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La fin d'un voyage.
Capitaine Theoden
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Capitaine Theoden
Le Blacksmith:






Au Seigneur Verstholen, à mon ami,


C'est le coeur chargé de larmes que j'écris. Il y a maintenant près de cinq lunes tombait votre ami, mon propre frère Bolch. Combattant à mes côtés dans une affaire sinistre d'enlèvement face aux plus vils des Elfes Noirs, votre vaillant Capitaine a succombé aux coups de leur chef dont je tairais jusqu'au nom maudit.
Je ne saurais dire à quel point je me trouve désolé face à cette perte, et je gage que vous saurez comprendre qu'il est difficile de parler d'avantage de cette tragédie.
Bolch était, vous le savez, un homme amoureux de son pays et des principes qu'il servait. Soyez assuré qu'il est mort sans trahir l'un ou l'autre.
Je joins à cette lettre la hallebarde qu'il avait emporté à son départ. Je crois savoir qu'il y était très attaché et je pense qu'il serait heureux de la voir dressée sur sa tombe. Même si elle est condamnée à demeurer vide.
Dame Uly, ainsi que vous même saurez lui offrir la cérémonie qu'il mérite, c'est certain. Je suis moi appelé par delà les océans afin de finir la tâche que nous avons commencé ensemble.

Votre serviteur,

Le Capitaine Théoden.







C'est en ces mots que Théoden se souvint du plis qu'il avait adressé au Seigneur de la Gardienne. Le moment avait d'ailleurs été difficile, comme la seule présence de Nynaeve à son bord le priva des obsèques de son frère. Et sa peine fut grande de ne pas pouvoir rapporter lui même la hallebarde de Bolch jusque dans le palais qu'elle avait si longtemps défendu.

Ca aurait pourtant pu être une bonne journée. Le vent était bon, en tout cas assez pour traîner le Wench à une allure respectable. Le soleil réchauffait les corps autant que les coeurs, après une traversée longue et périlleuse des glaciers de la mer des du Nord. Et surtout, Théoden avait pu enfin retrouver une de ses plus ancienne connaissance toujours en vie : Eve Brooke.

Capitaine de son état, Eve avait été éduqué comme lui dans la marine de Kelvin, et formée parmi les Aspirants de l'Académie Navale de Kelvin. Alors tandis que Théoden, après son vol audacieux et sa double évasion du domaine du Duc Medron, se faisait un nom sur les eaux du Nord comme du Sud, c'est dans le Nouveau Monde que la Capitaine Brooke décida de croiser. Bien sûr, elle ne pu prétendre à une réputation plus grande que son ami masculin : le Nouveau-Monde étant largement inexploré par les eaux et encore bien peu fréquenté. Surtout depuis la chute de Port-Argenterie.
Néanmoins, son équipage savait d'elle que c'était une Commandante de grand talent, et au caractère fort. Fort, ça oui car il lui en fallut pour s'imposer dans le monde largement masculin de l'Académie Navale d'où elle était issue.
Alors son profil était franc, ses yeux toujours sombres pour prévenir la moindre insubordination, et ses sourires d'autant plus précieux.
Beaucoup prétendirent d'ailleurs, lors de leur prime jeunesse qu'Eve et Théoden eurent de nombreuses relations, parmi lesquelles les amicales faisaient figure de simple décorations !
Elle aussit portait ce qu'il restait de son uniforme de l'époque. De façon quelque peu... détournée, certes, mais sa redingote aux couleurs bleu océan et dorée imposait toujours le même respect. De même que ses talons, claquant sur le bois du pont ou ses longs cheveux tirés en arrière, en une couronne de tresses strictes.
On la savait du reste bonne lame, pour un Capitaine, même si son amour premier avait toujours été la stratégie navale qu'elle maîtrisait de A à Z sans le moindre problème.

Sans doute même mieux que Théoden, d'ailleurs.

Alors, sur les bons tuyaux de son ami, elle avait obtenus les coordonnées du lieu maudit où le Wench avait été coulé (avant qu'il soit renfloué par la Reine des Océans) et trouvée une fière frégate de Sixième Rangs à faire retaper dans les Marches d'Acier. Et comme le vaisseau était flambant neuf, plus solide que jamais grâce au savoir faire des hommes du nord, elle l'avait grâcieusement rebâptisé Blacksmith.
Vif comme un oiseau, et léger comme tout, le bâtiment servit donc d'escorte au navire à peine rafistolé de Théoden.

Le voyage fut de toute façon tranquille, jusqu'à ce qu'il faille passer les Îles de Jade. Pour ce qu'il en savait, Nynaeve ne se montrait pas (ce qui n'allait pas pour lui déplaire), et Cassandra avec qui il s'était lié d'amitié passait le plus clair de son temps à la surveiller ou à prier Lothÿe dans sa cabine, attenante à celle du Capitaine. Et c'est avec des soutes pleines de vivres et des équipages de nouveau quasi complets que la petite expédition passa la Verte, après un dernier ravitaillement. Il s'agissait maintenant de remonter vers le nord, jusqu'à croiser la tristement célèbre barrière de tempêtes de Teikoku.

Théoden devenait de plus en plus nerveux, jour après jour. Il avait déjà affrontées les vagues et le tonnerre qui protégeaient l'île de Malene. Et si le Seigneur Emeraude avait su passer sans trop de casse, rien ne le rendait plus nerveux que l'idée de devoir retenter l'expérience avec son vaisseau toujours convalescent. Ne fallait-il pas être suicidaire pour s'y essayer ?

Non, Ariel avait promit. Le Wench DEVAIT passer. Il en allait non seulement du succès de sa mission auprès de Malene, mais aussi de celle que lui avait confiée la déesse des océans.

Alors quand enfin on lui annonça que la barrière de tempête était en vue, le Capitaine accourut sur le pont et fit ordonner que toutes les voiles soient ramenées. Les deux vaisseaux furent stoppés dans leur élan, privés de leur prise aux vents. Vents qui les aspiraient tellement que lorsque les voiles furent ramenées, les étraves des vaisseaux replongèrent d'au moins deux pieds sur la proue sous les océans, et les ponts retrouvèrent une horizontalité que tout le monde avait oublié.

Brooke se montra sur le pont de son propre vaisseau, surprise par des ordres aussi soudains. Mais lorsqu'elle leva les yeux au delà du Bout-Dehors, elle réalisa ce qui freina son ami.

-Alors c'est ça, la fameuse Barrière de Tempêtes... fit-elle avant de se tourner vers Théoden.

Et tous deux, à peine éloignés d'un demi jet de pierre se consultèrent un moment du regard.

-Ecoutes-moi, Eve, lança Théoden, Tu vas placer le Smith dans mon sillage. Et tu vas te coller le plus près possible à ma poupe.

Ainsi, il espérait que le vaisseau de sa camarade, plus fragile, pourrait profiter du chemin que tracerait le Wench dans les vagues hautes de la barrière.

En quelques heures, tout fut préparé. Les vaisseaux adoptèrent leur formation, et l'on calfeutra la moindre écoutille avec le plus de soin possible. Tout naturellement, les arrimages des canons furent doublés, demeurant précieux malgré les stocks critiques de poudre mais dangereux du fait de leur poids, et des risques de chavirement qu'ils engendraient.

A la tombée du jour, l'on fit enfin déferler les voiles. Et sous une impulsion subite, les deux vaisseaux repartirent droit vers le mur de turbulensces chaotiques qui s'était dressé face à eux.

Théoden et Eve, chacun à leur barre comptaient sur leur plan et leurs talents de navigateurs pour passer ces quelques heures d'enfer qui les attendaient. Bien vite, d'ailleurs, les premières vagues commencèrent à soulever à tour de rôle proues et poupes. Et les lames se faisaient de plus en plus haute, jusqu'à dominer le pont du Wench. L'on s'accrocha de son mieux, et l'on pria, beaucoup. Théoden serra fermement sa barre et abandonna aux vents un hurlement puissant, en guise de défit face à cette première géante bleue. Bientôt, ses hommes se mirent à l'imiter. Et la fiève gagna le Blacksmith qui grimpait avec lenteur juste derrière son aîné. Finalement, la figure de proue de Théoden goûta à l'écume, et tous furent arrosés d'une eau salée. Ce qui était bon signe ! Car le navire se trouvait maintenant sur le pont de descendre sur le dos de la lame. Enfin... si le vent et la chance le voulait !
Mais Théoden ne prêtait aucune foi à Virel. Et il préférait la tenter le moins possible. Alors il ordonna que tous ses sept cents hommes accourent sur la proue, à tous les ponts. Et le poid conjugué de toutes ces âmes fit pencher la balance du destin. Ou en l'occurence le vaisseau, qui au lieu de se retourner piqua lentement du nez et entama une descente bien rapide.

Et là ? Surprise. Pénétrant dans la ceinture de tempêtes, le Wicked Wench fit finalement preuve de ses dons. Et il ne se trouva derrière celle-ci plus aucune lame, sur deux cents mètres de large pour empêcher l'avancée du Capitaine vers sa terre promise.
Des hurlements de joie retentirent à bord. D'abord du Soixante-Quatorze canon, puis de sa petite soeur. Car c'était là la promesse d'un trajet finalement tranquille.
Alors Théoden fit diminuer la voilure du vaisseau, et passa ses ordres à Brooke. Et c'est dans une liesse générale que le convois passa son chemin, dans ce couloir irréel où l'eau était paisible, mais cerclée d'un chaos incroyable. L'on nomma bien vite ce passage la Gorge de Canërgen. Et comme la peur était venue, elle repartie : très vite.
Et Théoden fit servir du rhum pour son équipage, vite immité par Brooke qui secondait son expédition. Et c'est au son des chants et des rires que tous finirent par apercevoir la lointaine et lumineuse Teikoku. Elle ne fut d'abord qu'un point sur l'horizon. Une lorgnette donnant sur un monde de paix et d'espoir. Puis elle grandit, enfla, grossit. Tant et si bien qu'au moment où la lune atteignait la seconde moitié de sa course dans les cieux, l'on commençait enfin à apercevoir une cité sur la côte.
Et quand on se tourna vers le Capitaine pour savoir si il s'agissait de cette fameuse cité de lumière, qui abritait les légendaires Elfes Blancs, Théoden souriait. Et il leur répondait que si ils étaient éblouit, il ne fit aucun doute que les demeures de ces Elfes seraient aveuglantes. Et on le cru, l'on rit et l'on joua. Le moral était bon, et cela suffisait au Capitaine, pour l'instant. Si bien qu'il finit même par abandonner la barre à un lieutenant et rejoindre ses marins, sur le pont central. Et comme pour toutes choses en mer, l'on créa un nom, un dicton, ou une cérémonie. En l'occurence, la cérémonie du passage de la Gorge de Canërgen consistait en un bain dans un tonneau d'eau glacé, et deux chopines de rhum.
Théoden se plia à ce rituel avec le plus grand sérieux, bien entendu. Et comme si l'enfer de ce dernier Tour n'avait jamais été, il rit et bu avec les siens jusqu'au levé du jour. Tandis que les six mâts de son expédition glissaient silencieusement dans la nuit.

Bien sûr, il en fut pour proposer le passage à celle que l'on appelait à bord "Mam'selle Cassandra". Mais quand elle refusa, il n'y eut pour ainsi dire que quelques soupires de déception. (que Théoden comprit très bien. L'équipage savait ce qu'il manquait !). Nynaeve fut laissée pour morte au fond de la cale, dans son coin. Et le tour vint des derniers Elfes à bord. Eux eurent pour premier geste de refuser. Mais comme l'euphorie générale emportait toute raison, ils furent vite soulevés et plongés dans leur tonneau. Après ça, ils avalèrent leurs deux chopines sans rouspéter ! D'ailleurs, la rapidité avec laquelle ils le firent surprirent beaucoup à bord.

~o~


L'arrivée au port de Teikoku se fit avec le soleil : tôt dans la matinée. Un calme certain avait regagné les bords des deux vaisseaux. Et tous les marins, depuis la mâture, l'accastillage et les ponts se trouvaient maintenant aussi silencieux que des nouveaux nés. Qu'il était impressionant, le port des Teikokujins !

Rapidement, les navires furent amarrés, non sans alerter la commune foule d'humains qui arpentaient les lieux. Et Théoden, accompagné de Cassandra fit descendre avec les autres Elfes Blancs la princesse Nynaeve. Par mesure de précaution, Théoden fit ordonner aux hommes de ne pas descendre dans les rues. Et les fusiliers des deux bords établirent un périmètre autours des deux quais. Plus pour empêcher les sorties que les entrées. Après quoi, les travaux sur les vaisseaux furent confiés à Eve. Du moins, en attendant de voir ce que Théoden saurait obtenir de la Reine, en guise de payement...
Ven 15 Avr 2016 - 21:03
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Dargor
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Dargor
Cassandra observa le port dans lequel ils se trouvaient en débarquant. Elle était murée dans un silence admiratif. La ville qui se trouvait là était fantastique. Elle pouvait sentir qu’il ne s’agissait pas d’une ville riche selon les critères de ce pays, car il y avait trop d’étalages de denrées alimentaires pour s’agir d’un beau quartier, mais même en prenant cela en compte, les rues riches de la Ville de Jade Etincelante paraissaient bien fades.
La cité était construite sur plusieurs boulevards qui partaient du port vers l’intérieur des terres en ligne droite, reliés entre eux par de petites rues parallèles. La route de ce boulevard était belle, lisse et uniformément pavée, une avenue bien ordonnée où l’agencement rectiligne des étalages marchands permettait sans encombre la circulation de la foule.

