener. Tous se croyaient invincibles et l'avaient menacée de mille tourments dans l'au-delà avant que son crochet ne se lève, mais à la fin, c'étaient eux qui s'étaient tus. Définitivement.

Et tous autant qu'ils furent étaient devenus ce qu'elle souhaitât qu'ils deviennent ! Phadransie vit une liste mentale défiler devant son œil.

Esclaves, bosco, mousses, pute, marée-chaussée, noble, Dame, officier, prince, princesse, soldats, marins...

Même les quelques Capitaines desquels La Noire avait eu l'occasion de s'occuper avaient fondu en larmes et en supplications. Elle savait que personne ne lui résistait, mais savait aussi que personne ne résiste à un bon bourreau. Elle aurait pu faire craquer Baldassare Everhell comme une allumette, tout de noir vêtu qu'il était ! Tous ces fils de putes pouilleux, nus comme des ribauds et torche-pots foi de siresse qui l'auraient implorés ! Elle se permit un bref coup d’œil dans l'avenir. Théoden, Asarith Lune-Pâle (ce fils de pute!), la femme qui l'avait jetée dans cette cage, la Reine Noire, Lokhir, la sorcière encapuchonnée, le connard qui servait les rations aux esclaves, celui qui avait voulu l'acheter ! Tous, oui tous, elle les ferait ramper.


Et toi, tu ramperas ?



Il était évident que le Capitaine Lokhir voudrait la briser avec toute la détermination et l'abomination que l'on connaissait à ceux de son espèce. Le cœur de Phadransie se serra dans sa poitrine nue. Tout le monde cède sous la torture, semblait-ce si difficile à accepter lorsque cette affirmation se retournait contre elle ? Sans jamais stopper ses cognements réguliers contre les barreaux, elle réfléchit à la question. Bourreau, victime. Victime, bourreau. Elle était pleinement consciente de ce qui attendait un supplicié. Mais voilà, Phadransie était différente ! Chacun à sa manière de concevoir la chose, songeait-elle, mais Phadransie La Noire est Terreur des Grand'Eaux, et elle se fit alors la promesse, aussi dure serait-elle à tenir, qu'elle ne céderait en rien à Lokhir. Satisfaite que ce travail mental là fut fait, La Noire partit en une crise de rire, gutturale et haut-perchée. Tout comptes faits, n’était-ce point là, peut être, l'ultime ascension afin d'atteindre le délice parfait de tout bourreau ? Les rôles s'inverseraient, elle allait être mise à l'épreuve. Après des Tours passés à atteindre jouissance malsaine, n'était-il plus temps de connaître la paroxysme de cette délectation ? La lassitude et le désespoir se lisant dans les yeux de ses victimes se lirait dans ceux de Lokhir, son tourmenteur. Rien ne la rendrait plus fière que cela.
Son rire s'arrêta de lui même, comme s'il fut provoqué par un autre en elle, et qu'un autre en elle venait de décider de le stopper. Bam. Toujours ces barreaux. A intervalles réguliers. Bam.

-Vous vous êtes engagés perdants, bande de connards. Dans le meilleur des cas, je m'échapperai. Dans le pire, vous vivrez l’échec de votre vie. Car Phadransie La Noire ne cèdera jamais face à des siresses d'Elfes Noirs...

Sa liberté, elle y tenait. Lokhir viendrait tôt ou tard ouvrir la cage pour l'amener avec lui, alors elle s'échapperai. Quand à son libre esprit, chaînes, sabre sous la gorge ou table de tortures, elle ne le leur concéderait jamais.


~


L'épreuve de la soif était-elle nécessaire, se demandait la captive au bord des lamentations. Sa gorge la faisait souffrir plus que tout, à un point tel qu'elle en oublia temporairement la perte de son bras gauche. C'était comme avancer au milieu d'un désert gigantesque, aride, à l'intérieur duquel se trouverait une oasis que l'on se devait d'atteindre. Mais sans en connaître l'emplacement, la distance ? Et ne voir autour de soi que du sable mêlé à de la désolation. Dans ces conditions là il était facile de dire à l'errant : « avance. »
Phadransie chassa de ses pensées tous les souvenirs mêlé à l'eau ou à la mer, ceci car ils la mettaient davantage au supplice. Elle tenta de dormir, mais n'y arrivait plus depuis sa rencontre avec la Reine des mers, et pire que tout, sa déshydratation la maintenait éveillée. Et ses coups d'épaule ne touchaient guère les barreaux de sa cage. Une autre journée -ou bien nuit ?- était passée et tous les esclaves avaient été vendus. Ils s'en étaient allés, aussi dociles qu'on pouvait l'être.
Enfin, pour la première fois depuis ce qui lui semblait une éternité, Phadransie entendit le bruit sourd de bottes de cuir martelant le sol. Celles d'un homme solides, battit comme un roc. Lokhir. Il ne parla pas lorsqu'il se pencha afin d'ouvrir la cage. C'est le moment.. ! Presque flanc contre flanc, Lokhir se pencha sur sa prise. Phadransie La Noire vit qu'il tenait entre ses mains quelque chose. Mais elle n'y prêta pas plus d'attention. La porte s'ouvrit. Les barreaux s'écartaient.

Elle était donc libre.

En voyant sa liberté l'appeler, elle se jeta en avant désirant ardemment jouir de cette sonorité perdue. Phadransie mit toute la force qu'il lui restait dans ce bond. Seulement, dans son euphorie aveuglée, elle n'avait pas prit conscience d'une tragique méprise. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle était parquée ainsi, dans une cage dont la hauteur ne lui permettait pas de se lever, et la largeur de se coucher. Peut être bien même un mois ! Ses jambes avaient tout perdu de leur vivacité !
Phadransie tomba au sol, à l'instant où elle se voyait courir loin de sa prison. Alors il la tira par les cheveux sans ménagement, et cingla autour de son cou quelque chose. La pirate suffoqua et toussa, ce qui provoqua dans toute sa gorge un déchirement douloureux. L'air lui manqua, elle détestait cette sensation. Avant même qu'elle n'ait eu le temps d'en comprendre davantage sur ce qui venait de se passer, Lokhir tira sur une chaîne et elle fut trainée au sol. La douleur était insupportable et son bras fut éraflé, y déposant quelques gouttes de sang. Putain c'est quoi ce nouveau bordel ?!
La lumière d'un autre monde l'aveugla. Elle fut extraite de force de cette salle sombre. Cette luminosité naturelle, si vive, la mit à l'agonie.
Elle opposa une résistance soudaine, tout en continuant à tousser. Sans doute n'avait-elle pas la force, ou la détermination nécessaire à ce que la chaîne glisse des mains de son tourmenteur, à moins qu'il ne s’agisse des biceps épais de l'Elfe qui firent concurrence à ce qu'il restait de muscles à La Noire, toujours fut-il qu'il n'eut qu'à donner une très simple traction sur la chaîne afin de tirer à lui sa prisonnière. Cette fois, Phadransie s'abattit à ses pieds. Elle voyait à gauche et à droite de son visage les bottes du corsaire damné, et avait cette vision en sainte horreur. Il avança, lui faisant mordre littéralement la poussière. Même si elle l'avait voulu, Phadransie était incapable de marcher, où en tout cas de calquer son allure sur celle de son ennemi.
Lokhir faisait de grandes et larges foulées, puissantes. Sa peau mâte constrastait avec la blancheur de sa chemise. Il abhorrait un large tricorne rouge, plumé et finement ouvragé. Phadransie elle, avait perdu le sien en Oro. Lokhir était un individu respirant la force physique et paisible. Ses muscles étaient saillants, comme ceux qu'il sied de porter pour un marin digne de ce nom. Ses mains grandes et vigoureuses, il était habitué à tenir entre ses doigts fins la barre d'un navire, visiblement. Celle du Seigneur Émeraude. Phadransie cracha sur le sol à cette seule idée, et tenta de se relever, agacée d'être traînée ainsi dans la poussière Mais ses jambes refusaient de lui obéir. Elle ne pouvait plus hurler sa rage, sa gorge douloureuse était, de surcroît à présent, comprimée par cet anneau.
Encore et encore, elle essayait de se mettre sur pied. Le fait que Lokhir dut tirer derrière lui une humaine à demi infirme dans la poussière ne semblait pas le déranger outre mesure. Ses muscles étaient gorgés de sang. Il n'avait même pas besoin de forcer.
Cette traction épuisait Phadransie, et elle prit conscience que si celle-ci s'éternisait, elle mourrait probablement. Son seul salut résidait dans le fait de faire obtempérer ses jambes. Mais se redresser alors qu'elle râpait ainsi contre le sol était chose impossible. Elle parvint pourtant, au prix d'un ultime sacrifice, à se mettre debout et avancer. Lokhir avait ralenti l'allure, comme si ce petit jeu l'avait lassé et qu'il préférait tirer derrière lui une prisonnière apte à marcher. Ou peut être s'en foutait-il, après tout. Combien de temps cet enfer avait duré ? Phadransie n'aurait su le dire. Toujours était-il que par endroit sa peau était à vif et son pantalon en partie déchiré. Des gravillons étaient incrustés de façon grossière sur son avant bras, son flanc et son coude. Son corps entier la brûlait. Lokhir lui lança un regard de biais et l'engagea à accélérer l'allure d'une simple pression.

-Va te faire foutre !

Phadransie bloqua la chaîne de nouveau en campant solidement ses bottes sur le sol.

-Va te faire foutre ! répéta-t-elle plus fort encore entre deux souffles rauques, consciente qu'elle avait à peine murmuré la première fois.

Il esquissa l'ombre de sourire mais ne répondit point. L'air était fort crépitant autour de Phadransie, chargé de haine et de promesses de mort. Lokhir exécuta un second revers du bras, et Phadransie tomba au sol de nouveau. Il repartit d'un pas vif, et leur petit jeu reprit. N'oublie pas qui tu es, Phadransie. Ne lui cède rien.

Elle lutta jusqu'à ce qu'ils atteignent, environ une heure plus tard, le port de Saïrla.

Phadransie était physiquement trop fatiguée pour parvenir à le comprendre dans l'immédiat. Lokhir s'était arrêté, elle à sa suite. Il semblait humer avec profondeur l'air lui venant du large. Phadransie souffrait abominablement. C'est alors que son regard se posa sur un bâtiment aussi noir que l'ébène, un trois mâts dont la finesse prônait sur la voilure, tout en longueur et en noirceur. Phadransie tenta de se mettre sur pieds mais ses jambes tremblaient trop pour le lui permettre. Autour d'elle et jusque dans les tréfonds de son âme, l'air lui sembla s'être chargé d'une vague de souffre et iodé que même le collier de fer n'empêchait pas d'atteindre ses poumons. Le ciel paraissait s'être abaissé d'un cran, ou peut être deux, voire trois, prêt à heurter la plume du tricorne de Lokhir. Il était chargé d'électricité et si lourd. Depuis quand le ciel s'était-il chargé de la sorte ? Non loin de la ligne d'horizon, d'épais amas nuageux aussi noirs qu'un sol empli de ténèbres menaçaient. Ce tableau soudainement maussade et poignant sembla tonner tel le son d'un gong au fin fond du cœur de Phadransie. Mais, tandis qu'elle se tenait là, luttant contre la soif, la douleur et l'étranglement, Lokhir reprit sa marche. Et elle fut bien obligée de le suivre, sans jamais cesser de lutter et se débattre.

Ce qui suivit serait là une vision insupportable pour quiconque ne fut pas né Noir Elfe. Il est complexe de tenter de mettre des mots sur de telles sensations que peut éprouver quiconque prisonnier foulant au pied le Noir Port de Saïrla, mais c'est pourtant ce qui suit.
A savoir, un mélange d'éviction, un air de rebut porté par la présence hautaine de tous les natifs se pressant sur les quais, paraissant être tractés jusque dans la voilure des innombrables vaisseaux amarrés. En un tel endroit, n'importe qui aurait pu ressentir cette pression ambiante, gorgée même pas de magie noire, mais de sentiments dignes de tout mortel. Arrogance, hostilité, malveillance se bousculant dans l'air des quais de Saïrla, prêt à écorcher la peau à vif de l'esclave emmenée ici par la force. Le vent faisait claquer les voiles noires ou violettes, parfois grises, quand bien même l'air était si lourd que toute vie animale semblait avoir déserté les cieux. Aussi, la captive ne vit aucune mouette ou goéland dans les airs. Air présent par son absence, tant il était électrique et tranchant.
L'eau, miroir fidèle de ce plafond bas qui se faisait nommer « cieux », était d'un noir d'encre, il n'y paraissait là aucune beauté et aucune convenance qui aurait pu plaire à l'humaine. C'était à se demander si poissons il y avaient, ou bien si, à l'instar des oiseaux dans le ciel, eux aussi avaient jugé plus sages de fuir cet endroit maudit de tous.
Sans en comprendre la raison, on pouvait ressentir sur notre palais le goût amer du sang, du désespoir et du souffre. Ni sel, ni saveur, ni succulence. Seulement le sang mêlé de souffrance dans un nectar insupportable d'atrocité.
Cette malveillance s'inscrivait jusque dans le clapotis des vagues venant buter contre les coques externes et la bordure des quais noirs, une sonorité hideuse et chargée d'ignominie tant elle était parfois régulière, puis soudain ne le devenait plus. Le claquement de la voilure, le bruit des bottes au sol des marins, le batillage de ce que les Noirs parvenaient à nommer eau, tout ceci mêlé à l'insupportable émanation du tout donna à Phadransie l'envie de vomir qu'elle contint en un effort désespéré. Par pitié, faites que ça s'arrête.

S'ajoutait à ce cabaret d'exécration la présence de tous les navires Noirs, côtes à côtes, flancs contre flancs, presque, alignés le long du quai principal que l'esclave et le maître empruntaient. Se ressemblant tous, ils étaient à eux seuls une note de terreur et de cauchemar si intense qu'il ne fut souhaité à personne de devoir les contempler. Une tornade silencieuse émanait de chaque planche, chaque mât, chaque voile et chaque quille, et venait frapper en plein cœur quiconque s'avançait devant eux sans y avoir été convié.
Les vaisseaux Elfes Noirs étaient reconnaissables à leur finesse et leurs couleurs sombres. Le gréement, et plus particulièrement la voilure hissait la couleur noire, ou bien violette, grise et brune pour quelques exceptions. A vue d'oiseau, on aurait pu dire à titre de comparaison que si un de ces bâtiments là faisait un pied de large, alors il en paraissait bien dix de long au bas mot. Tout en pointes et en piques, ces princes de ténèbres se profilaient fièrement, emplis qu'ils l'étaient de l'orgueils de leurs capitaines, et ce qui pouvait s'apparenter à des collerettes tranchantes ou bien des griffes noires décoraient le beaupré, la coque, le bastingage ou bien les gaillards d'avant ou d'arrière. C'étaient là des ponts conçus pour un équipage allant de quelques elfes, à une cinquantaine au maximum. Nuls sabords se dissimulaient derrière ce bois funeste. Les figures de proue ou de tête du navire étaient variées, mais toutes avaient en commun le fait de n'évoquer en rien la candeur et la bonhomie. Ce qui émanait de ces sculptures là tourbillonnant invisibles dans l'air, c'était la soif de tuer, le besoin de domination, l'envie d'écraser ses adversaires, le goût du massacre et la soif du sang. Chacune de ces figures de proue, qu'elles représentaient un ou une elfe, un dragon, une manticore, une sorcière, un monstre marin ou autre, dévisageaient avec horreur tous ces passants, semblant sur le point de s'animer. Alors que le travail de ce bois torturé était fin et appréciable -pour un natif, en tout cas-, il était peu simple pour un humain de ne point plaindre cette souche, mutilée de la sorte, tranchée dans le but de servir de support à une aberration sans nom, l’écorce violée pour donner naissance à un monstre sordide semblant tout droit sorti d'un autre monde dont on ne peut qu'apprécier ignorer l’existence. Dressés les uns flanqués aux autres, chacun de ces navires exerçaient une pression insoutenables de par leur simple présence, sur l'âme, l'esprit et le corps du malvenu.

Ce fut alors que Lokhir s'arrêta de nouveau. Phadransie se sentait défaillir, traverser ce port fut l'une des expériences les plus déplaisantes de toute sa vie, et elle aurait volontiers sacrifié sur l'instant son dernier œil afin d’échapper à ce supplice indescriptible.
Mais si se plonger elle même dans le noir éternel lui aurait épargné la vision du port maudit de Saïrla, rien au monde n'effacerait jamais de sa mémoire la vision du Navire qui lui faisait face.

- Belle figure de proue non, humaine ? trancha la voix grave et oppressive de Lokhir. Elle m'a été donnée par Ariel en personne, en même temps que le navire... Ah oui c'est vrai, tu es une humaine, tes goûts sont misérables, tu es incapable de l'apprécier.

Cette ultime vision d'une Brecianne Léocadas abhorrant un rictus chargé de perversion, signature de sa nature que le bois laissait paraître : celle d'une Elfe Noire, eut l'effet d'un coup de poignard en plein ventre pour Phadransie La Noire. Jamais la Reine de Mers ne cessera de me tourmenter ? songeait-elle tandis qu'une larme coulait sur sa joue. Détruite par cette virée, oppressée de toute part, la tête paraissant sur le point d'imploser, Phadransie tomba à genoux et vomit. Elle ignorait elle même ce qu'elle venait de vomir, se demandant foncièrement si elle avait bel et bien régurgiter quelque chose sur les quais. Cela semblait à un mélange de bile et de sang. Phadransie, n'oublie pas qui tu es...

Lokhir tira d'un coup sec sur la chaîne, un sourire -le premier- malsain se peignant sur ses lèvres. Ce serait folie de prétendre qu'il n'y avait plus que la rage pour tenir Phadransie en vie à ce moment là, et pourtant, elle n'en était non loin. La pirate se redressa lentement, tremblante de la tête aux pieds. Elle affronta du regard fièrement cette abomination qu'on appelait figure de proue. Mon beau Seigneur... Brecianne... Elle fixa ce qu'était devenu son navire préféré durant une bonne trentaine de secondes, faisant abstraction de la pression du port de Saïrla sur son âme.
Puis son œil se posa sur Lokhir, sans une once de défaillance. Elle se servit de sa haine et de sa rage comme d'un fil conducteur la menant à l'intégralité de ses forces, enchaînées au fin fond de son être, recroquevillées et faibles. Son cœur et son corps étaient peut être meurtris, et morte de soif qu'elle l'était, elle n'était plus en mesure de s'exprimer, mais c'eut été là sous-estimer Phadransie La Noire. Tant pis si c'étaient là les dernières paroles qu'elle devait placer avant un moment. Les prononcer lui causa grande souffrance.

-Je peux l'apprécier, finit-elle par admettre entre deux sifflements gutturaux, car c'est Brecianne qui se tient à la proue du Seigneur, et pas toi. Vous les Elfes Noirs me faites gerber, tu te crois supérieur aux humains, mais en attendant cette figure de proue parle pour vous ! Vas y, trompe la réalité si tu le souhaites, mais la vérité est connue de tous, Brecianne n'est..n'était pas une Elfe Noire ! Malgré qu'elle soit humaine, elle était âgée de même pas trente Tours lorsque la Reine des Mers lui a offert son Navire, contrairement à toi qui a dû attendre des putains de centaines d'années avant que ta Déesse daigne remarquer ta présence sur les Grand'Eaux !! En plus, tu as le Seigneur Émeraude seulement parce que son ancien Capitaine l'a rendu à la Reine, en échange d'un autre !!

Elle parvint à afficher un sourire sincère sur ses lèvres craquelées et saignantes.

-Même dans la mort, fils de pute, le nom et le visage de Brecianne restent gravés dans le bois et les mémoires, et son âme subsiste auprès de la Reine, mais toi quand tu crèveras, plus personne ne parlera de toi, sur ton Île où tous rêvent de te poignarder dans le dos, et sur les eaux on aura oublié ton visage et jamais ô grand jamais tu ne paraîtras dans le royaume de la Reine des Mers !!!

Surpris par l'impact de cette réplique, et probablement le fait d'entendre de nouveau le son de la voix de sa prisonnière, Lokhir se laissa surprendre lorsque Phadransie tira d'un coup sec sur sa chaîne. Elle prit ses jambes à son cou. Elle savait qu'elle n'irait pas bien loin, mais au minimum elle foutrait la honte de sa vie à ce connard d'Elfe devant les siens, lorsqu'ils le verraient courir après une esclave sans bras qui venait de filer à son nez et à sa barbe !
Lokhir n'eut qu'à bondir afin de récupérer au vol la chaîne dans les airs. Il tira d'un coup sec, Phadransie fut étranglée tout net ! Elle partie en arrière et tomba lourdement sur le sol. Sa tête buta dans une sonorité perçante et lourde contre les pavés noirs du port de Saïrla et, dieux merci, elle perdit enfin connaissance.
Lun 2 Nov 2015 - 0:00
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
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Briza, d’un geste fatigué, posa son trident sur le râtelier. Elle revenait d’une longue chasse de près d’un tour dans les terres. Sans se débarrasser de sa tenue de chasseresse, elle se laissa tomber sur son lit, comptant bien goûter à une longue période de sommeil. Elle avait bien entendu pu dormir assez fréquemment durant un tour, assez pour tenir le rythme en tout cas. Mais si un guerrier elfe noir ne devait pas montrer la moindre faiblesse au combat, une fois chez lui, il avait pour devoir de se reposer, afin d’être tout à fait capable de remontrer sa gloire dès qu’il serait rappelé. Bien sûr, elle savait que dans les lunes qui suivraient, elle n’allait certainement pas passer ses journées à rester tranquillement allongée à ne rien faire. Sa charge de noble allait la rattraper, et elle devrait travailler à combattre les ennemis de sa famille, tout en se hissant elle-même au sein de la sienne. Ce qui était pour l’instant compliqué, au vu du fait qu’en tant que fille pour l’instant unique d’Herta, la chef de famille, elle était la troisième dans la hiérarchie. Juste devant elle venait son père, Lokhir, qui était tout le temps en mer où à la capitale. Et derrière elle venait le reste de la famille, une vingtaine d’elfes noirs.
Cette famille était somme toute peu nombreuse, vu le poste qu’elle occupait. Echevin de la ville pour son père, rien que cela. Elle eut un rire. Les familles des autres échevins faisaient plus d’une centaine d’elfes noirs qui assuraient le soutien à l’échevin en question, tout en briguant sa place en même temps. Sa famille faisait office de misérable en comparaison. Elle était une des plus petites de sa ville, voilà pourquoi il ne fallait jamais relâcher sa vigilance. Abruti de père, songeait-elle en pensant à cela. Pourquoi avait-il accepté le poste d’échevin alors qu’il n’avait aucun soutien parmi les grandes familles ? Et pourquoi cette salope de reine Driruita lui avait à l’époque proposé ce poste alors qu’il n’était que le capitaine le plus réputé ? Certes c’était une bonne chose, mais tout de même.

Son père savait son règne fragile, c’était cela qui rassurait Briza. Il savait qu’il mourrait bientôt, que chaque jour était très probablement le dernier. Cela était une vérité acquise. Alors il surveillait régulièrement son dos. Cela était bien, car elle savait pertinemment que le jour où il oublierait de le surveiller, une lame s’y planterait et ce serait fini. Jamais sa famille ne retrouverait un membre tel que lui pour l’amener vers la gloire. Du moins pas de son vivant. La plupart des familles construisaient leur réussite sur des siècles et des siècles d’intrigues et d’exploits de tous leurs membres, et jouaient ainsi depuis l’époque d’Asarith. Leur famille, bien plus petite, s’était bâtie sur un seul membre.
Elle réfléchissait à tout cela à chaque fois qu’elle rentrait d’expédition et à chaque fois qu’elle y partait. Car dans ces moments-là, elle savait qu’en tant que dernière-née de la famille, elle devait particulièrement briller. L’avenir c’était elle, après tout ? Pour l’instant, elle n’était pas à la hauteur, et cela, elle le savait. Et ça l’énervait. Mais elle se contenait. Elle serait à la hauteur, cela était certain. Après tout, n’était-elle pas une elfe noire ? Seulement voilà, tous les autres adversaires étaient des elfes noirs. Mais elle serait plus douée qu’eux. Enfin, elle serait plus douée qu’eux si elle arrivait à garder la tête froide et à réfléchir.
Voilà pourquoi Briza, contrairement à sa mère, qui avait un tempérament de feu, était tout sauf impulsive. Elle était la dernière-née, et devait donc être à la hauteur.

Enfin, presque la dernière-née, réalisa-elle en voyant sa cousine Damia rentrer dans sa chambre sans frapper. Au bout de vingt-sept tours, elle avait toujours du mal à se faire à l’idée qu’un autre enfant était né dans sa famille. Elle avait gardé ce réflexe de se considérer comme le seul avenir. Et c’était peut-être une bonne chose, car Damia était selon elle une imbécile.

Damia, cousine de Briza, fille de Pug, sœur d’Herta, et de Jarl, un corsaire que Lokhir avait fait récemment anoblir pour le remercier de ses services en lui donnant la main de sa belle-sœur (ce qui selon lui n’était pas forcément le meilleur cadeau de bienvenue dans la famille possible), faisait théoriquement partie de la même famille que Briza. Mais à les voir, nul n’aurait pu imaginer qu’elles soient du même sang, tant la différence entre les deux elfes était frappante. Et vu que Damia avait désormais son corps d’adulte, on ne pouvait pas blâmer la différence d’âge de presque un siècle, puisque si Damia avait vingt-sept tours, Briza en avait cent-dix-huit.
Briza était une elfe aux traits fins et à la peau rose pâle. Ses cheveux noirs comme la suie étaient portés longs, de sorte qu’ils lui descendent en-dessous du bassin. Grande et fine, avec une silhouette élégante, elle avait des traits secs et un regard sévère. Cela, elle l’avait hérité de sa mère. Et c’était peut-être la seule chose qu’elle tenait de ses « parents », puisqu’avec sa peau pâle et ses cheveux noirs, elle était l’inverse même de son père comme de sa mère, dont les peaux étaient sombres et les cheveux blancs. Mais cela ne gênait personne. Le sacrement du mariage ne signifiait pas grand-chose chez les elfes noirs. Briza, en tant que chasseresse, était habituée à porter une cote de mailles légères qui la protégeait des griffures et morsures les moins puissantes, tout en lui laissant une grande liberté de mouvements et un l’alourdissant le moins possible, afin de la laisser apte à combattre. Sa tenue de chasseresse, qu’elle n’avait pas encore retiré, comportait également les écailles d’un lézard de la Jungle qu’elle avait elle-même tué, ainsi qu’une bande de tissu qui partait de la base de son cou, était laissée flottante à partir du bassin, et descendait jusqu’à ses pieds. En temps normal, elle aurait échangé tout cet équipement contre une robe de noble, mais premièrement elle n’aimait pas cette tenue, elle qui était désormais bien habituée à porter ses vêtements de chasseresse, secondement elle était pour l’instant trop fatiguée pour se changer.
Damia, à l’inverse, était le portrait craché de sa mère, et ses yeux ne laissaient aucun doute quant à la paternité de Jarl. Elle avait sans doute était conçue lors de la nuit de noce de ses parents, vu que c’était la seule où selon la mémoire de Briza, ces derniers avaient dormi ensembles. Mais elle était absente presque tout le temps, elle pouvait donc ignorer ce qu’il se passait ici. Elle avait pris pour habitude de teindre ses cheveux blonds en un violet clair qui jurait gravement avec ses yeux d’un vert pâle vif. Habituée depuis quelques tours à entendre dire qu’elle avait un corps splendide, elle avait pris pour habitude de porter des vêtements qui avaient pour but de le montrer sans remords, ce que faisaient de nombreuses femmes elfes noires gâtées par la nature.

Mais là où cela changeait aux yeux de Briza, c’est que si elle était habituée à cette impudeur, Damia avait un caractère qui allait avec cette attitude. Elle était effroyablement hautaine et orgueilleuse. Voilà pourquoi Briza la considérait comme une imbécile. Cette personnalité la perdrait, et ce très rapidement. Jarl et Pug eux-mêmes le savaient, car ils avaient totalement abandonné son éducation. Damia, à cause de sa personnalité, était incapable de se rendre compte qu’en réalité, sa famille s’attendait chaque jour à la retrouver égorgée au réveil et avait donc cessé de placer le moindre espoir en elle, tous reposant désormais sur les épaules de Briza.
On aurait pu croire que cette dernière était, à cause de cette position d’héritière certaine, couverte d’attentions, mais il n’en était rien. Au contraire, on lui disait en permanence de se méfier, car les ennemis de la famille avaient sans nul doute compris que supprimer Briza serait bien plus intéressant que d’attaquer Damia. Toujours est-il que c’est à cause de cette absence totale de cadeaux que Briza fut surprise, quand Damia lui annonça que son père avait ramené quelque chose pour elle.

