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Dans le couloir des ténèbres pour l'éternité [PV Pygargue]
Le Pygargue
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Localisation : En route pour la Citadelle de gel
Fils de Kafkon Samuel
Le Pygargue
Ce sont les hommes qui sont imbéciles, ayant basé les voiles des navires sur le même principe que la tornade, de trouver le naufrage moins logique que la navigation.

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Dans le couloir des ténèbres pour l'éternité [PV Pygargue] Sans_f10




« Les Ramiens, disait le jeune homme, sont des hommes noirs et de mauvaise mine. Certains d'entre eux ressemblent à des singes.

Sa chemise tomba tout de suite lorsque la hâte de son compagnon la délia. Il se laissa faire, docile comme un enfant. Il se laissa faire même lorsqu'il le poussa sur le lit. C'était un vieux lit, au bois usé et qui grinçait à chacune de ses agitations. Le garçon se redressa sur les coudes, laissant venir à lui, sur lui, son interlocuteur. Il le dévorait des yeux.

- Les Ramiens sont noirs, disait ce dernier en s'attaquant au pantalon du garçon, parce que leurs cheveux ont moutonné sous les vagues de la Passe et leurs peaux ont brûlé sous le soleil de Lothÿe.
- Fichtre Lothÿe ! blasphéma le jeune homme en révélant sa nudité à son amant. Skulledge est un endroit oublié de Lothÿe. On ne voit presque jamais le soleil ! C'est un temps qui provoque les tensions, conclut-il en tirant à lui son compagnon qui le dominait sur le lit.

Le Pygargue se laissa faire sans hâte. Lorsque le garçon lui vola un premier baiser, il tenta de s'abandonner entièrement à cette étreinte interdite. Mais tous ses sens étaient en alerte. L'odeur du garçon l'enivrait. Les battements de son cœur l'assourdissaient.

- Si le temps provoque les tensions, chochota le Pygargue au jeune homme, le sexe les apaise.

Il s'agenouilla un instant sur le jeune berger aux vêtements éparpillés un peu partout dans la chambre du manoir. Il entendait à chaque battement du cœur affolé le monde se dilater ou se contracter. Leurs caresses se firent plus osées, plus profondes et plus dangereuses. Il se fit dominant et arracha à son tour un baiser, presque agressif, à son ami. La peau pâle, blafarde du jeune homme contrastait avec ses yeux noirs. Il avait un corps blanc comme le lait, doux comme le miel. Presque encore un enfant, songea Le Pygargue. Son visage d'ailleurs, était celui d'un enfant. Il avait l'accent de Salicar dans la voix. La rougeur de ses propres baisers au cou. Un cou vendu aux enchères...

- Tu es trop beau, dit le jeune homme en prenant entre ses mains le visage de son ami.
- C'est la blessure fantastique qui viole même les lois de la nature.

Le jeune homme n'avait pas compris.

- Embrasse-moi.

Pygargue l'embrassa. Cette odeur qui l'enivrait, et celle de la peau transpirante, méritait de risquer sa vie. Ou d'avoir bravé la mort. Devant le berceau froid et les caresses expertes de son ange éphémère, le garçon l'encouragea à plus de hardiesse sur le lit au bois grinçant. Ce dernier, du bout de ses doigts blancs et immaculés, paraissait à la fois louer et blâmer le comportement de son compagnon.

- C'est interdit, susurra le jeune garçon en se mordant les lèvres sous la frénésie virilité de son ami.

Une goutte de sang jaillit même de ses lèvres, à force de se les mordre pour retenir ses cris, et Pygargue eut l'impression qu'une fosse s'ouvrait à ce même instant sous le lit. Incapable de se concentrer davantage, affamé, il se saisit du visage du garçon et, placé dans son dos comme il l'était, attira sa nuque à ses crocs. Au moment où il s’apprêtait enfin à mordre avec violence, la porte de la chambre s'ouvrit et claqua contre le mur ! Le jeune homme sursauta, cachant sa nudité avec les draps du lit. Pygargue ne réagit même pas. Un homme avança, passant le pas de la porte. Le talon de ses bottes retentissait dans tout le manoir. Sous son pas, la ville entière de Skulledge paraissait se contractait.
L'homme qui venait de déranger les deux amants avait un regard de braise. Deux yeux rouges comme l'enfer semblaient briller dans la pénombre, soutenant un front large et blanc. Un regard qui hypnotisait n'importe qui, et qui paraissait accuser les miroirs d'être taux. Ses cheveux encore plus blancs que sa peau volaient autour de ses épaules larges, ondulant comme un bouquet de couleuvres autour de son visage carré. Il était couvert d'une simple chemise blanche en coton, fourrée de martre et poignets damasquinés à chaînette d'or, amples et qui tombaient avec légèreté, comme une plume, autour de ses coudes. Son pantalon de cuir bouilli serrait ses cuisses et ses jambes puissantes. Des jambes qu'il avait grandes, car il était lui-même très grand de taille. C'était la beauté fatale qui observait là. Le figure du mensonge, qui a pris l'éternité pour elle et ne laissait que la mort. Ses yeux rouges se détournèrent sans effort du garçon, pour se poser sur son compagnon.

- Qu'est-ce que tu fais ? souffla Kafkon d'une voix d'outre tombe.

C'était un cadavre magnifique, songeait le Pygargue. Un cadavre qui pouvait parler. Il n'avait jamais vu de plus beau monstre que celui qui lui parlait présentement.

- Qui est-ce ? demanda apeuré le jeune homme.
- Mon père.