« Quel endroit extraordinaire, songeait-elle déjà. Je me demande à quoi peuvent bien ressembler les beaux quartiers de ce pays. »

Les rues étaient bordées de bâtiments de cinq ou six étages, certains en pierre de taille, et toutes les fenêtres avaient des carreaux de verre. Le capitaine Théoden lui avait dit que ce pays était prospère, mais ce qu’elle voyait dépassait l’entendement ! Plus surprenant encore fut l’homme qui vint à eux. L’air sévère, un visage carré, il était coiffé et vêtu comme le serait une femme du continent, avec une robe longue et des manches amples.

« Heureux de vous revoir, capitaine, dit-il en le saluant de la plus étrange des manières. »

Il avait enveloppé sa main gauche légèrement fermée dans sa main droite et s’était incliné en les portant au niveau de son visage. Les manches amples avaient cachées le point serré, donnant l’impression de ne pas laisser d’ouverture pour les mains. Le geste avait été effectué avec une grâce et une élégance naturelles.

« Seigneur Gankyû, répondit Théoden.

Gankyû.

L’intéressé, après les avoir salué, les conduisit dans ce qu’il désigna aux visiteurs encore ignorants comme étant le ri, la maison communale. C’est dans ce ri qu’ils seraient logés en tant qu’invités aussi longtemps qu’ils le souhaiteraient, ou jusqu’à ce que les elfes ou les agents du couple impérial ne les invitent à les rejoindre. Ce ne fut d’ailleurs pas long. Alors que la nuit s’était installé, et avant qu’ils n’aient le temps d’aller dormir, des hommes vêtus d’armures noire vinrent les trouver. Voyant qu’il se trouvait parmi eux des elfes, ils firent preuve de ce que Théoden décrivit comme étant une étonnante douceur.
Aux yeux de Cassancra, c’étaient des brutes qui dissimulaient le haut de leurs visages sous une visière et ne consentaient jamais à dire un mot. Elle fut enfermée, avec le capitaine, dans une charrette dont les fenêtres étaient murées de planches de bois.

« La version normale, lui dit Théoden en voulant la rassurer, implique de la cire dans les oreilles pour être sûr que l’on ne sache même pas se repérer à cause du bruit. »

Le voyage dura quatre jours, avant qu’ils ne soient autorisés à sortir sans surveillance. Elle se trouvait alors à l’intérieur d’une vallée, au cœur d’une chaine de montagne. Si ce qu’on lui avait dit était vrai, alors le royaume des elfes blancs s’étendait devant elle.
Ven 22 Avr 2016 - 0:16
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Capitaine Theoden
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Capitaine Theoden
La descente de la charrette fut chose pénible pour Théoden qui dû s'efforcer, malgré son plaisir d'enfin achever sa mission, de ne pas écharper ces Rônins si brusques et irrespectueux.
Et pourtant, c'était une belle journée dans la vallée des Elfes Blancs. Le soleil, bien haut dans le ciel, laissait tomber sur les habitants bien heureux de cette forteresse cachée une lumière douce et chaleureuse. Le Capitaine vit Cassandra émerveillée comme jamais auparavant, à la vue de ces grandes demeures resplendissantes et de ces jardins à perte de vue aux parfums si doux. Il y avait Nynaeve, aussi. Mais là encore valait-il mieux ne pas s'attarder sur elle. Elle était renfrognée, comme à son habitude, malgré la compagnie des siens. Belaner semblait ravit de retrouver son foyer, tout comme les six de ses compagnons qui avaient survécu au voyage.
Et devant eux s'étendait la grande route pavée qui devait les mener au centre de la grande cité, et au palais de la Reine. Elle était toujours bordée de fleurs odorantes, aux couleurs vives et aux formes exotiques. Alors, Théoden pressa sa petite compagnie. Il était impatient d'en finir avec tout cela et de se retirer de ce royaume où même les gardes étaient terriblement ingrats.

"-Hâtons-nous." fit-il avec fermeté.

Et ses pas le conduisirent lentement jusqu'à des ruelles calmes où les gens déambulaient avec l'air serein de ceux que seul le quotidien préoccupaient. Vision hautement inhabituel pour un continental, d'ailleurs. Mais malgré leurs regards curieux sur le passage du petit groupe, Théoden se força à avancer pour se tirer loin de leurs airs parfois emprunts de niaiserie, ou d'une curiosité idiote. "Ne savent-ils pas que ce qu'ils dévisagent vient de sauver leur princesse ?!" se prit-il à songer, avec un semblant de colère.
Au détour d'une rue, il mit par hasard le nez dans un grand abreuvoir. Alors lui vinrent la violence des changements qu'il avait subit, comme un coup de poing en plein visage. Bien sûr, il y avait le physique ! La dernière fois qu'il était venu, c'était dans un apparat bien plus élégant, un costume d'officier avec un tricorne et une lame digne de ce nom. Là, c'était à peine si l'on reconnaissait un pourpoint délavé sous une cape de toile noire rappée. Il n'avait plus pour arme que cette fameuse Lame d'Or, dérobée à Phadransie sur les quais de Karak-Tur. Et pour chapeau, une épaisse tignasse de longs cheveux noirs, parsemés de gris. "Des cheveux gris..." se dit-il, avec un semblant de chagrin et d'ironie. Sa barbe aussi l'était, d'ailleurs. Même bien taillée, elle gardait cet aspect sèche, drue. Mais bon, le poivre-et-sel ne lui allait pas si mal disait-on ! Et puis ça allait avec ses yeux, même si ils étaient maintenant soulignés par cette grande cicatrice, qui barrait son nez et ses pommettes avec ce rose un peu terne. Malgré tout ça, il avait toujours son regard. Ce regard si malin, si acerbe et qui, malgré le cynisme qui l'avait envahit gardait sa vivacité. Mais il vieillissait, ça se sentait. De fines rides commençaient à se dessiner entre ses sourcils, aux coins de ses yeux et des ailes de son nez. Et rien ne lui semblait aussi beau qu'avant. Sans doute était-ce là la charge des Hommes qui avaient trop vu du monde ! Mais là où les grandes maisons et les jardins de Teikoku l'impressionnaient, le ravissaient, il ne voyait maintenant plus que l'étalage d'une opulence et d'un pouvoir inutile. Et comme ces Rônins à l'entrée, il sembla à Théoden que les gardes qui patrouillaient étaient plus là en guise de décoration animée que de véritable force.

Une honte, quand on a vu de quoi une poignée d'Elfes Blancs étaient capables !

Et comme ses pensées vagabondaient, à mesure qu'il avançaient en remontant vers le palais, Théoden vint à se demander combien de ces guerriers auraient suffit à tirer de là Nynaeve. Combien auraient épargnés la perte de Bolch, de Gibbs, de la Garcette et des autres. Il avait payé un lourd tribus, pour un peuple qui le prenait pour un animal de foire ou un danger publique.

Finalement, après une volée de marche rapidement passée et une porte à battants haute comme un trébuchet, le groupe pénétra dans le palais de la Reine. Mais comme elle n'était pas même sur le trône qui lui appartenait, au retour de la malheureuse compagnie de Théoden, Belaner préféra ce retirer là, avec les siens. Et après des au revoir chaleureux, de fortes poignées de mains et des mots amicaux, Elfes Blancs et Hommes se séparèrent.
Nynaeve, de toute façon, s'était déjà empressée d'emprunter un couloir voisin. Sans doute savait-elle où trouver sa mère ! En attendant, après que Cassandra se soit fendue d'une courte révérence pour leurs amis guerriers, les deux compères durent se presser sur les pas de la princesse qui eut tôt fait de les semer dans l'immensité de l'endroit.
Ce n'est qu'après un bon moment, et avec l'aide de domestiques que Théoden pu trouver cette maudite femme. Mais alors même qu'il pénétrait avec Cassandra dans une sorte de jardin fermé, le Capitaine trouva la Reine dans une position bien étrange. Derrière elle se trouvait un Elfe bien étrangement armé qui, après avoir interrompu une sorte d'étreinte maternelle laissa filer une Nynaeve furibonde vers une autre sortie du jardinet.
Comme l'incident -si c'en fut un- sembla clos, Théoden s'avança promptement vers la Reine, sa paume gauche posée sur le pommeau de la dague de Phadransie. Malene, comme toujours, resplendissait. Rien de bien étonnant, venant d'une Elfe Blanche. Mais, ce garde si particulier, voyant l'Homme et l'Elue avancer vint s'interposer. Il fut sommes toute déçu de ne pas avoir l'occasion de tirer Lame d'Or, puisque la Reine lui demanda de s'écarter.
Telthis, puisque c'était son nom obéit sans un mot et reprit la place qui semblait être la sienne, dans le dos de Malene. Théoden se mit donc à une distance convenable d'elle, et s'inclina brièvement.
Elle commença à le remercier chaudement, comme le ferait une mère à un sauveteur ayant tiré sa fille d'une rivière. Mais lui l'interrompit sans attendre et lui tendit un épais parchemin, enfermé dans un bandeau de soie rouge.
Sur ce parchemin, qu'elle déplia sans attendre avec la curiosité de celle qui faisait face à un homme devenu acerbe, Malene trouva la liste diablement longue des pertes de Théoden durant le sauvetage.
En écartant bien sûr ceux qui sont morts à la manœuvre avant, ou ceux qui sont tombés malade du fait des conditions de vie en mer. Pas moins de quatre cent noms, en tête desquels figuraient ceux de Bolch, de Gibbs et des quelques six Elfes Blancs de l'équipage. Et alors qu'elle parcourait le document des yeux, le Capitaine fit son rapport dans les moindres détails, avec une voix d'un neutre glacial.
Alors il parla de ce qu'il avait eu à faire en Karak-Tur, il parla de Phadransie et de son duel, avant de mentionner les dizaines de vaisseaux coulés dans la baie. Il parla entre autre de son Second disparu, de son frère décapité et de son interminable exil, soldé par sa propre mort et sa résurrection.
Mais avant même qu'elle puisse prononcer le moindre mot, comme il lui coupa la parole, Théoden ajouta.

"-Oh, rassurez-vous : j'imagine que tout cela est insignifiant pour un Elfe Blanc. Et avant que votre garde du corps ne se décide à me renvoyer pour manque de politesse, je vais en venir à ce que ce Royaume me doit pour ce sauvetage."

Il haussa les épaules et poursuivit.

"-Les temps sont terribles sur le Continent. Et comme je ne suis là que parce qu'Ariel m'a confié une mission, je serais bref. J'ai trop perdu pour rester courtois, et mes besoins sont grands. Alors quitte à devoir me retirer à jamais de votre cour, je préfère exiger que supplier pour une fois."

Il parla de ses besoins exceptionnels en vivres, et en armements. De la nécessité pour lui de remplacer pas moins de soixante quatorze pièces à court de munition par des balistes de la meilleure qualité possible, de changer plusieurs centaines de mètre carré de voile cirée déchirées par des tirs ou des embruns durant la fuite. Il lui confia avoir besoin d'une nouvelle arme de qualité au moins équivalente à son sabre perdu après son assassinat, et lui raconta avoir avec lui les plans de ce qui lui était nécessaire. Il expliqua finalement vouloir offrir à la cinquantaine de ses meilleurs hommes un entraînement de qualité pour le voyage, le temps des travaux et justifia le tout par son besoin de s'en aller explorer des eaux inconnues par delà les frontières Ouest du monde, au devant de ce qui s'annonçait être quelque chose d'assez préoccupant pour une déesse à demi folle.
Il passa sur les besoins en or, en vêtements et en fournitures diverses qui devaient couler de source et conclu en la remerciant. Au diable les regards assassins de ce fichu garde, et même de cette Elue derrière lui. Le temps des courbettes était largement passé, maintenant que s'annonçait l'arrivée de la grande Odyssée...
Dim 24 Avr 2016 - 1:16
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Dargor
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Dargor
Cassandra était gênée par l’hostilité que manifestait Théoden au peuple de cette vallée. Elle avait du mal à mettre tous ses sentiments au clair. Pendant toute la traversée, elle et le capitaine s’étaient rapprochés. Elle l’avait uniquement accompagné car elle devait faire en sorte que la princesse elfique revienne vivante à sa mère. Mais puisque cette dernière avait refusé de la voir durant le voyage, elle avait plutôt communiqué avec le reste de la troupe, dont le capitaine Théoden. Ce dernier, lui avait-il semblé, avait su faire son deuil de ses proches grâce à la mission confiée par Ariel. Mission dont elle ferait partie, puisque n’ayant pas vraiment le choix. Mais elle était une élue divine elle aussi, elle avait l’éternité devant elle dans la théorie, elle n’était pas à quelques années près. Elle n’avait pas évoqué cela devant le capitaine. Sans doute était-il l’élu d’Ariel lui aussi, sans doute était-il immortel. Mais il était un jeune élu, ce sujet était sensible avec eux. Elle-même se souvenait, quand elle avait été nommée, avoir été incapable de penser au long terme, et abattue quand elle avait vu ses amis vieillir alors qu’elle-même restait intouchée par le temps. C’était une passe difficile, et elle s’était jurée de soutenir le capitaine quand il la traverserait.
Sauf qu’il dévoilait aujourd’hui un tout autre aspect de sa personnalité, très gênant. Alors qu’ils traversaient la vallée des elfes, elle avait été émerveillée par chaque nouvelle vision. Si le port de Teikoku était un avant-goût du paradis, cet endroit était le paradis lui-même. Il ne s’agissait que d’un immense jardin fabuleusement entretenu jusque dans ses moindres aspects. Bien que des maisons en émergent régulièrement, et qu’une route pavée blanche et propre la traverse, des animaux sauvages allaient et venaient sans craindre les passants, aux habits cousus de fils d’or. Les elfes blancs. Elle n’avait jamais vu d’elfes en tant que tels. Alors les elfes blancs ! Un beau peuple. Leurs oreilles pointues étaient fines et élégantes, leur teint pâle agréable à la vue, leurs traits et leurs cheveux fins, ils étaient grands, altiers et gracieux. Lorsqu’ils les croisaient, ils saluaient le couple d’humains qui suivait leur princesse, souriant et jetant un regard appuyé. Cassandra se sentait misérable à côté d’eux, mais misérable dans un sens positif. Il n’y avait pas de honte à avoir un tel sentiment devant des êtres aussi resplendissants.
Et pourtant Théoden y semblait insensible, et même hostile. Etait-ce parce qu’il y était habitué ? Ou était-ce pour autre chose ? Elle comprit quand il s’adressa à ce qui semblait être leur reine, dans un salon privé du palais. Cette femme surclassait en majesté tout ce l’élue avait jamais vu, et le guerrier derrière elle était le plus intimidant qui soit. Mais Théoden s’adressait à elle comme s’il la rendait responsable des évènements du continent. Cassandra pouvait comprendre cela. Mais d’un autre côté, elle était trop soumise par la simple présence de cette femme pour pouvoir partager ce point de vue. Elle était comme possédée par une force étrange. Si en présence de Lothÿe, elle ressentait à la fois sa puissance et le désir de lui être soumise, face à cette femme, c’était amour et admiration qui lui venaient à l’esprit. Cette femme, cette reine, elle l’aimait et avait envie de lui obéir, sans même savoir qui était-ce. Voilà pourquoi elle passa le plus clair de l’entretien la tête baissée, les mains jointes, sans intervenir, quand bien même la reine l’invita à se relever. Parce qu’elle ne voulait pas contredire Théoden, comprenant son sentiment. Mais elle avait envie de lui demander s’il ne ressentait pas le même amour qui la prenait. Elle lui demanderait, en sortant de la pièce.