« Répète un peu, dit-elle d’une voix lasse, sachant très bien que sa cousine allait lui asséner un discours impliquant forcément sa supériorité un moment où l’autre.
-Comme je te l’ai dit, répondit Damia, ton père t’a amenée un cadeau. Mais si tu n’en veux pas, n’hésite pas à le dire. Je pense qu’il ferait mieux dans ma chambre que la tienne, quelle que soit sa nature. »

Grognant, Briza descendit l’escalier qui menait au jardin en fleurs de printemps de sa maison. Damia était sur ses traces. Elle savait ce que cela voulait dire. Sa cousine était jalouse et voulait profiter d’un éventuel renoncement de sa part pour s’emparer de ce que Lokhir avait ramené. Briza se ferait un plaisir de ne pas lui donner ce plaisir.
En fait de cadeau, il était à la fois de taille et misérable. Une humaine mutilée en guise de première esclave personnelle. La famille avait de nombreux esclaves, et Briza avait été habituée à se faire obéir d’eux. Mais c’était la première fois qu’elle en avait une qui ne lui appartiendrait qu’à elle.

« Que veux-tu que je fasse d’une esclave sans mains ? dit-elle tout de même à son père.
-Que tu apprennes à briser un esprit, dit ce dernier, amusé.
-Vraiment ? Tu crois que cet enseignement est nécess… »

Elle allait terminer sa phrase quand elle sentit le regard de Damia sur son dos. Elle sourit. Elle ne donnerait pas ce plaisir à son insignifiante cousine.
Elle gifla l’humaine sans aucun avertissement.

« Ceci, lui dit-elle, est pour t’apprendre à ne jamais me regarder dans les yeux. »

Avant qu’elle n’ait pu réagir, l’humaine avait pris une deuxième gifle. Briza sourit. Damia avait dû évacuer sa frustration selon une méthode bête.

« J’en avais envie, dit effectivement sa cousine, d’un ton clairement énervé. »

Oui, songea Briza en prenant la chaine qui menait l’humaine en laisse, elle était vraiment la seule héritière de la famille.
Sam 7 Nov 2015 - 16:08
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Noire
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Une paire de gifle la renversa à la volée, venant d'une toute-nouvelle Elfe cette fois, moins grande que la première, aux cheveux violets pâles et aux yeux verts et à la bouche distordue en un rictus si amer qu'il en disait apparemment long sur son humeur. Ne l'ayant point prévue, Phadransie La Noire se prit les deux coups en pleine bouche, et tous-puissants qu'ils étaient, quoique imprévisibles, ils l'envoyèrent à terre, après qu'elle eut cogné contre le bassin de Lokhir. Le cœur battant les tambours de la haine contre ses tempes, le goût du sang en pleine bouche, tout vacillait autour d'elle. Putain putain putain putain putain.

Alors, sans s'annoncer, Phadransie La Noire riposta. Une glaire de sang sur sa langue, Phadransie ne sut lui trouver de plus grande utilité que de la missionner jusqu'au visage de la première Elfe, la brune aux traits sévères à foison. En l'espace de la même seconde, car on avait apprit à Phadransie La Noire la notion de rapidité, et que son être avait eu le temps de se remettre un minimat des sévices infligé lorsque Lokhir l'eut parqué à fond de cale du nouveau Seigneur Emeraude, du port trois fois maudit de Saïrla jusqu'à sa demeure, elle se jeta, bras replie et en avant, sur cette Elfe aux habits si échancrés, et à la poitrine si proéminente qu'elle n'en paraissait que plus ridicule. Grossepoitrine ne vit rien venir, et ne sut esquiver le coup de coude qui s'abattit en un sinistre craquement sur son arrête nasale. Avec ce coup-ci, Phadransie avait eu de la chance, enfin ! Elle avait sentit l'os dur percutant son bras céder, en une seconde ! Pliée de douleur et hurlant à la mort, Phadransie sut profiter du fait que grossepoitrine était pliée en deux afin d'enchaîner avec leste sur un second coup de coude, à l'arrière de la nuque cette fois. Cette volée là emmena grossepoitrine encore un cran supplémentaires près du sol.

En fait, il l'allongea carrément.

Alors Phadransie La Noire arma ses jambes, et abattit ses bottes à la face rosée de l'Elfe Noire, visant en priorité la bouche et le nez. Depuis la nouvelle captivité de La Noire, il sembla que sa rage prisonnière de sa détention affectait de la dévorer de l'intérieur, contrainte de ne pas pouvoir frapper au cœur ses principaux bourreaux. Mais là, Phadransie La Noire pût enfin donner du leste à la longe de cette rage là, la libérer, et la laisser se matérialiser et transparaître en chacun de ses coups de pieds. Cette haine, qui plaçait la pirate à présent dans une position de supériorité, résonnait en un drôle de timbre à chacune des fois où la semelle des bottes de cuir rencontrait la chair, les os, les gencives ou les dents. On eût dit que grossepoitrine se brisait petit à petit, et si elle fut faite faïence ou en verre, elle serait déjà éclatée en plusieurs morceaux.

-J'en avais envie moi aussi, espèce de grosse pute !!! Crève ! Crève ! Crève ! Crève ! Crève ! Crève ..!

On tira alors sur la chaîne liée à l'anneau de Phadransie. Elle refusait d'abandonner cette boucherie avant d'avoir tué cette pute, mais n'avait pas la force de considérablement s'y opposer. La chaîne la tira en arrière, elle força, et tomba en avant, sur grossepoitrine. Sa poitrine, justement, avait jailli de son décolleté vertigineux dans l'action -et sous l'impact des coups- et ses seins étaient à présent aux trois quarts à l'air. Et aux côtés de ce spectacle grisant de par son côté grotesque, les cris de truie égorgée que produisait grossepoitrine la part inférieure de son visage en sang auraient presque compensé la paire de gifle qui ensanglanta la bouche de Phadransie.
Alors qu'une main invisible commençait à la tirer en arrière avec encore plus d'ardeur, et que l'air sembla se raréfier -un des effets malsain de ce putain de collier- ; Phadransie utilisa la dernière arme qu'elle possédait -mais pas des moindre, quoique au premier abord moins terrible qu'un amas de coups de pieds- : ses dents. Elle serra sur sa mâchoire, tandis qu'on la tractait en arrière menaçant de lui arracher la tête des épaules, l'un des mamelons rosé de la grosse pute aux longues oreilles au sol, et se jura de ne jamais le lâcher, même le Dieu Lorin en personne se matérialisait à côté d'elle sur l'instant. Les cris de grosepoitrine étaient à présent extatiques. Le mamelon s'arracha de sa personne en même temps que Phadransie, qui n'avait plus d'air dans ses poumons. Elle cracha au sol le morceau de chair, et fut contrainte par le biais de quelque torture liée à cet anneau qui l’étouffait, de s'écraser toujours plus bas au sol, afin de recevoir plus de mou de sa laisse et donc, plus d'air.

Elle haïssait devoir s'abaisser ainsi, son visage touchant presque le sol, et toussait et crachait, sa gorge produisant un son rauque et une sorte de sifflement, néanmoins l'air lui revenait petit à petit. Dieux, qu'elle abominait cet anneau passé autour de son cou ! Il y avait là au moins l'espoir que grossepoitrine ne soit pas ressortie indemne de cette confrontation, et le ravissement et la délectation de ses cris d'agonie. Elle fera moins la pute comme ça, sourit Phadransie en se nourrissant de ce spectacle désolant comme elle nourissait d'air ses poumons. Mais il restait l'autre Elfe, l'autre pétasse. Celle qui tenait la chaîne.

Phadransie se releva gravement comme la journée n'en était qu'à son aube. Elle visait Lokhir, désormais.

-Je t'effraie tant que ça, enculé, pour que tu refuses de me torturer toi-même et laisse le sale travail à ta pute de fille ?!

Pour faire bonne mesure, elle cracha au sol, non loin de l'espèce de truie à la poitrine démesurée -et à présent en sang-. Puis Phadransie La Noire s'esclaffa.

-Pauvres Elfes Noirs.
Dim 8 Nov 2015 - 8:21
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Dargor
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Dargor
Briza apprécia le spectacle à sa juste valeur. Aussitôt que Damia avait mis, de rage, une baffe à l’humaine, celle-ci s’était réveillée pour se défendre. Lorsqu’elle s’était fait cracher au visage, Briza avait été déçue du peu d’imagination de cette vermine, et s’était dit qu’elle lui arracherait bien la langue pour son insolence, et aussi pour lui apprendre à la respecter. Elle était donc d’ores et déjà lasse quand la suite était intervenue. Du début à la fin, Briza avait apprécié la riposte et les cris de douleur, de surprise et de panique de Damia, que ce soit quand son nez avait cédé sous le coude de l’humaine, puis quand elle était tombée, quand sa mâchoire avait été ravagée de coups de pieds…
Briza avait sincèrement été tentée de laisser l’humaine tuer sa cousine. D’autant plus qu’elle s’y prenait d’une façon qui lui faisait particulièrement plaisir, et que son père semblait s’être désintéressé de la question. Lokhir, en effet, marchait tranquillement vers sa maison, sans paraitre se soucier d’une quelconque façon de ce qu’il se passait derrière lui. Mais d’un autre côté, la plus valeureuse des humaines n’avait pas à porter la main sur la plus misérable des elfes noirs.
Quoique, Bertille, l’esclave de Teken’lil, humaine dont on disait qu’elle était presque digne d’être une elfe noire, et donc la plus valeureuse représentante de son espèce, ne valait-elle pas mieux que cette pauvre idiote de Damia ? C’était une assez bonne question. Bon, il était clair qu’elle valait mieux que la misérable borgne qui donnait des coups de pieds à Damia d’un autre côté. Ce qui voulait dire que Damia, pour idiote qu’elle soit, valait mieux qu’elle. Après tout, bien qu’elle soit la plus misérable des elfes noirs, elle restait supérieure à la majorité des humaines comme des humains. Voilà pourquoi elle tira sur la chaine, au bout d’un moment.
Un peu à contrecœur, elle aurait aimé prolonger le supplice de Damia. Mais l’humaine s’en chargea pour elle, ce qui était tout simplement parfait. Les hurlements de sa cousine, lorsque son mamelon lui fut arraché, furent une douce musique à l’oreille de Briza, qui l’apprécia d’autant plus qu’elle avait les deux protagonistes à terre devant elle, comme cela devait en être.

Puis l’humaine insulta son père. Qui ne prit même pas la peine de se retourner. Briza sourit. C’était peut-être le meilleur moyen d’humilier plus encore cette humaine venant de lui. Le mépris. Bien sûr qu’il l’avait entendue ! Pouvait-il en être autrement ? Mais il ne ralentit même pas sa course lorsqu’il fut interpellé. Il ne se retourna pas. Il se contenta de rentrer chez lui, n’accordant aucun intérêt au « Pauvres elfes noirs » de l’humaine.

Briza, à cet instant, fit le point sur sa situation. Elle avait une humaine au bout de sa chaine, et Damia gémissant de douleur par terre, le visage incrédule, et … En larmes ? Par Silir, cette fois c’en était trop. Une elfe noire n’avait pas le droit à la stupidité. Elle avait le droit de souffrir, bien sûr, mais elle avait pour devoir de résister le plus possible à la douleur, épreuve à laquelle Damia avait échoué haut la main. Elle avait également le devoir de se montrer digne de son rang, ce qu’elle n’avait absolument pas fait là encore. Et voilà qu’elle se mettait à pleurer ? Pauvre enfant, elle voulait peut-être que Briza lui prête son mouchoir aussi ?
En parlant de mouchoir, elle se mit enfin à bouger. Elle sortit le siens, et essuya la salive teintée de sang de l’humaine qui maculait son visage. Puis, au lieu de ranger le bout de tissu, elle approcha brusquement l’humaine d’elle en tirant d’un coup sec sur la chaine, de sorte qu’il ne resta plus que quelques centimètres entre les deux. L’humaine avait beau être rapide, elle n’avait pas eu le siècle d’entrainement de Briza. Esquiver le coup de genou en plein ventre dans ces conditions était impossible, surtout quand il fut assorti en même temps d’un coup de poing en plein visage. Sur l’œil crevé, les dégâts serait donc minimes, mais néanmoins. Puis Briza tira à nouveau sèchement sur la chaine, vers le sol cette fois, pour faire tomber l’humaine à genoux. Alors, avec délicatesse, elle essuya son mouchoir humide sur le visage de l’humaine, un sourire amusé aux lèvres. Lorsqu’elle fut bien sûre d’avoir terminé et d’en avoir un maximum étalé, elle fourra le mouchoir dans la bouche de l’humaine, de façon à la faire taire, et lui mit son couteau sur la gorge, lui faisant savoir qu’elle mourrait si elle tentait de le retirer. Visiblement, l’humaine prit sa menace au sérieux. Pourquoi pas. Briza n’était pas dupe, l’humaine ne lui obéissait pas par crainte, son visage était trop fier. Sans doute lui obéissait-elle parce qu’elle prenait sa menace au sérieux, et qu’elle savait pertinemment que morte,  elle n’avait que peu de chances de s’échapper. Puis Briza se dirigea vers Damia, qui se tenait le sein mutilé, gémissant toujours aussi pitoyablement.

« Vous avez échoué à toutes vos tâches, dit Briza en lui donnant un coup de pied dans le ventre pour attirer son attention, lui arrachant un hoquet de douleur supplémentaire. Vous avez été lamentable. J’espère qu’à l’avenir, vous vous montrerez digne de votre rang, autrement notre famille ne saurait tolérer plus longtemps le poids que vous représentez pour elle. »

Elle ramassa le mamelon arraché et le fourra dans la bouche de Damia.

« Et vous me ferez disparaitre cette chose d’une façon ou d’une autre, vous salissez le jardin avec vos ordures. Je vais partir à l’intérieur de la maison. Si quand j’en ressors dans une heure vous êtes encore à pleurer et à gémir d’une douleur bien trop simulée, alors je vous promets que votre méprisable existence prendra fin. Mais pas de façon rapide, car vous ne le méritez pas. »

Sans aucune once de compassion, elle tira ensuite l’humaine vers l’intérieur de la maison, laissant sa cousine plantée là. Elle espérait réellement que cette idiote allait rester ici à se lamenter sur son sort pendant l’heure qui suivait. En tout cas, une chose était désormais certaine. Comme elle l’avait cru pendant des tours et des tours, elle était la seule héritière de ce nom pour cette famille, et il allait falloir qu’elle se conduise comme telle. Elle amena l’humaine dans l’écurie où tous les esclaves étaient enfermés. De la paille, même pas de boxs. Telle était leur demeure. Des trous dans les murs ouvraient cette bâtisse aux quatre vents, et le toit était percé en de nombreux endroits.
Elle choisit d’ailleurs précisément un anneau situé précisément en-dessous du trou le plus large pour y attacher la chaine de …

« Comment t’appelles-tu l’humaine ? Oh non ne me réponds pas. Quel que soit ton nom, il est laid et ne te va pas. Voyons, comment vais-je te renommer… Je crois que la langue des Anciens, Honma signifie « l’idiotie ». Cela t’ira donc parfaitement. Honma, considère donc cet anneau comme ta nouvelle demeure. Je viendrais te chercher lorsque j’aurais besoin de toi, c’est-à-dire régulièrement. Tu m’appartiens, en conséquence de quoi contrairement au reste des esclaves qui ne sont pas encore ici, tu n’exécuteras pas les tâches ordinaires. Le temps où la liberté te laissait des choix est terminé. Désormais, Honma l’humaine, tu n’es qu’une extension de ma volonté. Tu mettras quelques temps à t’y habituer, mais je sais que tu finiras pas comprendre l’idée dans la moindre de ses implications.
« Tu crois peut-être que ta petite démonstration de tout à l’heure face à Damia m’intimide. En fait moi je crois que tu savais déjà ce qui t’attendait. Tu vois, moi aussi je voudrais tuer Damia. Tu l’as presque fait pour moi, n’est-ce pas une bonne façon d’entrer à mon service ? Mais je ne peux pas faire que te féliciter, ce serait tout à fait contre-productif. »

Elle finit d’attacher la chaîne tandis qu’elle parlait à Honma, heureuse de son initiative de l’avoir fait taire avec ce mouchoir. Après tout, elle n’aimait pas être interrompue par un flot d’insultes.
Sans rien dire, elle déchira alors la chemise crade de l’humaine, sans aucun souci de pudeur. Elle lui retira les bottes qui lui avait servi à frapper Damia, les considérant avec dédain, puis enfin son pantalon. Une fois que l’humaine fut nue devant elle, elle ressortit son couteau favori, et le pointa vers un des seins d’Honma.

« Apprends que quand bien même tes actions me conviennent, tu n’es tenue de les exécuter que lorsque tu en as reçu l’ordre. Pour avoir porté la main sur une elfe noire, je devrais te réserver une mort atrocement douloureuse. »

Mais elle avait porté la main sur Damia, songea-t-elle mentalement. Après tout, même le plus misérable des êtres devrait être récompensé pour cela. Mais le temps n’était pas venu pour la tolérance.

« Mais puisque tu as agressé une elfe noire que j’aurais moi-même désiré tuer, je vais t’accorder une grâce exceptionnelle. Considère cela comme un cadeau de bienvenue, si tu le souhaites. Ou prends-le comme une humiliation, ça marche aussi. En fait prends-le comme tu le souhaites, l’essentiel est que le reçoives, et tu n’es pas en position de ne pas le recevoir. »

Sans ajouter un mot de plus, elle saisit la poitrine de l’humaine, et tirant un des seins vers elle, en trancha net le mamelon, qu’elle laissa tomber au sol. Puis elle retira brusquement le mouchoir de sa bouche, elle roua le bas de son visage de coups de poing. Lorsqu’elle estima qu’il était à peu près dans le même étant que celui de Damia suite aux coups de pieds, elle se releva.

« Des vêtements te seront amenés, Honma, qui te conviendront mieux. Je vais faire brûler ces oripeaux, et donner ces bottes à la tannerie, elle saura en faire des chausses dignes de ce nom, si tant est que le cuir humain puisse être d’une quelconque qualité. Passe une bonne nuit. »

Elle se retourna, espérant trouver un esclave dans ce bâtiment vide. Il y en avait une. Une mère qui allaitait un bébé. Elle ne se souvenait pas d’une nouvelle naissance parmi les esclaves. Cela importait peu. Ladite mère avait eu la sagesse de ne pas intervenir durant son entrevue avec Honma, et c’était parfait. Elle alla la trouver. L’humaine baissa les yeux en la voyant venir vers elle, pour ne regarder que les pieds de Briza, qui sourit. Voilà une bonne esclave.

« Lorsque tes camarades reviendront, dit Briza, je veux que personne n’essaye de parler à cette femme. Personne n’essayera de partager sa ration avec elle ou de l’aider à manger la sienne. Personne n’essayera de l’abriter de la pluie qui pourrait tomber. Parmi ceux qui ont réussi à se fabriquer une couverture, personne ne la lui prêtera. Si elle se pisse ou se chie dessus, personne n’ira la laver. En fait que personne ne l’approche à moins d’un mètre ou ne lui réponde si elle parle, c’est plus simple. Je m’occuperai personnellement du cas de celui qui fera cela. Est-ce clair ? »

L’esclave lui fit signe que oui, sans parler pour autant. Briza sourit. Voilà une esclave qui avait appris à ne parler que lorsque l’ordre direct lui était donné. Comme quoi, ces racailles humaines pouvaient aisément être soumises.
Elle s’en alla, somme toute satisfaite de cette première journée de retour à la maison. La seule ombre au tableau fut le fait de ne pas retrouver Damia encore allongée dans le jardin à gémir pitoyablement. Même mourir, cette pauvre idiote semblait donc incapable de le faire correctement. Tant pis pour elle. Ou pas d’ailleurs. Briza se jura qu’elle allait lui apprendre à se défendre, ou la tuer. Il était hors de question qu’elle prenne le risque de voir cette pauvre cloche entrainer la famille dans sa chute à elle toute seule.

Puis elle se rendit au pigeonnier. Elle avait une idée en tête, mais avait besoin de Teken’lil pour cela. L’élue de Relonor n’ayant pas sa maison à Merewen, elle devait la faire venir ici pour mettre à bien son projet. Cela impliquait Honma, donc elle voulait qu’il soit parfait.
Dim 8 Nov 2015 - 20:28
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Un géant d'insonorité tomba. L'Elfe qui se prétendait sa « maîtresse » -l'évocation même mentale de ce seul mot rendait nauséeuse Phadransie- venait de s'être retiré en une seconde, qui lui avait paru une heure. Après que la pute soit partie, la douleur -mélangée à la haine, une bien curieuse recette qui avait pour goût final la rancœur- fit tomber Phadransie à genoux. Elle semblait revivre ses derniers instants dans les bas-fonds de Kelvin la Minable de l'Ouest, comme elle l'appelait, mais en mille fois pire. Mille fois, car il ne s'agissait nullement là d'un duel perdu, en pleine nuit en plein cœur d'un labyrinthe d'insalubrité, mais d'une succession d'humiliations qui lui étaient faites, et ce en plein jour, et ce qui aurait pu être un duel si il s'était limité à deux adversaires, était en fait un véritable charnier, où elle devait lutter contre toute une île. Combien de ces fils de pute de Noirs Elfes y avait-il sur cette pute d'île ? Des milliers ? Des dizaines de milliers ? Des millions ? Peu importait ce nombre, mais enserrée dans les bras de Menrenwen la cité portuaire, elle ne songeait plus qu'au fait qu'elle se battait contre eux tous. Seule contre tous. N'oublie pas qui tu es Phadransie, ils veulent t'enlever ton nom mais ne l'oublie jamais.

Alors elle hurla, déversant toute cette haine qui menaçait de la noyer si elle ne l'évacuait plus. Dans ce cri-là, il n'y paraissait pas que de la haine. On y trouvait en outre l'expression de la plus profonde injustice, quelques notes de folie pure et une grande part de douleur. Elle n'aurait point été étonnée si d'aucun lui avait rapporté le lendemain que toute la maison de Lokhir avait entendu son hurlement.

Il ne restat que peu en commun avec la Phadransie servant sous le gréement du Galion Déité ou du Seigneur Émeraude, et la Phadransie actuelle. La haine était telle un ouragan, une tornade emportant sur son sillage de mort et de désolation tout ce qu'il pouvait y avoir à emporter. Ce cauchemar tant incommensurable qu'il n'en paraissait qu'irréel, un géant de noirceur affamé d'un appétit insatiable, dévorant jusqu'à la toute-raison. Son corps tremblait et elle en contrôlait aucun aspects de ces tremblements là : jamais ils ne cessèrent, d'autant qu'elle souhaita qu'ils le fassent.
Se livrant elle-même à cet ouragan de rage, Phadransie se perdit dans d'affreuses pensées, encore plus noire que d'ordinaire. Elle douta dès cet instant revenir un jour à la raison, que sa langue sache un jour apprécier de nouveau une autre saveur que celle du sang. Puisque son œil n'était désormais voyant qu'à la passion de la fureur, ouvert aux ténèbres, aveugle à la lumière, ferait-il de chaque individu croisant sa route un hymne à la vengeance et à la mort ? Oui. Elle avait oublié jusqu'à l'existence d'un sourire, d'une parole réconfortante, d'un rire, même teinté d'une once de mal pervers. Jamais plus elle ne saurait apprécier la douceur d'un sol sous les pieds nus, car désormais cette douceur là aurait pris la forme d'un tapis de sang frais. Un sang d'Elfes Noirs qu'elle foulerait avec délectation, et alors seulement là, elle pourrait jouir de chaque foulées. Son cri n'était pas destiné à prendre fin aussi vite, son étendu étonna Phadransie. Des enfers en jaillissaient, et elle eût tant souhaité qu'ils emportent dans de noires flammes cette écurie à l'intérieure de laquelle on venait de la parquer comme une bête, fût-t-elle emportée avec ! Déjà, elle eût senti serpenter sous ses narines l'odeur du sang frais à foison, doublé de celle d'entrailles pourrissantes.

Ça n'est jamais de gagner sa liberté, que rêve un esclave. Un esclave rêve seulement d'être roi et maître incontesté de ceux qui furent les siens. Phadransie n'avait pas dérogé à cette règle.

Phadransie ne sentait plus son visage, tout son corps l'élançait. Son sein mutilé la mettait à l’agonie et entreprenait d’agrandir la flaque rougeoyante sous elle. Elle cracha tout le sang qui noyait sa bouche, bientôt, elle le savait très bien, des hématomes et ecchymoses pareraient son visage. La pute ne l'avait point ménagé de par ses coups. Phadransie avait espéré qu'elle cesse, mais ça s'était poursuivi, encore et encore et encore et encore, jusqu'à ce qu'elle tombe au sol et qu'elle soit obligé de la maintenir un minimum droite en aggripant sa chevelure, afin de terminer le sale travail qu'elle opérait sur son visage. Une pluie interminable de violence s'était abattue sur elle ; et elle n'en contrôlait absolument aucun aspect. Ce qui voulait dire que ça eût cessé uniquement lorsque la pute l'avait décidé.

Phadransie posa son bras sur son sein tranché ; la douleur était horrible. Elle réussit néanmoins à contenir ses larmes, et pût même esquisser l'ombre voilée d'un sourire en songeant que grossepoitrine avait dû éprouver la même chose, et qu'elle en avait soutiré des cris d'agonie et des larmes prompts à nourrir la plus obscène des délectations.

Phadransie gémit encore : folle de douleur, on aurait dit que plusieurs énormes mâchoires comportant plusieurs séries de dents en pointes s'étaient attaquées à plusieurs parties de son corps ; comme si elle était la proie d'une demi dizaine de requins la dévorant en même temps. Et encore, songeait La Noire, c'aurait sûrement été moins douloureux. Le coup de genou en plein ventre que lui avait administré la pute quelques minutes plus tôt l'avait pliée en deux de souffrance, et le coup de poing dans son œil qui avait suivi avait manqué de peu de lui éclater l'arcade sourcilière.
Dans son crâne, son sang tambourinait avec force et violence, et elle se demanda si son corps finirait par l'abandonner de façon salvatrice, en lui permettant de goûter enfin à un repos mérité -bien que fort court, elle le savais d'avance. Un rat dévorant son sein de l'intérieur ne lui aurait point paru moins douloureux.

Elle cracha encore de ce sang qui lui embuait la bouche et l'esprit.

-Va crever salope..Va crever salope..Va crever salope..Va brûler..Je te tuerai..

C'était là tout ce qu'elle parvenait à dire et penser en cet instant. Phadransie s'avoua à elle même que combattre les Elfes Noirs, que ce fut Lokhir ou sa pute de fille, serait chose plus difficile qu'elle l'avait envisagée. Mais n'était-elle point Phadransie La Noire, Capitaine du Galion Déité, Amante de Brecianne Léocadas, Terreur de toutes les Grand'Eaux de Ryscior et plus grande crainte à ce jour du Capitaine Théoden ? Elle ne finirait pas aux pieds de la pute, c'était inconcevable et évident. Donc elle s'évaderait.

La douleur ne passait pas, et Phadransie aurait fait don d'allégeance à n'importe quel vaurien -du moment qu'il n'était point né Elfe ou ne portait le nom de Théoden- afin de s'en débarrasser. Mais bien qu'elle en soit fort contrainte, elle jugea que la meilleure façon de l'éloigner de sa personne serait de porter son attention sur autre chose.

La femme en haillons en face d'elle aurait pu être une statue de sel tant l'on ne lisait aucune émotion dans son regard. Il avait suffit d'un seul coup d’œil à Phadransie La Noire pour comprendre qu'elle ne tirerait rien de cette salope là. C'était une chienne dévouée à ses maîtres, sans une once de volonté ou de réflexion, tout au plus. Déjà, pour accepter d'enfanter dans ces conditions là, il fallait bien être une putain d'idiote. Phadransie lui avoua tout haut qu'elle en était écœurée. C'est là la preuve la plus misérable de ton existence que tu puisse t'offrir à toi même.

Elle recula un peu. Son dos buta contre le mur de bois mal entretenu. L'anneau autour duquel sa chaîne était attachée pendait à ce mur-là. Jusqu'ici tout ce que Phadransie avait convoité, au sujet de fierté et de liberté retrouvée, elle refusait d'en faire le deuil. Ce qu'infirment ces salauds d'Elfes songeait-elle en amenant son bras amputé jusqu'à l'anneau de fer, c'est que tous les humains ne sont pas pareils. Certains valent plus que d'autres, c'était ainsi. Jamais je ne leur ferai le plaisir de courber la nuque sous l'esclavage.