Le garçon tourna alors, lentement, un visage interloqué vers son ami. Comment pouvait-il être son père, puisque les deux paraissaient avoir le même âge ? Le Pygargue ne lui fit pas de réponse. Plutôt, il jugea plus prompt de planter ses crocs avides de sang humain dans le cou du garçon qui, terrorisé par la vision du vampire aux yeux rouges, ne vit rien venir ! Obnubilé par la douleur, il fixa son regard empli de larmes sur un point invisible de la chambre, avant de trouver la force de repousser son ennemi ! Le Pygargue roula aux pieds du lit, le désir étant pour lui la plus luxueuse et douce des tortures !

- Edus ! Edus, Père des hommes ! appela le garçon en quittant le lit d'un bond !

Il songea un instant à passer par la porte, mais il vit Kafkon qui se tenait là, immobile, contemplant la scène d'un air déjà là comme si elle fut jouée et rejouée, et se saisit d'un poignard qui traînait sur le chevet du lit !

- Vous êtes des vampires ! glapissait-il en tendant, de ses deux mains, son poignard ! N'approchez pas ! N'approchez pas, ou je vous tue !

Ce disant, il reculait toujours plus, jusqu'à approcher de la fenêtre de la chambre, puis, au comble de la terreur lorsque le Pygargue se relevant, essuyant du revers de la manche le sang qui maculait ses lèvres, les yeux étincelants acharnés sur le garçon comme un frelon sur un fruit gluant de miel, il évalua la distance et se défenestra ! Par chance, la chambre n'était pas haute au-dessus du sol, et un lierre grimpant couvrait la tour du manoir, permettant au garçon d'atteindre sauf le sol et de filer au regard de la lune pleine sous les frondaisons de la forêt !

- Ce que tu fais est dépravé, lâcha Kafkon Samuel d'une voix lasse en croisant les bras sur son torse.
- Je n'ai rien fais ! se défendit Pygargue hurlant d'une voix de damné !
- On ne joue pas avec la nourriture.

Dans un geste presque noble, Kafkon se tourna vers la fenêtre de la chambre.

- Après tout ce temps, l'accabla-t-il, tu es comme un enfant. Incapable de chasser seul et faire les choses correctement.

Les yeux de Kafkon brillaient, lorsqu'il parlait, telles des lanternes sur des ruines.

- Rattrape-le. Tu sais très bien que si il regagne Skulledge, nous aurons dès demain tout le village à notre porte.

Et son Maître disparut dans la cage d'escaliers, aussi silencieusement qu'il était entré. Pygargue prit la peine et le temps de se vêtir, d'une main impatiente, tremblante et frénétique. Puis il se mit à la fenêtre, et bondit au cœur de la nuit !

Retrouver le garçon ne fut pas difficile ! Il était apeuré, fatigué et bruyant lui tout seul comme un orchestre ! Le Pygargue parvenait, à moins d'une demi lieue s'il le voulait, à entendre son cœur affolé cogner dans sa poitrine pleine de chair et de sang ! Il percevait aussi, sous sa nouvelle forme, une meute de loup à un peu plus d'un tir d'arquebuse de lui ! Mais les loups n'étaient pas sa cible. Du moins pas cette nuit !
Il retrouva le garçon et l'appréhenda de haut ! Tombant littéralement du ciel, le Pygargue plaqua au sol sa proie, qui s'égosillait en pleurs et en suppliques !

- Sachez que le monde où nous vivons est un monde effrayant, lui fit savoir d'une voix criarde Le Pygargue ! Mon soleil est lugubre ! Ma terre est horrible ! Pourquoi êtes-vous là à vous plaindre, vous âme humaine qui pouvez encore jouir de tous les excès que le monde autorise ? Pauvre cœur sans flambeau ! Mes prières, les Dieux ne les entendent plus ! Les oiseaux ne les entendent pas, qu'il soient aigle ou colombe ! Les prêtres, les femmes, les cieux ne les entendent plus ! Je les donne à la tombe ! Plus je prie, et plus je meurs ! Ces marques sur votre cou montrent qu'une partie de votre âme m'appartient déjà ! Vous m'appartenez donc, vous viendrez endurcir mon cœur déjà plein de vices !

Et comme le garçon, nu et tâché de terre et de sang, reculait sur le dos, rampant, pleurant, espérant échapper à l'ombre du prédateur qui avançait, d'un pas tranquille vers lui. Une main formidable tomba alors sur son cou, le soulevant de terre ! Les yeux bleus du Pygargue, à présent, s'embuaient et luisaient d'une drôle de façon en lançant de la haine !

- Je suis victime d'un joug injuste que j'ai pourtant subi tant de fois ! Attaché près de moi par une malédiction sanglante, l'infortune a placé sur ma route celle de mon père ! Et nous marchons, tous deux, à la damnation éternelle comme un voyageur sur une mauvaise route ! Voilà la vérité ! On m'a appliqué dans le dos un coup d'épieu qui a fait jaillir les viscères ! Le monde a tourné, tout s'est produit dans mon dos. Je dois à mon Père la vie éternelle !

Il avait alors lâché sa victime, haletant comme une bête !

- Nous sommes maudits ! Quittez cette forêt ! Quittez le village de Skulledge ! Quittez Salicar ! Ne vous laissez jamais plus séduire par notre visage parfait ! Cette beauté qui séduit n'est que l'antique poison d'un prédateur ! Fuyez loin de moi, loin des créatures de la nuit ! Quittez Salicar, et ne revenez jamais plus !