Heureusement, la reine parmi les reines qu’était l’elfe ne parut pas offensée de l’attitude qu’il avait. Cassandra en fut soulagée. Elle parcourut la liste des morts avec attention, son visage exprimant une profonde douleur à chaque nouveau nom. Elle souffrait de leur perte, c’était évident aux yeux de Cassandra. Pouvait-il en être autrement ? Elle ne pouvait pas jouer la comédie. Pas elle. Elle finit par promettre au capitaine de l’aider autant que possible. Ce dernier aurait pu se contenter d’accepter, mais il fit remarquer que sans son aide, tous étaient perdus, ce qui éveilla la curiosité de la reine. Et de Cassandra, qui se demandait ce qu’il entendait par là.
Théoden fit remarquer qu’il devait se passer quelque chose de sérieux pour qu’une déesse comme Ariel décide de l’arracher au royaume de Canërgen, et qu’en l’état, il n’avait pas de quoi affronter le moindre adversaire. Cassandra eut envie de lui répondre qu’elle le protègerait, en tant qu’élue de Lothÿe, mais elle n’en dit rien. Il avait sa fierté, elle pouvait comprendre cela. Il ne fallait pas la blesser devant la reine. Qui jeta un regard entendu à l’élue, faisant signe qu’elle comprenait les pensées qui l’occupaient. Pouvait-elle-même les lire ? Cassandra n’en doutait pas, mais cela ne la gênait pas. Cette femme avait tous les droits. Elle-même suivit le reste de la conversation dans un état de demi-conscience. Et le fait que le capitaine Théoden puisse tenir tête à cette reine sans broncher le fit paraitre beau et majestueux aux yeux de l’élue perturbée.

La reine demanda si avec son aide, Théoden pourrait être prêt à affronter des ennemis, ce à quoi il répondit que faute de poudre et d’un moyen de récupérer quelques tours de jeunesse, il serait préparé au mieux. Elle lui souhaita alors que la chance lui sourit durant la mission, mais il rétorqua que Virel n’était plus avec lui depuis longtemps, qu’il tâcherait donc de faire de son mieux avec ce qu’il avait, et l’aide de Cassandra. Cette mention faite d’elle flatta l’élue, heureuse d’être prise en considération dans de tels calculs. En attendant, le capitaine proposait des adieux, mais la reine s’y opposa.
Elle lui offrit l’assistance de Telthis, qui pouvait être selon elle précieux dans les situations dangereuses auxquelles il risquait d’être confronté. Le capitaine jeta un coup d’œil étonné au colosse elfique qui se trouvait derrière la reine, qui semblait choqué lui aussi. Malene confirma qu’il s’agissait bien de Telthis, ce qui surprit le capitaine, qui fit remarquer que lui enlever son garde du corps maintenant lui semblait être une idée peu avisée. Cassandra partagea cette opinion. Il ne fallait pas lui enlever son garde du corps, jamais. Cette femme devait être protégée. Mais elle garantit qu’elle ne risquait rien. Cassandra eut envie de lui dire que c’était pour le bien des autres qu’elle devait être protégée, afin de ne pas les faire mourir d’angoisse à l’idée qu’il lui arrive quelque chose, mais elle se tût. Théoden argumentait de toute façon pour elle.
La reine ne voulut cependant rien entendre. A l’argument de la valeur des guerriers, elle répondit que Telthis était un guerrier plus valeureux encore. A celui de ne pas pouvoir rentrer, elle répondit qu’il saurait rentrer par ses propres moyens.

Théoden posa une question à Telthis sur son obéissance et son courage, mais ce dernier répondit qu’il n’en répondait qu’à la reine. Théoden demanda alors à cette dernière ce qui se passerait si ses ordres devaient sortir de ce que tolère un elfe blanc. La reine lui répondit qu’il y obéirait. Elle lui donna sa parole. Alors, Cassandra fut soulagée. La parole de cette femme valait plus que l’or.
Théoden frappa dans ses mains, l’air satisfait. Alors ce fut véritablement le moment des adieux, car il devrait superviser la réparation de ses navires chez les teikokujins, donc hors de la vallée. Les adieux furent polis et sans formalités excessives. Après que Théoden se soit reculé, Cassandra sentit une douce main sur son épaule. La reine l’invitait par ce geste à se relever, ce qu’elle fit.

« Vous êtes une élue divine, lui dit-elle doucement. Vous ne devriez pas vous laisser impressionner aussi aisément, car vous pouvez communiquer avec les dieux. Je ne suis qu’une mortelle, moi aussi. Un jour, je ne serai plus que des os. Mais la divinité que vous servez, elle, est éternelle. Aussi devez-vous garder la tête haute devant vos semblables, et réserver l’admiration que vous m’avez voué à Lothÿe, qui mérite une servante aussi dévouée et volontaire que vous. Soyez vous-mêmes parmi les mortels, Cassandra Renrin. C’est pour cela que vous avez eu l’honneur d’être choisie. »

Elle sortit plus perturbée encore qu’elle n’était entrée, prenant sans y songer le bras de Théoden dans le siens. Petit à petit, elle reprit conscience. Se pouvait-il qu’elle sorte d’un rêve ? Non, la vallée qu’elle traversait en chemin inverse était trop réelle pour cela. Mais alors, qui était vraiment cette femme ? Elle ne pouvait pas être une simple mortelle, contrairement à ce qu’elle disait.

« Aaaaah, le monde est plein de merveilles, dit-elle en posant sa tête sur l’épaule du capitaine, sans le lâcher, fermant les yeux tandis qu’elle avançait. »

Cette position ne l’offusquait pas. Du moins pas elle. Elle était encore trop dans un état second pour se rendre réellement compte de ce que signifiait habituellement un tel geste.

---

Telthis, pour sa part, ne partageait pas en cet instant le même émerveillement. Malene l’envoyait au loin pour la première fois de sa vie. C’était un choc pour le colosse elfe. Un véritable choc. Tandis qu’il regagnait l’ombre de la reine, où il passait son temps, invisible, il réfléchit à ce qui avait pu se passer. Pourquoi maintenant ? Après tous ces millénaires ?
Il avait vu la reine naître. Il était là quand elle avait poussé son premier cri. A cette époque, ses parents lui avaient confié pour charge de veiller à tout prix à ce qu’il n’arrive rien à l’enfant. Et il s’était appliqué à la tâche. A toute heure du jour et de la nuit, il était là. Et même quand ses parents voulaient profiter de leur ville dans l’intimité, il n’était jamais loin. Quand sa mère mourut, la petite Malene vint pleurer sur ses genoux et non ceux de son père. Quand elle se blessait, et que la vue de son propre sang faisait gémir cette enfant, c’était lui qui la soignait tendrement, par des gestes délicats. Le roi était occupé à des affaires de royauté, aussi remplit-il tout le rôle d’un père pour elle. C’est sur ses épaules qu’elle grimpa dans son enfance.
Quand elle atteignit l’adolescence, et que son corps d’enfant se transforma en corps de femme, elle ne fut pas plus gênée par sa présence constante. Il était son garde du corps, et lui était dévoué. Oui, il était là quand elle prenait son bain. Mais elle n’était pas gênée. Car il la regardait toujours dans les yeux, ce n’était pas parce qu’il se forçait à éviter de baisser le regard. C’était parce que cela était pour lui naturel. Il apprit cependant à l’époque à prendre ses distances, car elle se découvrait indépendante, elle se découvrait adulte. Lorsqu’elle souhaitait retrouver de jeunes elfes de son âge, il acceptait de se cacher. Dans son ombre, pour les premières fois. Ainsi, elle était en permanence assurée de sa présence, sans qu’aucun elfe ne soit perturbé. Il était là quand elle rencontra son futur époux.
Il vit l’amour de ces deux jeunes elfes grandir, et toujours fut un soutien pour la jeune elfe amoureuse qu’elle était. Elle n’avait pas peur grâce à lui. Il était au premier rang du temple quand elle se maria. La nuit de noces, elle le pria gentiment de bien vouloir, pour la première fois de sa vie, passer la nuit en dehors de sa chambre. Sans discuter, il accepta, mais resta à la porte. Oui, le serviteur qui était passé cette nuit-là avait raison, il avait tout entendu. Mais c’était normal, il était là pour s’assurer que tout aille bien après tout.
Lorsqu’Asarith assassina son père, lorsqu’il corrompu son époux et déclencha la guerre, il fut un soutien pour elle, alors qu’elle était dévastée tandis que les trois hommes de sa vie disparaissaient les uns après les autres de la pire des manières. Il lui promit, lorsqu’elle comprit qu’avant de la trahir, son époux lui avait donné un enfant, qu’il s’assurerait que tout aille bien pour elle. C’est lui qui lui tint la main à la naissance de Nynaeve.

Voilà pourquoi, quand Nynaeve était revenue et avait griffé la reine jusqu’au sang, il était sorti de l’ombre et l’avait arrêté. Malgré ses apparences, il savait qu’au fond d’elle-même, la reine Malene était fragile. Il n’en avait aucun doute. Il ne pouvait pas la laisser, elle avait besoin de lui. Et il avait besoin de savoir qu’il était là pour la protéger. Pour son propre bien. Par les dieux, comme il aimait cette femme ! Mais pour elle, il n’était qu’un ami, un garde du corps. Et cela se confirmait à présent.

« Vois-tu, lui dit-elle en s’arrêtant brutalement au milieu d’un couloir, je vais avoir besoin d’être seule avec Nynaeve à de nombreuses reprises. Complètement seule. Si tu es là pour me protéger, elle ne me fera pas confiance, et c’est de sa confiance que j’ai besoin pour réparer ce qu’Asarith a détruit en elle. Voilà pourquoi je veux que tu accompagnes le capitaine Théoden. C’est un homme bon, qui mérite la protection que tu peux apporter. Mais plus encore, j’ai besoin d’être seule avec ma fille. »

Alors, Telthis comprit qu’il n’avait jamais fait partie de la famille de Malene.

« Je suis votre serviteur, majesté, répondit-il.
-Je savais que je pouvais compter sur toi, dit-elle en souriant. Même pour exécuter les tâches qui te font horreur. Je me porterai bien en ton absence, je t’en fais le serment. Ne serait-ce que pour t’épargner la douleur de savoir qu’il me serait arrivé malheur alors que tu étais au loin. »

Voilà qui rassura le garde du corps. Elle tenait à lui.