Elle rageait que cette chaîne, qui était attachée fort simplement et devait pouvoir se défaire sans forcer, la retint prisonnière. Tout ce qu'elle pût faire en attendant fut d'insulter la mère et l'enfant. Elle les aurait tué tous les deux, lentement, si l'occasion lui avait été laissée. Car même si son corps entier hurlait à son esprit la quiétude du repos, même si elle doutait de ses capacités physiques tant elle demeurait fatiguée, la malédiction de la Reine des mers et ses remords envers Brecianne l'empêcheraient toujours de trouver le sommeil. Et cela faisait des années que ça durait. L'alcool l'aidait généralement à apaiser son esprit torturé ; alors que tout tanguait elle sombrait lentement dans des eaux sombres qui n'appartenaient qu'à elle, et même si elle cauchemardait, elle parvenait à sommeiller de loin en loin. Du temps où elle jouait à la capitaine à bord de l'Eradicate, pratiquer le jeu du sexe avec le Capitaine Baldassare Everhell le Traître, l'avait également aidé. Elle ignorait toujours comment il s'y prenait, mais ces quelques instants aidait par la suite son corps à se détendre et l'incitait au repos. Ce con savait-il s'y prendre ? Ou était-ce simplement l'effort fourni qui avait à la fin raison d'elle ? De toutes façons elle demeurait à chaque fois trop ivre pour tergiverser là dessus.

Sans alcool ou sans Everhell, la pitié d'un repos était plus ardue à recevoir. Il fallait généralement attendre, jusqu'à ce que son corps soit incapable du moindre effort, et qu'elle en tombe à la renverse, l’œil se fermant tout seul. Mais Phadransie La Noire avait appris à vivre avec. Elle ne dormait pas plus de quelques heures pas jour -et cela pouvait bien tomber en pleine journée, autant qu'en pleine nuit, pour ce qu'elle en savait- et souvent additionnait deux journées complètes sans toucher du doigt la douceur d'un repos.

La crainte d'Ariel, la malédiction de la Déesse, c'était ça.

Son être entier demeurait tellement peu sous la capacité de la réflexion posée, que si l'un des esclaves lui eut proposé son aide pour l'aider à s'évader, elle l'aurait traité lui, sa mère et toute sa famille de façon impulsive. Mais elle savait que ça n'arriverait pas.

Elle détestait tout le monde, les Elfes, les Hommes, les Esclaves. Bientôt, la porte de la grange s'ouvrit ; les esclaves rentrèrent. Phadransie La Noire fut étonnée de leur nombre élevé. Même pas ils ne semblèrent remarquer sa présence, tous avaient le regard vide ! C'est quoi ce bordel, qui sont ces cons, morbleu ! Un défilé d'automates maintenus debout par des ficelles n'aurait pas été un spectacle très différents pour la pirate déchue. Alors la mère qui allaitait les tint au courant des directives concernant la « nouvelle esclave de maîtresse Briza ». Phadransie cracha sur eux. Une heure tomba ; tous se furent endormis. Il ne s'était rien passé de plus. Phadransie, elle, ruminait, le corps tremblant de sommeil, la tête lui tournant, mais son âme incapable de s'abandonner au repos.

S'ajoutant à la fatigue et la douleur, la faim et la soif.

Phadransie s'était recroquevillée contre le mur et tirait sur sa chaîne inlassablement, comme elle l'avait fait avec les barreaux de sa cage, encore moins avait-elle d'énergie qu'à ce moment-ci ; elle en était vidée.

La paille était grouillante de bestioles qui inspiraient rarement la gaieté. Phadransie écrasa de son talon ce qui semblait un scolopendre. Dangereux cette connerie là si ça mord. Il y avait aussi des puces et des araignées. Probablement des scorpions et des poux, bien qu'elle n'en eut point vu.
Néanmoins, ce qui inspirait la plus grande gêne, étaient les mouches. Comme si elles fussent dans l'attente d'un charnier à venir, elles étaient en grand nombre, grosses et agressives, leurs piqûres faisaient mal. Et sitôt que l'on en chassait une du revers du bras, trois autres répliquaient. La paille était grouillante d'insecte et exhalait une odeur encombrante. Mais le vol incessant de dizaines de mouches qui piquaient et tourbillonnaient était on ne peut plus gênant. A en devenir fou, aurait pu dire Phadransie. Mais le commun des esclaves, visiblement trop repus à la tâche pour s'en inquiéter, dormait du sommeil du mort.

La nuit demeurait fraîche, Phadransie nue comme elle l'était, grelottait par moment. L'air s'engouffrait par les ouvertures béantes et le toit à demi ouvert et venait mordre sa peau meurtrie. Que n'aurait-elle pas donné pour une couverture, en vérité ! Mais elle avait un nom, et voulait s'y tenir. Pas question de s'abaisser à supplier, surtout qu'elle savait d'avance qu'elle essuierait un refus. Alors elle supportait le vent, le froid, la vermine, les mouches, l'anneau et la chaîne, et bien qu'en son être elle hurlait ; à présent elle était trop fatiguée pour le faire. Mais exercer des tractions régulières sur sa chaîne, ça, elle n'abandonnait pas !

Jusqu'à la fin, je lutterai contre ma condition !

La nuit semblait interminable. Puis Phadransie vit au dessus de sa tête, nichée dans ce qu'on aurait pu nommer charpente, un oiseau grand de la taille d'une main d'enfant, pas plus, lové au creux de son nid. Quelle drôle de coïncidence ! Cet oiseau qui n'a pas trouvé de meilleur endroit pour bâtir son coin de paradis qu'au beau milieu de l'enfer !

Alors qu'elle détestait tout et tout le monde, La Noire éprouva une étincelle de tendresse pour ce petit être, au plumage noir et luisant, qui avait su se trouver sa petite place parmi l'ordure aux esclaves. Lorsqu’il prit son envol, elle aurait pu pleurer tant elle l'enviait. Jamais le vol d'un oiseau ne l'avait autant fasciné qu'en cet instant ; et jamais elle ne l'aurait reconnu avec tant de facilité. Elle imaginait l'oiseau donner de l'aile afin de dépasser les bâtisses de Menrenwen, et profiter d'un courant d'air ascendant, afin de planer jusqu'à la mer. Si seulement des ailes pouvaient lui pousser dans le dos !

Phadransie avait grand'hate que ses tourments prennent fin et qu'elle puisse de nouveau naviguer ! Quand bien même elle devait supporter la perte d'un bras en moins, elle ne trouvait plus cela si terrible qu'avant. Elle vivrait ! Son crochet lui serait restitué à sa place, et elle trouverait une solution pour son bras. Elle se fit la promesse que lorsqu'elle quitterait l'Île Noire, pas une seule fois elle se plaindrait de sa condition !

Car la reconquête de liberté valait à elle-seule presque tous les maux de la terre !


~


Le jour se leva, après un ciel d'encre interminable qui refusait de laisser sa place. Les esclaves se réveillèrent. La porte s'ouvrit alors.

Phadransie s'apprêtait à voir la pute, dans son entrebâillement, mais il n'en était rien ! Celui-ci était un tout autre Elfe. Phadransie constata par la suite qu'il s'agissait du Maître des esclaves. Ses yeux, petits et rapprochés vulgairement, étaient bleus, et soutenaient une peau foncée ainsi qu'une chevelure tressée blanche. Un tatouage marquait sa joue et remontait jusqu'à son oreille à laquelle trois anneaux étaient pendus. Son nez était crochu, sa bouche ne souriait pas. Il apportait eau et nourriture, suffisamment afin qu'ils puissent tenir en vie et travailler la journée. Phadransie La Noire estima, du fait que l'Elfe Noir n'était pas passé hier soir, que les esclaves de Lokhir étaient nourris et abreuvés qu'une fois par jour. C'était peu. Mais ça les maintenait en vie.

Phadransie dû se mettre à plat ventre pour manger, gorgeant son corps de ce qu'elle avait à lui offrir, ne perdant pas de vue le fait qu'elle aurait besoin de force pour son évasion. Elle laissa derrière elle sa fierté, l'espace de temps que dura ce repas. Elle utilisa son moignon de bras afin de nettoyer son visage et son sein à vif, puis but toute l'eau, même mélangée de sang, se fichant des vingt-quatre heures la séparant de l'écuelle d'eau suivante.

Il faisait maintenant grand jour, et un autre supplice vint frapper Phadransie  : la chaleur. Alors que les nuits n'étaient froides que par la cause du vent, lorsque celui-ci tombait le jour, la chaleur n'en était que plus étouffante. En particulier au cœur de cette grange sordide, couverte de paille, qui emprisonnait lumière et température élevée. Encore, songeait Phadransie, que si je pouvais me placer à l'ombre afin d'échapper à ceci, ça ne serait pas si insupportable. Mais la pute d'Elfe Noire l'avait attachée de trop court pour qu'elle espère se blottir dans l'un des angles ombrageux de la grange ; et de plus, avait fait exprès avec un plaisir malsain que Phadransie comprenait que maintenant, de la placer sous l'ouverture de la toiture la plus large. Ainsi, La Noire était pleinement exposée aux rayons perçants, et sans eau du jour comme de la nuit, ceux-ci tenaient de la torture. N'ayant pas dormi de sa nuit, elle se lamentait en espérant pouvoir le faire durant la journée, échappant temporairement à cet enfer.

-Allons donc. Phadransie La Noire la traîtresse qui se lamente ! Quel spectacle risible.

Ça n'était pas elle qui avait parlé, et bien que son œil était trop fatigué, et sa migraine trop grande pour distinguer avec précision les contours flous de celle qui venait de parler, Phadransie n'en avait point besoin. Cette voix, elle l'aurait reconnue entre dix mille. Brecianne. L'ancienne Élue d'Ariel marchait vers elle, mais sa vision se brouillait davantage, et bientôt elle ne distingua plus rien. Était-elle en train de mourir ? Elle venait de se nourrir il y avait quelques heures, ça n'était pas normal ! Pitié, pas la mort. Pitié. Brecianne, à l'aide !

Tout devint noir sur l'instant. On était au milieu de la journée.


~



Elle s'entendit crier elle-même dans son sommeil qui n'en était plus un. Lorsque son œil s'ouvrit et eut la force de regarder, elle repéra un amas pullulant de mouches noires sur son sein, à l'endroit mutilé, qui la piquaient et se nourrissaient de son sang désormais sec. Elle les repoussa en criant. Son corps était noyé dans sa sueur. Quelle en était la cause ? Ce cauchemar récurrent où elle mourrait face à la Reine des Mers et Brecianne Léocadas ? Ou bien la chaleur insoutenable ? On était dans cette écurie comme au fond d'un four. Phadransie avait de nouveau terriblement soif. Elle ignorait combien de temps, combien d'heures avait-elle dormi, mais elle savait par habitude que ça n'avait pas dépassé un quart de jour, ou de nuit.

Plusieurs pieds au-dessus de sa tête, le petit oiseau noir était là, mais cette fois-ci, un compagnon lui avait été trouvé. Ils piaillaient tous deux, à l'ombre sous les poutrelles de bois, en lissant leur plumage jais. Dans ce moment, Phadransie repoussait de tout son être la petite voix pleine de vices au fond de son âme qui lui soufflait : « Même les bêtes sont moins seules que tu l'es, toi. ». Que de fois ses pensées ne volèrent-elles pas vers de lointains et heureux souvenirs, liés aux personnes du Capitaine Korlanos. Phadransie avait tenté à deux reprises -au minimum!- de le tuer, mais jamais, songea-t-elle maintenant, n'avait-elle trouvé de meilleur ami que lui. Elle avait pourtant espérer trouver en le Capitaine Théoden un filament de cette amitié là, enluminé d'un petit quelque chose de plus. Mais elle s'était fourvoyée. Théoden était un traître et il avait arraché avec lui dans le sillage de sa trahison le bras gauche de Phadransie.

Elle se laissa glisser doucement contre le mur, ne pouvant échapper aux supplices de ce four, et se recroquevilla sur elle-même en tirant à intervalle réguliers sur sa chaîne. Que pouvait-elle faire de plus ?

En effleurant son visage de son bras, il lui sembla que celui-ci était gonflé ; et elle le sentait toujours amèrement douloureux. Ca passerait, bien sûr, mais cet état l'insupportait. Si je parvenais à rendre la pareille à la pute, se disait-elle, je serai comblée. Bien sûr, le fait d'avoir pu goûter aux cris et aux larmes de douleur de grossepoitrine la veille appelait sur ses lèvres craquelées le plus perfide et hautain des sourires.

Au fur et à mesure qu'elle s'éloignait de son court repos, Phadransie sentait monter en elle la force de son courroux, tel un étalon venant la percuter au grand galop. Bientôt, cette rage inonda son être entier, et elle entendit de nouveau battre en elle les tambours de la fureur.

Elle abominait cette chaîne et cet anneau passé autour de son cou ! Elle savait que dès qu'elle tirait brusquement, ce dernier se resserrait autour d'elle et la privait d'air, l'obligeant -comme ce fut le cas la veille- à s'abaisser toujours plus près du sol afin d'espérer y trouver de l'oxygène. Mais, songeait-elle, je n'ai jamais essayé de tirer un coup sec et brutal, qui sait si l'anneau ou la chaîne ne se briseraient-ils pas ? Cette idée répandit dans l'esprit de La Noire encore plus d'espoir, et bien qu'elle sût tout ceci futile, toujours était-ce ça de plus à espérer. Elle se mit debout. Ses jambes tremblaient. Elle ne voulait pas faire la même erreur que dans la cage avec Lokhir ; elle devait travailler ses muscles, les tenir prêts pour le moment où elle se montrerait aussi rapide que la foudre et courrait après sa liberté perdue -pour la rattraper !-. Doucement, elle fit travailler ses jambes, marchait tout en se demandant si elle serait apte à courir aussi vite que jadis. Elle jura quand une mouche vint piquer son sein une énième fois, et parvint à l'écraser sous sa main. Une fois qu'elle s'eut dégourdi les jambes suffisamment de temps, Phadransie La Noire estima qu'il était temps pour elle de tenter son plan. Qu'avait-elle à y perdre ? Après tout elle avait été étranglée de si nombreuses fois par cette chose passée autour de son cou qu'une de plus ne la tuerait pas ! Et si elle se montrait extraordinairement rapide et forte, qu'est-ce que cet anneau de merde aurait à opposer ?

Phadransie cracha sur le sol, et enfin se prépara. Ses jambes étaient tendues, elle était prête à bondir et joindre la porte de cette écurie de merde en une seconde. La distance ne lui paraissait point infranchissable, l'espoir permis ! Elle était tournée vers cette porte de bois, vers sa liberté !

Alors le signal muet retentit dans son esprit !

Ses jambes lui obéirent ! Elle se mit à courir comme si Lorin en personne était à ses trousses. La chaîne se déroula. En une seconde, elle se tendit ! Elle va céder, c'est sur, elle va céder, songeait Phadransie bien décidée à ne pas capituler face à sa laisse.

Non seulement ladite chaîne ne céda pas, mais l'anneau ne se brisa pas non plus. Bien loin de rompre, il songea à lui donner la mort. Autant que l'espoir n'est pas constant, l'anneau n'a pas à même de s'effacer devant l'insolente prisonnière !

Phadransie tomba au sol, étranglée comme jamais auparavant elle ne l'avait été. Enfin si, une fois ! Les souvenirs douloureux la submergeant, elle en eut les larmes à l’œil alors que plus d'air du tout n'entrait par sa gorge.

Cet anneau la privant d'air, assez pour la faire pleurer et la mettre au supplice, faisait écho à la ceinture que le Capitaine Elfe Noir Andelzzer avait utilisé pour la soumettre tandis qu'il la violait il y avait dix années de ça.

Elle crachait et expectorait, paniquait, se tordant de douleur et suppliant l'air de lui revenir. Phadransie n'était coupable que d'une étourderie ; avoir eu le malheur d'espérer que ce plan eusse raison de ses entraves ! Alors qu'elle n'y voyait plus rien, elle crut entendre la voix fantôme du Capitaine Andelzzer, jaillissant d'outre tombe :

-Tu ne dois pas connaître grand chose aux elfes.
-Non, Capitaine. C'est même la première fois que je vois quelqu'un...comme vous, s'entendit-elle lui répondre.
-Les Elfes Noirs sont une race supérieure. Sais-tu quel âge j'ai ?
-Non Capitaine.
-Six cent quatre vint huit Tours.


Elle se souvenait avec précision de chacun des mots qu'il avait prononcé ce soir là, ainsi que de chacune des atrocités qu'il lui avait faite subir.

-Sacha !!!

Elle appelait son ami d'enfance -le seul qui l'eut jamais aimé d'amour, peut être- perdu à jamais alors que l'air lui revenait doucement, faisant fi des larmes coulant sur ses joues. Paniquée, Phadransie tenta de se débarrasser de l'anneau ! Il était hors de question qu'elle garde ça plus longtemps autour d'elle ! A présent que cet instrument de torture venait de se lier au plus effroyable de ses souvenirs, elle devait s'en débarrasser au plus vite sous peine de les voir rejaillir et avoir raison de sa stabilité mentale !

Elle se recroquevilla contre le bois lardé d'échardes et attendit que ses poumons fussent de nouveau emplis d'air, sans cesser de triturer de son bras amputé le collier de fer. Dès que la pute Elfe Noire reviendrait, elle s'arrangerait pour obtenir d'elle qu'elle lui ôte cet engin ! Peu importe comment elle s'y prendrait, et même si elle devait en arriver à des compromis, car être débarrassée de cet anneau et du fantôme d'Andelzzer serait pour Phadransie La Noire une petite victoire en soi !

-Je suis un Elfe Noir Phadransie, lui avait dit Andelzzer alors qu'il la violait. J'étais là bien avant ta naissance, et serai encore là, toujours debout, bien après ta mort.

Putain, jamais elle n'avait comprit le véritable sens de ses paroles...jusqu'à aujourd'hui. Elle n'était pas morte, bien sûr, mais quand bien même, son nom et son honneur semblaient bien loin derrière elle ! Et voilà qu'en plus de Brecianne et d'Ariel, elle devait refaire face à Andelzzer ! La douleur présente jusque dans son ventre les jours ayant suivi ce viol paraissait renaître !

Non, vraiment, dès que la pute viendrait, elle se ferait retirer ce collier, c'était certain ! Toutes les images de cruauté et de haine liées à la fille de Lokhir furent alors dissipées comme un nuage devant la tempête ; l'espace d'une ou deux secondes, elle paraissait à Phadransie être l'ange qui viendrait la libérer de ce fardeau. Et souhaitât presque voir la porte de l'écurie s'ouvrir pour la laisser entrer sur l'instant.


~


Phadransie craignit que la nuit ne tombât jamais. Livrée au supplice de cette toute-chaleur, elle aurait tout donné pour toucher à la fraîcheur des nuits sur Menrenwen. Ayant passée sa journée dans ce four, en plein soleil, mangée par les mouches, elle paraissait dans un état quasi comateux lorsque les esclaves rentrèrent de leur journée, le lendemain. La pute n'était pas venue la chercher. La nuit fut glaciale, plus encore que celle d'avant, et davantage interminable que la journée.

Mais Phadransie ne perdit pas espoir alors que son corps grelottait et tremblait de froid, insensible au sommeil.

Car l'oiseau noir qu'elle avait renommé Liberté, lui, était toujours là.


~



Par une grand lassitude, sûrement, personne ne bronchait quand le bébé pleurait la nuit. Phadransie se refusait de gaspiller sa salive pour si peu. Si elle n'était pas enchaînée tel un animal à sa niche, elle l'aurait égorgé depuis longtemps, ce bébé. Mais après tout, qu'il pleure, le môme ! Il était l'unique preuve parmi les esclaves d'une vie et volonté animée par autre chose que les Elfes Noirs. Quand elle les regardait dans les yeux, Phadransie ne trouvait point de réponse ou de retour à l'intérieur des leurs. C'étaient des coquilles vides et ce vide là l'effrayait. Tout juste s'échangeait-ils deux, trois phrases entre eux.
Elle se demanda comment un couple avait réussi à fleurir dans de telles conditions.

La nuit fut d'égale que la précédente.

Les esclaves dormaient. Les mouches l'emmerdaient. Elle, tirait sur sa chaîne. Liberté piaillait doucement et prit son envol plusieurs fois, quand bon le lui semblait.


~



Phadransie La Noire vit l'aube se lever et éclairer son visage d'une chaleur salutaire après avoir entendit chanter les premiers oiseaux diurnes. C'était le plein matin, l'astre du jour chassa celui de la nuit, interminable. Hier, elle avait été surprise de ne pas voir l'écurie foulée aux pieds par sa tortionnaire. Alors, elle viendrait probablement aujourd'hui. Elle tirait toujours sur sa chaîne quand la porte grinça sur ses gonds et s'ouvrit. Phadransie détendit ses jambes, qui étaient recroquevillées sous elle, et s'apprêta à agir. Mais elle se rembrunit bien vite tandis que le bruit de pas s'approchait tout près. C'était le Maître des esclaves. Il jetait tels à des chiens eau et nourriture aux esclaves, sans leur adresser la parole. Tous baissaient les yeux à son passage, remarquait Phadransie. Elle, ne lui donnerait pas cette joie.

Ce fut un échange de regard des plus intenses qu'il y eut là. Et l'homme le détourna en premier. Un instant avant s'être délecté de cette minuscule victoire, Phadransie avait craint que l'homme, à l'instar du garde qui veillait alors qu'elle était en cage à Saïrla, refuse de lui donner sa pitance pour la punir de sa arrogance, mais celui-là ne l'avait pas fait. Peut être savait-il que, même en vertu de son rang, priver cette esclave-là d'eau une journée et une nuit de plus la tuerait, exposée comme elle l'était aux durs caprices du climat.

Phadransie utilisa l'eau pour se nettoyer un minimum, et pour boire, ce qui impliquait sa survie. Elle mangea aussi. Cela faisait longtemps que la nourriture qu'elle aurait trouvé particulièrement immonde en temps normal -et aurait sans hésiter fait passer sous la quille le connard de cuisinier qui lui aurait servi cela- n'avait plus aucun goût dans sa bouche et lorsqu'elle atteignait son estomac. Tandis qu'elle se nourrissait, Phadransie avait été un peu en avant dans ses pensées et en vint à la conclusion probable que si la nourriture n'avait plus de goût pour elle, c'était principalement à cause de sa bouche éclatée à coups de poings, enchylosée et dont plus rien pour elle n'avait de saveur. Enfin, elle leva son visage de l'écuelle. Il y avait un autre Elfe avec le Maître des esclaves, particulièrement grand celui-ci, il devait bien mesurer deux mètres, se dit Phadransie. Mais il avait autant de charisme que les esclaves desquels il s'occupait, ce con là ! Ainsi, l'Elfe Noir changea rapidement la paille merdeuse de l'écurie des esclaves. Phadransie vit les mille-pattes, scorpions et scolopendres en tout genre s'agiter alors que leur demeure leur était arrachée à grands coups de fourche. Sans un regard pour Phadransie et la mère allaitant le bébé, la paille fut renouvelée. Phadransie ne s'était même pas rendue compte jusqu'à maintenant à quel point les esclaves vivaient dans leur propre merde. Si les stalles avaient été nettoyées, c'était probablement pour éviter la propagation de maladies contagieuses, car la mort de tous ses esclaves n'arrangerait probablement en rien Lokhir.

Elle se sentait comme après un bain, bien qu'elle en fut très loin !

Quoi qu'il en soit, les esclaves des Elfes Noirs avaient depuis longtemps renoncé à leur humanité. Phadransie en était écœurée. Elle, ne renoncerait jamais. Jamais.

Au fond, tant mieux que la fille de Lokhir n'ait point voulu entendre son nom et ait choisi de l'appeler Honma. Phadransie se dit qu'elle trouverait ça extatique de le lui communiquer juste avant de la tuer.

-Je suis Phadransie La Noire, Humaine, Terreur des Grand'Eaux et Esprit Libre ! Et c'est moi qui mets fin à ta vie aujourd'hui !!

Oui, c'est ainsi qu'elle le dirait. Il n'y avait pas encore de nuages dans le ciel, ni de soleil haut au ciel, mais une importante lourdeur s'imposait. La journée promettait d'être encore plus chaude et insupportable, si d'ordinaire cela était possible, que la veille. La lumière du soleil aveuglait La Noire. La captive repoussa avec ses orteils la couverture épaisse de paille et tenta de dégager un peu le bois, afin d'y poser son visage et espérer y puiser là un brin de fraîcheur. Déjà, les rayons brûlants venaient de lui promettre encore une dizaine d'heures d'agonie.

Alors, Phadransie espéra que la pute viendrait vite la tirer de cet enfer. Maintenant.


~



Les journées s'enchaînèrent. Toutes paraissaient plus longues encore que les précédentes. « Bien des milles me séparent de la vie qui était et doit être la mienne. » songeait Phadransie tout en souffrance. L'espoir ne l'avait jamais quitté, mais la souffrance était telle que sa fureur lui avait passé. Si la pute montrait le bout de son nez sur l'instant, elle aurait trouvé une prisonnière étonnement docile par rapport à l'espèce de furie enragée qui avait attaqué sa cousine quatre ou cinq jours avant. Le corps de Phadransie La Noire était brûlé de toutes part, littéralement constellé de plaques rouges liées aux coups du soleil. La pute avait-elle prévu ça en l'enchaînant à cet endroit précis ? Avec une chaîne de cette longueur précise ? A savoir pas plus de deux mètres, environ.

Phadransie La Noire savait que oui.

Elle avait grandement maigri depuis sa captivité en Oro, et les boursouflures sur son visage s'étaient taries. En revanche, des bleus grisâtres y étaient désormais imprimés. Ils la faisaient souffrir, mais toutefois moins qu'avant. En fin de compte, elle s'estimait heureuse de n'avoir perdu ni dent ni os.

Son regard était encore plus lassé et fatigué qu'à l'ordinaire, mais jamais, ô grand jamais, il s'était départi de cette petite étincelle d'espoir, semblant prêtre à embraser tout son être. Preuve qu'elle en était, la chaîne contre laquelle elle n'avait jamais cessé de lutter en faisant pression dessus.

Phadransie La Noire était tombée un peu malade. Non grièvement, mais un peu. La légère toux dura trois jours, et elle échappa de par sa solide constitution à la fièvre qui aurait dû l’assommer. Mais ainsi, elle ne pût dormir beaucoup plus qu'à l'ordinaire, et son calvaire ne passa point plus vite, quand bien même Ariel n'aurait même pas refusé d'éloigner de son esprit malade son tourment. Aucun esclave ne vint l'aider ni lui parler ; elle se sentait invisible et misérable, bien que se sachant pertinemment supérieure à eux. Elle en vint presque à invoquer la fièvre, afin de réussir à dormir. Mais ce n'était pas si simple ; les heures et journées défilèrent encore.
Cela faisait très exactement sept jours et sept nuits (si elle avait eu la maîtrise des chiffres et des nombres) qu'elle était enchaînée, entièrement nue à ce mur.


~


Les nuages noirs et le tonnerre grondant qui se manifestaient par delà le toit délabré de l'écurie se calquèrent à l'humeur de Phadransie, maussade, diminuée, rétractée mais point vaincue. L'espoir et la haine tourbillonnaient en elle. Il était environ deux heures du matin, bien que Phadransie n'eut à sa disposition aucun moyen de le savoir. La pluie annoncée finit donc par tomber. Pleinement éveillée et enchaînée, elle ne pût y échapper. Son souhait d'un bain fut exaucé.


~



Et l'aube suivante, tandis que le soleil entamait inlassablement sa course, la porte de l'écurie s'ouvrit. Phadransie était repliée sur elle même, contre le bois humide de sa prison. Si tant était que le bois fut trouvé humide par un tiers, alors elle, était trempée au bas mot, ruisselante au plus proche de la vérité. Elle tremblait de froid et de fatigue, et des gémissements fendaient la commissures de ses lèvres craquelées. La pluie même pas n'était parvenue à repousser la horde de mouches sales, s'amassant particulièrement autour de son sein mutilé, dont la blessure semblait mal vieillir. C'était mauvais présage, mais non moins étrange ; car il eut été bien étonnant qu'une déchirure faite ainsi à la lame froide et blanche, et entretenue dans de si mauvaises conditions, ne se fut pas infectée. Phadransie en était consciente, il faudrait brûler ça très vite si elle voulait une chance de ne pas finir empoisonnée par cette simple coupure.