Il hurla alors, levant au ciel ses poings d'acier, dévoilant ses crocs de bête ! Une éternité parut s'écouler pour lui ! La forêt entière signalait par des phénomènes surnaturels sa présence invisible et indésirable ! Il était affamé, et partit dans la direction opposée à celle qu'avait prise le pauvre garçon ! Il courrait, volait, aveugle à ses désirs, n'écoutant que les battements de cœur animal qu'il percevait ! Il trouva alors la meute, et, après un carnage sans nom, se repût de plusieurs loups. Lorsqu'il rentra au château, il trouva Kafkon Samuel assis sur une chaise en bout de table, une table en bois vernie gigantesque, posée dans le salon. Ce dernier était tranquillement en train d'écrire. Son état contrastait avec celui de son "fils". Couvert de sang, vêtu de lambeaux, Pygargue haletait comme une bête, pris d'une sorte de transe et de colère noire, tandis que Kafkon Samuel portait une chemise blanche immaculée. La peau de ses mains fines était impeccable, ses ongles méticuleusement propres. Il ne jeta pas même un regard au Pygargue, qui referma, lentement, les lourdes portes battantes du manoir derrière lui. Il éprouvait de nouveau ce besoin douloureux de partir ! De tout quitter. De fuir sa condition !

- Allons-nous en de Skulledge !

Tranquillement, Kafkon tourna une page du livre qu'il consultait.

- C'est toi qui nous a trouvé ce manoir, à Skulledge.
- Je sais.
- Je n'étais pas pour l'idée de nous établir à Salicar, à la base.
- Quittons Salicar !

Kafkon Samuel soupira, posant et refermant le livre en face de lui. Il se leva de toute sa hauteur, croisant ses bras dans son dos. Il daigna enfin lever ses yeux sur son élève. Cela faisait presque un Tour qu'ils voyageaient ensemble, depuis ce jour funeste où leurs chemins s'étaient croisés, lui humain mourant, et Samuel Roy immortel et Seigneur de la non-mort, quelque part dans les bois avoisinant Teikoku. Il parait que le Pygargue, aux portes de la mort, avait imploré ce dernier d'être son sauveur, sans savoir qui il était. Une prière dont Pygargue n'avait plus le souvenir. En revanche, il se souvenait bien de sa renaissance dans la jungle immense aux herbes bleues du Nouveau Monde, et des jours qui ont suivi. Il était devenu une créature de la nuit. Son nouveau Maître, Kafkon Samuel, n'avait jamais rien exigé de lui en échange. Mais les premières semaines, l'esclave Ramien que l'on connaissait sous le nom de Rajah avait été totalement dépendant de son nouveau tuteur. Incapable de se nourrir seul, il se refusait à chasser, préférant gober le sang de rats et autre animaux plutôt que celui d'indigènes ailés, ceux-là même qu'on appelait Gyrkimes. Et pire que tout, plutôt que boire le sang de Ramiens. Une fois exaspéré, Kafkon Samuel lui avait maintenu le visage à l'intérieur de la plaie béante qui ouvrait le cou d'une jeune Gyrkime mourante, lui ordonnant : "Bois !" Pygargue, animal fou furieux, avait cédé à ses instincts tourmentés, et avait vidé le cadavre jusqu'à la dernière goutte ! Après cela, il n'avait plus vraiment été le même. En voulait-il à son maître ? Sans doute un peu. Mais son sens de l'honneur lui rappelait sans cesse que Kafkon Samuel lui avait sauvé la vie en volant la sienne, malsaine contradiction, et que lui avait été, les Lunes qui suivirent, plus un boulet attaché aux pieds de son Maître qu'une aide. Ainsi, il s'était abandonné au mal qui le rongeait de l'intérieur, se déchargeant par là même de tout ce qui faisait sa conscience, et avait commencé à chasser de lui-même. Kafkon Samuel avait bien insisté sur ce point : il devait absolument couper les liens qui le retenaient encore à sa vie passée. "Tu es mort." répétait souvent son Maître sur le Nouveau Monde. "Tu dois t'y faire, car il n'existe pas de remède !"
Le Pygargue chassait, et sa proie favorite était les jeunes garçons. Son éducation d'aristocrate Impérial, imprimée au plus profond de lui, refusait de se laissait assassiner de la sorte, et il avait ainsi décidé, question d'équilibre, de ne jamais toucher à une femme.

Il n'oubliait pas non plus Palomar. Plus d'une fois, il avait demandé, supplié Kafkon de le laisser retourner à Teikoku qu'avait investi le Cheikh el Shrata. Il voulait revoir Palomar une dernière fois ! Il ne voulait pas le laisser ainsi s'apitoyer dans le deuil et l'ignorance ! Il voulait revoir son ancien maître, pour lui dire qu'il n'avait pas quitté ce monde ! Mais à cela, Kafkon avait été encore plus froid que d'habitude en lui rappelant d'un regard qui faisait trembler les montagnes, qu'il était "mort !" Redoutant la colère du vampire, qu'il devinait dévastatrice, Le Pygargue n'avait plus insisté.

Mais ce soir était différent ! Frustré, aliéné, insatisfait, Le Pygargue sombrait toujours dans une rage folle lorsqu'il constatait que ses appétits de luxure, grandissants, restaient, et resteraient éternellement insatisfaits ! Il se sentait désespérément seul, et, ne l'aidant pas, Kafkon Samuel avec qui il passait toutes ses journées et toutes ses nuits depuis presque un Tour, était d'une froideur glaciale ! Ce dernier revenait d'ailleurs à pas lents, observant la lune par la fenêtre, les mains croisées dans son dos. Et Pygargue avait une furieuse envie de lui sauter à la gorge, de le mordre, lui ! De combler son désir et sa soif, de chair et de sang, sur ce Père qui ne supportait même pas qu'on le désignait comme tel !