« Vous devez soigner ces griffures, majesté, dit-il.
-Je ne suis pas fragile, Telthis. Je suis menue, d’accord, mais pas fragile. »

Oh que si, songea-t-il. Vous avez besoin que l’on vous aide. Je serai toujours là pour vous. Toujours.
Mais il n’en dit rien.
Mer 27 Avr 2016 - 0:25
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Capitaine Theoden
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Capitaine Theoden
Il était de notoriété commune en Teikoku que rien n'était plus beau que l'ordre, la mesure, et la quiétude d'un ouvrage paisible. Que ce soit du côté Humain comme du côté Elfe, tous et toutes s'affairaient donc tout le jour durant selon un cérémoniel mainte fois répété. Et de ce quotidien quasiment idéal, ressortait toujours disait-on les plus belles créations. La société parfaite.
Ce fut donc avec stupeur que les Teikokujins se réveillèrent donc, le lendemain de l'arrivée au port de deux vaisseaux en provenance du Continent. Car pendant la nuit alors que beaucoup dormaient, les marins s'étaient activés. Et à la lumière de dizaines de torches ils avaient hissé, puis descendus et empilés des centaines de caisses, en plus de dizaines de dizaines de tonneaux et d'effets. Vider la panse abyssale du Wicked Wench était une tâche éreintante. Mais tous s'y plièrent avec application ! Tant et si bien que lorsque le soleil se leva, ce fut pour éclairer un port encombré de marchandises et tentes montées à même le pavé. Le ri, qui avait servit à accueillir les officiers des deux bâtiments fut rapidement transformé en entrepôt pour les plus précieuses de leurs affaires. La cabine de Théoden, notamment, fut intégralement vidée. Et les dizaines de cartes, de volumes encyclopédiques, de trophées et de manifestes eurent tôt fait de remplir des fondations aux sous-pentes la maisonnette qui avait été offerte.
On plaça des gardes autours de l'endroit. Non pas que l'on pensait les Teikokujins capable de voler (bien que l'idée ait été émise par le Capitaine Brooke), mais prudence était mère de sûreté. On en fit de même avec le coin du port où les 74 pièces du Wench furent entreposées, à côté des voiles de rechange et des précieux tonneaux de poudre noire.
Les marins Teikokujins virent donc une partie entière de leur port leur être interdite, par des gardes que le voyage et l'éveil avait rendu bien nerveux. Car à l'heure où les autres membres du bord dormaient, il y en avait toujours pour surveiller. Des dizaines d'hommes armés de mousquets ayant reçus pour ordre de protéger les cargaisons à tout prix et de clamer qu'il faudrait s'adresser au Capitaine Brookes pour discuter.



~o~



Dans un jardin, ou plutôt une des rues de la vallée des Elfes Blancs se trouvaient un Homme et une jeune femme. Tous deux marchaient paisiblement le long d'une série d'étale ponctuées ici et là d'arbres fleuris. Leurs branches, se balançant nonchalament dans le vent laissaient parfois pleuvoir sur les têtes des deux êtres de fines pétales aux couleurs pastèles. Cassandra avait gardés ses bras autours de celui de Théoden. Il ne s'était après tout fendu d'aucun reproche à ce sujet ! En fait il approuvait. Que c'était étrange pour lui de sentir de nouveau deux membres si fin et délicats entourant son bras épais. Etrange, ça oui, car cela faisait bien des tours !
Le palais était maintenant loin. Et l'entrevue avec Malene passée, toute tension s'était évanouie, remplacée par une heureuse conversation. Cassandrait allaient parfois de questions en questions, et Théoden la couvait en retour d'un air emprunt d'une douceur grandissante. Une fois, elle trouva sur une étale, parmi d'autres bijoux à la beauté renversante une broche faite d'un cristal à l'éclat tendre et chaleureux. Le plus naturellement du monde, le Capitaine qui l'accompagnait s'était empressé de lui offrir. Elle se montra bien sûr particulièrement gênée, mais même une élue divine ne pu refuser un cadeau pareil. Et après d'interminables remerciements, que Théoden savoura comme peu de choses sur terre, le marché commença à s'éloigner. Et la discussion bien heureuse sur la culture des Elfes se changea lentement en échange un peu plus sérieux.
Mais juste un peu.
Théoden lui fit simplement remarquer qu'elle avait été plus admirative que jamais devant la Reine Malene. Et c'est avec l'air de quelqu'un qui sort d'un rêve éveillée que Cassandra répondit l'avoir trouvée plus que majestueuse. Faite pour être reine !

"-C'est bien l'impression que l'on a, quand on la rencontre." confirma Théoden en souriant.

Il inspira profondément.

"-J'imagine que c'est l'endroit dont on rêve tous, pour une retraite.

-Il n'y a pas de retraite pour les élus divins.

-Tu sais... je ne crois vraiment pas être Elu divin.

-Ah bon ?

-Eh bien... je ne sais pas, j'imagine qu'il se passe quelque chose de particulier quand on devient élu ?

-Non pourquoi ? Enfin généralement ta divinité vient te trouver et t'annoncer que tu es son élu.

-Ariel ne m'a jamais dit ça. En fait la fois où je l'ai vue, bien avant que l'on ne me tue, elle me disait plutôt le contraire...

-Et pourtant tu es son favori non ?

-Eh bien... On s'est rencontrés deux fois, j'imagine que c'est preuve qu'elle me montre un certain intérêt. Mais si j'étais son élu, elle m'aurait sans aucun doute confié le Seigneur Emeraude, son vaisseau.

-Mais on m'a dit que tu l'avais finalement refusé ?

-Justement quand elle m'a apprit que je ne serais pas son élu. C'était comme si... tu sais, tu étais proche de ton plus grand rêve que tu pouvais l'effleurer mais qu'il te demeurait inaccessible.

-Hum, elle te l'avait pourtant offert... C'est bizarre en tout cas."

Alors, Théoden baissa un instant la tête, les yeux. Il souffla enfin :

"-Hm... changeons de sujet tu veux bien ?

-D'accord."

Hélas, l'espoir d'une nouvelle conversation s'évanouit rapidement comme l'approche d'un garde rappella Théoden à ses devoirs. Et il s'empressa de l'interpeller, même poliment. Tous deux échangèrent quelques mots, et l'Elfe finit par donner une direction au Capitaine qui, après s'être incliné s'en retourna vers Cassandra et l'entraîna vers une sorte de lac non loin. Il lui promit une expérience exceptionnelle...
Sur ce lac reposait une barque au bois nacré, qu'un batelier à l'allure fière semblait entretenir avec le plus grand des soins. A l'approche des deux visiteurs de la vallée, l'Elfe se redressa promptement. Et il salua avec élégance le Capitaine et sa dame tandis qu'ils embarquaient. Non sans se mouiller un peu d'ailleurs.
Théoden demanda à leur guide de les emmener non loin de la maison d'un ami. Et il souriait déjà à l'idée de revivre ce vol si exaltant qu'il avait pu découvrir lors de sa première visite.
Le bâtiment vint à se soulever avec lenteur, sous les airs bienheureux de Théoden et elle fila à vive allure vers l'horizon. A une hauteur pareille, il était devenu difficile de distinguer les habitants en contrebas. Mais voir ainsi le ciel couver la vallée fleurie de Teikoku avait quelque chose de tellement beau qu'il fut impossible de véritablement prêter attention à un éventuel vertige.
Sauf pour Cassandra qui, étonnement, se trouva bien plus indisposé que Théoden pu le croire. Elle s'était vite cramponnée au bastingage, plus blanche encore que d'habitude. Et lorsqu'elle lui expliqua qu'elle préférait contrôler elle même le vol, le Capitaine fut prit d'un rire. De toute façon, leur trajet fut bien rapide. Avant même qu'ils n'aient le temps de demander au pilote de freiner un peu, ils étaient déjà sur la redescente. La barque se posa sur une rivière peu profonde, à maintenant bien des lieues du palais. Comme à l'allée, Théoden proposa à Cassandra de la porter jusqu'à la berge. Et comme à l'allée, elle refusa en prétextant que "ce n'était pas la peine"(ce qui ne manqua pas de moucher le Capitaine). Après un merci au conducteur, les deux comparses furent rendu sur le palier d'une splendide maison. Celui qui ouvrit fut Belaner, l'officier Elfe qui avait soutenues les mésaventures de Théoden sur le continent depuis son dernier passage à Teikoku. Tous deux furent d'ailleurs heureux de se retrouver, d'autant plus loin des tensions que provoquaient leur fuite et le voyage en mer.
Belaner invita les deux humains à entrer, sans attendre. Mais avant de passer la porte, Théoden se tourna vers Cassandra et lui souffla avec un certain cynisme :

"-Je te laisse passer la première, ou ce n'est encore pas la peine ?"

Finalement, il s'engagea dans l'entrée en premier et rencontra celle qui devait être l'épouse de Belaner.
Tous furent bientôt installés dans le salon de la demeure. Après que la maîtresse de maison ait servit à tous un breuvage Elfe, Théoden aborda finalement le sujet qui le tracassait. Il emmena Belaner un peu plus loin, laissant aux deux femmes le soin de discuter. Et face à une fenêtre donnant sur la vallée, il lui expliqua que depuis le décès de Bolch et de Gibbs, il était devenu la seule personne en qui il avait pleinement confiance. Il le remercia, bien sûr, pour tout le temps que ça lui avait coûté et tira de sa veste un épais manuscrit qu'il présenta comme un contrat d'engagement.

"-J'aimerais faire de toi mon Second, à bord du Wicked Wench. Personne d'autre ne le mérite autant que toi. Et tu me connais aussi bien qu'on le peut, autant en tant que Capitaine qu'en tant qu'Homme."

Théoden lui laissa examiner rapidement le document, et après des remerciements de Belaner il lui promit qu'il aurait le temps d'y réfléchir. Ce serait sans doute un engagement sur plusieurs Tours, après tout. Et encore bien loin de son foyer !



~o~



Quelques jours passèrent, depuis ce soir là chez Belaner. Le soleil se leva de nouveau sur le port de Teikoku, à temps pour l'arrivée d'une calèche. Cassandra et Théoden avait été absent une vingtaine de jours aussi furent-ils surpris de voir le port investit de la sorte par les cargaisons des deux navires de ligne amarrés à quais. C'était sans aucun doute le plus gros campement de marins que Teikoku vit sur ses pavés !
Bien sûr, le gros des réparations sur le Wench n'avait pas même été entamé. Il fallait après tout mettre le vaisseau en cale sèche pour cela ! Et il était hors de question d'encombrer plus encore le port de la cité avec -entre autre- des pièces de bois de plusieurs pieds de long. Des mâts, vergues et cordage de rechange... Tout cela nécessitait des grues, un espace relativement grand et une certaine quantité de bois. Autant de chose que Théoden ne pouvait décemment décider de prendre sans au moins en discuter avec l'Impératrice des Teikokujins.
C'est donc avec la détermination de la contacter dans la journée que le Capitaine marcha avec Cassandra jusque parmi les siens. Il faudrait un bon moment pour que Eve lui fasse son rapport et pour que Théoden passe entre les tentes pour saluer ses équipages. Après quoi, le plus dur commencerait...
Mer 18 Mai 2016 - 15:17
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Dargor
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Le retour fut aux yeux de Cassandra tout aussi inconfortable que l’aller. Leurs guides étaient intransigeants quant au fait qu’ils ne devaient avoir aucun moyen de savoir comment retourner dans la vallée des elfes, cela alors même que leur reine avait accueilli Théoden en ami. Elle jugea que ces gardiens, peu importaient leurs motivations, étaient peut-être bien stricts. Dans l’Empire d’Ambre, même l’impératrice en personne n’était pas aussi bien protégée ! La malheureuse Ereleis devait en effet bien avoir le droit d’avoir des contacts humains, autrement elle se retrouverait enfermée dans son palais, condamnée à devenir folle. Elle s’interrogea ainsi sur la nature des elfes blancs. Théoden avait reproché à mis-mots à leur reine de ne rien avoir fait pour l’aider à sauver sa propre fille. Peut-être cet isolement total avait-il affecté l’esprit des elfes blancs ? Cette pensée lui était insupportable. Ces gens-là étaient sans doute les gens les plus nobles d’esprit qu’elle n’ait jamais rencontrés… Mais la folie pouvait affecter les cœurs les plus nobles, cela était vrai.
Elle ne fit pas part de ces pensées à Théoden, de peur d’éveiller en lui la douleur de plaies qui ne s’étaient pas encore vraiment refermées, si elles devaient se refermer un jour. Lorsqu’ils revinrent au port de Teikoku, ils saluèrent les officiers de Théoden, qui avaient déjà fait du bon travail, et exécuté les ordres de leur capitaine durant ses quelques jours d’absence. Leurs saluts furent cependant écourtés par le regard à la fois insistant et implorant d’un Gankyû à l’air gêné.

« C’est que, dit-il quand Théoden lui accorda quelques instants… Je crains que vous n’ayez pas saisi le sens de notre invitation, capitaine. Le bâtiment qui vous a été fourni, le ri, n’est pas une maison mise à votre disposition, mais la maison communale de notre ville. Elle sert de bâtiment administratif aux maitres de la ville, d’orphelinat, de salle de réunion pour les habitants, de salle des fêtes quand vient le temps de se réjouir, et d’école pour les enfants. Je n’ai pas osé en chasser vos officiers, car je suis convaincu qu’il s’agit là d’une regrettable méprise, aussi, pendant quelques jours, avons-nous accepté de déplacer ses fonctions dans d’autres bâtiments, notamment quelques auberges… Mais je vais vous demander de faire quelque chose. Les travaux que nécessitent vos navires justifient que vous condamniez l’accès à une partie du port, même si je vous assure que vous n’avez rien craindre de nous, toutefois nous avons besoin, pour le bon train de la vie de notre cité, que la maison communale soit libérée. J’espère que vous comprendrez. »

Le capitaine se montra particulièrement compréhensif, s’excusant même de sa mauvaise interprétation. Et à peine était-il revenu que déjà, les travaux pour vider le ri des affaires des continentaux commencèrent. Un entrepôt, proche de la zone condamnée du port, fût mis à disposition des continentaux. C’est alors que ledit Théoden observait le bon déroulement des travaux que vint le messager. Un guerrier, pour le coup, vint le trouver, et lui remettre une invitation au palais.