-Honma.

Les jours précédents, ce nom maudit, fait avec toute la sécheresse qu'une voix pouvait contenir, eût éveillé la haine de Phadransie, mais elle se sentait encore apathique du fait des heures cauchemardesque qu'elle venait d'essuyer ; car la pluie avait commencé à tomber au milieu de la nuit et s'était endiguée qu'à la veille des premières lueurs de l'aube. Elle essuya l'eau glacée de son visage à l'aide de son bras droit, d'un mouvement tremblant et tressaillit enfin. On en était à l'aube du huitième jour. Dans les premières lueurs matinales, Liberté prit son envol en gazouillant tandis qu'une silhouette menaçante se baissait sur Phadransie qui sentait une vague de haine, comme si elle eût été retenue par une digue depuis trop longtemps, affluer de nouveau en tout son être.

La pute était de retour.
Sam 14 Nov 2015 - 12:20
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Dargor
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Il semblait que la petite semaine avait fait son effet. Non pas qu’elle fut intentionnelle, loin de là. Briza n’avais pour ainsi dire pas fait attention à Honma après avoir envoyé sa lettre à Teken’lil, et avait vécu tranquillement sa vie. Elle était satisfaite d’apprendre par le maître des bêtes que les esclaves avaient obéi à ses ordres et ne l’avaient pas approchée. Elle savait que les esclaves communiquaient entre eux, cela n’était donc pas gagné d’avance. Mais pouvait-il en aller autrement ? Elle était une elfe noire après tout.

Damia avait disparu pendant plusieurs jours, après ces évènements, à sa plus grande joie. Briza avait secrètement espéré que, blessée dans son stupide complexe de supériorité, sa cousine soit allée se jeter du haut d’une falaise. Mais Damia était reparue au soir du quatrième jour, anéantissant cet espoir. Elle était de retour, et plus souriante que jamais. C’était à un repas où toute la famille était présente. Damia semblait avoir espéré faire un retour triomphal, elle en fut pour ses frais. Alors qu’elle entrait en souriant, ouvrant d’un seul et en grand la porte menant à la salle à manger, personne n’avait fait attention à elle. Elle avait mis quelques instants à réaliser que peu leur importait son retour, et s’était attablée, avec une expression frustrée sur le visage qui avait consolé Briza de la voir vivante.
Par la suite, les deux cousines s’étaient vues, pour avoir une petite discussion.

« Je veux ton esclave, avait dit Damia.
-Avec votre attitude, vous pensez mériter votre propre esclave ? avait répondu Briza. Vous vous surestimez gravement, je le crains. Méritez-la, et elle sera à vous. En attendant, tout ce que pouvez espérer de ma part, c’est le droit de nettoyer mes bottes pleines de boue.
-Attention, avait sifflé Damia. Tu te crois supérieure à moi ma cousine ? Je crois que tu n’as pas compris. Je veux ton esclave morte. Je veux la faire hurler moi-même, lui faire payer pour ce qu’elle m’a fait.
-Et vous le ferez, le jour où vous aurez racheté votre faute. Je refuse que vous l’approchiez en attendant. Vous ne méritez pas même votre titre de noble, et vous voudriez votre propre esclave ?
-Donne la moi ! avait hurlé Damia, cédant à la colère.
-Non. Cette conversation est terminée. Si vous souhaitez la récupérer, vous viendrez me trouver dans la salle d’armes de la maison, ce soir au coucher du soleil.
-Tu n’as pas très bien compris, ma cousine, avait répondu Damia. »

Elle avait lentement entrepris de retirer son ridicule haut, lentement, dans une volonté d’être théâtrale qui ennuya franchement Briza, qui avait gardé son air ennuyé quand elle avait vu que les seins de sa cousine étaient guéris.

« Il est mort, avait dit Damia en désignant son mamelon guéri. Le prêtre m’a assuré que jamais un enfant ne pourrait y téter. Il s’est contenté de ressouder les chairs pour le faire tenir. Mais je m’en fiche de cela ma cousine. Vois-tu, les traces des coups de ton humaine, sur mon visage comme sur le reste de mon corps, ont disparu. Elle ne peut pas me toucher. Toi non plus, tu ne peux pas me toucher. Tu ne peux rien me faire. Alors tu vas me donner ton… »

Une gifle de Briza l’avait envoyée au sol.

« Vous croyez que le fait que votre soi-disant beauté soit inaltérée efface votre pitoyable ardoise ? Honma elle-même rirait devant votre discours, et elle n’est qu’une humaine. Comment pouvez-vous en être au point où je suis prête à accepter qu’une humaine rie de vous, une noble elfe noire ? Vous mériteriez la mort, ici et maintenant. Je ne vais toutefois pas vous la donner, car notre famille est trop petite pour perdre des membres, même misérables comme vous. Mais vous devez vous rendre utile. Vous viendrez me trouver au coucher du soleil, dans la salle d’armes. Et le jour où j’y serai enfin satisfaite de vous, vous gagnerez Honma. »

Briza s’était maudite de ce discours. Pourquoi lui avait-elle offert ces leçons ? Elle connaissait la réponse. Pour le bien de la famille. Mieux valait tenter de faire de Damia quelque chose d’utile que de la tuer. Mais tout de même, elle aurait pu confier cette tâche à un maître d’armes du commun. D’un autre côté, cela eut un énorme avantage. Damia eut la stupidité de venir à la séance. Briza prit un malin plaisir à être une maitresse d’armes particulièrement impitoyable et violente. Les cris de douleur de Damia lorsque le bâton de bois la heurtait furent une mélodie agréable à ses oreilles. Toutefois, ordonna à la fin de la séance à Damia de se trouver un maître d’armes du commun, et de ne revenir que quand elle penserait être apte à la vaincre. Damia, au sol suite à un coup de bâton dans les jambes, fit savoir qu’elle acceptait. Briza s’éloigna là-dessus, lui crachant au visage au passage pour faire bonne mesure.

Puis Teken’lil était arrivée. Aussitôt, Briza avait été chercher Honma, et elle avait donc constaté que la petite semaine avait fait son effet sur elle.

---

Teken’lil avait été appelée pour tester des expériences sur une humaine que l’on connaissait sous le nom d’Honma. Bien sûr, rien de vraiment intéressant, et elle aurait préféré consacrer ce temps à ses projets bien plus importants, mais elle avait tout son temps, et une distraction de temps à autre lui permettant de se vider l’esprit lui ferait le plus grand bien. Bertille, sa fidèle esclave humaine, dont il était entendu qu’elle était presque digne d’être une elfe noire, mais pas tout à fait car n’étant pas née elfe noire elle-même, l’accompagnait une nouvelle fois. Le but de l’expédition était de s’amuser un peu.

« Maitresse Teken’lil, Bertille, je vous présente Honma, dont le nom signifie l’idiotie, leur dit Briza, qui tenait en laisse une humaine plus déguenillée encore que Bertille, et à l’air particulièrement bête au goût de Teken’lil. Vous verrez qu’elle le porte à merveille. Je…
-Je sais parfaitement ce que vous voulez, jeune femme, dit Teken’lil. Que veut-elle Bertille ?
-Elle veut que nous attachions à son bras existant une jointure de fer lui permettant de saisir des objets simples, comme un plateau, dit Bertille.
-Bien, dit Teken’lil. Mais est-ce tout Bertille ?
-Non madame. Elle aimerait en outre savoir s’il serait possible de lui fabriquer un bras automatisé, afin de la rendre apte à attraper les verres que lui tendraient les convives et à les ranger sur le plateau.
-Bien, dit Teken’lil. Nous nous entendons bien. Vous pouvez disposer, jeune fille, je m’occuperai de votre esclave. J’en ai pour quelques jours.
-Je vous remercie de votre aide, dit Briza en tendant la laisse de métal à Bertille. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’oubliez pas qu’en échange de vos talents, vous êtes toutes deux mes invitées.
-Je vous remercie, jeune fille. De quoi avons-nous besoin, Bertille ?
-D’être laissées en paix, répondit cette dernière, qui tenait fermement la chaine de l’humaine. »

Briza disposa en silence.
Sam 14 Nov 2015 - 23:05
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Briza disposa en silence.

Phadransie convint avec aisance qu'avoir la vue sur la volte face de la pute qui tirait là sa révérence était tout à fait agréable, et elle vit sa laisse passer de la main de la pute à celle de l'humaine. C'était sans un mot que la pute l'avait détachée et tirée de l'écurie, la traînant comme elle eût traîner un déchet. Et Phadransie, qui s'était promise de lui demander d’ôter le port de cet anneau qui la soumettait au supplice et au plus obscène de ses souvenirs, n'avait point réussi à desserrer les lèvres. Phadransie tremblait de ne pas se jeter sur la pute alors qu'elle la tirait en laisse ; son envie de sortir de cet enfer ardent et gelé à la fois qu'était l'écurie la subjuguant. Si elle eût pu suivre son envie, elle aurait bondi à la gorge de l'Elfe Noire qui se disait sa « maîtresse » et aurait utilisé ses dents pour la tailler en pièces. Mais elle demeurait pour l'instant trop faible afin de le faire, et une tentative défectueuse de sa part risquait de lui valoir un retour non prémédité dans sa geôle. Et ça, plus que toute autre chose, elle l'abominait.

Les marques laissées sur son bras, ses épaules ainsi que ses jambes, lorsque Lokhir l'avait traînée à même le sol jusqu'au port de Saïrla, marquaient toujours son corps meurtri. Ce fut en vain qu'elle aurait pu espérer que les hématomes sur son visage s'effacent ; et son sein la faisait toujours souffrir, semblant se détourner de la voie d'une convenable guérison.

Phadransie s'était attendue tout du long à subir la marque de quelconque coup de la part de la pute, sous prétexte qu'elle n'avait point baissé le regard face à elle, mais il n'en était rien apparu ; de fait, la pute aussi ne l'avait pas regardée.

A présent c'était une autre pute qui tenait sa laisse de fer, et quoiqu'on en puisse en dire, cette pute là était une humaine.

- Putain, pourquoi tu les sers-tu espèce de chienne ?!

Phadransie n'eut aucune réponse en retour à sa frustration. Alors, n'y tenant plus, elle avait tiré d'un coup sec sur sa chaîne, faisant basculer l'humaine en avant. Satisfaite de sa prestation, alors, Phadransie tenta de lui asséner un coup de coude en pleine face. L'humaine avait su l'esquiver et elle, était tombée au sol, ce qui n'était pas à sa plus grande surprise ; elle se savait grandement diminuée depuis sa mise en cage à la sortie d'Oro.

- Allons bon. Bertille, que se passe-t-il ? requérit auprès de son assistante l'Elfe Noire.

- Petite esclave voudrait jouer à la grande qui mort madame, lui avait répondu cette dernière.

Phadransie se hâta de se relever ; elle n'avait pas prononcé son dernier mot.

- Laissez moi partir bande de putes-de-siresses-sac-de-sous-merdes-de-potence !! Vous n'obtiendrez rien de moi, alors ne perdez pas votre temps ! Je vous tuerai tous putain !!

- Et que vais-je faire Bertille ? poursuivit l'Elfe tandis que son humaine se débattait avec la laisse et en son bout la pirate de nouveau habitée d'une furie tout-en-vigueur.

- Lui injecter un produit qui va la faire dormir comme le bébé qu'elle est, le temps que nous l'attachions madame.

Alors, sans qu'elle n'en comprenne le fondement et le comment, elle sentit une lame s'enfoncer dans son cou, de quelques centimètres. Fut-ce possible que pour ces noirs zélateurs, la « laisser partir » avait pour synonyme la mort ? Elle se souvint alors avec frayeur qu'il avait été question d'endormissement. Phadransie se sentit comme si son sang fut plomb, ses muscles devinrent des ficelles tombantes ; elle chuta tandis que sa vision se brouillait. Mourir cette fois là, fut très différent de la fois à Kelvin, face à l'experte en arts martiaux. Après avoir suffoqué le peu d'air de cette île dans les premières secondes, Phadransie subit la danse folle de tout ce qui se trouvait autour d'elle. Debout près d'elle, la pute Elfe la poussa un soupçon du bout de sa botte. Phadransie sombra à la seconde où le cuir buta contre sa tempe. La chaîne jusque là tendue, devint flasque et ballante.
Lun 16 Nov 2015 - 18:38
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« Bertille, que doit-on faire de cette humaine ?
-L’attacher sur une chaise, de façon à ce qu’elle ne bouge pas quand elle se réveillera, madame.
-Alors pourquoi n’es-tu pas déjà en train d’exécuter cette tâche ?
-Car vous venez à peine de l’endormir madame, je n’ai donc pas encore eu le temps de réagir. Je m’excuse pour ma lenteur, madame.
-Bien. Tu sais ce qu’il te reste à faire. »

Bertille ramassa l’humaine, et l’allongea sur un établi prévu à cet effet, impeccablement étendue. Puis elle leva son bras, de façon à le tendre perpendiculairement au reste du corps. Et elle entreprit de sangler ledit bras ainsi que ses jambes. Enfin, afin de s’assurer qu’elle ne bascule pas sur le côté, elle sangla le bassin. Elle s’assura de serrer au maximum chaque sangle, sans pour autant lui couper la circulation du sang.
Pendant ce temps, Teken’lil s’affairait à sortir tout son matériel. Aujourd’hui, ce serait des barres de fer et des cercles de fer également, prévus à cet effet. Il lui faudrait placer ce matériel autour de son gras, comme une sorte de brassard d’acier, qu’elle comptait bien lui fixer jusque dans sa chair. Elle attendit patiemment que l’humaine se réveille, demandant tout de même à Bertille de la bâillonner.

« Vois-tu, misérable vermine, dit-elle quand l’humaine se réveilla, visiblement pas très heureuse, j’ai de grands projets pour toi. Quel genre de projets ai-je Bertille ?
-La rendre utile, madame.
-En effet. Car comment est cette humaine pour l’instant Bertille ?
-Absolument inutile madame. Et elle devrait saluer votre intervention, qui va donner un sens à sa méprisable existence.
-La flatterie fait toujours du bien, Bertille. Merci. Mais quelle est la vérité ?
-Vous n’allez pas donner un sens à sa vie, madame, car elle n’en a de toute façon aucun. Vous allez juste tenter de la rendre moins inutile que ce que ne l’a voulue sa naissance.
-Bien. Au travail. »

Alors, elle sortit une pique, qu’elle enfonça dans le bras de l’humaine. Sans se soucier du sang qui jaillissait ou de la douleur que sa victime pouvait ressentir, elle prit des pinces pour écarter la plaie ainsi formée, et continua à enfoncer la pique jusqu’à la faire sortir de l’autre côté du bras. Elle écarta la plaie formée de l’autre côté, puis, jugeant le résultat satisfaisant, enfonça une première barre, qui traversa donc le bras de part en part. Elle procéda ainsi quatre fois, n’hésitant pas un seul instant à prendre son temps pour faire un travail propre. Lorsqu’elle en eut terminé, elle nettoya les plaies, puis y appliqua un baume cicatrisant.

« Que faut-il attendre Bertille ?
-Que les chairs se ressoudent, madame.
-Mais quel est le problème si je me contente d’attendre ?
-Elles mettront des mois à cicatriser madame.
-Quel est donc la réaction que je dois avoir, Bertille ?
-Vous devez aller chercher un prêtre pour qu’il accélère la guérison, madame. Vous lui demanderez de souder les chairs autour des barres de façon à ce qu’elles ne puissent plus bouger. »

Et c’est ce qu’elle fit.
Sam 21 Nov 2015 - 23:40
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Mais quand j'entendis Ariel crier à son Elue « Dévore-la », tandis que je sombrai dans de Grand'Eaux, et que je voyais déjà les crocs de sirène de Brecianne Léocadas prêts à fendre ma chair, je tombai davantage bas, sans connaissance, au plus profond des Abysses de la Reine. Puis j'accomplissai une seconde chute, plus encore noire, froide et terrible que l'était la précédente. Et j’atterris dans ce que le Noir avait de plus impénétrable.

Phadransie La Noire était gelée, ou autant vaut, tremblante de fièvre. Elle évoluait à l'intérieur d'un univers duquel elle ignorait toutes les lois. Autour d'elle, tout était noir. Il n'y avait ni haut, ni bas, ni repères quelconque, aucun endroit et aucun envers ; ses pieds nus n'étaient posés sur aucun sol, pourtant elle était stable sur le plancher du néant.

- J'ai froid...

Elle se sentait fort pesante, nue, ses sens demeuraient atrophiés, ses paupières lourdes.

- Où je suis ? Pourquoi j'ai si froid... Brecianne ou es-tu ?

Les ténèbres autour d'elle étaient si denses que Phadransie se serait cru noyée dans une mer d'encre. Et elle se sentait sur le point de céder aux sanglots, en songeant qu'elle était perdue, et terriblement seule. Etait-elle morte ? Prête à rencontrer enfin Canergën ? Elle enroula son bras autour de son buste, s'agenouilla et se laissa aller au désespoir. Le bras que Théoden lui avait volé n'était point revenu, fut-elle vivante ou morte. Mais elle ne voulait pas mourir ! Une présence plutôt douce et chaude, quoique étrangère à ce monde-ci, dans le fait augmenta son bien être. Quelqu'un venait de poser sa main sur son épaule. Ce contact la ramena petit-à-petit dans le monde réel. Phadransie tenta d'ouvrir l’œil :

« Vois-tu, misérable vermine, j’ai de grands projets pour toi.  »

Un épais baillon entravait son droit à la parole. Phadransie avait la bouche filandreuse et pâteuse, autour d'elle, le monde tournait lentement. Elle était allongée, et nue sur ce qui semblait être une table ; une situation peu enviable. Malgré son état indolent, elle possédait suffisamment de lucidité pour en saisir l'utilité. Elle avait quitté les ténèbres de l'inconscience, pour retourner aux ténèbres que Théoden et Asarith lui avaient imposée. Un cauchemar pour un autre. Elle tenta de crier son mécontentement à la pute Elfe et sa chienne Humaine, mais le bâillon lui cisaillait les commissures des lèvres. Des sangles de cuir avaient été serrées un peu partout autour de son corps, la livrant à ses bouchers telle un animal à un collet de rôdeur. L'une des courroie était sanglée autour de sa nuque, au-dessous l'anneau de fer que Lokhir lui avait imposé dès lors qu'il l'avait sortie de sa cage à Saïrla. Cet anneau qu'elle vomissait et qui lui faisait la vie pire qu'à une bête destinée à l'abattoir. Au moins la bête était bien logée et nourrie, elle ; jusqu'au terme de son existence. Deux autres sangles maintenaient son bras droit sur la table, de sorte qu'il demeure perpendiculaire à son corps. Une autre sangle fixait son bassin, frottant contre les os de sa hanche ce qui lui irritait la peau. Deux dernières maintenaient ses chevilles, de sorte qu'elle ne pouvait bouger aucune partie de son corps, quand bien même elle le désirait.
Phadransie n'avait jamais possédé tel désir de quitter cette noire île et ces noirs habitants. Son corps, inondé de tremblements et de crampes, la faisait paraître davantage malade qu'elle ne l'était ; en effet la fièvre avait fait de La Noire sa victime : les nuits passées nue enchaînée dans l'écurie, livrée aux mille tourments du climat, et particulièrement lors de l'averse glaciale tombée la veille, avait eu raison de sa solide constitution. Elle souhaita alors que Brecianne la prenne dans ses bras et la cache loin d'ici, le temps qu'elle se remette de ces sévices.

Mais ce ne fut point Brecianne qui se pencha sur sa personne la seconde qui suivit. Phadransie sentit la pique que l'Elfe tenait s'enfoncer profondément dans ses chairs ; elle hurla sous la douleur alors que l'instrument ressortait de l'autre côté de son bras. Elle connaissait intimement les effets douloureux liés à une lame blanche, qu'elle fusse emoussée ou tranchante. Théoden, lorsqu'il l'avait presque ouverte en deux de son épée, ne l'avait point fait sans souffrance pour sa victime. Cette douleur là était différente ; et au vu de l'alanguissement dont faisait montre la chienne Elfe en la transperçant ainsi, elle paraissait s'allonger en durée et augmenter en affliction. Les plaies béantes creusées de chaque côté de son bras étaient maintenus ouvertes par des pinces, et ce durant tout le temps qu'il fallait à l'Elfe pour y enfoncer une barre de fer large de plusieurs centimètres. Phadransie La Noire en devint folle de douleur, au point que son corps entier fut soumis à des convulsions et de terribles crispation.

Alors que l'Elfe se fût enfin écartée de la suppliciée, les souhaits de Phadransie envers sa position actuelle eûrent été grandement simplifiés. Sur l'instant, elle avait renoncé à toute idéologie de vengeance. Seul l'échappatoire à la douleur lui importait. Incapable du moindre mouvement tout comme elle était incapable de penser, La Noire ainsi réduite demeurait contrainte à supporter la douleur quand bien même sa mâchoire lui faisait mal tant elle la serrait au travers son bâillon malvenu. Désormais, de son bras rougi par le sang dépassait de chaque côté une tige métallique.

Plusieurs fois Phadransie avait vu et goûté du sang plus frais et plus rouge qu'à son tour, mais elle n'était point habituée à observer le sien jaillissant ainsi hors de son corps, ce qui ne pouvait dissimuler quelques ennuis et souffrances. Les mains de l'Elfe, en dépit de la précaution dont elle fit montre, étaient toutes de sang couvertes ; il en allait de même manière pour la table qui la supportait.
Tandis, qu'après plusieurs minutes interminables, les dents de Phadransie relâchèrent le bâillon malheureux, la pute Elfe la transperça une seconde fois, à l'aide de la même pique déjà rougie de son sang, avec professionnalisme et lenteur. D'épaisses gouttes de sueur la noyait entièrement, c'était là un supplice innommable. L'Elfe avait-elle attendu volontairement que l'attention de sa victime s'adoucisse ? Si fait, évidemment. Encore une fois, La Noire ne sut contenir ses cris.

L'opération fut mise à exécution deux fois deux fois. Et deux fois deux fois, Phadransie fut soumise à cette douleur qui vous déchire l'âme et produit les plus remarquables des cris. Le sang avait giclé de côté et d'autre, arrosant aussi bien les Humaines que l'Elfe et le sol, la table, les instruments et les sangles. Une lumière au-dessus de son œil semblait avoir tiré Phadransie de son malheur ; l'opération était terminée. Et comme elle en pleurait de douleur, incapable de bouger son bras si tant fut qu'elle le désirât, elle laissa cette lumière là, froide et lointaine, l'apaiser comme un baume sur ses plaies. Elle n'entendait plus les mots qu'échangeaient la chienne et la pute près d'elle. Tout juste résonnaient-ils au loin par timbres et syllabes, tel un vieux carillon usé. Phadransie, exténuée par la violence de l'opération, se laissa choir ; ses muscles se détendirent tous, sa tête bascula sur le côté, fut-elle celle d'une charogne que le mouvement n'aurait point été différent. Elle ne s'endormit pas, mais demeura ainsi longtemps. La notion de temps ne comptait plus lorsqu'on était ainsi rongée par la douleur, comme un rat peut ronger un coffre de bois.


~



Si Phadransie était en état de quoi que ce soit, elle aurait sans nuls doutes remarqué que la personne présentement penchée sur son bras mutilé n'était ni Bertille, ni Teken'lil, et pour cause, car de fait il s'agissait d'un prêtre Elfe Noir. Il est fort éloquent de parler de la taille grande et droite de cet Elfe là si on veut le décrire par la suite. Aussi, portait-il également une grande robe adjointe de moult pièces en bel acier doré, formant larges épaulettes, serres-poignets, col et ceinture. Chacun de ces motifs là s'apparentait à des piques, des pointes ou des formes reprenant celles de lances. La robe, large et non flottante, était violette de couleur teintée de reflets que d'aucun pouvaient dire encore plus sombres. Sa peau était fort-pâle. Les doigts de ses mains fins et longs, impeccables. Du fond de ses yeux, tels deux puits d'outre-monde, luisaient deux pupilles rouges indécentes, surmontant un nez droit et une bouche aux lèvres charnues, mais qui ne souriait point. Ses cheveux blancs étaient tirés en arrière, soutenus derrière son crane par une broche nacrée représentant un symbole hideux. Seul bijoux qu'il arborait avec le collier au lacet noir passé autour de son cou solide.


Spoiler:


Lentement, le prêtre se redressa, une fois que les chairs eurent terminé de se souder entre elles, autour des quatre barres en métal tout comme Teken'lil l'avait prédit. Par une fatalité de la chance -ou de la malchance !- le bâillon de Phadransie, à force d'avoir ainsi été malmené, parvint à lui glisser de la bouche, quoi-qu’avec un peu d'aide, comme le prêtre s'éloignait pour parler avec la pute Elfe. Alors, Phadransie La Noire parvint à prendre la parole, toute éreintée qu'elle demeurait. Nul colère, nul hargne, nul ardeur dans sa voix. Jamais depuis son arrivée sur le sol de la Noire, elle n'avait prononcé mot avec autant de réserve.

Mais chacun d'eux était tant trempé de haine féroce qu'ils semblaient viser le cœur des trois instigateurs présents tels des épées nimbées de feu que Noire aurait pu tenir.

« C'est pour ça que la fille de Lokhir est allée déranger une chienne aussi réputée que toi ? dit elle en s'adressant directement à la principale concernée. Incruster quatre pauvres barres de fer dans mon bras. Bras qui ne se lèvera jamais à son service d'ailleurs. Elle ne me possédera jamais, je suis libre. Mais si elle veut se donner une chance d'y parvenir, qu'elle trouve mieux que ça à l'avenir... »

Sa tête retomba mollement ; malgré l'âme contenue dans ces paroles qu'elle prononça tantôt, le souffle mis-à-bout la blessât. Pauvres, pauvres Elfes Noirs...
Ven 27 Nov 2015 - 13:53
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Dargor
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Teken’lil ignora royalement les insultes de l’humaine. Ce n’était pas comme si elle y était préparée après tout. On l’avait avertie que cette humaine était très drôle, parce qu’elle avait gardé un certain orgueil. Teken’lil, pour sa part, n’accordait aucun intérêt à ce genre de déclarations. L’humaine tentait de se donner une contenance en ayant recours aux insultes pour oublier le vide de son insignifiante existence inutile et pitoyable, en plus d’être ridicule. Soit, après tous les humains avaient le droit de chercher à compenser cette frustration, même si cela ne retirait rien à leur nature inférieure. Elle eut tout de même un petit rire.

« Ton intelligence n’a d’égale que ta beauté, humaine. »

C’était une double insulte, bien entendu, et non un double compliment. Mais stupide comme elle était, l’humaine pourrait bien s’y tromper. Toujours était-il que Teken’lil devait se remettre au travail, pour terminer l’idée de Briza. Mais elle avait la sienne. Cette humaine fière pourrait avoir l’intention de se servir de son bras de fer pour frapper. Teken’lil n’avait aucun doute que sa lenteur et l’inexistence de ses talents au combat voueraient cette tentative à un échec certain et cuisant, mais elle avait, au cours de son précédent travail, développé une envie d’apporter sa touche personnelle à l’œuvre.

« Bertille, dit-elle soudain. Nous allons un peu nous amuser. Amène-moi, s’il te plait, une nouvelle tige. Et taille ses deux abouts en pointes cette fois-ci, les plus acérées possibles, après l’avoir coupée court. »

Bertille, sans mot dire, s’attela à la tâche qui venait de lui être dévolue. Vingt-trois centimètres, c’était la taille de la tige qu’elle coupa. Parfait au goût de Teken’lil. Elle ordonna par la suite à son esclave de former deux petites fourches de métal qu’elle fixerait auxdites extrémités déjà pointues. Teken’lil, pendant ce temps, réfléchit au problème de commencer fixer l’engin sur l’humaine. Il ne faudrait pas trop le serrer, autrement elle s’embrocherait au moindre mouvement, mais il ne faudrait pas trop donner de mou pour autant.
Elle trouva finalement. Le collier de l’humaine, bien sûr ! Sur cet anneau de métal, elle fixa une deuxième jointure, et y attacha sa double fourche ainsi constituée. Elle fit bien attention de, lentement, l’ajuster le plus impeccablement possible, afin d’atteindre l’objectif susdit.