- Cela fait plusieurs semaines que nous sommes ici ! rappela Le Pygargue à Samuel ! Reprenons la chasse ! Nous avons fouillé de nombreux ports pour retrouver Franco ! Borto Pello porte encore les stigmates de notre passage ! rappela-t-il.

Kafkon Samuel leva une main ouverte en direction de Pygargue, comme pour lui intimer le silence. Un geste qui l’énerva encore plus !

- Vous voulez retrouver ce pirate notoire, non ? Alors reprenons la chasse !

Ce disant, afin de donner encore plus de sévérité à son annonce, il envoya valdinguer à l'autre bout de la pièce une commode qui se trouvait non loin ! Elle cogna contre le mur, faisant trembler le manoir entier des fondations aux charpentes ! Il se dressa, les mains tendues, et se saisit alors de chaises, qu'il envoya valdinguer dans les airs, rejoignant la commode ! Puis, la poitrine gonflée d'une toute nouvelle force, il se saisit de la table, gigantesque table, qui valsa elle également à travers la pièce ! Kafkon Samuel avait bondi, aussi agile d'un chat, afin de l'éviter ! Il retomba sur le sol, silencieux comme une tombe, mais ses yeux exprimaient clairement une étincelle de colère !

- Tu ne l'as pas tué.

Ça n'était pas une question ! Le Pygargue se cogna contre un mur, avant de se laisser glisser puis tomber au sol.

- Je n'ai pas réussi.

Il détestait devoir avouer son échec à son Maître. Mais le vampire qui lui avait donné la vie voyait clair en lui. Lui mentir aurait été -avait toujours été !- inutile !

- Idiot, glapit Kafkon Samuel. Tous les villageois de Skulledge seront à nos portes dès l'aube naissante avec des reliques en argent et des prêtres !

Le Pygargue retroussa ses lèvres, dévoilant ses crocs exhalant encore une odeur amère de sang frais !

- Peu m'importe ! Partons ! Je veux partir ! Je suis insatisfait, ici. Tous mes désirs restent insatisfaits ! Partons !

Il voyait en Kafkon Samuel, en ce moment, un cœur sénile conservé dans l'immonde anatomie d'un jeune homme ! Il voyait en lui un fier ennemi ! Et pourtant ! Il savait seul qu'un mot, qu'un regard, qu'une tendresse du vampire qui l'avait fait aurait pu le calmer ! Mais non ! Toujours de sa voix froide et glaciale, mais ponctuée cette fois-ci d'un brin d'humeur, Kafkon Samuel au summum de sa beauté empoisonnée fit face à la frustration de son compagnon de route.

- Je ne suis pas ton père, lâcha simplement Kafkon avec dédain. Et toi, tu n'es plus vivant. Maintenant arrête de faire le gamin, tu m'exaspères !

Des Lunes qu'il n'avait plus entendu ces mots-là !

- Je crèverai en enfer avant d'obéir à un monstre impassible comme vous !

Kafkon Samuel riposta, l'obscurité accroché à son souffle :

- Je ne t'ai jamais retenu près de moi.

Le Pygargue se releva. Son Maître s'était déjà détourné.

- Nourris-toi convenablement la prochaine fois ! Si tu ne peux plus contenter tes désirs, apaise au moins ta faim !
- Et...Et pour les villageois ? demanda le Pygargue, tremblant de frustration.

Kafkon Samuel ne répondit pas, et disparut dans la pièce voisine du manoir. Sans doute réservait-il sa réponse. A moins qu'il n'attende de Pygargue qu'il s'en occupe lui-même. C'est ta merde qui éclabousse, à toi de nettoyer. Il suivit néanmoins le pas fantomatique de son maître, jusqu'à la chambre qu'il avait choisi d'occuper. Kafkon Samuel venait de remarquer un éclat de bois, sans doute provenant de la table brisée par son élève, logée dans le gras de son bras, transperçant sa chemise. Sans émotion, il se dénuda et fouilla dans l'armoire afin d'en changer. Le Pygargue savait qu'avant l'aube, la blessure tâchant de sang rouge la peau livide aurait disparue.

- Franco est à vous, lâcha Le Pygargue derrière son maître. Tout comme moi. »

Il savait qu'espérer un quelconque signe de chaleur ou de camaraderie de la part de son Maître était inutile. Dans l'obscurité de la chambre, les yeux avisés du Pygargue distinguaient sous la peau cadavérique et glaciale chacun des muscles et chacune des veines de l'ensorceleur désirable qu'était Kafkon Samuel. Elle lui paraissait fausse mais pourtant sans artifices. Il n'oubliait pas que sa faim était encore excitée et sa frustration grande. Le Pygargue se fit violence pour se retourner, laissant Kafkon Samuel, de nouveau vêtu, reprendre sa lecture comme si de rien n'était. Il se disait quelquefois que ce corps-là était trop parfait, et cet esprit bien trop inébranlable pour être vrai. Il devait rêver. Piégé dans un long cauchemar éveillé. Depuis plus d'un Tour.