« Le couple impérial, dit-il à Théoden, vous fait savoir que vous êtes les bienvenus sur leur île. Ils m’ont ordonné de vous féliciter pour les bonnes relations que vous semblez entretenir avec les elfes blancs, malgré la volonté d’isolation de ces derniers. Afin de mieux connaître l’ami des elfes blancs, et donc de leur peuple, l’Empereur et sa divine épouse souhaiteraient savoir quand prévoyez-vous de vous rendre au palais impérial pour y faire plus ample connaissance.
-Le ton mielleux de la diplomatie ne doit pas te tromper, dit Cassandra, qui avait assisté à la scène, à voix basse, à Théoden. Cela ressemble à une invitation, mais quand dans l’Empire d’Ambre, Ereleis envoie un message de ce type, c’est pour convoquer le destinataire au palais, purement et simplement. »

Elle ne s’était pas attendue à ce que Théoden cherche une échappatoire, et de fait, il répondit au messager qu’il partirait dès qu’il aurait pu mettre les choses en ordre après ce déménagement. Il semblait qu’il avait lui-même à faire au palais impérial. Pour l’accompagner, il choisit trois de ses officiers. Cassandra souhaita se joindre au groupe. Le couple impérial savait manier la langue de bois, leur message en était la preuve. Elle ne voulait pas que d’éventuels vulgaires politiciens puissent le tromper par des jeux de mot. Elle-même connaissait la politique de l’Empire d’Ambre. Cela ne devait pas être si différent ici. Et s’ils étaient au fond des gens biens, alors elle aurait rencontré de bonnes personnes.

---

Le voyage jusqu’à la capitale de Teikoku dura trois jours. La ville faisait passer le port, pourtant riche, pour pauvre. En traversant ses rues, Cassandra, dans ses vêtements de voyage, avait l’impression d’être une mendiante. Et pourtant, il s’agissait d’une robe de voyage de magicienne de l’Empire plutôt riche. Mais ici, il fallait croire que la richesse prenait une toute autre mesure. Les vêtements que portaient les teikokujins étaient amples et richement décorés. Peu pratiques pour les gestes de la vie quotidienne, à n’en pas douter, mais cela n’avait pas l’air de les déranger. Puis ils arrivèrent au palais. Celui-ci paraissait humble comparé aux bâtisses dont il était entouré. Sa décoration extérieure était plus sobre mais plus élégante en même temps.
A sa porte, deux guerriers en armure telles qu’elle n’en avait jamais vu les saluèrent à leur arrivée. Cassandra songea qu’ils devaient vraiment avoir la tête qu’on attendait d’un étrangers, car c’est sans avoir besoin de poser la moindre question que les soldats ouvrirent les portes du palais, dans un geste élégant et raffiné, à l’image du bâtiment qu’ils gardaient. Ils avaient commencé par un salut traditionnel, avec une main jointe dans l’autre, et le visage incliné, et c’était ainsi qu’ils s’étaient retournés, pour saisir chacun l’immense poignée d’une porte, et la tirer d’un même geste, lent et calme. La porte ne grinça même pas, son mécanisme devant à n’en pas douter être parfaitement huilé.
Derrière elle, des palefreniers s’avancèrent pour prendre soins des chevaux qui leur avaient été confiés pour le voyage. Puis le groupe de continentaux s’avança, se retrouvant dans un petit jardin bien entretenu qui entourait le bâtiment principal. Dans ce jardin, une fillette richement vêtue, à laquelle Cassandra donnait toute juste une dizaine de tours, les salua.

« Vous êtes donc les marins du continent, leur dit-elle après ce salut. Sa voix était celle d’une enfant, mais elle était calme et assurée à la fois. Je suis Shushei, princesse héritière de l’Empire. Mes parents m’ont chargée de vous accueillir personnellement. »

Cassandra fit aussitôt une révérence, tandis que Théoden et ses officiers firent un salut rapide.

« Si vous voulez bien me suivre, dit la princesse en se retournant et en se dirigeant vers l’intérieur du palais. »

Le groupe pénétra ainsi dans la bâtisse impériale. L’intérieur du palais était sombre, malgré ses fenêtres, et la plupart de ses murs arboraient des décorations mélangeant rouge et jaune orangé. Des meubles le décoraient, ce qui était nécessaire pour ne pas créer une impression de vide, car les salles qu’ils traversèrent étaient dans l’ensemble plutôt hautes et larges.
Cassandra fut séparée du reste du groupe quand des serviteurs vinrent la trouver sur ordre de la princesse. Ils l’emmenèrent dans un appartement où ils l’invitèrent à prendre un bain. Ledit bain était chaud, et l’eau avait été parfumée à l’aide de pétales de rose. Selon toute évidence, ces gens-là ne laissaient rien au hasard quand ils recevaient. Tandis qu’elle prenait un peu le temps de se prélasser, Cassandra put entendre les serviteurs parler de la façon dont ils l’habilleraient. Décidant de leur laisser la liberté de la coupe du vêtement, elle leur lança tout de même qu’en tant que pyromancienne, elle souhaitait une couleur qui rappelle les flammes. Les serviteurs hésitèrent un instant, puis finirent par accepter et discuter du schéma de couleur qu’ils choisiraient, dans ce cas.
Lorsqu’elle sortit, elle fut habillée d’une robe orangée au tissu doux et léger. Elle portait une ceinture de toile autour de la taille, et un gilet recouvrait ses épaules. Elle rejoignit vite le groupe, pour voir Théoden et ses officiers habillés eux aussi à la teikokujin. C’est à cet instant que la princesse vint les chercher, pour les amener dans l’immense salle du trône. L’intégralité de la salle était vide et lumineuse, ce qui contrastait fortement avec le reste du palais. La salle était tout en longueur, et son sol était pavé de dalles blanches, si l’on oubliait deux tapis rouges identiques posés à gauche et à droite de cette dernière. Entre les deux, un petit chemin blanc était donc libéré vers un escalier qui après une dizaine de marches s’arrêtait sur un trône immense. Le couple impérial, dessus, paraissait petit, bien que les deux soient de grande taille, pour des humains. La lumière qui baignait la pièce venait des immenses baies vitrées qui occupaient tout son mur gauche. Après leur avoir fait signe de s’asseoir sur des coussins posés à même le sol, sur les tapis, la princesse disparut par une porte dérobée.

---

Tout le monde prit place, préférant ne pas froisser le protocole, d’autant que juste avant de partir, l’enfant leur avait fait savoir que les coussins étaient normalement réservés aux ministres lors des réunions du conseil impérial. Cassandra était indifférente à tout ce faste, même si elle devait avouer qu’il faisait passer la salle du conseil de l’Empire d’Ambre pour celle d’un château de province. Mais elle était habituée à la politique. Elle espérait juste qu’il en serait de même pour le capitaine et ses officiers.

C’est l’empereur qui prit finalement la parole en premier, après un moment de silence. Sa voix était claire et calme à la fois, et elle était plutôt grave.

« Vous avez fait un long voyage pour venir jusqu’à nous, dit-il. Permettez-moi de vous souhaiter officiellement la bienvenue dans notre Empire. »

Cassandra observa que Théoden avait accueilli ces mots par un hochement de tête appuyé, avant de répondre que c’était un honneur pour eux d’être ici. A cela, l’empereur répondit que c’était un honneur pour lui et son épouse de recevoir parmi eux les amis des elfes. Le capitaine répondit sur un ton plus détendu qu’il regrettait de n’avoir pas pu le rencontrer plus tôt, ses obligations envers la reine Malene ayant été très accaparantes.

« Les elfes sont sages et leurs nécessités dépassent les nôtres, répondit l’Empereur en souriant, il n’est donc nul besoin de vous excuser auprès de nous.
-Je crois, dit Théoden, que votre épouse avait rencontré mon Second, lors de ma précédente visite. Il m’a spécifié avoir été assez … Franc avec elle et connaissance Gibbs, je sais ce que cela signifie. Je m’excuse donc pour lui, puisqu’il ne le peut pas aujourd’hui. »

Cassandra, intérieurement, songea que cet excès de politesse pourrait bien nuire au capitaine. Après tout, la reine avait sans doute dépassé cet évènement, puisqu’elle était là pour les recevoir. Mais elle fut rassurée quand cette dernière fit comprendre en quelques mots que cet évènement fâcheux était déjà oublié, ce qui rassura le capitaine, qui fit savoir qu’il était content de pouvoir reprendre sur des bases nouvelles.

C’est en effet sur ces bases que la conversation reprit. L’empereur se voulut rassurant à l’égard de Théoden. Il lui annonça qu’il avait appris que les marins veillaient jalousement sur son navire, mais qu’il n’avait rien à craindre d’eux. Ce à quoi le capitaine, répondit, gêné que les soldats disposés autour du campement étaient surtout là pour maintenir l’ordre. Et pour éviter que quelques hommes malhonnêtes ne lui dérobent quelques richesses, car après tout, les cités des teikokujins, pour un continental, avaient des attraits de domaine des dieux.

« Si l’un de vos hommes venait à tenter de voler, dit l’impératrice en se voulant rassurante, je pense pouvoir vous assurer que les gardes de la ville sauraient aisément l’attraper. Mais je vous remercie de l’attention néanmoins.
-C’est-à-dire que je punis seuls les miens, majesté, répondit Théoden en se grattant la tête. Et il vaut mieux éviter les incidents diplomatiques entre nous, n’est-ce pas ?
-Il vaut mieux en effet, répondit l’empereur. Puis-je toutefois vous demander quand cette occupation des quais de l’un de mes ports doit cesser ? Je ne souhaite pas vous chasser, bien sûr, mais comprenez que certains marins sont gênés par cette zone de non-lieu pour eux. »

Ce qui, à l’avis de Cassandra, donnait en langage franc et direct : votre occupation me gêne. Heureusement, Théoden, s’il le comprit ainsi, fut assez malin pour ne pas être insolent, ou juste être honnête.

« Justement, nous aurions besoin d’un autre endroit plus … Adapté pour procéder à des réparations sur mon navire que l’on a du vous rapporter comme sévèrenemtn endommagé. Cela nous permettrait également de reloger ailleurs nos marins. »

L’empereur répondit que cela serait fourni, et Théoden le remercia. Alors, le couple impérial se leva, et tandis que l’impératrice prenait la main tendue par son époux, ils descendirent les marches, demandant à poursuivre cette conversation dans les jardins du palais.
En fait de jardin, il s’agissait d’une cour intérieure recouverte d’une serre. Les piliers et les murs étaient faits de pierre blanche, mais la toiture était bien en verre. Dans le jardin éclairé par la lumière du soleil, un étang avait été creusé et rempli d’une eau transparente. Un petit ruisseau coulait, imitant une rivière. Des oiseaux au plumage extraordinaire et des poissons allaient et venaient en liberté. Régulièrement, derrière un arbre, on pouvait découvrir un petit pavillon. C’est dans un de ces derniers qu’à la surprise générale, l’Empereur demanda au groupe de bien vouloir laisser son épouse seule avec Théoden pendant quelques temps.

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Surpris, le capitaine continental fit une grimace, mais congédia malgré tout ses hommes. L’impératrice sourit, et l’invita à venir s’asseoir autour d’une une petite table ronde au centre du pavillon. Dessus, un service à thé avait été disposé, et le thé était prêt à être consommé. Elle se servit, puis servit le capitaine, avant de prendre la parole.

« Vos hommes vont aller régler avec mon époux les détails techniques de la prise en charge de votre navire et de votre équipage, expliqua-t-elle. Il y a pour l’heure des sujets plus important à aborder vous concernant. »

Nerveux, sans doute, le capitaine posa les mains sur la table, avant lui demander ce à quoi elle pensait. Elle lui répondit calmement de l’appeler Junnyi, et qu’elle souhaitait lui parler de sa relation avec les elfes blancs.

« Je suis ouvert, à toutes les questions, Junnyi, répondit-il en fronçant les sourcils. »

Comme prévu, il faudrait lui expliquer le problème. C’était un continental, il ne comprenait certainement pas encore toute la nature de la relation qui unissait Teikoku et les elfes, c’était normal. De la patience et de la tolérance étaient requises, il n’avait en aucun cas tout pu apprendre.

« Ce n’est pas une question, dit-elle. Parce que la reine des elfes blancs souhaite connaitre ce qui se passe sur le continent, elle a une relation particulière avec vous, quand bien même l'amitié qui l'a liée à nos ancêtres précisait bien que les teikokujins seraient, lorsque le temps serait venu, les humains qui seraient son service pour le retour sur le continent. N'y voyez nul reproche, mais vous jouez le rôle qui avait été promis à nos ancêtres. Nous pouvons le comprendre, puisque nul ne peut mieux parler du continent qu'un continental. Toutefois, pour la mémoire de nos ancêtres, et afin que la reine blanche continue à honorer le serment qu'elle a fait, je vais vous faire une demande bien particulière. »

A cette annonce, le capitaine devint subitement méfiant. Il souhaita connaitre la nature de la demande.

« Je vais vous demander, répondit Junnyi, de me jurer allégeance en tant que guerrier et représentant de la nation de Teikoku. Vous jouirez ainsi de tous les droits, et devrez remplir tous les devoirs, de n’importe quel teikokujin. Aucune chaine ne vous sera ainsi mise, et en outre, cela permettra à nos ancêtres de reposer en paix en sachant qu’aucun serment n’a été violé.
-Le seul devoir auquel je réponds désormais, répondit Théoden en croisant les bras, est celui qui me lie à ma déesse, Junnyi. Je vois mal quels genres de devoirs vous devriez me dicter, d’autant plus que les serments des elfes blancs ne sont pas les miens. »

Vraisemblablement, il ne saisissait pas la nature du problème, comprit l’impératrice. Elle ne souhaitait bien sûr pas pouvoir le manipuler, ne pouvant en voir l’intérêt, ni n’estimant cette attitude digne d’une impératrice. Car cela aurait purement et simplement été un chantage odieux. Elle souhaita toutefois répondre à sa remarque.