« Bien, humaine. Je viens de t’embêter un peu. Qu’ai-je fait Bertille ?
-Vous avez fixé une fourche ayant pour but de la faire taire, madame, répondit l’intéressée.
-En effet Bertille. En quoi consiste cette fourche ?
-Si elle se met à hausser la voix, ou au moindre mouvement brusque de façon générale, les muscles qui entreront en action étendront sa mâchoire, et elle s’égorgera elle-même avec votre fourche, l’enfonçant également dans sa cage thoracique en même temps, madame. »

Teken’lil ne dit rien de plus. L’heure avait tournée, et elle était fatiguée. Elle fit savoir qu’on devrait dorénavant nourrir l’humaine exclusivement à la soupe. On lui répondit que ce n’était de toute façon pas grave, les esclaves n’ayant jamais droit qu’à une bouillie infâme qu’ils ne mâchaient que pour se rappeler la sensation que cela faisait. Puis Teken’lil alla tranquillement dormir, oubliant déjà le travail qu’elle avait fait aujourd’hui.
Ven 4 Déc 2015 - 18:37
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Noire
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Yo ho ho
Souquez, massacrez, déferlez
Putes des Mers
Et faites le comme si vous aviez
L'Enfer d'Ariel derrière
Sur le coffre du mort,
Au dessus foi et loi,
Pour l'Argent et l'or,
Rien ne nous arrêtera
Ravagons, détruisons, buvons,
Comme dix, cent, ou mille
Scélérats
Le Capitaine vous le dira,
La Faucheuse ne nous connaît pas
En Enfer ou ici Haut,
Nous sommes les Maîtres des eaux
Sur le coffre de l'homme exécuté,
Une bouteille de rhum il a laissé
Yo ho ho


La veille du naufrage du Galion Déité du Capitaine Korlanos, l'équipage avait laissé déferler ce chant de pirates, pressentant leur dernière heure venue. Pourquoi les paroles revenaient maintenant au souvenir de Phadransie ? Elle n'aurait su apporter une réponse. Était-ce car, pour elle à présent, ici et maintenant, sa fin approchait à grandes enjambées ? Elle le sentait. Elle aurait dû le sentir.

Plus rien n'allait.

De toutes façons, la fièvre avait raison de sa

Pourquoi tant de complications étaient-elles advenues dans sa vie ? Si d'ordinaire elle s'était mise à croire à une sorte de justice divine, tout ce que la haine de ses victimes, tout ce que la soif de vengeance des pauvres âmes infortunées qu'elle eût livré aux pires des maux pouvaient produire de plus terrible s'étaient retrouvés amassés en ce lieu. Phadransie n'avait trouvé nulle peur, nulle pitié dans les yeux si terribles de ses bourreaux. Cela faisait -si elle avait eut la notion du temps passé- plus de dix heures qu'elle demeurait ainsi sanglé sur cette table qui n'avait d'opération que le nom. Les six sangles disposées autour de son cou, son bassin et son bras n'avaient point bougées. Phadransie tenta, bien sûr, de s'en débarrasser, mais quand bien même, ainsi vidée de ses forces elle parvint tout juste à s'infliger quelques lancements et douleurs supplémentaires. Si d'aucun avait pénétré la prison dans laquelle se trouvait la pirate déchue à ce moment là, il y aurait vu dans l’œil noir de la détenue un éclat sinistre si inhumain qu'il en aurait été effrayé. Autour de Phadransie, tout tournait : résultat de l'alliage des fièvres et de la maltraitance dont elle était la victime. Partout sur et sous elle, il y avait du sang causé par

Elle n'était plus apte à la réflexion. Quand bien même le prêtre Noir avait refermé les plaies béantes autour des barres de fer s'exhalant de son bras torturé, la douleur l'aurait tout autant cloué au sol sans les sangles qu'avec. C'était à peu d'éléments près la même souffrance qu'avait provoqué Theoden en séparant son bras gauche du reste de son corps sur les quais de Karak-Tur ; celle qui, sous ses dehors absents cachait et encourageait une agonie affligeante et interminable qui vous clouait au sol. Plusieurs semaines durant, et ce malgré l'intervention des prêtres d'Atyë, Phadransie La Noire avait sombré dans un océan de fièvres et de souffrances, avant qu'enfin son mal tombe doucement en l'état du supportable. Et voici qu'à présent, cela se réitérait. Elle avait espérait de toute son âme ne plus jamais devoir subir et revivr une telle souffrance, mais encore une fois paraissait s'être fourvoyée. Le sang ne s'échappait plus par torrent de ses plaies tout du long de son bras, et à vue d’œil n'importe quel spectateur l'aurait trouvé parfaitement guerri et cicatrisé. Une ironie massacrante quand l'on savait à quel point elle souffrait physiquement !

Son œil se remplit de

Elle aurait grand'peine à partir sans avoir convaincu ses putes d'Elfes Noirs de la valeur qu'était la sienne.

Avant de se retirer, la salope et sa chienne d'humaine avaient fixé un dernier dispositif autour du cou – ou plutôt du collier ; maudit !- de Phadransie. La Noire ne pouvait y jeter un œil comme elle sentait sous sa mâchoire les trois piques de fer acérées avides de transpercer sa chair. En dépit du peu de toute raison qu'on lui avait laissé, elle ne savait que trop bien ce que cela signifiait. Cette pute avait trouvé la solution afin de la réduire au silence et à l'immobilité. Avec cette fourchette fixée ainsi contre son cou, il lui était devenu impossible de crier, même de parler. Tout juste devrait-elle se contenter de desserrer les dents lorsqu'elle voudrait s'exprimer -d'une voix honteusement faible donc- et éviter soigneusement tous les emportements d'états dont elle était familière. La suite, aussi convenue demeurait-elle, lui tirait des lamentations silencieuses. La toute-mesure avec laquelle elle s'attachait à son analyse malgré la fièvre fut digne d'éloges.

Attachée à cette fourchette de métal, elle ne pouvait -cela apparaissait comme un fait évident- plus baisser la tête. Manger, mâcher, lui semblait hors de portée également, de même que le simple fait de bâiller ou tousser. Il semblait là question d'insignifiance, mais pour une personne insomniaque et physiquement malade comme l'était Noire en ce moment, cela semblait être la fin d'un monde. Mais il demeurait quelques non commodités bien pires que celles-ci. Comme cet engin s'embrocherait dans sa mâchoire si elle ouvrait la bouche, il ne lui était plus possible d'insulter ou répondre à ses bourreaux. De plus, la chienne Elfe Noire avait précisé avec une saveur fort mal dissimulée que si elle s'empalait sur la fourche d'en haut, alors un procédé mécanique -de toute évidence, quoi d'autre?- interagirait sur la fourche d'en bas, la plantant dans sa cage thoracique sur l'instant. En mourrait-elle ?

Je suis Phadransie La Noire, je ne peux pas mou

Un désespoir innommable s'empara d'elle lorsque cette dernière parvint à son terme. Les différentes fonctions de cet outil fixé contre sa chair, saisies avec tout le sadisme de l'ambition Elfe Noire, imposaient bien vite à Phadransie un choix crucial qui l'allégeait des espoirs d'évasion qu'elle avait emporté avec elle du Continent.

D'une part, elle devrait s'abaisser face aux Elfes Noirs, et les servir muettement et docilement, préservant ainsi sa vie.

De l'autre, elle s'y refuserait, sans un mot. Mais ce faisant, telle une bête se livrant à la masse d'un boucher, ce serait comme s'offrir délibérément à la fureur de ces bourreaux.

Phadransie La Noire voulut prier pour qu'un troisième choix s'offre à elle. Elle paraissait quasi persuadée que la fille de Lokhir ne la tuerait pas, autrement tous les efforts qu'elle avait déployée jusqu'à ce jour seraient réduits en poussière ; mais de toutes manières elle s'interdisait de résonner ainsi. L'idée de sa propre mort lui était insupportable, et de toutes façons son nom était bien trop grand pour qu'elle décède ainsi, et ici.

Après plusieurs semaines d'épreuves, voici à quoi en était réduite Phadransie La Noire, Terreur des Grand'Eaux, plus grand adversaire de Theoden-le-haut-traître.

Putain, ça fait trop mal ! Mon bras...

Après un léger instant de désordre et tornade mentale, la fourchette processive de Phadransie lui imposa d'autres réalités. Si elle parvenait à s'enfuir, comment ferait-elle avec cette arme ainsi fixée autour du cou ? Sans mains, elle ne pouvait se saisir de nourriture afin de subsister. Sans vêtements, elle doutait de tenir plusieurs nuits en plein-air si d'ordinaire les températures chutaient davantage. Avec le tournis incessant ayant fait de sa personne son jouet, elle ne savait même plus de quelle manière devrait-elle actionner ses jambes afin de courir. Et quand bien même elle saurait retrouver la clé de cette combinaison là, la fourchette de fer lui creuserait la poitrine dès que ses muscles entreraient en action. Et ce tableau final se retrouverait repeint en un déluge de sang.

Donc c'était terminé ?

Il me faut de l'aide. Il faut que quelqu'un me sorte d'ici..


Mais qui ?

De toutes façons, la question de passait de réponse, preuve qu'elle en était que

Après quelques instants, Phadransie La Noire souhaita simplement s'endormir. La tentation de ne plus jamais se réveiller demeurait grande, mais le bonheur et le simple fait de voguer sur les Grand'Eaux et d'exister était trop beau dans l'âme de la pirate pour qu'il s'éteigne aussi rapidement ; comme l'on aurait froidement soufflé la flamme d'une bougie de cire. Mais hélas, le sommeil était là une carte qui était passée entre les mains d'Ariel, et la Déesse ne semblait point disposer à la rendre à la mortelle. De nouveau, elle tenta de tirer sur les sangles, mais rien n'y fit. Maintenant que ce qui lui restait à désirer fut réduit à rien, Phadransie trouva la vie bien injuste avec elle. Andelzzer...Lokhir...Sa fille. Pourquoi toute sa vie durant avait-il fallu que son chemin croise celui d'Elfes Noirs. Elle ne les avait jamais cherché.

Sacha...

Elle roula de l’œil en tentant de couvrir visuellement parlant la surface dissimulée dans l'angle mort derrière sa tête. Elle avait entendu une voix, il lui semblait bien. Même lorsque ses tortionnaires se reposaient elle n'avait point d'accalmies. Et derrière elle, elle était fort-persuadée d'une présence. Une présence froide, glaciale et noire. Andelzzer. Il est là.
Bien que la fourchette autour de son cou l'empêchait de baisser davantage la tête, elle ne parvint pas à la rouler assez en arrière afin de voir l'Elfe Noir derrière elle.

« -Tu es comme un fauve que je tiens en laisse, disait-il d'une voix glaciale à l'attention d'une Phadransie de quinze Tours, si je te lâche tu feras un vrai carnage. Et un fauve a besoin d'être lâché.

Phadransie dû se mordre les lèvres jusqu'au sang afin de s'empêcher de hurler en entendant si près de son oreille la voix qui l'avait tant terrifiée dix Tours en arrière.

-Laisse s'exprimer toute cette haine en toi avant qu'elle ne te consume. Tue. Et fais toi reconnaître. C'est un ordre de ton Maître. »

Alors elle en était réduite à ça. Comme elle le fut dans le passé, aux bottes d'un fils de pute de Noir ? Jamais putain ! Plutôt m

Le désespoir seul excuse de telles fautes. Et elle n'était pas désespérée ! Elle refusait cela de toute son âme ! Mais si tu l'es. Il était hors de question de donner du « oui, Maître » ou « oui, Maîtresse » à Lokhir ou sa pute de fille. La mort valait mieux que ça ! Tu   es   sure   de   t

Phadransie La Noire implora alors qui voulut bien l'entendre et recevoir ses plaintes : qu'on lui donne quelqu'un à tuer ! Andelzzer avait raison ! Par pitié, il lui fallait du sang ! Des morts, n'importe qui ! Tuer ! Tuer l'éviterait de sombrer dans la démence, c'était le seul moyen de préserver son âme de ses abysses intérieures ! Andelzzer avait raison ! Il avait raison depuis le début ce connard !

Et    ses   putains  de  sangles     qui   ne         voulaient pas   céder !

Elle en voulut à la terre entière, une haine ressurgissante et éternelle. Jamais elle ne parviendrait à éteindre ce feu d'incendie rugissant en son sein. Elle consenti à ne pas hurler uniquement car sa vie en dépendait, cependant l'exercice se fut avéré si compliqué que quelques gouttes de sang perlaient déjà sur la fourche d'en haut. Bien sur, cette dernière ne s'était point enfoncée avec profondeur mais el

Cette fourchette aiguisées, à la manière de ce collier, lui devint odieuse.

Tu n'as plus le choix maintenant Phadransie. Écrase toi à leurs pieds, maintenant, ou saigne à mort.









« Aaaaaaaaaaaaaaah ! »

Cri muet.


Que ne fallait-il pas pr


T
u
e
r


« Phadransie...

Phadransie remarqua alors la douceur naturelle contenue dans cette voix ; il lui sembla que les larmes qui cascadaient sous son œil gauche -le droit, brûlé depuis des Tours, demeurait de toutes façons mort et incapable de contenir la moindre larme- séchèrent sur l'instant. Elle tourna la tête sur sa gauche, comme elle l'avait gardé droite depuis des heures. Et elle la vit. Ce fut des larmes de joie qu'elle rendit cette fois, car le message qu'elle apportait était celui de la Liberté. Elle songea de nouveau au petit oiseau noir. Les deux étaient liés, c'était évident. Phadransie n'avait jamais été seule sur cette Île, pas une seule fois. Car même jusqu'au fond de l'écurie d'où la salope de Lokhir l'avait enchaînée, Brecianne Léocadas avait veillé sur elle... Sous une autre forme, simplement. Liberté.

- Brec..Brecianne ?

Cette fois elle avait parlé à voix haute, mais entre ses dents seule moyen afin de ne pas mourir sur l'instant. Un sourire large vint illuminer son visage. Et l’Élue de la Reine le lui rendit comme elle s'approchait d'une Phadransie en nage attachée sur une table de torture Elfe Noire.

- Brecianne, répéta-t-elle. Je savais que tu étais en vie ! Je suis...Je suis désolée..pour tout ce que...pour tout ce que je t'ai...

D'une caresse sur la joue terriblement bienveillante, la jeune femme la fit taire. Le timbre mélodieux de sa voix n'avait d'égal que sa douceur.

- J'ai compris Phadransie. C'est passé ne t'en fais pas. Et puis, je suis toujours là.
- Anduse, ma mère est..morte ici, hein ?
- Je le crois, oui.
- Je ne veux pas mourir comme...elle, Brecianne. Aide...moi, je te jure que jamais...plus je ne te...jouerai dans le dos. Jamais je ne me..mutinerai, c'est à tes côtés que je veux..naviguer. Reprenons le Seigneur Émeraude...quittons cette Île. On peut..servir la Reine...toi et moi...sur les Grand'Eaux. Liberté, Brecanne. Liberté, répéta-t-elle entre deux sanglots.
- Un noble mot, Phadransie.
- Si tu n'avais...pas veillé sur moi, Brecianne, je serai morte depuis longtemps. Je savais qui était l'oiseau noir...Je savais que tu étais là pour moi. J'ai besoin d'être avec toi maintenant, loin d'ici.

De ce moment, elle n'eut plus qu'une pensée : quitter l'Île Noire avec Brecianne Léocadas puis se laisser tomber dans ses bras, pour y mourir s'il le fallait. Brecianne se chargerait de la venger en tuant Theoden, elle comprendrait. Pour Phadransie il n'y avait plus d'autres issus : les Noirs avaient perdus face à La Noire. Elle ne leur aurait rien cédé, et ce jusqu'à la fin...

- Sors moi d'ici...
- Je regrette Phadransie. Je ne suis pas venue pour te sauver.

Après le court silence qui recouvrit toute la pièce, Phadransie crut être trompée par une des plus cruelle farce auditive. Elle avait mal entendu, aussi répéta-t-elle, plus fort, tandis que de nouveau sous sa gorge le sang coulait.

- Je peux...marcher..Je peux te suivre. Mais il faut me détacher.
- Je viens récupérer la dette que tu devais me régler, dit simplement Brecianne avant de tourner le dos à La Noire et s'éloigner d'un pas doucement spectral.
- Brecianne a..attend.
- Une vie pour une vie, Phadransie. Nous sommes quittes.
- Brecianne. Me laisse pas. Me laisse pas ici, putain.

Elle était déjà loin, et ne s'était point retournée, même une seule fois. Phadransie eut tout le mal du monde à ne pas hurler à s'en briser net les cordes vocales.

- Brecianne...S'il te plait...
- Ma place n'est pas sur ce sol impie. Je m'en retourne auprès de ma Déesse..Auprès de ma Reine. Adieu Phadransie, puisse ton nom être oublié de tous plus rapidement que le mien.

Alors elle resta là, bouche entrouverte au minima, espérant et priant pour avoir rêvé. Mais ça n'était pas un rêve. Phadransie avait été emprise de folie, mais maintenant y voyait avec grande clarté. A la faveur d'un dernier regard sur la silhouette de Brecianne Léocadas qui quittait la pièce, Phadransie La Noire pu contenir ses larmes, silencieusement. Brecianne Léocadas l'avait trompée elle, tout comme elle avait trompé la mort ! En tant qu’Élue Divine, elle n'avait rien à envier à la fourberie que l'on peu trouver chez certains personnages quelquefois, ceci car la sienne demeurait mille fois plus. S'étant jouée de tout et tout le monde, Brecianne abandonna là La Noire qui se fit la promesse muette de la retrouver et achever ce qu'elle avait cru si bien commencé un jour. La tuer, la détruire ! Brecianne ne se cacherait pas indéfiniment ! Phadransie lui mettrait tôt ou tard le crochet dessus et ce sera avec une fierté sans nom qu'elle renverrait sa carcasse à sa Reine ! Quelle conne avait-elle été tout ce temps, de pleurer et regretter une morte qui ne l'était pas !

D'une part, Honma.
De l'autre Phadransie La Noire.

C'était très bien ainsi !

Elle n'avait plus aucune possibilités se présentant à elle, alors elle servirait les Elfes Noirs. Lokhir. Sa fille. La chienne. L'humaine qui l'assistait. Mais avant cela, elle enverrait loin à l'abri de leurs griffes son intégrité et l'essence de ce qui faisait d'elle Phadransie La Noire, Terreur des Océans.

Elle leur livrerait Honma pendant que Phadransie La Noire écumerait les Grand'Eaux, à la recherche de Brecianne Léocadas qu'elle harponnerait avec Grand'Joie, et semant la mort, la destruction et les ténèbres partout sur les mers et les terres.

Elle serait cette Honma, blessée dans son corps et son âme, mais pendant ce temps Phadransie La Noire demeurerait plus fière que jamais ! A bord du plus noire vaisseau de Ryscior, elle provoquerait des hécatombes et noierait dans le sang les péchés du monde.

Elle laisserait Honma mourir, tandis que Phadransie La Noire vivrait.
Mar 8 Déc 2015 - 15:33
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Dargor
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« J’ai terminé, annonça fièrement Teken’lil à Briza. »

Ladite Briza leva les yeux de son assiette, se désintéressant de son contenu. Honma était devant elle, dans ses loques habituelles d’esclave, avec la fourchette qui menaçait toujours sa vie. Mais plus intéressant encore était, à son bras, l’armature qui désormais l’entourait et ferait une parfaite plateforme d’atterrissage pour un plateau.

« Combien vous dois-je, Teken’lil ? »

La somme fut annoncée et payée, puis la mécanicienne s’en alla, cranant fièrement qu’elle travaillait à l’amélioration de son dragon mécanique lorsqu’elle avait du temps, et à un projet de navire capable de voyager sous l’eau. Briza l’envoya mentalement aux démons. Ce projet ne marcherait à son avis jamais. Mais d’un autre côté, elle n’aurait jamais dit qu’un dragon mécanique puisse être bâti, et il y avait un tour, elle avait pu voir la bête de Teken’lil en action. C’était une pure machine de destruction, une création absolument monstrueuse. Il n’était certainement pas aussi puissant qu’un authentique dragon, loin de là, mais il suffisait à terrifier et ravager les rangs ennemis plus aisément encore que ne le ferait une manticore.
Mais là n’était pas la question. Elle regarda Honma, qui lui jetait un regard noir, comme à son habitude. Dans un mouvement fluide, elle se leva, gardant à la main une cuisse du poulet qu’elle mangeait, mordant dedans. Elles se retrouvèrent bien vite face à face. Elle, en train de manger, et de regarder son esclave personnelle dans les yeux. Elle prit bien le temps de finir sa cuisse. Ouvrit délicatement la bouche de son esclave, en faisant bien attention de ne pas l’empaler, puis y inséra entièrement l’os. Elle la referma, puis avala elle-même sa dernière bouchée, avant de cracher au visage de son esclave. Elle sourit en faisant demi-tour pour aller terminer son repas. C’était des petites choses comme ça. Totalement insignifiantes, mais il fallait bien s’amuser de temps à autre comme on pouvait. Au moins l’espace de quelques instants.

---

Quelques semaines passèrent. Honma vécut dans son écurie, où elle était désormais seule, car les autres esclaves avaient eu droit à un logement décent. Il était question de raser l’écurie, dans la famille. Heureusement, ce projet fut abandonné. On avait autre chose à faire. Ce qui était tant mieux, Briza n’ayant pas l’intention de déménager Honma pour l’instant. Honma qu’elle délaissa pendant quelques semaines, n’ayant pas que cela à faire que de s’occuper d’elle. Puis un soir, elle vint la trouver. Elle s’était mise sur son trente et un, car ce soir était un soir tout à fait particulier.

« Ecoute-moi Honma, écoute-moi attentivement. Nous allons à une petite fête. Et tu serviras les boissons sur un plateau fixé à ton bras. Tu pourras te rebeller. Tu pourras essayer de me faire honte. Sache juste que tu seras entourée d’elfes noirs prêts à jouer avec toi. J’ai prévenu que tu pouvais être drôle si on te donnait la motivation suffisante. Alors n’hésite pas ! Tu serais une distraction supplémentaire tout à fait passionnante. »

Sur ce, elle saisit sa laisse, et se mit à la traîner dans les rues, vers la salle des fêtes.
Mar 22 Déc 2015 - 23:26
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Noire
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La fille de Lokhir avala elle-même sa dernière bouchée, avant de cracher au visage de son esclave. Elle sourit en faisant demi-tour pour aller terminer son repas. Il n'y avait pas en cette heure d'humiliation ou de rage assez grande afin de pouvoir lutter contre la fatigue qui assommait déjà Phadransie. Elle avait passé non moins de quarante heures, nuque, bassin, bras et chevilles attachés sur la table qui n'avait d'opération que le nom. Et en quarante heures, tout juste avait-elle comaté et déliré en sombrant de plus en plus profond dans le puit de la démence qui aspirait son cerveau. Nul repos, nul sommeil. Nul échappatoire, aucun. Ces heures de souffrance comme son bras droit se voyait parfait de plusieurs barres de métal avait retrempé son zèle naturel. Elle n'en pouvait plus, sur le plan physique.
La fille de Lokhir s'était de nouveau attablée, terminant son assiette. Les odeurs parvenaient à Phadransie qui éprouva à cet instant de l’appétit pour elles. Cela faisait tant de temps, tant de mois qu'elle n'avait eu à manger autre chose que de l'humiliation comestible. Néanmoins, ça n'était plus là son compte. Phadransie était trop fatiguée, son corps ne tenait plus, même son ventre n'eut point la force de quémander une miette auprès de ce carnaval de senteurs qui torturait ses narines. Elle sentait sur son visage, coulant tout du long de son sourcil et sur sa tempe, descendant sur sa joue gauche le crachat de sa tortionnaire. Pathétique et impensable pour la Phadransie qu'elle était encore il y avait deux mois de ça. Elle n'avait même plus de main pour l'essuyer. Alors Phadransie La Noire tomba à genoux, le trident acéré butant sous son menton y faisant perler quelques gouttes de sang. Elle s'allongea à même le sol et s'y trouva fort à son aise, puis cracha l'os qu'on avait mis de force dans sa bouche. Que pouvait-elle espérer de plus ? Après un dernier regard pour sa chaîne traînant au sol, ni tenue par la pute mécanicienne, ni par la fille de Lokhir ni par personne, elle commença à sombrer.
Quel serait le motif de son embarras si d'ordinaire elle était assez lucide afin d'en éprouver ? Peut être le fait que rien ni personne ne la retenait prisonnière. La fille de Lokhir mangeait sans plus se préoccuper d'elle. Personne ne la regardait. Aucun lien ne la maintenait captive nul part. Si elle le voulait, elle se serait redressée et aurait pu prendre ses jambes à son cou.
Mais elle ne tarissait point de faux espoirs d'évasion car avant de la rendre à sa « maîtresse », la pute Elfe l'avait prise entre trois yeux -ou plutôt l'esclave personnelle de la chienne qui se chargeait de répéter bêtement tout ce qu'elle disait- et lui avait expliqué le but de ce trident de fer vissé sous sa nuque. Déjà il l'empêchait de baisser la tête et d'ouvrir trop grand la bouche, en plus de tout ce que cela impliquait d'autre, mais surtout, il l'empêchait de fuir. Prendre ses jambes à son cou, ou même exécuter un mouvement trop vif afin d'attaquer la pute de fille de Lokhir déclencherait le mécanisme acoquiné à la fourche du bas qui scinderait sa chair en deux, littéralement. Cela la tuerait, d'après l'Elfe. Je désire tant fuir, pensait Phadransie d'un air presque mourant. Puis elle sombra dans une marée d'un noir d'encre tant son cerveau épuisé coupait court à toute forme de pensées. En levant les yeux vers la fille de Lokhir, tout-occupée qu'elle était à vider son assiette, Phadransie aperçut à sa place une bien vieille connaissance. Le Capitaine du Grand Val Andelzzer tourna lentement les yeux vers elle, au sol, avec un masque d'indifférence sur le visage qui aurait fait pâlir n'importe qui. Les contours de sa vision, puis Andelzzer lui même se floutèrent, et enfin elle fut délivrée. Phadransie La Noire s'endormit.
De cauchemars en cauchemars ses dénouements sanglants, malgré sa connaissance de ce qu'il allait advenir et advenait toujours, l'enfiévraient de terreur. Elle chutait, condamnée par la Reine des Mers en personne, se noyait, finissait dévorée par Brecianne. Il y avait bien sûr des variantes, mais point au cours de celui-ci qui sembla avoir estimé son emprise sur Noire suffisamment grande sans.
C'est un coup de botte en plein visage qui la réveilla à l'instant où Brecianne Léocadas emportait entre ses dents ce qui devait constituer bien la moitié en termes de chairs de sa nuque. Elle émergea volontiers et bien rapidement, préférant tout à cet éternel châtiment divin. La pute la pourfendait du regard comme elle se tenait debout et Phadransie couchée à ses pieds. Elle avait la chaîne dans sa main, semblait prête à quitter la salle dans laquelle elle avait mangé. Encore une fois, son pied vint percuter la mâchoire de Phadransie, mais bien plus fort cette fois. Sa tête bascula en arrière comme si elle eût été une poupée de chiffon, et buta contre les dalles au sol. Le talon avait dû entrer en contact avec les gencives, toujours était-il qu'elle avait l'impression qu'une flaque de sang venait de naître dans sa bouche. Sans un mot, la pute exécuta un demi-tour aussi froid qu'on puisse en faire, et tira derrière elle son esclave. Esclave qui entreprit de se mettre rapidement sur ses pieds nus, bien que tremblants, et de la suivre. En dépit de son étourdissement et de sa rage elle n'oubliait pas : si elle résistait, le trident mettrait fin à ses jours.




~


La nuit tombait lorsqu'elle l'enchaîna de nouveau à l'écurie. Pourquoi l'enchaîner alors que tous savaient que l'engin infernal emprisonné autour de son cou l'empêchait de fuir ? Réponse simple. Libre de ses mouvements, Phadransie aurait aisément pu s'abriter des vents et de la pluie qui risquaient de souffler et de tomber ; or, enchaînée à cet endroit précis exactement, cela lui était devenu impossible. Au dessus d'elle, l'habituel orifice dans le toit. Elle veut t'humilier Phadransie, rien de plus.
La pute, paraissant apaisée par le copieux repas qu'elle venait d'abattre, se saisit avec une rapidité déconcertante de la chevelure de son esclave. L'obligeant à s'agenouiller, elle semblait détailler visuellement l'oeuvre de l'autre Elfe Noire fixé autour du cou et du bras de l'ancienne pirate. Incapable d'échapper à cette étreinte, interdite de se débattre, Phadransie La Noire dû se plier à cette inspection visuelle qui dura plusieurs minutes. Mais sa colère demeurait si importante et sa fierté n'était point morte. Entre ses dents, Phadransie parvint à siffler à l'attention de la pute :

« Lâche-moi.

Un silence s'immisça tandis que le regard de l'Elfe passait de l'armature de fer au sien.