Sam 7 Oct 2017 - 14:19
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
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« Si tu les prends individuellement, ils ne valent rien. De temps en temps, bien sûr, tu tomberas sur une sorte de saint vivant qui te posera plein d’emmerdes, mais ceux-là sont rares, et souvent les ordinaires ont même tendance à se prendre pour eux, ce qui est encore plus drôle. Mais attention, s’ils commencent à s’entrainer, un plus un, plus un encore, plus un encore… Tu crois que tu peux les vaincre sans problème, et tu le peux encore. Mais encore un autre, et encore un autre… Et finalement, au bout d’un moment, la situation dérape complètement. »

Des mots de sagesse. Pas vraiment élégants, s’il fallait lui demander son avis, mais Kafkon espérait que son nouveau-né, Pygargue, puisse les entendre. Car ils dictaient son rapport nouveau avec les humains à présent. Il était important que le jeune vampire les entende, pour comprendre que les humains le voyaient désormais comme une menace, et étaient prêts à s’unir contre lui.

« Ce ne sont plus tes amis, dit-il. Tu es un prédateur. Tu bois leur sang. Et ils ne l’oublieront pas aussi facilement que toi tu peux l’oublier. »

Ils étaient le lendemain de cette nuit dans le village. Kafkon, reposé, lui faisait donc désormais une leçon.

« N’oublie pas ces conseils. Cela pourrait te valoir des ennuis. Que je ne te voie plus trainer avec les humains inutilement. Nous ne sommes ici que de passage, avant d’aller trouver Franco. Uniquement parce que nous y avons besoin d’aide. Mon addition d’il y a quelques instants. J’y reviens. Franco sait que je viens pour lui. Et donc il aura certainement pris ses mesures pour le jour de notre arrivée. Nous sommes en Salicar parce que nous attendons une vampire nécromancienne que j’ai sauvé d’affaire par le passé et qui me doit une sacré dette la salope. Dès qu’elle arrive, nous partons et nous traquons Franco. C’est clair ? »
Mar 7 Nov 2017 - 22:24
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Le Pygargue
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Le Pygargue
« Soyez humbles, perdez au courant de vos transes
« Votre espoir, votre orgueil et votre dignité
« Pour que je puisse encore augmenter vos souffrances
« En instituant sur vous d’exquises cruautés. »

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Dans le couloir des ténèbres pour l'éternité [PV Pygargue] Iced-l10


« Les villageois n'attaqueront pas, dit Kafkon Samuel en répondant à la question du Pygargue. Ils savent ce qu'ils risquent à force de vivre dans la terre des morts.

Le vampire laissa errer son regard, un moment, sur la flamme vacillante de la bougie posée sur le buffet à côté de lui. Puis il l’étouffa entre son pouce et son index, et reprit sa lecture, jambe croisée l'une sur l'autre. La pièce était plongée dans une obscurité totale. Les ténèbres. Les ténèbres. De tous les vampires qui arpentaient Ryscior, songea Le Pygargue, son père était sans aucun doute le plus funèbre et le plus froid. Les habitudes qu'avaient adopté Kafkon Samuel, comme celle de lire dans le noir complet par exemple, ne le surprenait même plus. Plusieurs semaines avaient passé depuis que Le Pygargue avait envoyé vaisselle, meubles et argenterie exécuter leur baptême de l'air au nez et à la barbe de son père, dans le salon du manoir. En près de vingt jours, c'était quasiment la première fois que son père lui adressait la parole. Une nuit éternelle et un silence assourdissant régnait en maître chez eux, et Le Pygargue prenait soin de considérer ces attributs comme ceux particuliers à Kafkon. Et lui dans tout cela ? Il rongeait son frein, solitaire éveillé, froid et mélancolique. Jamais son père n'avait été aussi peu bavard depuis leur rencontre. Le Pygargue en venait presque à regretter les premiers jours qui avaient suivis sa naissance, lorsque Kafkon avait été pour lui un véritable guide. A l'époque, il avait été outré de la sécheresse qui tambourinait derrière chacun des mots du vampire aux yeux rouges. Aujourd'huy, il aurait tout donné pour entendre son père prononcer au moins dix mots dans la journée. Car c'étaient ainsi que les journées s'écoulaient. Silencieuses comme des lacs. Il se sentait trop souvent malheureux comme les forçats de l'Empire qui traînait leur boulet partout où ils se rendaient. Et incroyablement frustré, affamé et rongé de désir.

- Mais ça n'est pas une raison. vint conclure son père tout en tournant une page du grimoire qu'il consultait.

Le Pygargue le vit alors froncer les sourcils. Kafkon Samuel se leva, alla jusqu'à son bureau, fureta parmi ses tiroirs, en sortir plume d'oie et encrier puis entreprit de barrer quelque chose à l'intérieur des pages, avant de réécrire par-dessus. Le Pygargue jeta un coup d'oeil sur le titre de l'oeuvre :

L'Univers (complet) de Ryscior

L'Auteur était un certain SilverHand, historien de renom sans aucun doute, mais dont il ignorait tout. De toutes évidence, son père en savait plus que lui sur Ryscior. Il en savait sans doute plus que n'importe qui sur cette terre, en fait. Quoique le silence n'eusse rien qui le blesse physiquement, Le Pygargue ne le supportait plus à un point tel que voir son père lire ou écrire le rendait malade. Un vampire ne dormait pas, la nuit. Même si il arrivait de temps à autre à son père de se reposer, terme faisant pour ceux de sa race l'éloge de la paresse, le sommeil ne les prenait jamais. C'est ainsi que les nuits semblaient au Pygargue plus longues encore que les jours, et les semaines paraissaient pour lui des Lunes. Parfois, il se demandait même si son père ne s'était pas foutu ouvertement de lui, en évoquant cette amie nécromancienne. A croire que 'l'amie' habitait à l'autre bout d'Alénaraque !