« Les devoirs que je pourrais vous donner, dit-elle, seraient l’obéissance envers la nation de Teikoku, qui elle-même prend ses ordres des elfes blancs, qui eux-mêmes les prennent directement des dieux.
-Une obéissance qui implique quoi en outre, répondit agressivement le capitaine.
-Rien de bien particulier, répondit Junnyi, se voulant rassurante. Pensez-vous que nous allons dicter chaque geste de votre vie ? Vous garderez votre liberté d’action. Sauf si la nation devait être en danger. Je ne pense pas que les lois du continent soient bien différentes des nôtres, passé cela. Ne volez pas, ne tuez pas… Il y a pire comme contraintes. »

Vraisemblablement, pas à ses yeux, puisqu’il s’y opposa encore.

« Ces équipages que vous voyez sur vos quais sont des marins libres, dit-il. Des marins qui ont forcément à tuer pour survivre, par-delà ces barrières. Et ce serait me déchirer en deux, que de me faire signer un second pacte d’allégeance. »

Il se leva et se mit à faire les cent pas dans le petit pavillon, avant de continuer son discours.

« Outre le fait que j’obéisse directement à la reine Malene, j’ai été contraint de contracter vis-à-vis d’une des nations du continent que l’on nomme les Marches d’Acier le même accord que vous me proposez là. Vous vous forceriez à rompre votre isolationnisme, en me faisant signer un pareil contrat. »

L’impératrice prit le temps de boire un peu avant de reposer son bol, puis prit la parole.

« Notre isolationnisme a été rompu à l’instant où vous avez pour la première fois mis les pieds ici. Si les Marches d’Acier sont blessées par votre serment, je suis en outre prête à me rendre chez eux pour en parler. Mais nous ne pouvons accepter plus longtemps que la mémoire de nos ancêtres soient souillée, et que les promesses qui leur ont été faites soit brisées. Outre le fait que j’insiste sur ce point, sachez à titre informatif qu’en tant que Teikokujin, une parcelle de terre et une maison personnelle vous seront données sur cette île, selon la loi de l’Empire. »

Le capitaine sourit, faisant remarquer qu’une maison n’était rien pour lui. Passant la main dans sa barbe, il lui demanda de lui offrir plutôt un solide navire et un équipage de braves marins, car il ne désirait en rien devenir un quelconque marin de son Empire. Telles étaient ses conditions. Et en outre, ajouta-t-il finalement, elle aurait à établir des relations diplomatiques avec le Seigneur Verstholen, un dirigeant des Marches et ami de longue date.

« Des relations diplomatiques ne nous dérangeront pas, dit-elle en haussant les épaules. Mais la parcelle de terre et la maison qui viennent avec la citoyenneté, encore une fois, c’est la loi. Et une loi considérée chez nous comme sacrée, aussi même le couple impérial ne peut passer outre. Il est de notre devoir de vous la donner si vous acceptez d’être des nôtres. Toutefois, je ne peux pas accepter de vous donner un navire et son équipage. Vous avez les vôtres, et il est vrai que l’isolationnisme est rompu, mais je ne peux envoyer un équipage entier par-delà la barrière de tempêtes tant que la reine blanche ne m’en aura pas donné l’instruction. Cela fait aussi partie du marché qui fut conclu jadis. »

En haussant les épaules, le capitaine se retourna et partit vers la porte du pavillon, lui faisant remarquer que selon lui, elle honorait bien d’avantage ses ancêtres en envoyant son propre sang se battre avec lui, plutôt qu’en faisant de son expédition une sorte de substitut. Un navire, et un équipage, telles étaient les conditions pour lesquelles il prêterait allégeance, autrement, appartenir à son empire représenterait bien d’avantage un fardeau qu’un honneur, puisque même si l’honneur était réel, il ne l’aidait en rien à accomplir la volonté de sa déesse.

Junnyi fut affligée par cette déclaration. Elle détestait avoir recours à la contrainte, mais en tant qu’impératrice, il lui fallait savoir le faire quand c’était l’honneur de son peuple qui était en jeu. Tapant doucement de la main sur la table, elle lui fit savoir qu’il ne sortirait pas d’ici sans son accord.

« Le protocole, dit-elle, prévoit que c’est à l’impératrice de décider du moment où une conversation se termine. Ni navire, ni équipage ne vous seront donnés. Je puis vous donner quelques hommes, mais dans ce cas, je dois connaitre ce vers quoi vous les enverrez.
-En ce cas vous feriez mieux de vous arranger auprès de la reine Malene pour ce qui est de la mémoire de vos ancêtres, dit le capitaine en haussant les épaules. Il ne m’est d’aucune utilité de vous offrir mon allégeance. »

Cet homme était bien trop pragmatique, comprit alors l’impératrice. Il n’y avait bien sûr aucune utilité pratique pour elle également à recevoir son allégeance. Il s’agissait d’honorer les serments qui avaient été passés, et de respecter la mémoire des morts. Mais il refuserait de comprendre cela. Elle réfléchit à toute allure, la première solution pour conserver le dialogue serait la bonne. Rapidement, elle prit effectivement cette première décision, peu en importait la pertinence. Elle utilisa ses sens magiques pour sonder la nature de cet homme, puis sourit.

« Dites-moi, capitaine, dit-elle. Vous dites être à l’écoute d’Ariel, mais pourtant, vous n’êtes pas son élu. Pourquoi mentez-vous ?
-Mentir, vous dites ? demanda le capitaine.
-Vous dites être à son écoute, dit-elle. mais vous n’êtes pas son élu, pas plus que vous n’êtes un prêtre. Vous êtes donc soit un illuminé, soit un menteur. Et vous êtes bien trop terre à terre pour être un illuminé, ça me semble au moins clair. »

Théoden sourit, et après lui avoir dit qu’elle se faisait insulte, se mit à se déshabiller. Elle ne fit pas de remarque sur l’impudeur de son attitude, ce n’était pas le moment, même si elle n’en pensait pas loin. Il bomba le torse, arborant fièrement une terrible cicatrice qui fendait son tronc en plein ventre.

« Je vous laisse expliquer cela, dit-il. Et le fait que je sois le seul continental capable de se présenter sur cette île.
-De puissantes magies vous protègent, répondit-elle, pas impressionnée ni crédule pour deux sous. Après tout, vous avez l’oreille de la reine blanche.
-Malene ne rend pas la vie, répondit le capitaine. Trouvez autre chose. »

Avant qu’elle ne lui fasse part du fait qu’il sous-estimait gravement les pouvoirs de la reine des elfes blancs, il leva le doigt comme s’il entendait quelque chose, puis se revêtit en vitesse, disant qu’après tout, il n’avait rien à justifier. Il se dirigea vers la porte, affirmant qu’il en avait fini avec elle.

Junnyi se fit ferme, et magiquement, verrouilla la porte. Un scintillement de la poignée rendit claire la présence de ce verrou. Et c’est d’une voix bien moins douce et bien plus ferme qu’elle reprit la parole.

« La reine blanche est capable de prendre mais aussi de la donner, dit-elle. Vous n’êtes pas l’élu d’Ariel et vous prétendez parler en son nom. Je ne suis pas dupe. Dites-moi la vérité, ou je me verrai dans l’obligation de vous rappeler que, étranger ou non, mentir à l’impératrice est un crime. »

C’est avec un regard noir pour appliquer sa déclaration, et en la pointant du doigt, qu’il répondit.

« Comprenez-moi bien, impératrice. Si vous m’empêchez de partir pour mon Odyssée, dit-il, vous vous exposez à la colère des dieux. Vous n’êtes pas mon impératrice. Et vous n’avez en aucun cas le droit de me retenir ici. A moins que vous ne préfériez des menaces à la négociation ? »

Qu’il soit prêt à la menacer ne la dérangea pas. Elle était également prête à le menacer, à ce stade des choses. Mais elle chercha à détendre l’atmosphère, reprenant une voix plus douce.

« Je préfère la vérité, dit-elle. Et outre le fait que la loi me donne raison, je n’aime de toute façon pas les mensonges. Vous prétendez que votre odyssée est motivée par les dieux. Mais vous n’avez pas leur oreille, de toute évidence, puisque n’étant ni prêtre ni élu divin. Quelle preuve ai-je réellement de vos allégations ?
-Aucune, répondit-il. Puis, dans ce que l’impératrice identifia comme un élan d’orgueil, qui lui fit perdre toute compassion pour son sort, il ajouta : Je n’ai de toute façon rien à prouver.
-Invoquer les dieux, dit-elle d’une voix sèche et en appuyant chaque mot, pour justifier vos allégations, est quelque chose de grave. Car si vous mentez, vous attirez leur colère. Mais si vous dites la vérité, alors il est de mon devoir de vous écouter. Vous avez donc, en vertu de la loi divine, des choses à me prouver, ce sont vos propos. »

Ecartant les bras et dans un sourire, il répondit qu’il se laissait exposé à la colère d’Ariel. Qu’elle lui reprenne donc la vie qu’elle lui avait donnée, s’il avait contrefait sa parole.
Devant tant d’orgueil, l’impératrice dut se contenir pour ne pas se mettre en colère. Mais c’est toujours avec cette voix sèche et agacée qu’elle répondit.

« Ariel ne peut rien contre vous tant que vous n’êtes pas dans son royaume. Allez-vous me demander de vous jeter à la mer pour voir si vous flottez ou si vous couler ? Arrêtez de vous donner de grands airs, et appliquez la logique, s’il vous plait. Seuls les prêtres et les élus divins ont l’oreille des dieux. Ariel n’ayant que des prêtresses, vous n’êtes par un prêtre. Et une analyse magique peut m’apprendre que vous n’êtes pas non plus un élu divin. Alors comment pouvez-vous prétendre parler au nom d’Ariel ? Essayez d’accepter cette logique, s’il vous plait, ou nous ne nous en sortirons jamais. Et rasseyez-vous.
« M’asseoir ? demanda-t-il en ignorant ce qu’elle cherchait à lui expliquer. Après m’être fait traiter de menteur et d’illuminé ? Non ! Je n’ai aucune preuve à vous fournir que vous pourriez croire. »

Il se mit à faire les cent pas devant elle, fulminant.

« Vous avez vu la morsure de sirène sur mon épaule, souvenir de ma première rencontre avec Ariel. Vous m’avez vu arriver sur cette damnée île à la barre du Seigneur Emeraude. Vous me voyez ici alors que je devrais être mort, j’entreprends une odyssée par-delà le monde connu alors que rien ne pourrait m’y pousser hormis l’ordre direct de ma déesse, et si je voulais pousser, je vous dirais que le Wicked Wench a été renfloué par Ariel lorsque je lui ai rendu le Seigneur Emeraude.
-Asseyez-vous, dit-elle en soupirant, vous êtes ridicule. Un homme adulte devrait mieux se maitriser que cela. Le problème voyez-vous est que je suis disposée à croire que tout ce que vous me dites relève de la volonté d’Ariel. Mais je n’ai ‘autre preuve concrète que votre parole. Et que sais-je d’elle et de sa valeur ? Pas grand-chose. Si la confiance que vous accorde la reine blanche parle pour vous, votre colère et votre spontanéité font l’inverse, je dois le dire.
-La colère et la spontanéité, tout juste, dit-il en riant. Le propre des serviteurs d’Ariel, hm ? »

Il posa la main sur la poignée magiquement bloquée de la porte.

« Et en parlant de matirutié, que voulez-vous qu’on dise de ça, hm ? Vous connaissez mes conditions pour vous prêter allégeance, et je suis encore prêt à le faire, pour peu que vous cessiez d’injurier le continental que je suis. Rien de ce que j’ai vu ou appris de votre soi-disant empire ne justifie que vous me preniez de haut. »

Elle dut se concentrer pour reprendre son calme. La conversation lui échappait totalement, et elle n’aimait pas cela.

« Je ne vous prends pas de haut, finit-elle par dire, quoi que vous pensiez. Je souhaite juste que cette conversation se termine pacifiquement. Si la colère et la spontanéité constituent bien des traits connus d’Ariel, c’est aussi le cas pour d’autres divinités, telles qu’Azma ou Silir. Quant à mon empire, vous n’en avez vraisemblablement rien vu ni appris, sinon vous vous maitriseriez et cesseriez de tourner comme une bête en cage. Ne le jugez donc pas, tout comme je ne souhaite pas vous juger. Personne n’est ici pour ça. Puisque vous n’êtes pas disposé à établir la vérité, je pourrais si je vous prenais de haut comme vous le dites pénétrer dans votre esprit pour arracher la vérité dans vos souvenirs. J’ai ce pouvoir. Souhaitez-vous vraiment que je manque à ce point de respect au continental que vous êtes et que j’aille sans pudeur fouiller dans votre âme, votre bien le plus précieux ? »

A bout de nerfs, le capitaine se passa une main sur le visage.

« Azma et Silir ne m’auraient pas fait passer la barrière de tempêtes, dit-il. »

Ils en auraient eu le pouvoir, estimait l’impératrice, mais elle préféra taire cette opinion. Inutile de lancer ce genre de débat. D’ailleurs, il lui montrait la porte.

« Si vous touchez à mon âme, dit-il, et que vous découvrez que j’ai raison, je vous jure sur tout ce que j’ai chéri et tout ce que je chérirai que vous le regretterez. Alors, êtes-vous prête à prendre le risque ? »

Elle eut un sourire. Cette conversation revenait sur une piste raisonnable, quoique inhabituelle.