- Tu as dis quoi ? demanda-t-elle à son esclave d'un air sinistre qui la faisait paraître terriblement noire.

Phadransie parvint à lui faire comprendre le fin fond de sa pensée en un regard.

- Lâche-moi, répéta-t-elle plus fort tandis que la poigne se resserrait sur ses cheveux.
- Mmmh. »

Criblée de coups de pied dans le ventre et les côtes, elle se retrouva bien vite en état de regretter sa prise de parole. L'un des pieds de l'Elfe appuyait sur ses cheveux tandis qu'elle se retrouvait à cracher ses poumons, à plat dos sur le sol crasseux de l'écurie. Cela l'empêcha de s'empaler sur la fourche suite à la violence des coups et aux convulsions du corps. Crève. Crève. Crève. Crève. L'Elfe releva enfin le pied qui la maintenait au sol et Phadransie put envisager de se redresser lorsque le monde autour d'elle eût cessé de faire la toupie. D'abord sur les coudes, puis elle tenta de se mettre en position assise. Sa tentative fut coupée courte par la pute qui levait de nouveau son pied, comme prête à le lui décocher en pleine face une énième fois. Avisée, Phadransie s'abaissa de nouveau. Putain sans cette fourche je l'aurai déjà tuée. Tuer. La fille de Lokhir essuya sur son visage ses bottes quelque peu boueuses, puis prit congé sans un mot.
Seule, Phadransie ne put même pas s'essuyer à cause de l'armature de fer fixée autour de son bras et qui l'en empêchait. Tremblante de rage, de douleur et de tristesse, elle se noya en pleurs, et ce fut ainsi presque toute la mi-nuit.



~



Elle parvint à s'endormir à l'aube. Se réveilla en nage trois heures plus tard. Le soleil était déjà haut dans le ciel et faisait de l'écurie un four ardent. Au-dessus de sa tête, aux creux des charpentes de la toiture, Liberté n'était plus. Elle ne réapparut ni le lendemain, ni le surlendemain ni les jours suivants. Phadransie fut destinée à ne plus jamais revoir le petit oiseau noir.



~



A la fin du jour, Phadransie pensait bien que le sacrifice de Honma était nécessaire afin que vive La Noire, et elle parvint à cesser ses pleurs. Elle avait en phobie l'écurie dans laquelle on la contraignait à survivre sans qu'il ne lui était possible d'y faire quoi que ce soit. Les autres esclaves avaient été déplacés. Elle était de nouveau plus seule que jamais. En outre, du fait que les esclaves de la maison eurent été déplacés, on ne se préoccupait guère de l'écurie. Laissée à l'abandon, la paille n'était point changée et les bêtes et vermines y pullulaient, attirées par les restes de déjections des esclaves. Un trou à merde dans tous les sens du terme. Il fallait bien que Honma endure ça afin que Phadransie La Noire puisse jouir pleinement de la liberté que les Grand'Eaux lui procuraient, non ? La vie était une question d'équilibre. Un bien pour un mal. Un mal pour un bien. Les mouches noires, bruyantes et grosses la torturaient de nouveau. Elles la piquait sans relâche, s'accrochaient à son armature de fer, s'introduisaient sous ses vêtements, venaient sucer jusque le sang séché qui imprégnait son corps et ses habits. Plus d'une fois, Phadransie se dit qu'elle avait dû mourir sans s'en rendre compte, et se réveiller en plein dans les feux des enfers. En plus de scorpions, araignées, scolopendres et autres insectes, de petits rongeurs se faufilaient sous la paille lorsque tomba la nuit. Phadransie entendait les fétus qui jaillissaient dans les airs, comme animés d'une volonté propre, et le crissement des griffes de rats pressés sur le sol. Des tiques noires et rouges mangeaient le bois comme elles l'auraient fait avec de la chair et le sang, et Phadransie en aperçut tant amassées autour de la même planche qu'elles formaient une boule grouillante de parasites frémissants. Plusieurs fois elle eut sa chair piquée ou bien rongée par un large panel de ces saloperies. Des puces sauteuses aussi grosse qu'un ongle aimaient à faire concurrence à ce qui demeurait le plus redoutable pour Phadransie : les mouches. Bientôt, le ciel se chargea d'électricité et les nuages d'eau : il plût.
Ne pouvant s'abriter, Phadransie La Noire courba l'échine, très vite bloquée par sa fourche, et endura le supplice. Au petit matin, elle était aussi trempée qu'on pouvait l'être et se demanda avec un détachement qui la surprit elle-même combien de temps son corps tiendrait ainsi. Elle maudit le climat de l'Île Noire. Cependant la cacophonie du tonnerre semblait néanmoins née pour hurler à l'unisson sa complainte avec le cœur de La Noire. L'humidité et le froid chassa le peu de toute-raison qu'il restait à Phadransie. Cette fois, elle semblait difficilement capable de demeurait à la hauteur de son nom, même avec le beau temps. Adossée au mur de l'écurie, au sein d'une véritable tornade de mouches noires, Phadransie ne tentait même plus de les chasser, tout juste agitait-elle son bras devant ses yeux de temps en temps, lorsqu'il en venait tant sur son visage qu'on y voyait presque plus la chair. En fait ça n'était même plus Phadransie. L'oeil révulsé en arrière, d'un calme presque inquiétant, Honma se délectait de ce magnifique tableau qu'elle pouvait encore contempler du fond de son abîme : il mettait en scène haut-en-couleurs une femme qu'elle connaissait bien, debout et fière derrière le gouvernail d'un navire gigantesque. Un miroir et deux femmes debout de chacun des côtés. Honma et Phadransie. Honma regardait et admirait Phadransie comme si elle eût été une œuvre d'art. Peut être l'était-elle ? Après tous ces Tours, elle aurait enfin compris le sens véritable de ces mots. Le monde du côté de Honma était morne, la peinture baveuse et grise. Du côté de Phadransie, il était sous le règne du plus majestueux des Noirs. C'est ainsi, le regard perdu dans le vide, fixant ce miroir invisible et cette femme qui n'existait pas, que Honma passa la journée dans l'écurie.



~


Phadransie se savait plus tendre à cause de cette fourche qui l'empêchait réellement d'être Phadransie. Elle avait entendu dire une fois qu'un homme désordonné qui va mourir et ne s'en doute pas met soudain de l'ordre autour de lui. Si l'on prenait le cas de Honma, cette déclaration était entièrement faussée. Honma n'avait plus rien pour elle, elle se savait condamnée sur cette Île, le trident de fer passé autour de sa nuque empêchant toute riposte, et étrangement se contentait d'attendre -et subir- les jours à venir et leurs lots quotidiens d'humiliation avec fatalité. La fille de Lokhir l'avait abandonnée à l'écurie, et seuls les Dieux savaient quand elle se déciderait à revenir la chercher. Honma était une moins que rien. Alors elle attendait, impuissante et épuisée, le sommeil loin d'elle.
Ainsi, Phadransie La Noire avait échappé aux influences de toutes idées, la haine qui auparavant la dévorait de l'intérieur s'était grandement tarie et la Honma comatant en elle survivait chaque jour sans rien attendre du suivant. Un beau jour, deux Elfes s'approchèrent de l'écurie. Une femme et un homme qui demeuraient, semblait-il, en grande discussion quant à ce qu'ils allaient faire de cette masure. La femme adoptait un visage sévère aux traits qui accentuaient son aspect rude et fermé. Sa peau était mate et ses cheveux blancs.

«  Qu'est-ce que cela ? S'était-elle demandé un désignant d'un geste du visage Phadransie enchaînée au milieu de l'écurie, aussi immobile qu'un cadavre puisse l'être.
- Il s'agit de l'esclave personnelle de votre fille, celle de Maîtresse Briza, avait répondu le second Elfe.
- Et combien de temps est-ce là ?
- Ho, bien trois jours il me semble.

Après un silence et un dernier coup d’œil peu intéressé, l'Elfe avait lâché froidement un :

- Si Briza la laisse ici trop longtemps, ça va finir par mourir.

Ils avaient ensuite tourné les talons. Phadransie se surprit elle-même de son peu d'intérêt et de rage pour ce discours tout sauf fervent. Et aussi difficile qu ça l'était pour elle de l'admettre, elle se languissait le retour de la pute, cette « Briza ».



~


Il eut lieu trois semaines plus tard. Cela faisait à présent deux mois tout rond que Phadransie La Noire était tenue en captivité sur l'Île Noire, et près de sept mois qu'elle avait quitté les geôles d'Asarith Lune-Pâle en Oro. On la nourrissait désormais d'un brouet peu ragôtant et elle devait s'en accomoder si elle désirait survivre. Chaque repas était pour elle une épreuve tant elle avait du mal à vider sa gammelle, sans l'aide de mains et sans pouvoir ouvrir la bouche. Elle y parvenait généralement en usant de petites lampées et à coups de langue, alors que le temps qu'il lui aurait fallu en temps normal afin de tout boire se voyait multiplié par cinq ou dix. Durant ces trois semaines, il y eut des changements qui purent être observés. Les images dans sa tête demeuraient de plus en plus flous. Elle se souvenait bien sûr de certains visages, ceux de Théoden et d'Everhell qu'elle se pensait incapable d'oublier avant de les avoir retrouvés et châtiés, mais d'autres, comme celles du Capitaine Korlanos, ou même la vision banale qu'offraient les Grand'Eaux sur l'horizon lorsqu'on les sillonnait à la proue d'un navire tel que le Galion Déité ou le Seigneur Émeraude, se floutaient sans qu'elle puisse faire quoi que ce soit pour les en empêcher. Elle aurait tant souhaiter retrouver la mer, même une dernière fois.
La pute s'était accroupie afin de dénouer la chaîne passée autour du collier de Phadransie.

« Ecoute-moi Honma, écoute-moi attentivement. Nous allons à une petite fête. Et tu serviras les boissons sur un plateau fixé à ton bras. Tu pourras te rebeller. Tu pourras essayer de me faire honte. Sache juste que tu seras entourée d’elfes noirs prêts à jouer avec toi. J’ai prévenu que tu pouvais être drôle si on te donnait la motivation suffisante. Alors n’hésite pas ! Tu serais une distraction supplémentaire tout à fait passionnante. »

Phadransie ne dit rien. Elle suivit la pute docilement. Le trident de fer faisant pression sous son menton la commandait.



~



La pute la guida plus qu'elle ne la traîna jusqu'à l'intérieur d'un coche tracté par deux chevaux noirs munis d’œillères en cuir. Phadransie ne se fit point prier pour y monter. Bien sûr, d'une traction sévère combinée à sa chaîne, l'Elfe Noire imposa vigoureusement à l'Humaine de tenir sa place, c'est-à-dire à ses pieds, même à l'intérieur du coche. Phadransie ne pouvait s'y rebeller ni attaquer la pute, elle s'assit donc et attendit tout le temps que dura le trajet. Après avoir passé autant de temps dans l'enfer d'immondices qu'était l'écurie, même prostrée aux pieds de cette Elfe qu'elle désirait tuer elle se trouvait bien. Chaque nouvelle odeur, chaque contact qu'offrait le cuir des sièges ou même du sol contre sa peau lui semblait être une délivrance. Tu n'es plus Phadransie, ne perds pas ça de vue. Phadransie ne serai jamais contrainte de s'abaisser ainsi aux pieds d'une Elfe Noire. Tu es Honma. Phadransie est loin, et libre.
Ils ne tardèrent point à arriver, au bout de près d'une heure de route. La pute descendit de son coche, tira sur la laisse afin d'imposer à Phadransie sa volonté, à savoir faire de même. Elle qui était passée directement de sa cage aux murs de l'habitation de la famille de Lokhir découvrait enfin un tout autre aspect de l'Île Noire. On l'amena jusqu'à une très grande pièce qui devait être une salle de réception. Phadransie frémit malgré elle en les voyant. Ils étaient des centaines, festoyant, discutant, buvant. Sans le vouloir, elle envoya à l'Elfe qui tenait fermement sa laisse un regard de détresse. Elle sentait son souffle se rétracter dans sa trachée, les poils de sa nuque se hérisser tous seuls. Tant d'Elfes. Un endroit si petit. Puis elle repéra non loin, près d'une grande table sur laquelle des centaines de verres à pieds remplis trônaient, des esclaves humains. Vêtus pour la plupart de guenilles, ils n'étaient point chaussés et grand nombre avaient le crane rasés. Phadransie sut lire en eux le même vide qui se profilait dans les pupilles des esclaves de Lokhir. Leur corps portaient les stigmates de nombreuses cicatrices de toutes natures, l'un d'entre eux avait même une série de six anneaux de fer enfoncés dans sa chair, au niveau de sa colonne vertébrale à écart régulier : Phadransie se demanda à quoi cette horreur pouvait bien servir. La traction exercée par l'Elfe sur la laisse tira soudainement La Noire de son inspection : on l'amenait vers les autres humains. On lui avait dit ce qu'on attendait d'elle, Phadransie le savait.

- Bouge, tonna la putain de fille de Lokhir en tirant un coup sec sur sa laisse ce qui l'étrangla avec douleur.

Elle tapa son bras désormais entouré d'une armature de fer. Déjà, les autres esclaves humains, yeux baissés devant l'Elfe Noire, avaient garni de verres pleins un plateau d'argent, et le posaient sur le tout nouveau bras de Phadransie. La concrétisation de près de deux jours de supplice, allongée sur cette table d'opération... Apporter à des fils de pute d'Elfes Noirs leur rafraîchissement. La fille de Lokhir pointa du doigt une table, située à quelques pieds seulement d'elles deux. Jusqu'à présent personne n'avait prit ne serait-ce le temps de dévisager cette nouvelle esclave qui suivait Briza l'air abattu mais néanmoins empli d'une toute-autre force. Phadransie se trouvait prise face à un dilemme. Obéir et servir ces enculés d'Elfes. Ou désobéir, ne rien faire. Et s'attirer la colère et les coups, en plus de ceux de la fille de Lokhir, de tous les bâtards présents dans cette salle ? Après une hésitation, elle se dirigea vers ladite table, tête haute. A plusieurs pas derrière elle, la laisse toujours en main, la fille de Lokhir observait, l'air particulièrement amusée...ou bien mesquin.
Les Elfes ne regardaient jamais leurs esclaves, et ces derniers baissaient tout le temps les yeux lorsqu'ils les approchaient. Pourquoi, songeait la pirate, puisque les Elfes ne prennent pas la peine de les dévisager ? Elle n'eut point de réponse logique à son questionnement précipité. Le sol demeurait glacial sous ses pieds lorsqu'elle stoppa sa marche, droite comme un soldat au garde à vous, plateau à bout de son bras retravaillé. Elle ne dit rien, et dans la seconde se retrouva projetée au sol suite à une gifle magistrale qui manqua de lui décoller le crane de la nuque tant il partait en arrière. Elle chuta avec pitié et la totalité des verres se renversèrent. La plupart même sur elle. L'Elfe qui l'avait giflé se leva, fier dans sa robe noire flottante. Ses cheveux étaient longs et bruns, et son regard à même de transpercer n'importe quelle armure paraissait-il. Une armure, Phadransie en cet instant n'en portait pas.

- Je m'en vais t'apprendre à regarder tes supérieurs dans les yeux, sale pourriture d'humaine ! Cria-t-il, sans doute bien fort afin que tous le voient et l'entendent.

Phadransie baisse le regard. Le plateau lui, n'était pas tombé de son bras. Il fallait dire que l'armature de fer demeurait fort efficace et bien conçue ! Et deux verres, bien que renversés, étaient encore sur le plateau. Elfes de merde. Phadransie se releva, toujours les yeux baissés. Elle avait la pleine-conscience de cette fourchette de métal entravant comme un carcan sa liberté de mouvement mais...
Elle cracha sur le plateau, sur l'un des deux verres. Ho, cette glaire ci n'avait rien à envier aux toutes-autres de son autre-vie, mais cela suffisait et l'avait ainsi évité de devoir ouvrir trop la bouche. Puis, elle releva les yeux. Un regard plus noir que les abysses d'Ariel vint à l'encontre de celui de l'Elfe. Tu veux jouer à ça enculé. Phadransie, sans pour autant bondir où user d'un trop grand effort physique, envoya à la tête de son ennemi le plateau souillé. Les verres chutèrent et vinrent se briser à ses pieds bottés. Sa robe noire se trouva imbibée d'alcool. Et mieux encore, alors que tous les regards demeuraient fixés sur eux deux, le plateau vint percuter la face de ce fils de pute sur l'un de ces angles. L'Elfe recula, surpris par le geste et l'ambition folle de cette esclave qui restait à dresser.

- Va te faire mettre, sous race de merde.

La fourche l'avait empêchée de crier. Mais peu lui importait ! Tous les convives avaient clairement entendus ou lus sur ses lèvres ce qu'elle venait de dire, œil dans les yeux, à cet Elfe Noir là. Phadransie n'eut même pas besoin de se forcer pour sourire, et dû étouffer un rire nerveux qui élargissait avec perfidie davantage son rictus.
Lun 28 Déc 2015 - 4:01
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
Dargor
« C’est moi qui ait été, de nous tous, insulté, dit Vmurr, l’elfe noir qui venait de gifler Honma. Je réclame le droit de me charger de la sanction moi-même. Est-ce que quelqu’un sera prêt à s’avancer pour me l’arracher ? »

L’intégralité de la salle ignorait désormais Honma. Elle pouvait dire toutes les insultes qu’elle voulait, le but était désormais de savoir qui aurait le droit de passer en premier, et sans doute en dernier, ce petit exercice de torture improvisée. Et à vrai dire, tous les elfes noirs de la salle étaient volontaires. Les esclaves humains autres qu’Honma elle-même qui peuplaient la salle avaient, aussitôt que l’insulte « sous-race » avait été prononcée, pris le soin de sortir de la salle pour partir dans les cuisines, où les attendaient d’autres esclaves dirigés par un chef cuisinier elfe noir. Quand Briza tourna la tête vers cette dernière, la porte en était ouverte, et dans l’encadrement, le cuisinier lui-même ne perdait pas une miette du spectacle. Briza eut un sourire amusé en détournant la tête. Qu’il soit du commun ou noble, un elfe noir restait toujours un elfe noir. Les esclaves, dans son dos, auraient pu saisir un couteau de cuisine et le lui enfoncer entre les omoplates. Mais tous savaient qu’ils n’en feraient rien. On ne laissait l’accès à des armes potentielles qu’aux esclaves qui avaient eu toute volonté brisée. Pas Honma par conséquent.

« Moi je m’avance, dit une autre voix d’elfe. Meolv. Elle nous a tous insultés, après tout, le terme de sous-race ne désigne-t-il pas l’ensemble des elfes noirs ? »

Des rires étouffés se firent entendre dans la salle. Bien sûr que tous avaient été insultés ! Mais aucun ne devrait prendre pour lui ces insultes, du moins aucun autre que Vmurr. C’était là, à leurs yeux, que se jouait le clou du spectacle. La confrontation entre un elfe noir et d’autres. Car il ne faisait aucun doute que Meolv ne serait que le premier à franchir le pas qui permettait de revendiquer l’acte le droit de s’amuser un peu. Et en effet, aussitôt après qu’il eut fini de parler, ce fut Isriune qui s’avança.

« Je ne crois pas Meolv, dit-elle de sa voix chantante. Tu n’as jamais sû faire de mal ne serait-ce qu’à une mouche. Et toi, Vmurr, tu n’es qu’une brute qui ne sait que frapper. Laissez-moi me charger du cas de celle-là. »

La tension monta d’un cran. Des attaques personnelles avaient été prononcées. Briza sourit. C’était beau cela. La mauvaise foi commençait à faire son apparition. Bien sûr que Meolv savait faire du mal. Bien sûr que Vmurr savait faire autre chose que frapper. Et Isriune savait pertinemment cela. Mais il fallait bien commencer le débat par quelque part. Tranquillement, le reste de l’assemblée alla se trouver des sièges, ou s’appuyez contre un mur pour ceux et celles qui furent trop lents pour s’asseoir, ne laissant que les trois elfes noirs et l’humaine au centre de la salle. Briza sourit. C’était plus beau encore que ce qu’elle s’était imaginé en embarquant Honma ici.

« Tu as eu une riche idée, lui confirmé Sulma, un rival de la chasse qui était d’ordinaire avare de compliments. Cette esclave est aussi amusante que tu l’avais prédit, et venant de toi, c’est quelque chose de très rare. »

Le temps de lui faire ravaler son insulte viendrait après. Dans ce genre de soirées, de tels propos étaient monnaie courante. Il ne fallait pas croire que les elfes noirs n’en tenaient pas rigueur pour autant. Mais on se contentait simplement de les ranger dans la case des souvenirs qui se feraient payer, lorsque le temps serait venu. Les elfes noirs étaient prompts à la colère, mais c’était une colère froide qu’ils apprenaient à maitriser. Et ils ne pardonnaient jamais. Peu importe la nature de l’offense, celle-ci serait payée un jour. Telle était leur mentalité. Et justement, en parlant d’offense, il fallait faire payer celle d’Honma. Le trio n’en avait pas encore fini de discuter de qui aurait le droit de la toucher en premier. Ils en étaient à…

« Et si l’un d’entre vous sortir régler ça à la brochette, disait justement Isriune, ça peut aussi s’envisager. »

C’était monté très haut en quelques secondes, les propositions de duel se faisaient déjà.

« On va pas se battre à mort pour une humaine, quand même, protesta Vmurr.
-On pourrait, dit Meolv. Mais là il faudrait la tuer, parce que par sa faute, deux elfes noirs seraient morts.
-Il faudrait donc la tuer deux fois, susurra Isriune. Je propose une mort particulièrement lente et douloureuse dans cette situation.
-Non mais faut arrêter un instant là, dit Vmurr. On se pose, on considère la situation, concrètement c’est une vermine humaine qui a parlé plus haut qu’elle le devrait, on avait été prévenus qu’elle le ferait, ça faisait partie des potentielles distractions de la soirée. On va pas en faire une thématique de combat à mort quand même, ce serait totalement stupide.
-J’ai connu des combats à mort ayant des raisons des plus étranges, dit Meolv. Je crois me souvenir d’un combat qui avait commencé sur une histoire de trou dans le mur qui séparait le jardin d’une famille de celui d’une autre. »

Cette histoire-là n’avait rien d’original, tout le monde la connaissait. C’était celle qui avait abouti à la création des parodies de tribunaux qui se tenaient dans les cités elfes noirs. Elle datait d’environ quatre millénaires. Il se trouvait que deux familles ordinaires vivaient dans deux maisons voisines, uniquement séparées par un mur au milieu du jardin. Il y avait un trou dans ce mur, par lequel le fils d’une famille et la fille de l’autre, alors en bas âge, avaient pu faire connaissance et tisser des liens d’amitié. Lorsque les mères s’en étaient aperçues, elles avaient aussitôt séparés leurs enfants, et s’étaient accusées mutuellement de tentative de corruption. La querelle des mères était par la suite devenue la querelle des pères, puis la querelle de toute la famille, même éloignée, et même la querelle des esclaves. Tout cela s’était conclu vingt tours plus tard par un duel à mort entre les enfants fautifs. A partir de là, les versions de l’histoire variaient, notamment sur l’identité du vainqueur du duel.

« Tout le monde connait cette histoire, imbécile, fit justement remarquer Isriune.
-Ca me fait mal de l’admettre, mais elle a raison pour une fois, dit Vmurr. Tu peux pas prétendre être pris au sérieux quand t’invoque des vieilles histoires qu’on raconte aux enfants pour les convaincre de ne pas aller jouer avec leurs voisins.
-Avec l’efficacité qu’on connait à cet argument, pouffa Isriune, tandis que Meolv s’en allait, admettant sa défaite et préférant se draper dans sa dignité plutôt que de faire rire plus encore l’intégralité de la salle. »

Ils n’étaient donc plus que deux à se disputer le droit de soumettre Honma à une souffrance dont ils décideraient eux-mêmes l’ampleur. Les autres elfes noirs avaient repris le cours de leurs conversations, et avaient juste créé une zone de tranquillité pour eux, le temps qu’ils règlent leur affaire. Briza appréciait ce genre de soirées, faites pour discuter, rien de plus. Les enfants de toutes les familles nobles de la ville étaient présents, du moins ceux en âge d’être corsaires ou chasseurs. Autrement dit, chaque elfe présent ici était un tueur et un politicien à la fois. Tous partageaient un objectif commun, celui de monter la hiérarchie et se hisser jusqu’à la salle du trône noir, voire sur le trône noir lui-même, le cas échéant.
On avait donc autre chose à faire que de soucier d’une dispute pour une simple humaine plus longtemps que cela. Mais tous gardaient tout de même un œil sur la prise de bec. Après tout, cela deviendrait très vite amusant. Ce fut d’ailleurs finalement Isriune qui se replia en première. Briza pouffa intérieurement de rire. Elle avait toujours trouvé que les noms en une syllabe rendaient leurs porteurs ridicules. Alors qu’Honma se fasse torturer en cet instant par quelqu’un qu’elle jugeait ridicule, c’était beau.

Il ne mit pas longtemps à choisir. Il y avait une cheminée dans la salle, dans laquelle brûlait un grand feu. Il le fit étouffer, afin de ne pas se blesser, mais s’assura que les braises étaient encore bien chaudes pour réaliser son idée. Briza vint l’aider à retirer la fourchette du cou d’Honma. Tous voulaient l’entendre avec ce qui allait se passer. Puis, Vmurr appuya sur sa tête, enfonçant toute sa partie droite dans les braises brûlantes de la cheminée. De la fumée s’en éleva, tandis qu’une odeur de viande carbonisée commença peu à peu à se répandre dans la salle.
Lun 28 Déc 2015 - 9:54
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Noire
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Si la congrégation d'Elfes Noirs présents ne désiraient rien de moins que des hurlements de douleur ; ils furent servis.
L'instant sembla durer une éternité, amenant à chaque seconde Phadransie un peu plus aux bordures de la folie. La minute précédent cette torture, la pute de fille de Lokhir avait prit grand'soin de retirer de son cou la fourche de fer : afin de tous puissent mieux l'entendre hurler. Ce qui n'avait point manqué. Telle était la pensée commune de l'assemblée Elfes Noirs en libérant ainsi l'esclave humaine qui venait de jeter au visage de l'un des leur l'insulte de « sous-race ».
Le visage ainsi appuyé sur les braises fumantes, comme la chair fondait et qu'elle se déchirait la gorge à hurler, Phadransie fut frappée par l'extrême force dont son bourreau faisait montre pour la soumettre à son supplice. La main fermement resserrée sur l'épaisse chevelure de La Noire, l'Elfe se gardait bien d'éloigner-là le visage de l'esclave de la cheminée. Les convulsions qui avaient prises d'assaut le corps de Noire paraissaient aller de concert avec le choeur des hurlements qui la secouaient. Elle se débattait de toutes ses forces, vierge de tout raisonnement, de toutes pensées, seules les pulsions primant sur le reste. Eloigner la douleur. Eloigner son visage fondant de ces feux. Mais son bourreau avait la poigne ferme et le délice aux lèvres. Le feu sous elle, la main et toute la force de l'Elfe Noir faisant pression dessus, elle demeurait prostrée là, le visage en feu, le feu au visage. Et quels cris, déchirants jusqu'aux murs, à l'âme de ceux qui les entendaient. Des hurlements d'agonie qui en auraient fait s'évanouir bien plus d'un. Ou, dans le cas d'Elfes Noirs comme c'était présentement le cas, sourire.
Enfin, après une éternité, sous les ricanements et l'obscène délectation des Noirs, la dénommée Honma fut écartée de ce supplice et jetée au loin telle une poupé de chiffon désarticulée ; elle tomba au sol. Les cris avaient cessés.