- Qui vous a créé, à vous ? demanda Le Pygargue à Samuel qui, plongé dans sa lecture et sa Sainte tâche consistant à réécrire les travaux de ce SilverHand, ne paraissait pas l'avoir vu.

Alors deux yeux acerbes, pris d'une mâle (et mortelle !) assurance se levèrent de Univers (complet) de Ryscior et vinrent le foudroyer.

- Je t'en pose des questions ?

Le Pygargue sut qu'il était inutile d'insister. Si, depuis la dernière réprimande de son père il n'avait plus mis le nez dehors, l'envie de retourner se mêler au village de SkullEdge le démangeait comme une piqûre. Il était mort, il le savait et son père le lui avait suffisamment répété. Mais l'inactivité le rendait réellement fou. Oh, qu'était-ce, face à l'éternité, trois ou quatre jours de silence et d'inertie ? Il ne s'en serait jamais plaint assurément. Mais avec ces nuits interminables...

- Tu apprendras à l'aimer, le silence, dit Kafkon.

Un rictus couvrit la bouche du Pygargue. Tiens, qu'arrivait-il donc à Kafkon aujourd'huy ? Trois prises de paroles dans la même journée ? Assurément cette nuit, il neigerait ! A moins que pour son père également l'inertie commençait à l'ennuyer. Il existait un sombre royaume derrière le soleil et, si lui le découvrait à peine, le Pygargue était intimement convaincu que son père en savait tout.

- Le silence m'insupporte ! dit Le Pygargue en élevant le voix comme aurait rugi un lion ! Vous paraissiez un roc, un refuge élevé au-dessus des tourments et de la mort elle-même. Je n'ai pas enfreint vos lois, je ne suis plus allé trouver d'humain depuis vos dernières paroles. Mais vous m'avez enfermé dans un immense désert sans chemin. Du moins jusqu'à l'arrivée de votre amie.

Alors Kafkon Samuel referma son livre, d'un coup sec : CLAP ! Bien sûr, Le Pygargue ne songeait qu'à pousser ses avantage et ne rêvait que de conciliation en disant cela. Mais très vite le foudroyèrent ces yeux, prémices de la plus froide des tempêtes. Il lui sembla alors que dès cet instant, l'ombre de son père recouvra un grand territoire !

- Eh bien tu patienteras encore quelques lunes ! gronda Kafkon Samuel qui ne semblait plus du tout avoir envie de lire. Le principe de la patience, c'est d'être capable de la tenir le temps qu'il faut.
- Je n'ai pas enfreint vos lois ! répéta Le Pygargue. Mais j'ai toujours aussi faim !

Alors le tonnerre éclata !

- Mais quel crétin d'idiot ! s'exclama son père en regagnant le salon d'un pas vif ! C'est la sodomicité qui rend aussi stupide ? Nous avons des serviteurs ! Ils sont là pour ça. Tu te nourris tranquillement sur eux, ils acceptent, et ils retournent à leur tâche !
- Je n'aime pas faire comme cela. Ça serait agir comme une bête.
- Parce qu'aller pourchasser des paysans qui n'ont rien demandé dans la campagne, c'est se comporter comme un être civilisé peut-être ? Va immédiatement te nourrir sur un serviteur pauvre imbécile, ou je te jure que je te plante un poignard d'argent dans l'estomac, histoire que la fin te dévore littéralement les entrailles !

Et afin de mêler le geste à la parole, Kafkon Samuel avait ouvert un tiroir afin de se saisir d'un couteau dont la lame étincelait ! Était-ce donc de l'argent ? Depuis quand son père gardait cela caché ? Alors l'idée que son père envisageait peut-être, ou avait envisagé un jour de se débarrasser de lui l'emplit de terreur !

- Tu vois, reprit Kafkon Samuel en tendant vers lui la pointe de son poignard, la seule exception tolérable à la patience, c'est la stupidité. Et là, tu es stupide. Je ne t'ai pas mordu pour que tu le sois. Je t'ai mordu pour que tu sois un allié dans la chasse au Franco. Si tu es stupide, tu es un mauvais allié, et un mauvais fils pour moi. Donc ce que je fais, c'est pour ton bien. Montre-moi que cet effort est bien placé.

Il conclut sa phrase par un regard, sourcil arqué, qui aurait fait plier les montagnes elles-même si d'ordinaire il leur était destiné. Le Pygargue baissa la tête.

- Je le ferai, père.

Kafkon Samuel rangea son poignard, le dissimulant habilement à l'intérieur d'un petit harnais placé sous l'excavation du tiroir supérieur, invisible à l’œil si l'on ne prenait pas la peine de se baisser.

- Parfait. De toute façon elle sera bientôt là. Tu n'auras plus besoin d'être patient. Mais tu devras encore être civilisé, sache-le.


Il acquiesça, silencieux. Alors que son père tournait les talons, aussi détendu que s'il ne s'était rien passé, Le Pygargue lança entre deux murmures :

- Si ma compagnie vous est odieuse, je resterai loin de vous. Mais j'aimerai vraiment vous convenir. Être un meilleur fils.
- Alors écoute-moi. »

Kafkon ferma la porte derrière lui, mettant un terme à l'entretien. Le Pygargue compta mentalement vingts jours de plus avant leur prochaine discussion.