« Vous n’avez jamais été sondé dans votre âme, capitaine, dit-elle. Cela se voit. Je crains que ce ne soit plutôt à moi de vous guider dans son exploration. Venez-donc vous asseoir, il n’y a aucune raison de faire cela violemment. Et cela pourrait être pour vous l’occasion d’apprendre à vous défendre contre quelqu’un qui chercherait à sonder votre esprit. Cet apprentissage constituera mon excuse pour ne pas vous avoir cru s’il s’avère que vous avez raison. Avons-nous un accord ?
-Sur ce point, il semblerait, dit-il en approchant, les poings serrés. »

Elle se décala de façon à ne plus avoir une table entre eux, et s’assit à même le sol. Elle invita à faire de même, et prit ses mains dans les siennes.

« Détendez-vous capitaine, ce sera rapide. »

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Tandis que l’impératrice les emmenait ailleurs, elle eut la sensation familière de se mettre à flotter. Et soudain, elle se retrouva plongée dans les ténèbres. Sans se laisser apeurer, elle se releva et à l’aide d’une torche, alluma un réverbère qui dévoila une rue pavée séparant deux maisons, et allant se perdre à ses extrémités dans les ténèbres. Le capitaine se trouvait à ses côtés. De sa tunique teikokujin, il ne restait rien. Il était désormais dans un superbe uniforme azur portant des symboles évoquant Ariel. L’impératrice se savait aussi changée. Si elle restait habillée comme elle l’avait été dans le monde réel, elle était désormais plus grande, ses traits plus fins et gracieux, et ses oreilles, sans devenir des oreilles d’elfes, avaient perdu de leur rondeur et étaient devenues légèrement pointures.
Les deux maisons qui bordaient la rue étaient une maison dans un style continental qu’elle ignorait, ainsi qu’une riche maison teikokujin.

« Bienvenue dans le monde des âmes, capitaine, dit-elle. La maison teikokujin qui se trouve derrière moi est mon esprit. Derrière vous, c’est le vôtre. Puisque nous sommes ici, à vous de choisir par quoi vous souhaitez commencer. Mettre fin à notre dispute ? Apprendre à vous défendre ? Apprendre à explorer l’esprit d’une autre personne ? »

L’air stupéfait, le capitaine observait autour de lui. Puis il choisit de mettre fin à cette querelle.

« Parfait, dit Junnyi. Vous allez m’amener dans votre esprit. Il nous faudra symboliquement entrer dans votre maison. Là, vous essayerez de ramener à vous les moments où vous avez selon vos dires rencontré Ariel. Ils devraient apparaitre sous la forme de tableaux dans les murs, comme des images qui reviendraient à votre esprit. Et puisque vous allez m’accueillir chez vous, je vous laisse en ouvrir la porte. »

Elle le suivit et entra dans un hall décoré et meublé. Cette maison lui semblait tout à fait habitable. C’était celle d’un homme sain d’esprit.

« Voulez-vous voir notre première rencontre, demanda le capitaine, ou bien la seconde ?
-C’est inutile, répondit-elle. toutes deux sont arrivées au moment où vous avez posé la question, voyez. Tout comme certains mots clés réveilleront plusieurs souvenirs en vous, parlez des deux rencontres dans la même phrases les appelées ici. Il me semble d’ailleurs que je vous dois des excuses pour mon incrédulité, vous êtes dans une situation aussi inédite que fascinante.ni élu ni ignoré, vous êtes à mi-chemin. C’est ce qui doit expliquer mon incompréhension. Voilà qui résoudra bien des problèmes à notre retour sur le plan physique. »

Le capitaine était trop occupé à être fasciné par l’endroit pour s’en soucier, mais il finit par soupirer, et avouer le fait qu’il n’était pas l’élu d’Ariel.

« Il doit certainement y avoir une explication à l’attitude d’Ariel à votre égard, dit-elle, mais nous ne sommes pas ici pour la trouver. A présent, je vous dois me semble-t-il un enseignement concernant la défense contre de telles intrusions.
-En effet, dit-il en parcourant la maison. Serais-je capable d’user de ce pouvoir ?
-Lire dans esprits ? répondit-elle. C’est un apprentissage long et compliqué, mais c’est à la portée de tous les mortels, comme vous pouvez le constater. En ce moment, j’utilise une méthode très détournée. Nous amener directement en ce lieux n’est pas dans les habitudes de ceux qui lisent dans les esprits, c’est à la fois plus long et compliqué que d’aller soi-même se servir. Mais puisque vous êtes curieux, traversez donc la rue, et essayez d’aller cambrioler ma maison. D’aller y trouver un tableau que je refuse que vous trouviez. Disons… Le premier mot de ma fille, la princesse Shushei. Je ne vous cache pas que vous allez échouer, mais ce sera l’occasion d’apprendre de votre défaite.
-Je suis joueur, répondit-elle en souriant, et en traversant la rue. »

La porte de la maison de Junnyi s’ouvrit aisément, ce que l’impératrice expliqua en disant qu’ouvrir ces portes n’avait rien de compliqué, mais que c’était maintenant que commençaient ses ennuis. Il pouvait en effet constater que le hall d’entrée, en plus d’être vide et dépouillé de toute décoration, ne contenait pas la moindre porte. Un cul de sac.

« J’imagine qu’aucune lame ne saura m’aider en ces lieux ? demanda-t-il.
-En avez-vous une sur vous, demanda Junnyi, entrant elle aussi.
-Si fait, répondit-il.
-Vu qu’elle est ici, dit-elle, si vous estimez qu’elle est d’un quelconque usage, vous pouvez l’utiliser. »

Durant cet échange, elle avait autorisé des portes à apparaitre. Elle lui fit savoir qu’il n’avait pas à s’en faire si les objets disparaissaient ou réapparaissaient. Elle lui faisait juste une démonstration des possibilités défensives de ces maisons.

« J’imagine, dit-il en s’approchant d’une porte, que la plupart de ces portes sont des pièges, peut-être même toutes, puisque vous êtes semble-t-il bien coutumière de cette magie. J’imagine que contre un ennemi quelconque, je ne verrai aucune porte apparaître ?
-Si je ne voulais absolument pas vous permettre d’avancer, répondit-elle, si j’étais votre ennemie, alors je n'aurais pas fait apparaitre de portes, non. Ou bien j'aurais recouru à une autre stratégie de défense. Vous verrez qu'il en existe trois au total. C'est un petit chiffre, mais elles sont toutes redoutables. Vous avez testé la première. A vous de découvrir la seconde. Gardez bien à l'esprit qu'aucune blessure ne peut vous être infligée ici, n'ayez donc aucune crainte. »

Les dents serrées, le capitaine entra dans un deuxième hall identique au hall d’entrée.

« C’est la pièce infinie, dit Junnyi. La structure de ces maisons peut être modifiée à votre volonté et de façon instantanée. Seul l’extérieur demeurera inchangé, car il est à l’image de ce que vous considérez comme un endroit où vivre. Il ne changera donc qu’avec votre personnalité même, mais à l’intérieur, vous pouvez effectuer tous les changements que vous souhaitez, comme faire apparaitre des pièces vides à l’infini entre l’intrus et ce qu’il cherche.
-J’imagine, dit le capitaine d’une voix amusée, qu’on rend n’importe quel assaillant dingue avec une astuce pareille.
-Un assaillant qui ne sait pas s’y prendre, oui, dit-elle en désignant une porte. Le tableau que vous cherchez est derrière celle-ci. »

Théoden, d’un air passionné, marcha vers la porte et tenta de l’ouvrir. Elle était tout simplement verrouillée.

« Basique, commenta Junnyi en le fouillant tenter de forcer la porte, mais d’une simplicité à toute épreuve. Vous arriveriez à la passer si vous saviez fouiller dans un esprit. La question n’est pas celle de votre agilité ou de votre force. Mais celle de votre volonté. Vous prenez cet apprentissage comme un jeu, aussi n'avez-vous pas la volonté nécessaire pour enfoncer cette porte, car je chéris ce souvenir et je le considère comme par trop personnel. Essayez donc de vous motiver, en cherchant quelque chose qui surpassera ma propre volonté. Et là, vous pourrez enfoncer cette porte. Mais la pièce sera vide, je vous préviens d'avance. J'ai eu le temps de changer le tableau d'endroit. »

Théoden hocha la tête, reculant d’une paire de pas. Il sembla chercher quelque chose capable de le motiver, puis tourna simplement la poignée. La porte s’ouvrit, devant une pièce effectivement vide.

« Comprenez-vous mieux comment fonctionne cet endroit ? demanda l’impératrice.
-La pratique m’apportera l’efficacité, j’imagine, répondit-il en souriant. Qu’en est-il de la troisième technique ?
-C’était elle, répondit Junnyi. Mais il y a encore autre chose. L’instinct. L’instinct qui vous pousse à vous dire « Sors de ma tête ! Je ne veux pas que tu voies ce que je pense ! ». C’est la principale arme de celui qui ne sait pas se défendre dans une telle situation. Et vous savez à quoi sert-il ?

Bien sûr, il ne le savait pas. Il fut alors soulevé par un souffle violent et fut éjecté hors de la maison. Junnyi le rejoignit tandis qu’il se relevait.

« A ça. Retenez bien que contre un adversaire qui arrive à, par la force de sa volonté, passer les trois défenses que vous avez pu tester, l'instinct reste la meilleure arme. Il sert à le mettre dehors, purement et simplement. En revanche, c'est une arme à utiliser précautionneusement, car si elle échoue, plus rien ne peut s'opposer à celui qui a pénétré votre esprit.
-Bien compris, dit-il. Puis il se regarda. D’ailleurs, hum, je remarque votre corps ici s’approche d’avantage de celui d’une elfe qu’en vrai. De même, je porte un costume assez particulier. Pourquoi cela ?
-Ici, dit-elle, vous ne pouvez pas cacher ce que vous êtes réellement au fond de vous-même. Votre accoutrement pourrait être appelé à changer, si votre personnalité elle-même change. Mais autrement, vous resterez ici.
-Très intéressant, répondit-il en hochant la tête. J’imagine bien qu’u ntel enseignement vaut largement la veangeance que j’avais promis !
-Retenez bien une chose capitaine, répondit-elle, cherchant à lui en dire un maximum. La plupart du temps, quand une personne cherchera à lire dans votre esprit, elle ne prendra pas la peine de faire avec vous le voyage jusqu'ici. Ce serait même contraire à ses intérêts, car elle serait alors particulièrement vulnérable. Nos corps sont en ce moment immobiles. SI quelqu'un de mal intentionné venait, il pourrait nous trancher la gorge sans que nous ne bougions un cil, car nous n'en avons pas conscience. Tout l'art que je dois vous enseigner si vous voulez que votre défense soit la plus efficace possible consistera à contrer les mages qui sont capables d'aller explorer cette maison sans se mettre dans cet état d'extrême vulnérabilité. »

Il acquiesça, s’inquiétant du temps que cela lui prendrait à apprendre.

« Cela prend en général plusieurs tours, dit-elle. Il faut être capable de sentir quand une telle intrusion est faite, être capable de se replier dans cette maison pour être à même de la défendre, être capable de le faire tout en réussissant à continuer à agir sur le plan physique... La théorie est aisément acquise. Par exemple, vous savez déjà que par la seule force de votre volonté, vous pouvez verrouiller des portes ou faire apparaitre des pièces vides à l'infini. Malheureusement, cette théorie ne se maitrise qu'avec une chose : de la pratique, de la pratique et encore de la pratique.
-Autant dire que ça s’annonce mal, dit-il en se grattant la tête, à moins que vous ne veniez dans cette Odyssée.
-Je vous enverrai plutôt une magicienne qui maitrise cet art, dit-elle.
-A bord de ce navire teikokujin, avec le reste de l’équipage, dit-il. Pourquoi pas. »

Elle fit une grimace.

---

C’est à cet instant qu’ils se réveillèrent dans le monde réel.

« Je n’enverrai personne contre sa volonté, dit-elle en se rasseillant à table. Alors quelle sera cette odyssée ? Si je dois envoyer des teikokujins, ils doivent savoir ce qui les attend.
-Ariel ne m’a rien dit de ce qui se trouvera là-bas, répondit le capitaine.
-Dans ce cas, dit-elle, convenons d’un compromis. Je vous enverrai des guerriers, mais capables de diplomatie néanmoins. S'il y a des combats, ils vous apporteront l'expérience de siècles de maitrise de leurs armes. S'il n'y en a pas, ils seront capables de comprendre quelle attitude semble attirer des indigènes que vous rencontrerez sans doute la joie ou la colère.
-Cela inclus-t-il ce mage dont nous parlions plus tôt ? demanda-t-il.
-Bien sûr, dit-elle.
-En ce cas nous sommes d’accord, dit-il après réflexion.
-Et, osa-t-il avancer, pour la citoyenneté teikokujin ?
-Si vous acceptez, dit-il, ce que cela implique par rapport aux Marches d’Acier, alors je signerai les papiers que vous voudrez. Mais attention, il n’est pas question que le moindre soldat de votre Empire m’intime le moindre ordre. Je ne prends d’ordres que du couple impérial, tout comme je le fais avec les elfes blancs.
-Alors nous sommes d’accords, dit-elle. Vous pouvez rejoindre vos officiers. Je pense que le temps que nous ayons eu cette conversation, mon époux devrait en avoir terminé avec eux.
-Y’aura-t-il une sorte de cérémonie ? s’inquiéta-t-il.
-En souhaitez-vous une ?
-Non, je demandais juste, par rapport au protocole.
-Théoriquement oui, mais elle n’a rien d’obligatoire.
-En ce cas, je laisse cela à votre discrétion, dit-il. »

Il s’apprêta à sortir, mais pensa à la remercier pour ses enseignements.