~



Si l'on n'eût pas vu l'état actuel de l'esclave châtiée, on l'eût cherchée dans toute la salle de réception, même si personne ne l'aurait ouvertement avoué. Briza ne fit point exception à cette règle-là.
Phadransie avait cessé de hurler, le supplice avait prit fin, l'esclave avait été punie. Et elle s'était tue. Briza s'était approchée de son esclave, elle était immobile sur le dos, au sol, le corps secoué de spasmes incontrôlés, l'oeil révulsé en arrière, comme déjà aux portes de l'empire de Canërgen. Une partie de sa chevelure étaient partis en fumée et fumait encore. Elle était néanmoins toujours consciente, comme si la faveur d'un repos ne lui était même pas accordé par les dieux. Du bout de sa botte elle heurta le visage de l'esclave au sol. De là où elle se trouvait, la fille de Lokhir ne pouvait apercevoir la partie ravagée du visage de "Honma". Et elle voulait l'apercevoir, contempler l'oeuvre. Lorsque la botte heurta le visage de Phadransie, ce dernier bascula sur le côté en un remous de salive bouillonant qui tâcha le sol. Et Briza pu contempler.
Des cloques épaisses fumaient encore, par centaines, sur la partie ravagée par le feu. Les cloques gonflaient puis se crevaient d'elles-même auréolées d'une odeur de chair vive consumée dans les flammes. Les brûlures étaient plus que sérieuses : irrémédiables et définitives. La peau avait fondue, sur plusieurs centimètres du visage. L'oreille était ravagée, il n'en demeurait que quelques pièces de chairs méconnaissables. Une petite partie de la chevelure n'avaient point su résister aux flammes, le crane avait été touché sur environ un sixième de son étendue. L'oeil, la pupille, et les quelques centimètres de chair autour, qui déjà avait subi par le passé l'insoutenable morsure du feu, laissant en l'état de souvenir la cornée, le derme et l'épiderme. La paupière avait fondue, tout autour de l'oeil les muscles saillaient à vifs. A ce qu'on disait, une brûlure demeurait deux fois plus douloureuse sur une zone déjà brûlée auparavant. Et aux hurlements de Phadransie, cette affirmation semblait fondée. La joue, une moitié de front et de lèvres avaient également été touchés. Par endroit, l'on ne voyait plus que les muscles et les cloques, gigantesques, monstrueuses, encore fumantes. Phadransie La Noire était défigurée à tout jamais. Elle hurlait toujours, mais comme elle n'avait plus assez de forces pour le faire, ses cris étaient changés en gémissements atroces auxquels il fallait prêter oreille afin de les entendre tant ils demeuraient faibles. Son corps était secoué de spasmes, du côté de son visage toujours valide, son œil pleurait à chaudes larmes. La bouche ouverte, à demi brûlée, les lèvres sur tout un côté crevées par le feu mordant, le corps de Noire tentait avec pitié de se saisir de l'air dont ses poumons avaient besoin afin de la maintenir en vie. Briza aurait bien pu sourire. Phadransie n'était plus rien.
Jeu 14 Jan 2016 - 15:26
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
Dargor
« Je suis extrêmement contente de cette soirée, Honma, dit Briza dans le coche qui les ramenait à la maison. »

Son esclave avait péniblement repris conscience, mais n’était de façon évidente qu’à moitié là. Du moins était-elle assez présente pour comprendre ce qu’on disait autour d’elle. Mais sans doute pas plus. Ou peut-être que si, mais pas beaucoup plus en tout cas.

« J’insiste, ajouta l’elfe, amusée par la situation. J’ai pu mener mes manœuvres politiques comme je l’entendais, sans que personne ne me gêne. Je n’ai pas pu empêcher mes ennemis d’en faire eux aussi, mais je pense que rien de ce qu’ils ont fait n’avait d’importance. Vois-tu, ici, tout le monde joue à la politique. Pas comme chez les humains, où le sang désigne votre roi, qui dirige comme il l’entend.
« Où en étais-je ? Ah oui. La nourriture était plus que correcte, les boissons étaient bonnes, les elfes étaient parfaits… Même l’animation fut à la hauteur, conclut-elle en riant. »

Elle continua cependant à s’amuser à égrainer le pourquoi du comment qui avait déclenché le caractère exceptionnel de cette soirée, qui ne l’était pourtant pas tant que ça, sans jamais évoquer directement le moment où le visage d’Honma avait fini dans le feu.

« Tu t’es très bien conduite, dit-elle finalement. Tu as fait exactement ce que l’on attendait de toi, du début à la fin de la soirée. Je devrais te récompenser pour tant de loyauté et d’attachement à nous créer des distractions, il nous arrive parfois de nous ennuyer au cours de ces réunions mondaines, vois-tu… »

Elle s’apprêtait à ajouter quelque chose quand le coche s’arrêta. Elle était de retour à la maison, apparemment.

« Bien, Honma, dit-elle en la laissant se trainer piteusement derrière elle, je sais que tu aimerais beaucoup retourner dans ton écurie, qui après tout est plus ou moins devenue ta chambre personnelle à présent, mais il y a un projet de la raser, et je m’en voudrais de perdre stupidement une esclave de ta qualité dans la destruction d’un bâtiment. Ne penses-tu pas qu’il serait stupide de perdre ainsi la vie ? Je vais t’amener parmi les autres esclaves. J’aimerais qu’ils s’assurent que les petites blessures que tu t’es malencontreusement faites au visage durant la soirée ne s’aggravent pas. Appelle cela de l’excès de prudence si tu le veux, mais on voit tellement de choses ces derniers temps, je m’en voudrais que tu meures parce que nous nous sommes toutes deux amusées… Surtout moi, grâce à toi. »

C’est après avoir effectivement fait jeter Honma dans un coin de la nouvelle salle des esclaves par le maître des bêtes, qui ne prit même pas la peine de l’enchainer, mais accepta son ordre de lui remettre la fourche, qu’elle se dirigea lentement vers sa chambre. La soirée avait en effet été exceptionnelle.
Ven 22 Jan 2016 - 14:56
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Noire
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Phadransie se vit s'écraser dos contre le sol. Son détachement n'avait désormais plus de bornes. L'ambition était morte en son cœur ; mais aucune autre passion n'en était sortie de ses cendres. Elle souffrait atrocement ; encore. Les autres esclaves n'étaient pas encore présents ; elle était seule. L'endroit n'avait rien à envier à l'écurie à l'intérieur de laquelle elle avait été contrainte de passer d'interminables journées et nuits mais Phadransie demeurait trop réduite et trop en douleur afin de s’accommoder de ces détails-ci. Sitôt qu'elle toucha la paille entreposée sur le sol, elle sombra à demi en conscience, dans une sorte de stagnation léthargique qui n'en était pas une. S'étant déjà évanouie plusieurs heures durant la soirée, elle ignorait comment cette dernière s'était achevée. Encore une fois, c'était la fille de Lokhir qui l'avait tiré complètement de son inconscience après un premier pseudo éveil, puis l'avait tirée hors de cette soirée tout court.
Un spectateur présent à ce moment-ci aurait pu trouver une alerte singulière à voir, en plissant bien les yeux, la chaleur presque encore fumante se dégager de la peau de l'esclave. Tout était fini. De toutes façons, Phadransie n'était plus vraiment là. Les heures passèrent et se succédèrent, douloureuses, vides, identiques. Après ses premières secondes au feu, Phadransie avait perdu toute faculté de penser.



~


La folie n'étant pas complète, elle se trouva assez accrue pour réussir à voir ce qu'il se passait autour d'elle lorsque la quasi totalité des esclaves regagnèrent ce qui leur servait de masure. Cela faisait  bien un mois que Phadransie n'avait plus vu aucun des esclaves de Lokhir. Le maître des bêtes après l'avoir soumise de nouveau au port de la fourche de fer sans y rencontrer aucune résistance, s'était dépêché de rependre dans la salle des esclaves un seau d'eau rempli au demi ainsi qu'une gamelle d'un gruon peu ragoûtant. Il s'agissait souvent des restes alimentaires en cuisine dont on ne pouvait plus rien faire. Phadransie pour sa part, du fait du port du trident sous son cou, avait droit à une écuelle à part emplie d'un bouillon. Servi froid, bien sûr. Cependant, elle n'avait plus la force de se nourrir.

Les esclaves restaient généralement groupés, on aurait dit un troupeau animal. Ils étaient une cinquantaine, leur corps étaient frêles, tanné pour certain, blafard pour d'autres. Pour nombre d'entre eux, la peau de leurs doigts étaient écorchée. Des cicatrices nombreuses dues au fouet saignaient leur dos. Une grande partie d'entre eux avaient le crane rasé où les cheveux coupés très courts. Il en demeurait néanmoins quelques-uns qui arboraient une longue chevelure. Si Phadransie avait remarqué ces détails les premières nuits de promiscuité avec eux, elle n'était plus en état de le faire à présent.
Les esclaves se pressaient afin d'accéder à l'eau. Preuve était qu'ils avaient été dépossédés de leur humanité : ils ne se servaient pas de leurs mains pour boire. Puis tous se pressaient afin d'accéder au caquelon de chère. Si les coups ne pleuvaient pas, les bousculades et le grouillement abondaient. Les esclaves les plus faibles ou les plus blasés attendaient en arrière leur tour. Généralement ce dernier ne venait jamais, et ces esclaves là ne tenaient pas même un Tour à la besogne. La mère avec l'enfant, accroupie dans l'un des angles de la salle, partagea une poignée de manne avec une autre femme. Son compagnon était-il mort ?

On ne remarqua Phadransie qu'une fois le repas passé. Mais, toujours sous la crainte des dernières directives de la maîtresse de la maison, Briza la fille du Maître, personne ne l'approcha.

Il y avait quelques enfants parmi les esclaves. Trois en vérité, sans prendre en compte le nourrisson. Le plus âgé était un garçon à la peau blanche, et aux grands yeux bleus éteints. Il ne parlait jamais, comme la plupart des esclaves en vérité, trop épuisés par le travail de la journée pour le faire, ou trop diminué mentalement pour se souvenir de comment le faire. Le garçon ne devait pas même avoir treize Tours. Puis deux gamines, âgées de cinq Tours environ, que les Elfes Noirs faisaient travailler. Les deux petites avaient probablement dû naître esclaves. Elles ne connaissaient rien d'autre que cette vie. Comme le garçon peut être, qui le savait ?

Bien que les esclaves ne parlaient pas ou très peu, et toujours à voix très basse, comme s'ils craignaient le revers des coups de leurs maîtres, le boucan dû à l'agitation de plusieurs dizaines de corps, comme cela était présentement le cas, couvrait les gémissements de douleur incessants de La Noire. Les nerfs et les muscles à vifs semblaient palpiter et crépiter encore.

Plus tard, La Noire ne se souviendra probablement pas des circonstances de cette première rencontre, mais toujours est-il que sur le lot de cinquante esclaves, l'une d'entre elle osa s'approcher. Phadransie sentit simplement qu'on la soulevait avec une certaine douceur, puis sa tête reposa sur quelque chose de chaud. Une voix plus forte que les autres, féminine et plus claire, comme du papier de riz, semblait s'adresser à elle. Mais elle ne comprenait pas, n'entendait à peine, et de toutes façons ne pouvait pas parler. On l'abreuva et on la nourrit, puis elle abaissa les yeux et sombra.



~


Plusieurs jours passèrent et toujours ce rituel. Des migraines épouvantables lacéraient heures après heures le crane de Phadransie. Parfois la douleur était si forte, si piquante, qu'elle se mettait à hurler et si abîme il y avait, elle se serait jetée dedans afin de mettre fin à ce supplice. Les effets secondaires de ces brûlures extrêmes n'avaient rien à envier à celles qui l'avaient mise au supplice après que Théoden lui eut tranché le bras, Briza le sein ou que l'Elfe Noire scientifique lui eut implanté d'immenses barres de fer sous les nerfs. Néanmoins, ces dernières avaient été si puissantes également, qu'était-il juste de dire de ces migraines qu'elles les supplantaient ? Toujours était-il que Phadransie plongeait dans d'extrêmes souffrances, tant et tant qu'elle en oubliait jusqu'à son nom, jusqu'à l'impression de vivre, et bien souvent cela se concluait par un court coma après plusieurs heures aux tortures.
Et chaque soir, alors que revenaient le lot d'esclaves (Phadransie avait d'ailleurs soupçonné fut-un temps que Lokhir en possédaient d'autres qui logeaient ailleurs) le rituel se maintenait. On la soulevait, on l'abreuvait et la nourrissait. Elle souhaitait pourtant en finir avec les douleurs : qu'était-ce une mort de soif et de faim face à l'horreur de chaque instant de son existence ? Mais l'esclave qui soutenait son visage ne semblait pas de cet avis, et aux dernières nouvelles, ne lisant pas dans les pensées, elle ignorait ce que contenait celles de Phadransie.
Phadransie se surprit à espérer finalement, auprès de cette esclave. Lorsqu'elle entendait les esclaves rentrer le soir, elle se demandait systématiquement si ce soir encore, sa bienfaitrice s'occuperait d'elle. Elle se le demandait avec un détachement qui la surprit elle-même. Et si elle n'est pas là ce soir ? Aurai-je la force de me nourrir moi-même ? Le maître des bêtes déposait toujours sa gamelle près d'elle, à quelques pouces seulement. Elle n'avait en fait qu'à se traîner sur quelques centimètres afin d'y plonger son visage. Mais en son état, ces quelques centimètres prenaient l'allure de plusieurs dizaines de kilomètres. Et vider sa cantine exigeait d'elle encore des efforts surhumains à cause de la fourche qui empêchait sa bouche de s'ouvrir. Tout était bien plus simple quand elle recevait de l'aide.

Voilà l'immense avantage qu'elle a sur nous, auraient pu se dire les autres esclaves. Alors que nous sommes contraints d'aller travailler jours après jours, malades ou non, elle passe ses journées dans l'écurie, bien au chaud, loin de la malfaisance de nos maîtres. Mais l'état actuel -physique comme mental- de Phadransie avait fait réfléchir bien plus d'un quant à la « chance » qu'avait Noire.
La douleur et les maux de tête sont le fardeau de Honma, se dit-elle un jour avec l’œil plus brillant qu'il ne l'avait jamais été au cours des derniers jours, je vais devoir apprendre à vivre avec. Vivre ou mourir. Elle avait cessé de pleurer à cause de ces derniers, sauf lorsque la douleur devenait insupportable.
La porte de bois de la nouvelle écurie s'ouvrit à la volée et le maître des bêtes paru. Jusqu'à présent il ne s'était pas intéressé à elle, et de toutes façons Phadransie était trop diminuée pour lui rendre la pareil. Mais l'Elfe avait, semblait-il, une certaine rancœur dû à leur dernier échange de regard, noir, au cours duquel Phadransie n'avait point daigné baisser les yeux. Une fois n'étant pas coutume, il décida de s'approcher de cette esclave après s'être acquitté de sa besogne. La paille de l'écurie venait d'être changée. Allongée sur le dos, les yeux à demi révulsés en arrière, Honma observait le vide, comme à son habitude. Les brasiers pleuvant aux rafales de givres, les feux à la pluie du vent de diamants jetés par le cœur des océans éternellement agités. Et Phadransie La Noire, voiles au vent, voguant au-dessus. Miroir.

- Alors ça y est, t'es brisée toi ?

Sans doute frustré de n'obtenir aucune réponse, il la poussa doucement du bout de sa botte. Phadransie ne le regardait même pas. Ne le voyait pas. Elle savait très bien qu'il était là, debout, face à elle, mais préférait l'ignorer. Elle ne voulait répondre qu'à Briza de toutes façons. Elle bascula un peu suite à ce petit coup de botte. Ce fils de pute d'Elfe venait d'effacer de devant ses yeux le spectacle magique qu'elle avait laissé s'offrir à sa contemplation. Elle le haït pour ça. Finalement, après un rire étouffé, il dû estimer lui-même un semblant de réponse et se retira. Phadransie se redressa de son mieux, tout doucement. Elle vint s'appuyer dos contre l'un des murs de bois de la salle et tenta de s'endormir. Pour une fois, ses migraines l'avaient laissé tranquille. Elle commençait tout juste à ne plus prendre pour de la souffrance le genre de petites douleur qui ne la quittaient jamais. Evidemment que son visage la tourmentait jour et nuit ! Evidemment que les barres de fer dans son bras la faisait encore souffrir ! Mais ces douleurs-ci, elle apprit à les maîtriser, s'en accommoder, et vivre -si on pouvait appeler cette succession de jours, vivre- avec. Une semaine venait de passer depuis que Phadransie s'était vu défigurée par les flammes. Elle attendait le retour de Briza, tout en le redoutant.

Toutefois, il y avait également un second retour qu'elle s'était mise à attendre bien qu'avec une certaine indifférence : celui de sa bienfaitrice.

Et en effet, le soir tomba, le soleil disparut derrière l'horizon, la porte de la nouvelle écurie fut rouverte et les esclaves regagnèrent leur demeure. Cette fois, Phadransie s'imposa à elle-même un effort surhumain afin de pouvoir apercevoir cette esclave-ci. Plus d'une fois, elle avait pu repérer, de façon toujours floues, une part ci ou là de son visage, mais rien de plus. Soit elle était trop affaiblie pour garder son œil ouvert, soit une migraine la torturait à cet instant précis -dans un tel cas elle demeurait incapable d'avaler quoi que ce soit- soit elle dormait à demi comme on la soutenait et nourrissait. Ce soir là serait différent. Le seul souvenir que Phadransie avait pu garder de cette mystérieuse esclave était une voix cristalline comme de l'eau de source, et une chevelure plutôt longue, châtain. Elle reconnaissait là plus de la curiosité que du véritable intérêt, et son œil quittait cet air mort pour une étincelle minuscule embrasant quelque chose de déjà plus vif.



~




Le lendemain, le maître des bêtes avait jailli en grande pompe et avait offert aux esclaves présents un échantillon de bandages propres ainsi qu'un baume apaisant. « Pour l'esclave de Briza » avait-il rétorqué en désignant Phadransie du doigt. L'esclave qui avait veillé sur Noire se proposa volontaire afin de faire les pansements. Phadransie ne sut jamais qui avait obtenu qu'elle fut soignée de la sorte. Elle soupçonnait secrètement Briza. De toutes façons, sans son intervention, l'infection qui avait commencé à lui manger le visage serait allée jusqu'au bout de son œuvre, et en quelques heures elle serait morte : de cette dernière ou bien de ses migraines. L'esclave la nettoya avec l'aide du baume, puis protégea la partie détruite à l'aide des bandages. Phadransie ne vit pas la différence au début, mais la sentit grandement dans les jours à venir. Si c'était Briza qui avait ordonné à son maître des bêtes de s'assurer que son esclave ne décède pas dans les jours à venir, alors comment expliquait-elle le fait que ce dernier ait attendu si longtemps avant de lui offrir de quoi panser ses brûlures ? Était-il tant nécessaire de l'avoir laissée souffrir ainsi des jours entier, au cours desquels elle aurait pu trépassé déjà cent fois ? Phadransie n'avait pas les réponses, et ne les recherchait pas. De toutes façons, le rôle de Honma n'était pas de penser. Elle subissait chaque instant de son existence d'esclave, et il n'y avait jamais de pourquoi au comment. Résonnaient encore dans sa tête les derniers mots à son intention du maître des bêtes avant qu'il ne tourne les talons :

- Toi, tu ne meurs pas tant qu'on ne te l'ordonne pas.



~


L'esclave aux soins de Phadransie lui avoua se nommer Nyx. Lorsqu'elle lui retourna la question, un lourd silence lui répondit. Phadransie n'aimait pas Nyx. C'était une toute-nouvelle esclave, offerte à Lokhir il y avait quelques semaines seulement par un corsaire Elfe Noir. Elle était assez jeune, pas beaucoup plus âgée que ne l'était Phadransie en vérité, ce qui expliquait probablement son ambition et son goût pour la vie, qui possédait quelques arômes un peu trop sucrées selon La Noire. La jeune femme possédait deux grands yeux bruns, clair, qui semblaient parfois virer au doré. Ses yeux gardaient un coin de ciel et de mer avec eux, tout le temps, même au fond du fond d'un trou à merde comme celui dans lequel elles étaient toutes deux. Elle s’accommodait plutôt bien de la maigreur, et son visage avait encore conservé quelques bonnes formes, ce qui lui sied fort bien, et faisait d'elle sans aucun doute la plus belle de tous les esclaves. Si sa peau était écorchée par endroit et crasseuse, Phadransie remarqua que son dos et ses vêtements, bien que par endroit déchirés, ne portaient pas les stigmates de coups de fouets. Elle ne souriait pas, mais lorsqu'elle parlait chacun de ces mots semblaient dissimuler derrière leurs lettres un tourbillon de couleur et d'ardeur. Un volcan d'écumes baigné dans la lumière cristalline de ce que la vie pouvait faire de plus beau. Cela agaçait Phadransie. Nyx avait le regard de celle qui croit tout savoir, mais ne sait rien. Ses cheveux, bien que sales, demeuraient très beau, et très longs. Aussi longs que ceux de Briza, se dit Phadransie. Mais alors que l'une les gardait souvent attachés, l'autre les avait désinvoltes, une crinière de vie paradoxallement ordonné dans son dos. Et, en contraste avec le noir jais de l'Elfe, l'Humaine arborait une couleur châtain.

- Nous avons été coulé alors que nous logions les côtes sud du Continent, expliquait un jour Nyx à Phadransie. J'étais à bord. Nous avons tous été réduits en esclavage. Et je n'ai rien pu faire. Personne ne les a entendu arriver. Ils ont jailli du chaos en pleine nuit.

Phadransie avait l'expérience d'une attaque de Corsaires Noirs. Ils se nommaient eux-même Ravageurs des mers, et avaient longtemps -avant la chute de Port-Argenterie- disputés le titre de roi des océans aux plus grands des pirates, les Écumeurs des mers. Ravageurs. Écumeurs. Tout cela lui paraissait si loin à présent. Tout comme la Gemme légendaire du Dieu Lorin qu'elle avait réussi à posséder l'espace de quelques jours, et qui lui avait permis de repousser le navire d'Elfes Noirs qui les avaient attaqués sur les Grand'Eaux. Phadransie fut étonné de l'absence d'émotions que provoqua en elle le jaillissement soudain de ces souvenirs enfouis, perdus depuis plusieurs semaines. Elle les croyait perdu. Nyx était-elle une amoureuse des mers, elle-aussi ? Phadransie s'en foutait trop pour user sa salive et risquer de se blesser sur sa fourche en posant la question. Nyx crut que ladite fourche empêchait toute parole à Phadransie. Elle la prit dans ses bras, au bord des larmes.



~


Les semaines filèrent dans l'ombre morne d'une existence d'esclave. Au cours de ces dernières, d'étranges événements eurent lieu pour Phadransie. Tout d'abord, elle se surprit à calquer certaines de ses habitudes sur les venues et départ de l'esclave Nyx qui n'avait jamais cessé de s'occuper d'elle, les Dieux seuls sachant pourquoi. Phadransie tentait de dormir en journée, même trois ou quatre heures, et demeurait éveillée ainsi la nuit, pendant que Nyx se reposait.
Afin de lutter contre le froid de la région côtière, les esclaves avaient pour habitude de se serrer tous les uns contre les autres afin de se tenir chaud durant leur sommeil. Phadransie -et quelques autres groupes, il était vrai- avait toujours fait bande à part. Elle trouva en Nyx une source de chaleur, et les deux femmes prirent très vite pour habitude de dormir ensemble, blottie généralement l'une dans les bras de l'autre. Lorsque la douleur faisait gémir ou crier Phadransie en pleine nuit, Nyx était à ses côtés. Et même si elle avait en horreur le fait que l'on doive s'occuper ainsi d'elle, La Noire l'acceptait. Elle allait déjà mieux depuis que Nyx et elle s'étaient rencontrées.

Si Phadransie La Noire ne parla jamais à l'esclave aux beaux cheveux, cette dernière ne se gênait pas pour lui murmurer quelques confessions de temps à autre. Et Phadransie avait apprit à les apprécier ! Nyx était la preuve vivante -c'était le cas de le dire- que toute pellicule d' humanité n'avait pas été soufflée par les Noirs parmi les esclaves. Nyx avait pour ambition de s'évader. Elle n'était que depuis un mois esclave de Lokhir, et pensait déjà tout savoir des Elfes. « C'est simple, avait-elle dit un jour en caressant la joue de l'esclave qui lui faisait face, ils nous considèrent comme des vermines. Je leur obéis, je ne me fais pas remarquer, je travaille bien. Ils n'ont aucune raison de s'intéresser à la merde qui colle sous leurs bottes. J'ai repéré déjà plusieurs brèches et débouchés. Je m'évaderai quand ce fils de pute de Lokhir ne s'y attendra pas du tout. Ils me croient brisée. » Phadransie n'avait pas répondu.



~


Une semaine passa encore. Plus d'une fois, Phadransie se demanda si elle n'allait pas mourir ici, dans cette écurie. Et si Honma mourrait, qu'adviendrait-il de Phadransie La Noire ? Elle avait oublié jusqu'à son existence. Qui suis-je ? Qui est-elle ? Honma se reconnaissait liée au nom de Phadransie, mais elle ignorait en quoi. Phadransie était-elle son passé ? Son avenir ? Pouvait-elle la considérer comme son présent ? Phadransie La Noire était-elle simplement une autre Honma ? Dans un autre lieu ? Elle ne parvenait à déchiffrer les images de ce miroir mental. Phadransie La Noire, Écumeuse Noire des Grand'Eaux. Et qui, debout au gaillard d'un vaisseau monumental encore plus noir, filait voiles au vent sur les océans ! Honma passait ses journées, immobiles, l'air d'une morte, à contempler ce tableau invisible et pourtant haut-en-couleur. Et en noirceur. Surtout en noirceur.

Deux noms ne lui avaient pas échappé. Théoden. Everhell. C'était à cause d'eux que le nom de Phadransie se voyait souillé par celui de Honma. Lorsque le jour viendrait, La Noire leur mettrait le crochet dessus. Elle seule en était capable. Et une cruelle entaille carminée percerait le drap tendu au-dessus de leurs retrouvailles.



~


Bien après d'autres jours, et d'autres douleurs, et d'autres migraines, et d'autres tableaux, Nyx fit succéder à ses confessions d'autres confessions, plus intimes. « Et toi ? Quelqu'un t'attend hors de cette île ? » avait-elle demandé à voix très basse à Phadransie, qui n'avait point daigné répondre, ni en paroles ni du chef. Nyx s'était recroquevillée sur elle-même, entourant de ses bras maigris ses jambes repliées contre sa poitrine :

- Moi oui. Je suis mariée. En fait je devais l'être. Je devais retrouver mon époux le jour où les Elfes Noirs nous sont tombés dessus. On allait signer, et nos deux cités auraient enfin pu s'assembler. Je viens des côtes sud-ouest du Continent. Et de la chambre, dans ma tour, j'avais la vue sur tout l'océan.

Après cela, elle avait pleuré. Longtemps. Une migraine avait prit d'assaut Phadransie, et elle avait rapidement perdu le détail de ce qu'il se passait autour d'elle. Nyx l'avait prise contre elle.

- On s'en sortira. Je suis sure que toi aussi tu as quelqu'un qui t'attend dehors, avait-elle avoué à La Noire.

Honma aurait pu rire. Si quelqu'un l'attendait bien hors de l'Île Noire, il devait alors s'agir de Phadransie. Et dans un tel cas, quitter l'Île Noire pour Honma était synonyme de mort. Il fallait qu'elle meurt afin que Phadransie vive. Mais elle ne dit rien et, contractant tous ses muscles, lutta contre la migraine qui menaçait de l'étouffer et la clouer au sol.



~



En un mois bientôt, passé nuit et jour dans cette écurie, Phadransie n'avait jamais vu le maître des bêtes se préoccuper de l'hygiène des esclaves. L'hygiène de l'écurie demeurait importante, et la paille était renouvelée à intervalle réguliers, ceci afin d'empêcher surtout la propagation de maladies et d'épidémies, qui ne manqueraient pas de tuer en quelques jours l'intégralité des esclaves présents, au vu de leur faible constitution. Mais sur eux, les esclaves demeuraient sales. On ne leur donnait pas de quoi se vêtir, à peine de quoi se nourrir. Ils ne possédaient rien afin de faire un brin de toilette, et l'eau qu'on leur fournissait une fois par jour était en quantité trop insuffiante afin qu'on puisse s'en servir comme toilettage. Mais ce soir là, le maître des bêtes avait ordonné aux esclaves qu'ils se lavent. Phadransie devinait que les esclaves personnels des Elfes Noirs, ceux qui les suivaient de près ou bien demeuraient dans la maison, avaient droit à des bains plus souvent, ceci afin de ne pas incommoder leurs maîtres. Concernant ceux qui travaillaient en extérieur, Phadransie ne voyait pas bien à quoi cela rimait de se nettoyer. Néanmoins, elle partait du principe que l'intégralité des esclaves de Lokhir et son domaine (supposés être nombreux) n'étaient pas cloîtrés dans une même écurie, et il était donc difficile dans ces conditions de les départager. Elle pensait jusqu'à l'arrivée de Nyx que le groupe d'esclave qu'elle avait croisé jusqu'à présent étaient de ceux qui travaillaient à l'extérieur, mais dans ce cas la présence de femmes et d'enfants était peu justifiée. Enfin, elle ignorait tout de la nature exact du labeur extérieur, et peut être Lokhir avait-il besoin d'humains de plus petite constitutions, et pas forcément taillés comme des rocs.