Effectivement, une quinzaine d'autres jours passèrent, les jours semblables aux nuits, semblables aux jours précédents. Et comme il fallait au Pygargue une source vive où apaiser sa soif, métaphoriquement parlant, il prit la liberté de s'absenter une nuit du manoir, laissant derrière lui un père pleinement concentré sur un travail immense de réécriture de l'Univers (complet) de Ryscior. Kafkon Samuel avait même pris la liberté de rayer le nom de SilverHand sur la page de garde du recueil afin d'y noter le sien en caractères italiques. Le froid ne le prenait pas aux yeux.

La nuit était profonde, sous l'herbe et les ronces le ruisseau disparaissait et le chemin s'enfonçait. Une immense forêt entourait le manoir, faisant office de frontière entre SkullEdge et leur demeure à eux, vampires. Il avait abondamment neigé ces derniers jours, et chacun des pas que faisait Le Pygargue sur le givre produisait un crissement qui l'emplissait de joie ! La forêt était vivante et animée ! Au loin, un loup hurlait. Un chouette roucoulait doucement dans les rainures d'un vieux chêne. Le vent soufflait dans les feuilles. Parfois, une plume tombait. Le frottement d'ailes obscures faisait écho au bruit de griffes sous le givre puis, plus loin, la lente complainte du lac pris sous une épaisse couche de glace. Le Pygargue eut alors l'impression qu'il était un asphyxié respirant à nouveau ! Même si, pour satisfaire son père, il s'était fait violence afin de ne pas quitter ces quatre murs, résistant par là à la tentation de la luxure et du meurtre, il se jura de ne jamais plus se laisser de la sorte enfermé.

Pour les habitants de SkullEdge, son jeune amant le lui avait dit, la forêt qui bordait le village et s’étendait sur plusieurs lieues au sud-est de Salicar était maudite. Surnommée la Forêt Noire, il ne faisait pas bon de s'y aventurer de nuit car des monstres effroyables y rôdaient. Les superstitions étaient néanmoins fondés ! Les montres, c'étaient les goules que Le Pygargue croisa plus d'une fois, abominations en peine, errant mortifiées à travers la brume. Elles le virent, mais ne l'attaquèrent pas. Sans doute étaient-elles à la recherche de créatures à sang chaud.
Mais plus encore que les goules errantes, c'était la Bête Noir que les villageois redoutaient. Qui était-elle ? Le Pygargue l'ignorait. Un fauve affamé, une aberration de la nature, un loup gigantesque. Les hypothèses étaient nombreuses. D'ailleurs, plusieurs des crimes du Pygargue par le passé avaient été injustement attribué à la Bête. Il avait profité de la superstition des villageois afin de faire disparaître les corps après les avoir vidé de leur sang. Personne n'avait posé de question, semblait-il. Les enlèvements étaient choses courantes à Salicar. Il ne faisait pas bon de sortir la nuit.

Alors que Le Pygargue se questionnait sur la nature de cette Bête, une étrange coïncidence le mit sur ses traces. Son pied vint se perdre dans les empreintes gigantesques et encore fraîche, griffues, de quelque chose qui ne semblait pas humain mais pourtant bipède. Rongé par l'envie d'enlever un ou deux garçons à SkullEdge, Le Pygargue jugea qu'une partie de chasse le distrairait de ses pensées, que cela ne mécontenterait donc pas son père, et ce serait une bonne chose. Le pleine lune, basse et claire dans le ciel, versait à travers la brume une mer argentée. Alors, mobilisant tous ces sens, Le Pygargue se mit en chasse !