Nyx essorait sa chevelure trempée. Son visage passé sous l'eau limpide avait retrouvé quelques couleurs. Sa peau halée était vraiment jolie. Elle s'était occupée également de Phadransie, comme l'avait ordonné le maître des bêtes. Changer les bandages notamment -ils avaient été changés plusieurs fois déjà- afin de minimiser, puis étouffer totalement, le risque d'infection. Toujours protéger les brûlures avec le baume. Bien que ce processus était supposé soulager Phadransie, l'application de cette pommade était toujours un moment douloureux et difficile pour elle : le moindre contact, quel qu'il était, avec la partie ravagée de son visage, la mettait à l'agonie. Pourtant, elle possédait une très forte tolérance à la douleur. Phadransie n'était plus que douleur depuis des semaines. C'est en achevant de bander le visage perdu de Phadransie que Nyx lui fit les mots suivants, des larmes dans les yeux :

- Tu es la seule ici qui a accepté de tout perdre pour ne pas avoir à baisser les yeux devant eux. Je t'admire pour ça. Moi, je suis trop superficielle. Je tiens à mon bras, et à mes yeux. Je trouve que j'ai un beau visage, et j'ai peur qu'on le détruise. J'ai trop peur de souffrir et de ce qu'ils pourraient me faire. C'est de l'égoïsme, et je n'ai rien d’héroïque, je sais. Qu'est-ce un bras après tout, ou un visage, face au combat pour la liberté ? A la vision d'un air lassant tout droit venu de la mer, aux supplices des eaux et des courants marins meurtriers ; aux poissons qui rient, dans leur silence et les houles portées par le large ? Mais je n'ai pas ton courage. Alors tous les jours je rampe devant eux. Comme une putain. Je baisse le regard à chaque fois devant ceux qui m'ont tout prit. Je les déteste. Je les déteste tellement pour ce qu'ils me font. Mais je les déteste encore plus pour ce qu'ils t'ont fait à toi. Je suis désolée.. Je suis tellement désolée.

Elle était venue se pendre au cou de Phadransie en pleurant à chaude larmes, la poitrine secouée par des sanglots au moins aussi humides que l'étaient à présent ses joues.  Aucune émotion, aucun sentiment s'était dessiné sur le visage de Phadransie. Ce petit discours ne l'avait pas ému le moins du monde. Pourquoi avait-elle une vision si différente de celle de Nyx ? Après un moment, sans même avoir cillé, elle lâcha d'une voix d'outre -tombe, terriblement rouillée et basse :

- Honma. Je m'appelle Honma.

Nyx écarta doucement son visage de celui de Phadransie. On aurait dit qu'elle venait de voir Elis en personne. La froideur de la voix de La Noire avait dû la surprendre. Elle essuya ses larmes avec la chemise qu'elle portait.

- Honma...répéta-t-elle.

Phadransie n'avait pas bougé. Ni son visage, ni son regard, ni même un cil. Cela ressemblait presque à quelque mécanique déficiente. Elle piqua Nyx avec les mots suivants, d'un regard glacé. Un regard glacé, mais toutefois pas noir.

- Et personne ne m'attend dehors. Je n'ai pas besoin de m'évader, parce que ma place est ici.

Nyx secoua la tête avec une certaine décontenance. Ces longs cils voilèrent quelque peu ses beaux yeux or.

- Ce n'est pas ce que j'ai entendu dire sur toi, Honma. Il paraît que depuis que tu as été amenée sur leur île, tu as cherché à regagner ta liberté. Tu n'as jamais baissé les yeux face à Lokhir, ni à sa fille. Et tu n'as jamais renoncé.

Phadransie ne répondit pas. Que d'atroces réticences Nyx lui dû. Néanmoins, elle poursuivit, avec davantage de délicatesse :

- J'ai vu en toi ce que les Elfes Noirs avaient réussi à détruire chez les autres esclaves.. Ne renonce jamais Honma. Si tu renonces, tu leur donneras raison. Tu justifierais tout ce qu'ils t'ont fait. Ne renonce pas...

Phadransie la laissa parler. Nyx n'obtint aucune autre forme de réponse de Honma ce soir-là.

Elles se séparèrent le lendemain. Nyx partit avec les autres esclaves à ses besognes habituelles. Phadransie se fit la réflexion qu'elle ne lui avait jamais demandé où elle travaillait et ce que les Elfes lui faisaient faire. Et si elle s'intéressait à ce fait là...Alors je tiendrai un peu à Nyx ? Mais d'autres préoccupations l'assaillaient. Cela faisait très exactement vingt-huit jours que Phadransie avaient été laissée là par Briza. En ces vingt-huit jours, le maître des bêtes aurait pu la retrouver presque exactement au même endroit que celui où il l'avait laissé. Phadransie savait qu'elle quitterait la salle des esclaves aujourd'hui, une petite voix le lui soufflait dans sa tête. Au travers la douleur, au travers les images de Nyx, au travers la perdition et les feux de la vallée des ombres de la mort. Et Phadransie La Noire ne s'était pas trompée. On vint effectivement la chercher...






Spoiler:
Dim 24 Jan 2016 - 16:31
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Dargor
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Dargor
Briza acheva son paquetage en embarquant cachant des poignards partout où elle le pouvait sur elle. On n’avait jamais assez de couteaux quand on partait dans ce genre d’expédition avec des elfes noirs. Trois semaines après la petite fête à laquelle elle avait été conviée, elle avait reçu une nouvelle convocation. Son groupe partait pour une petite chasse, soit une expédition de deux ou trois lunes, grand maximum. Le but était de rechercher les traces de bêtes des montagnes aux alentours de la cité, et de s’assurer qu’elles en restent éloignées. Il ne fallait pas chercher à les capturer, juste à les éloigner, ou le cas échéant, les tuer. Une sorte de patrouille, en quelques sortes. Sa mère était à la porte, la regardant achevait ses préparations. Elle passa devant elle, lui disant un vague au revoir. Les elfes noirs n’étaient pas des sentimentaux.

« Donne de la gloire à notre famille, lui dit toutefois sa mère. »

Briza ricana. Les corsaires donnaient de l’aura à leurs familles, en ramenant des biens pillés ou des esclaves. Les chasseurs, quand ils partaient pour de petites chasses, ne ramenaient rien d’autre que la poussière de la route. Elle n’allait rien donner de vraiment important. Elle s’éloigna d’un pas décidé dans les couloirs de la maison, vers la sortie. Le soleil allait se lever dans une heure, c’était plus qu’il n’en fallait pour être à la porte de la ville, qui était proche de la maison. Elle sourit. En sortant si tôt, elle allait sans doute échapper à …

… Damia, qui l’attendait dans le hall d’entrée, un sourire mesquin aux lèvres. Briza jura intérieurement. Sa cousine avait fait exprès de se lever pour venir la narguer. Elle nota l’effort. Se lever tôt ne ressemblait pas à cette bonne à rien, qui habituellement comptait le fainéantisme et la passivité à la liste de ses défauts. Mais advienne que pourra, elle se tenait sur son chemin. En silence, Briza prit sur elle pour ne pas la gifler, chose qu’elle avait envie de faire à chaque fois qu’elle voyait sa stupide cousine, son stupide visage, et le stupide corps qu’elle aimait exposer.

« Puisse la première bête venue te dévorer, dit calmement Damia quand elle l’eut passée. »

Briza n’avait pas besoin de se retourner pour savoir que le visage de Damia ne laissait aucun doute sur le fait qu’elle pensait réellement ce qu’elle avait dit, mais elle ne put résister à la tentation. Son poing cueillit Damia en plein dans l’estomac, la pliant en deux sur le coup. Puis une gifle l’envoya rouler au sol, où elle gémit avant de se relever lentement et piteusement.

« Dans trente tours, dit Briza, vous serez à ma place. Nous verrons alors bien combien de temps vous tiendrez avant de vous faire vous-même dévorer. »

Elle s’éloigna sur ces mots, triomphante.

---

Rakhar le Maître des Bêtes fit sortir les esclaves à l’aube, à son habitude. A grand renforts de coup de fouets dans le vide où sur eux, il leur hurla leurs instructions pour aujourd’hui, puis alla vers le fond trouver Honma, l’esclave de Dame Briza.
Sans considération pour les coupures qui apparurent sur sa peau, il arracha sa fourchette. Il prit soin de vérifier qu’il ne l’avait pas égorgée, puis observa l’esclave.

« Loque, dit-il, Dame Briza n’étant plus là pour te protéger, tu vas être mise au travail. Fini le fainéantisme, on va te trouver quelque chose à faire, puisque telle est ta place. Avec tes bras en moins, tu ne sers à rien normalement. Dame Briza aurait dû te faire tuer pour ça. Mais puisqu’elle a dépensé son argent pour te sauver la vie, tu peux porter un plateau. Tu serviras le repas des maîtres aujourd’hui. Et si tu fais la moindre erreur, je me charge de te rappeler où est ta véritable place. Crois-moi Dame Briza sera frustrée que je t’ai tuée si je dois le faire, mais au final, je n’y perds rien. Maintenant au boulot fainéante ! Le petit déjeuner des Maîtres devrait déjà être en train d’être servi ! »

Pour faire bonne mesure, il ajouta des coups de fouet jusqu’à ce qu’elle se mette à courir vers les cuisines. Il se fichait bien de savoir si elle savait où non où se trouvaient-elles. Qu’elle se renseigne donc. Ce n’était pas son rôle de materner les esclaves.

---

Damia mangeait lentement, par petites bouchées. Toute la famille avait depuis longtemps terminé son repas, et était partie vaquer à ses occupations. Mais pas elle. La journée se terminait, et elle n’avait toujours pas accepté les coups qu’elle avait reçu le matin par Briza. Comment cette idiote avait-elle osé ? Ce n’était pas la première fois, mais si elle s’imaginait qu’elle l’acceptait… Un jour, elle la tuerait. Lentement. Elle pourrait empoisonner son vin dès son retour, mais c’était une mort trop rapide. Elle voulait la voir hurler quand le bourreau qu’elle engagerait la torturerait. Ou qu’elle la torturerait elle-même. En attendant, elle ne comptait pas lui rendre la vie heureuse.
Sa maudite cousine était partie, mais Honma était restée. Et en utilisant Honma, elle pourrait la blesser. Et donc créer un inconvénient pour sa cousine. Elle sourit. Et elle vengerait les blessures qu’elle avait subies dans le jardin. Elle se massa la machoire qui avait été cassée, et le sein qui avait été déchiré. Les deux avaient été soignés par le prêtre, et elle avait récupéré son têton et ses dents. Elle avait hâte de montrer cela à Honma.
Comment montrer cela en l’humiliant au maximum ? Elle réfléchit pendant une longue heure à la méthode, avant de se décider sur un choix. Elle précisa bien à Rakhar qu’elle ne voulait aucune autre esclave qu’elle pour cette tâche.

C’est dans sa salle de bains personnelle qu’Honma la rejoignit, son plateau à la main, ignorant encore sans doute ce qu’elle allait devoir faire. Damia sourit. Elle posa sur le plateau sels de bains et savons, avant de se déshabiller lentement, sourire mesquin aux lèvres, sous les yeux de l’esclave, et de se glisser dans son bain.

« Je vois ton étonnement, misérable vermine humaine, dit-elle, amusée de sa propre malice. Tu vois que je suis guérie ? Naturellement. Pensais-tu avoir le moindre pouvoir sur moi ? Pensais-tu pouvoir me blesser ? Imbécile d’humaine ! Je suis la future reine des elfes noirs, tu n’as aucun pouvoir sur moi. Puisque ma stupide cousine est absente, je vais faire de toi mon esclave personnelle. Et même quand elle reviendra, elle ne pourra pas te reprendre. Parce que je lui suis en tout point supérieure… »

Elle acheva de se laver, et après avoir pris soin de débarrasser le plateau d’Honma, se permit de lui donner un coup de toutes ses forces dans l’estomac, comme Briza le lui avait fait ce matin. De la douleur, Honma ne montra pas grand-chose. Damia rit. Cette esclave était amusante. Après tout, elle savait bien qu’un coup dans l’estomac pouvait être affreusement douloureux, n’est-ce pas ?
Jeu 28 Jan 2016 - 11:42
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Noire
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Aussitôt que Phadransie se soit redressée suite au coup furieux qu'elle venait de subir en plein estomac, Grossepoitrine s’étira, nue, devant elle. Phadransie n'était pas encore tout-à-fait revenue du choc profond où l'avait plongée l'impact du coup de poing de cette salope d'elfe, lorsqu'un sourire provocateur étira ses lèvres pompeuses.

- Désormais, tu seras mon esclave personnelle, répéta-t-elle d'un air brillanté qui ne la rendait que plus pitoyable au regard de La Noire. Tu passeras donc tes journées auprès de moi. Tu devras me suivre partout où j'irai, et répondre au moindre de mes appels, à chacune de mes envies. D'ailleurs, sache-le, tu devras troquer dès demain les guenilles que te fait porter ma cousine pour un habillement plus convenable. Je ne veux pas que mes esclaves me fassent honte.

Tout en disant cela, elle se trémoussait, s'étirait, se flattant elle-même, le tout à pas plus de deux centimètres du regard noir de sa nouvelle "esclave".

- Je vais aussi te donner un nom, puisque maintenant tu m'appartiens. N'est-il pas normal pour une nouvelle esclave d'être nommée par sa maîtresse ? Ah et aussi : ces affreux bandages qui recouvrent ton visage, je veux que tu les ôtes tout de suite. Ils sont terriblement laids. Je veux pouvoir voir le visage de mes esclaves. Je veux pouvoir les regarder dans les yeux. Et je veux les voir lorsqu'ils baissent les leur.

La réflexion que Phadransie se fit à elle-même lui fit voir à quel point elle haïssait cette pute d'Elfe. Si basse. Si pitoyable. Si jalouse. Oeil dans les yeux, elle dit :

- Je m'appelle Honma, et rien de plus. Et mes bandages sont des pansements. Mon visage a été brûlé, et pour éviter une aggravation ou une infection, je dois les porter. Si je décidais de les enlever, tout ce que tu auras ça serais une esclave morte. Dix comme toi ne valent pas Briza.

La Noire se fit violence afin de ne pas insulter copieusement Grossepoitrine. Déjà, rien que la vue de son corps nu alimentait au fond de son âme une fureur démesurée dirigée contre l'Île Noire toute entière. Une fureur qui s'était momentanément tarie... Dans une autre vie, elle aurait payé cher pour l'avoir hurlante à ses bottes.
Grossepoitrine, une fois remise du choc de la réplique, ne fit pas attendre la suivante. D'une gifle en plein visage, elle fit basculer Phadransie qui tomba au bord du bain thermal. Alors, Grossepoitrine, entendant le bruit de sa chute, jeta à ses côtes cinq ou six coups de ses pieds nus. Elle saisit le visage de Phadransie qu'elle noya dans l'eau encore savonneuse des thermes, avec un malin plaisir, puis la libéra enfin. Accroupie au-dessus de sa toute-nouvelle "esclave" humaine, la salope d'Elfe s'était saisie d'une paire de ciseaux avec lesquels elle déchira les bandages, sans la moindre attention pour les muscles à vif en dessous. La douleur pour Phadransie était atroce. Et l'Elfe se délecta avec un plaisir presque physique de chacune de ces secondes. Elle conclut une fois cette séance de torture improvisée terminée :

- De un, ne t'avise jamais, jamais, jamais plus, de prononcer le nom de ma cousine en ma présence ! De deux, en tant qu'esclave, ne me tutoie plus jamais ! Je veux que tu me vouvoies et m'appelle "maîtresse Damia" ! Et en trois, ne me regarde plus jamais dans les yeux comme tu viens de le faire !

Elle cogna la tête de l'humaine au sol et se redressa, entreprit de se sécher, passer un peignoir et sortit de la salle des bain. Elle interpella une esclave qui passait dans le couloir comme Phadransie gémissait toujours au sol :

- Toi ! Occupe-toi de mon esclave qui ne sait rien faire d'autre que chouiner ! Désormais tu en seras responsable à mes yeux. Si elle meurt des suites des brûlures à sa tête, je t'en tiendrai responsable et te le ferai payer.

Sur ces paroles, elle s'éloigna d'un pas lent.

- Rampe -puisque telle sera ton nouveau nom !- , je te retrouverai demain. Je m'en vais immédiatement informer le Maître des Bêtes quant à ta nouvelle position. J'entends de toi un peu plus de discipline demain. C'est clair ?

Elle quitta parfaitement la salle qu'après avoir entendu le "oui" faiblard émanant des lèvres de Phadransie. Nyx la souleva avec tendresse sur l'une de ses épaules.

- Accroche-toi à moi Honma...

Phadransie fit de son mieux, se laissant pendre sur cette femme.

- Ca fait mal ?
- Oui...
- Excuse moi, c'était une question idiote, s'excusa cette dernière.

Les deux femmes quittèrent la demeure et rejoignirent ensemble la salle des esclaves. Nyx, fidèle à son habitude, nourrit, lava et soigna sa protégée.



~


Deux esclaves aidèrent Phadransie à endosser les quelques vêtements que sa nouvelle "maîtresse" lui avait fait apporter le lendemain à l'aube. Effectivement, ils marquaient mieux que les loques qu'elle avait sur le dos depuis des mois. En revanche, elle restait pieds nus. Sans doute Grossepoitrine estimait qu'elle restait une esclave, et qu'il ne fallait pas trop en faire non plus. Le Maître des Bête fit claquer son fouet dans le vide en lui adressant la parole, après que tous les esclaves soient partis au labeur. Le soleil serait bientôt à l'apogée de sa course dans le ciel.

- Toi là, ta maîtresse t'attend dans les jardins ! Elle tient à ta ponctualité, alors active-toi un peu !

Clac. Un coup de fouet. Phadransie aurait pu le foudroyer du regard, mais refusa de le faire. Elle sortit de la salle presque tête basse. C'était en soi, déjà une infinie libération que de ne plus avoir à subir la pression de cette fourche sous son menton. Les jardins, réfléchit-elle tout en s'y rendant, empruntant un peu des allées au hasards, n'est-ce pas l'endroit où cette salope et moi-même nous sommes rencontrées ?

Elle se remémora du mieux qu'elle le put les dernières paroles crachées par Grossepotirine à son encontre après avoir appliqué les lames du ciseaux contre son visage ravagé par le feu. Elle la trouva dans les jardins, comme prévu. Elle arborait une tenue qui laissait quasi tout voir de son corps. Et ses seins. Surtout ses seins. Putain, elle les lui aurait bien arraché avec les dents ces putains de seins. Encore.

Phadransie baissa l’œil, comme elles en avaient convenu la veille. Et c'est avec un rictus invisible et une fidélité presque fanatique envers la fille de Lokhir qu'elle lui achemina les mots suivants :

- En l'absence de Briza je serai peut-être votre esclave, parce qu'elle ne m'a donné aucune directives. Mais mon seul nom est celui qu'elle a choisi pour moi, et je le reprendrai dès que Briza reviendra de sa course. Parce que quoi que tu en dises ou veuilles en dire, c'est Briza que je sers.

Voir la face de Grossepoitrine passer de la suffisance pure à l'irritation la plus noire fut le rayon de soleil de la semaine de Phadransie. Elle la pensait trop orgueilleuse afin de la tuer suite à ces paroles. La Noire releva l’œil et vint le noyer dans ceux de cette pétasse. Pourvu que ses prédictions fussent exactes...
Lun 1 Fév 2016 - 4:05
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Dargor
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Damia ne résista pas à la tentation. Rampe osait la défier. Rampe osait la défier. Elle allait lui montrer où était sa place. Elle plaça sans y réfléchir ses mains sur son cou, et commençait à serrer, quand une voix l’interrompit.

« Mademoiselle Damia, je présume ? demanda la voix d’un elfe qui lui était inconnu derrière elle. »

Elle se retourna. L’elfe était taillé comme un bœuf, et marqué de nombreuses cicatrices. Il était vieux, et devait s’appuyer sur une canne pour bouger. Cela, et il y avait ses nombreuses rides et ses cheveux blancs. Il ne tremblait pas, mais presque, ricana-t-elle intérieurement. Que pouvait bien lui vouloir ce pitoyable vieillard ? Et pourquoi osait-il l’interrompre alors qu’elle s’occupait de Rampe ?

« Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.
-Mon nom ? Ça ne vous regarde pas, répondit-il. Vous m’appellerez Maître. Je suis maître d’armes de mon état. J’ai eu le plaisir de former votre cousine Briza, une excellente élève, à l’usage de toutes les armes utilisées par les elfes noirs il y a près d’un siècle à présent. J’ai aussi pu la former à d’autres choses, mais là n’est pas la question. Connaissant mon talent, elle m’a demandé de venir m’assurer que vous suiviez toujours vos leçons d’escrime, quotidiennes, durant son absence. »

Ainsi donc, même éloignée, Briza avait décidé de lui pourrir la vie ? Cette fois, elle ricana de façon à ce que Rampe et l’elfe puisse l’entendre.

« Je ne crois pas qu’un vieillard avec un pied dans la tombe ait quoi que ce soit à m’apprendre sur les armes, dit-elle en riant. Ni sur quoi que ce soit en fait. Vous pouvez repartir. Ma cousine vous a fatigué à vous faire venir pour rien. Allez-vous reposer, et attendez tranquillement la mort, vieil elfe.
-La première leçon, répondit-il avec un visage amusé, sera donc une leçon de politesse. Votre cousine m’avait prévenue que vous étiez un cas, mais là je dois dire que vous m’impressionnez. Que tu m’impressionnes, élève. Mauvaise élève d’ailleurs. Vois-tu, Damia, tu vas évoluer dans un monde brutal ou la mort est la sanction à la moindre erreur. Et la honte de ta mort peut venir sur ta famille, avec d’autres conséquences fâcheuses. Ta cousine a essayé de t’enseigner tout cela, comme ta mère aurait dû le faire mais ne l’a, m’a-t-elle dit, pas fait. Aussi suis-je ici pour te faire rentrer ces leçons dans le crâne de gré ou de force. Briza m’a bien précisé de cependant ne pas m’acharner inutilement, en ajoutant qu’elle prendrait l’unique mesure qui s’impose pour éviter que tu ne puisses jamais amener la honte sur ta famille, mais je suis payé au nombre de séances, je viendrai donc tous les jours. »

Damia était écarlate à la fin de son discours. Comment osait-il la tutoyer ? Elle ? Comment osait-il la provoquer ?

« Je n’amènerai jamais la honte sur ma famille, vieil elfe, dit-elle d’un ton énervé. Pas plus que je ne mourrai. J’ai de trop grands projets pour cela. J’ignore de quelle mesure Briza parlait-elle, mais qu’elle essaye donc de la prendre. Il est temps que je commence ma carrière ne me débarrassant d’elle de toute façon. »

---

Celui qui était connu comme étant le Maître soupira. Fallait-il que Damia soit stupide pour ne pas comprendre que sa cousine avait décidé que si elle ne faisait pas de progrès en son absence, c’était la mort qui l’attendait à son retour. Et il la voyait déjà comme un cadavre. Une telle impolitesse, une telle indécence dans les choix de vêtements, un tel orgueil, une telle stupidité, tout lui indiquait qu’elle n’était pas récupérable. Et il n’avait aucun doute que Briza n’aurait aucun mal à la tuer le jour venu. Il sourit néanmoins. L’argent coulerait pour ce temps perdu, c’était l’essentiel.

« Tu apprendras à me respecter, Damia, je crois. »

Sans prévenir, il leva sa canne et frappa violement le ventre dénudé de l’intéressée avec, la pliant en deux, et lui arrachant un cri de douleur et de surprise. Il fouilla dans le sac qu’il avait trainé derrière lui en venant, et lui lança des vêtements rembourrés, ainsi qu’une réplique d’arme en bois.

« Essaye de me toucher, dit-il en s’appuyant sur sa canne. Mais tu pourrais vouloir mettre ces protections avant, je ne retiendrai pas mes coups.
-Tu n’as aucune idée, ricana-t-elle, de ce qui t’attend. Je n’ai pas besoin de ces protections vieillard. Tu vas regretter d’avoir levé la main sur moi… »

Elle s’apprêtait à ajouter quelque chose quand il passa à l’attaque, le plus lentement possible. Il avait aujourd’hui testé sa politesse. L’heure était venue de tester son talent … Eventuel aux armes. Même si Briza l’avait décrit comme inexistant. Derrière Damia, l’humaine ne perdait pas une miette du spectacle. Le maître d’armes appréciait cela. Il l’avait entendue insulter Damia en arrivant. Cette humaine devrait apprendre sa place en son temps, mais pour l’heure il avait l’intention de la récompenser un peu de sa stupide honnêteté. Après tout, il pouvait se découvrir un point commun avec cette femme inférieure. Il n’aimait pas Damia et appréciait Briza.
Le talent de Damia donc. Un premier coup l’accueillit à nouveau à l’estomac. Un deuxième à la jambe. Un troisième fut violemment asséné dans son entrejambe. Il était assez violent pour faire sauter la fine ceinture de bijoux qui retenait la bande de tissu qu’elle y portait, dévoilant son sexe à l’air libre. Sans se soucier de cette impudeur, le maître d’armes frappa à nouveau le bras. A chaque coup, Damia criait désormais de douleur. Une nouvelle volée de coups la cueillit. Elle avait essayé de se défendre au début, mais avait tout de suite tenu son bâton maladroitement. Et maintenant, elle n’arrivait plus à rien. Même pas à mettre ses bras pour se protéger. C’est quand elle tomba finalement au sol que l’assaut se termina.

« Bien, en plus d’être impolie et stupide, tu ne sais pas tenir une lame. Et tu es impudique. Même son esclave, j’en suis sûre, sait mieux esquiver que toi. Relève-toi, stupide élève, et regarde. »

Tandis que Damia se relevait, le regard noir rivé sur son dos, le Maître avança vers Rampe. Il la regarda dans les yeux.

« Esquive mes coups, dit-il simplement. »

Il alla plus vite qu’il n’était allé avec Damia, et pourtant il lui fallut quatre attaques pour finalement toucher l’humaine. Il finit en effet par lui faire croire que, fatigué par l’âge, il allait trembler et perdre l’équilibre, mais alors qu’il faisait semblant de tomber, lui faucha les jambes pour la faire tomber à sa place tandis qu’il se redressait. Il se massa le bas du dos. Il simulait beaucoup la douleur dans les os, mais elle se réveillait de temps en temps. De plus en plus souvent même. Il n’avait plus de beaux jours devant lui.

« Elle a eu de la chance, cracha Damia sans même lui laisser le temps de parler.
-De la chance hein ? demanda le Maître.
-Ou vous l’avez fait exprès, juste pour m’humilier, dit Damia. Je suis une meilleure guerrière qu’elle.
-Esquive mes coups, dans ce cas, dit le Maître, lassé. »

Damia se rendait-elle compte qu’une humaine était largement meilleure guerrière qu’elle ? Après tout, il avait dû feinter pour la piéger. Enfin bon. Il avait mal au dos, et partait donc avec un handicap pour cette passe.
Et pourtant…
Très vite, Damia se remit à crier de douleur à chaque coup. Il se demanda s’il ne lui faudrait pas viser le visage pour lui apprendre un peu, mais réserva ce coup pour la fin. A la place il chercha d’autres moyens de la blesser intérieurement. Il remarqua que sa tenue avait pour but de mettre en exergue sa forte poitrine, aussi visa-t-il cette partie en particulier. Il ne lui fallut pas longtemps pour arracher la bande de tissu qui la dissimulait. Puis il frappa son élève, qui ne semblait même plus comprendre ce qui lui arrivait, et se contentait de crier à chaque coup.
Elle tomba à genoux. Il s’arrêta. Elle tomba face contre terre, les bras le long du corps. Evanouie pour de bon, semblait-il. Il la ramassa, et fit signe Rampe de la charge sur son épaule, la tenant du mieux qu’elle pouvait avec son bras mutilé.

« Je devine à ton regard que tu projettes de la faire disparaitre, dit-il à l’humaine. Je vais te demander de la ramener dans sa chambre. Pas la peine de la mettre sur son lit, laisse-la tomber par terre une fois entrée. Si tu la tues, ce serait peut-être une bonne chose, mais ta mort serait longue et douloureuse. Elle n’en vaut pas la peine. Et puis, je suis payé à la séance… Tu n’oserais pas priver un pauvre vieillard de l’une de ses seules sources d’argent pas vrai ? Alors à demain... »

Il s’éloigna.
Mar 2 Fév 2016 - 0:37
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