Dans le couloir des ténèbres pour l'éternité [PV Pygargue] Wallha10


~



Le lycan abattit un coup de patte gigantesque qui fit trembler les fondations de la forêt elle-même et il s'en fallut de peu que Le Pygargue ne se prenne pas l'attaque de plein fouet ! Bondissant, léger comme une plume, le vampire couvert de sang -le sien, pour une fois !- reculait à une vitesse folle, évitant devant lui l'amoncellement de troncs qui craquaient et cédaient sous le poids et la furie du monstre ! Alors, frustré par cette proie qui ne voulait pas se laisser dévorer le lycan rugit une nouvelle fois et chargea ! Le Pygargue parvint à l'éviter en bondissant de branche en branche, le pas sûr et léger, et se maudissant encore une fois de ne pas avoir pris d'arme avec lui ! Alors un immense séisme secoua le sol, le givre se craquela et, sous la furie agressive de la Bête Noire, le sapin colossal sur lequel s'était hissé Le Pygargue céda ! Ce dernier profita de la chute afin de rendre d'avantage d'impact à son attaque, et chargea le lycan au bout de sa culbute ! Les deux adversaires finirent par rouler-bouler dans la neige, il y eut une pente que Le Pygargue n'avait pas vu, et il chuta encore davantage, butant contre divers rochers et racines ! La chute lui parut brutale, et il se dit que la même expérience faite sur un humain lui aurait brisé la nuque. Il se releva à l'instant où le lycan abattait dans le vide sa gueule gigantesque et béate ! Le Pygargue continua à esquiver les attaques de crocs et de pattes successives ! Sur ses bras et son torse, outre les éraflures dues à sa chute, les immenses sillages des griffes redoutables et des crocs tels ceux d'un boucher le marquaient ! Il saignait abondamment, c'était vrai, mais déjà le Seigneur de la Non-Mort qu'il était devenu reprenait le dessus, et il sentait son corps qui se régénérer, comme une renaissance de chaque instant ! Il passa alors à l'attaque, entourant de ses bras fins mais fermes le cou immense de la bête, serrant son poignet dans sa main gauche et refermant le plus possible cet étau mortel ! Mais la Bête Noire, furibonde, s'exalta avec tant de violence qu'elle envoya cogner Le Pygargue contre un soubassement de pierres noires ! Autour de lui, la neige vola dans la brume ! Il ne vit pas arriver sur lui, avec la charge d'un minotaure, le loup géant qui le mordit à la gorge, lui arrachant au passage une bonne part de chair ! Hurlant sous la douleur, Le Pygargue riposta immédiatement ! Ce ne fut alors plus qu'un échange de coups et de crocs ! Des dents se désossaient, du sang giclait, des gencives explosaient, des chairs se morcelaient ! Bête contre bête, le duel à mort qui se déroulait rendait toute son ardeur à l'âme du Pygargue ! Déjà les corbeaux, charognards naturels s'étaient approchés, guettant d'un œil curieux ce dernier acte. Mais Élué avait pour eux d'autres plans car, sous les coups prodigieux qu'assénait le vampire à son adversaire, un pan de glace large et long d'une demi-dizaine de pieds se retourna sur la surface du lac, emprisonnant sous ses anneaux les deux combattants ! Le lupan, agonisant de ses blessures mourut noyé, entraîné dans les profondeurs du lac par quelques monstres. Le Pygargue sentit également se poser sur sa peau, dans un nuage de sang, des mains blafardes mais il les repoussa ! Il nagea, prêt à percer la surface mais se heurta très vite à un immense mur de glace. Frappant du poing sur le mur de cette cellule inattendue, le Pygargue comprit qu'il était vain espérer, malgré sa force naturelle, briser cette barrière-là. Il nagea alors, glissant sous ce miroir glacé, espérant retrouver le flanc de givre par lequel il avait pénétré dans le lac mais ce dernier, sous le poids de la chute des deux adversaires, avait fait office de levier et s'était entièrement retourné sur le lac, comblant la même place qu'il occupait au départ !

Le Pygargue saisit la précarité de sa situation, lorsqu'il constata au travers le mur de glace sur lequel il tambourinait que l'aube ne tarderait point à poindre. Il nagea encore et encore, collé à cette surface aussi dure que de l'acier, tentant de mordre et de frapper du poing, d'y voir au travers le sang qui embuait l'eau, mais rien n'y fit. Les premiers rayons du soleil en diffraction sous la glace le brûlèrent tant, qu'il n'eut d'autre choix que se laisser entraîner par ses mains livides et spectrales tapies dans les profondeurs du lac, et il disparut à son tour.

Le Pygargue vécut alors ce qui lui sembla le plus se rapprocher du sommeil. Entièrement prisonnier des éléments, de l'ombre, de l'eau, du givre, des ténèbres, mort mais bien vivant, incapable de respirer mais incapable de s'asphyxier, incapable de se noyer, il se reposa le temps que devait durer son calvaire. Tapi dans d'autres sortes de profondeurs, il laissa rouler sur lui le flux et les spectres, et demeura ainsi toute la journée dans une léthargie douloureuse. Me voilà dans une situation bien singulière, songea-t-il. Cette malédiction qui me fait maître de la non-mort me condamnerait-elle à demeurer ici jusqu'à ce que Vamyse reprenne ses droits sur Élué ? Toujours était-il que le mur de glace qui enserrait le lac était d'une épaisseur extrême et que Le Pygargue, n'ayant aucun moyen de mesurer l'avancée du temps, demeura plus de trois jours et de trois nuits captif de cette raillerie-là. La nuit, il nageait et tentait de gratter la glace. Le jour, il se réfugiait dans les profondeurs. Mon père s'inquiète-t-il de mon sort ? Partirait-il sans moi de Salicar, si la situation venait à durer ? Le Pygargue était convaincu que Kafkon Samuel ne partirait pas à sa recherche. Il mesura ainsi, plusieurs jours durant, le poids qu'avait toute cette eau. Un poids suffisant pour écraser -et surtout étouffer !- un homme. Mais il n'était plus un homme, et dû endurer son supplice tel que le sort l'avait décidé. L'action avait beau se dérouler sous l'un des plus beaux paysages du monde, c'était bien d'un voyage en enfer dont il s'agissait là !

Au milieu des damnés au fond du lac, il rêva tout éveillé à Palomar. La douceur de ses yeux, de sa voix, de ses caresses. Il aurait préféré être mort. Les paupières closes et entièrement nu, chaque nuit il passait et repassait sous cet édifice de glace tel une barque sur les flots.
Ven 10 Nov 2017 - 22:49
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
Dargor
Envolé, le Pygargue. Disparu depuis plusieurs jours à présent. Kafkon s’en était inquiété, vraiment. Enfin au début. Quand il avait perdu la trace de l’oiseau au détour du lac gelé, il avait compris qu’il était inutile de le rechercher. Qu’il soit mort ou disparu ne revêtait donc plus la moindre importance à ses yeux. Tout ce qui importait, c’était les préparatifs du départ.
Il se trouvait qu’Enola, la nécromancienne à qui il avait fait appel, était enfin arrivé. Elle avait pris tout son temps. Mais elle était là désormais.
Sans rien dire de plus que nécessaire, Kafkon lui avait simplement fait savoir quelle serait leur tâche.

Trouver, et tuer Franco.
Mer 15 Nov 2017 - 18:29
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