« Au plaisir, capitaine. Bienvenue dans notre Empire. »
Jeu 9 Juin 2016 - 0:44
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Capitaine Theoden
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C'est sous une fine pluie que Théoden regagna le port, après sa longue entrevue avec l'Impératrice. De nouveau couvert de ses guenilles, le Capitaine affichait un air songeur. Ses compagnons marchaient devant, discutant entre eux. Les deux jours qu'il avait fallut pour voyager depuis le palais Impérial s'étaient écoulés dans un calme total. Le Commodore parlait peu, préoccupé par les enseignements que lui avait prodigué l'Impératrice. Finalement l'océan se montra par delà une colline.
Théoden laissa donc quartier libre à ses hommes, préférant regagner seul son bord. Cassandra s'éclipsa bien vite, attirée par l'étale d'un marchand d'étoffe.

La redescente jusqu'aux quais fut assez tranquille. Les gens saluaient Théoden comme si ils commençaient à le connaître. Pour peu qu'il les entendait, il arrivait que le marin leur rende un salut vague. Mais c'était avec une certaine morosité que le Commodore faisait son chemin à travers les rues tranquilles du port. En contrebas, on voyait déjà les quais se dégager à mesure que les équipages de l'Odyssée emportaient leurs biens vers les entrepôts qui leurs avaient été offerts gracieusement. Un petit sourire fendit le visage fatigué de Théoden, alors qu'il traversait une place fleurie au centre de laquelle trônait un arbre resplendissant. L'on pouvait voir de là toute l'étendue de la marina des Teikokujins, baignant dans le soleil. C'était à n'en pas douter un spectacle des plus agréables. Un de ceux qui retiendrait un instant Théoden.

A quelques pâtés de maison de là se trouvait le Docteur Thackery. Les épaules chargées de sacs, le chirurgien de bord du Wicked Wench allait et venait entre toutes les étales possibles et imaginables en quête de choses pouvant présenter un intérêt pour ses essais. Bien sûr, son regard fut attiré par l'enseigne d'un apothicaire. Et c'est avec l'entrain d'un enfant allant se chercher une glace que John s'y pressa. Il risquait certainement d'acheter tout ce qu'il lui serait possible de transporter ! Quitte à rembourrer jusqu'à ses propres chaussettes...

Dans le port, le Blacksmith venait tout juste d'entamer la lourde tâche qui lui avait été confiée : amener le Wench jusqu'à la cale sèche où il recevrait soins et améliorations. Le hallage s'annonçait long et périlleux comme le 74 canons de Théoden était un vaisseau lourd de plusieurs centaines de tonnes, même à vide. Eve, qui commandait l'opération avait en conséquence loué à des locaux des barques de telle sorte qu'il serait plus aisé de diriger le navire de ligne sans entrer en collision avec les navires Teikokujins.

Théoden profita de sa journée pour passer chez un tailleur. Il y commanda une tenue destinée à être celle qu'il porterait durant tout le trajet. Bien sûr, il n'abandonnait pas sa traditionnelle redingote. Mais il demanda qu'on y ajoute un air Teikokujin. Après quoi, une fois sa commande payée le Commodore s'en retourna à quai.

Il arriva d'ailleurs juste à temps pour assister aux manœuvres des fusiliers, en plein exercice. Sous les ordres du Major Hewlett, reconnaissable à l'épaulette dorée sur son uniforme et à son tricorne brodé d'or les soldats allaient et venaient en pelotons. Marchant, d'abord, puis en trottinant ou en courant. Le plat d'un ponton servait alors comme espace de manœuvre, simulant l'étroitesse d'un pont de navire.
Il s'agissait de faire défiler sur chaque bord les soldats par pelotons de dix, les mettre en place et leur faire ouvrir le feu avant de se replier pour recharger.
L'exercice, bien curieux pour les locaux ne manqua pas d'en attirer plus d'un. Et les quelques uns qui n'étaient pas à la manœuvre échangeaient avec eux volontiers sur ce qu'il se passait. On vit un Teikokujin tenter de se servir d'un mousquet comme si il eut s'agit d'une lance. Un autre essayer de le brandir comme une matraque. Ce fut l'occasion pour beaucoup de marins de faire plus ample connaissance avec leurs hôtes. Comme si ces manœuvres, pourtant bien sérieuses, n'étaient rien de plus qu'une danse. Il y eut des éclats de rire, du troc à la sauvette, un peu de rivalité. Mais au soir venu, le port regagna une tranquillité quasi totale.
Le Wench était arrivé dans sa cale sèche et les marins qui n'étaient pas en train de continuer à sympathiser dans un bar du port se reposaient en prévision des travaux du lendemain.

C'est à l'aube qu'une silhouette familière se présenta devant le bâtiment où étaient logés les meilleurs soldats de Théoden. Telthis, sous le couvert d'une cape, venait assurer l'entraînement qu'avait accordé Malene au Commodore avant son départ de la vallée. En un quart d'heure de temps, les cinquante fusiliers du Wicked Wench, incluant le Major Hewlett et l'Enseigne Thomason -les officiers- furent au rapport. Les ordres que leur avait laissé Théoden était simple :

"Attendez l'arrivée d'un envoyé de la Reine et suivez-le où qu'il vous emmène. Obéissez-lui en tout point comme si il eût s'agit de moi. Il sera votre nouveau Capitaine à bord."

Théoden ne pu hélas passer les saluer une dernière fois, avant les longs mois d'entraînement qui les attendaient. Car à la cale sèche, les ingénieurs Teikokujins avaient besoin d'aide. N'ayant jamais vu de navire de ligne auparavant, il leur était impossible de concevoir les travaux qu'ils avaient à faire. Et bien sûr, la charge revenait au Commodore, en plus du Maître Charpentier, de se rendre là bas pour les aider à entamer les travaux.
Car Théoden avait des plans particulier pour son vaisseau. Des améliorations... hors du commun. Et ce aussi bien dans des critères Continentaux que Teikokujins !
Outre le fait qu'il fallait réaménager intégralement les batteries, pour les préparer à accueillir des balistes, il faudrait également couvrir la coque d'un plaquage argenté. Métal polie ou nacre, peu importait. L'objectif était non seulement d'ajouter de la vitesse et de la maniabilité au navire, en améliorant sa capacité à glisser sur l'eau, mais aussi de le rendre pénible à regarder pour d'éventuels ennemis, par jours ensoleillés. Bien sûr, avant cela, il faudrait nettoyer intégralement la coque, réparer les brèches, retailler les sculptures qui avaient été endommagées. Mais aussi travailler à l'intérieur, et renforcer la structure de la coque.
Des travaux monstrueux, à n'en pas douter. Il était très probable que près d'un tour entier soit nécessaire pour leur accomplissement.

~o~

Une semaine passa ainsi, alternant entre tranquillité et travaux harassants.
Théoden avait entre temps été officiellement nommé citoyen de l'Empire Teikokujin. Thackery passait le plus clair de son temps dans son échoppe d'Apothicaire, à essayer d'apprendre le plus de choses possible de ces plantes qu'il n'avait jamais vues. Cassandra, elle, œuvrait là où elle le pouvait. Tantôt elle aidait ceux qui se blessaient sur les chantiers tantôt elle se rendait dans des université de l'Empire pour y répondre aux nombreuses questions de Professeurs curieux de savoir comment se portait le continent.

Il vint un jour, cependant, où le Commodore eut pour projet d'aller voir comment se passait l'entraînement de ses hommes.
La journée était assez belle, en comparaison des jours de pluie qui avaient précédé ce matin là. Sous une brise fraîche, dans un habit des plus simple, Théoden se mit donc en selle et partit en quête de ses hommes. Les baraquements avaient été évidemment vidés de toute présence continentale lorsque Telthis était venu prendre possession de ses élèves. Alors, allant de gardes en gardes pour demander son chemin, le Commodore finit par se trouver sur une route en pleine campagne menant droit vers un village bûcheron en bordure d'une forêt. C'était là que, entre les étendues d'herbe grasse et les bois épais avaient été plantées des dizaines de petites tentes individuelles. On pouvait voir battre en haut d'un mât les couleurs de Théoden. Une lune pâle brillant haut au dessus d'une mer agité. Un fin sourire fendit le visage du Commodore qui reconnu certains de ses hommes affairés dans le camps. Il entreprit donc de passer au pas entre les tentes, pour saluer ses compagnons et s'enquérir de leur état.
Beaucoup semblaient fatigués, allongés sur leurs couches ou adossés aux potences soutenant la toile de leur tente. Mais tous saluèrent gaiement Théoden sur son passage. Ils semblaient tenir pour l'instant, ce qui n'était guère surprenant.
Mais Telthis, au même titre qu'une dizaine de fusiliers manquaient à l'appel. Et c'est un Major Hewlett pas rasé et sans perruque qui indiqua à Théoden le chemin à suivre pour rejoindre le groupe en plein exercice.
Le trajet fut assez court jusqu'à la clairière où l'Elfe Blanc avait décidé d'installer son camp d'entraînement. Et il ne fallut que quelques minutes à la monture du Commandant pour avaler le trajet, au trot.
Mais Théoden n'eut pas le plaisir d'assister aux exercices. Car tous étaient en train de souffler, assis à même le sol. Leur barda était entassé dans un coin, à l'abris d'éventuelles intempéries. Descendu de selle, le visiteur s'approcha de Telthis, l'instructeur qui était plongé en plein songe. Théoden le ramena à lui en une légère accolade sur l'épaule, en venant se poster à côté de lui. La perplexité sur le visage de l'elfe ne rassura pas le continental qui, après avoir demandé des nouvelles apprit que pour des standards Elfe Blanc, ces soldats là étaient loin du compte. Lents, maladroits, sans doute bien peu précis, Telthis annonça à Théoden que quelques lunes seraient sans doute bien peu. Améliorer leur vitesse, tel serait son objectif premier avant de leur apprendre véritablement à manier leur sabre comme de véritables Elfes Blancs le feraient.
Mais Théoden restait confiant. Les travaux sur le Wench prendraient plus longtemps que prévu. Et si six lunes seraient sans doute insuffisantes, un tour apporterait sans doute bien plus à ces hommes. Le Commodore profita de l'occasion pour remercier une nouvelle fois Telthis -qui assura ne faire que ce que lui ordonnait la Reine- avant de se retirer. Il restait énormément à faire ! Après avoir encouragé ses hommes et avoir partagé une gourde d'eau claire avec eux, Théoden finit par remonter en selle et repartir pour le port.
Dim 26 Juin 2016 - 15:42
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Dargor
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« Je suis engagé pour vous faire vivre, dit Telthis sur un ton froid. Pas pour vous envoyer au massacre. Demain, vous reprendrez l’entrainement. »

Ces mots, il les avait dits suite à un mouvement de mécontentement. Les fusiliers que lui avaient confié le capitaine Théoden avaient contesté ses méthodes, arguant d’une part qu’elles ne servaient à rien, d’autre part que quand bien même, elles ne leur permettraient qu’à développer leur potentiel individuel, quand la gestion du groupe était primordiale lorsque venait le temps des escarmouches ou des batailles. Peut-être était-ce là une conception humaine de la guerre, mais les elfes ne voyaient pas les choses de cette façon. Telthis leur avait répondu qu’il ne servait à rien d’apprendre à se battre en unité si c’était uniquement pour chercher à compenser la faiblesse individuelle des membres de ladite unité, car cela n’aurait mené qu’au massacre. D’où sa phrase.
Les fusiliers, malgré leur mécontentement, furent disciplinés, et Telthis en fut satisfait. Il s’était éloigné à la faveur de la nuit pour leur préparer le terrain, comme tous les jours depuis des lunes à présent. Un entrainement typiquement elfique. En effet, lorsque les humains étaient arrivés, ils s’étaient présentés un peu en fanfaronnant sur leurs qualités. Quelques passes d’armes de test avaient suffi à Telthis pour déterminer qu’ils n’avaient pas la moindre raison de faire les coqs. Ils avaient une certaine technique, cela, il devait bien le leur reconnaître, mais manquaient cruellement d’agilité et de vitesse, même selon les critères qu’il attendrait d’un humain. Voilà pourquoi il leur faisait travailler cet aspect-là des choses, et uniquement cet aspect. Il le ferait tant qu’il en demeurerait insatisfait. Et cela prenait du temps, car il fallait dire qu’il avait trop d’élèves à son goût. Les méthodes elfiques étaient bonnes pour les elfes, avait-il réalisé, parce que les enfants elfes étaient peu nombreux, et pouvaient donc recevoir plus d’attention de la part de leurs maitres d’armes. Là, il avait déjà trop d’humains pour que cette méthode puisse fonctionner à son plein potentiel. Mais il ne voyait pas d’autre solution. Il avait tout simplement besoin d’aide.
L’aide, il l’avait trouvée en la présence d’une poignée de samouraïs de Teikoku, qu’il avait pu appeler. Il avait constitué cinq équipes de dix fusiliers. Tous les jours, il en emmenait une dans la forêt, et huit samouraïs se répartissaient ensuite pour s’occuper des quatre restantes, selon un programme décidé par Telthis.
Deux d’entre eux devaient faire travailler les muscles aux guerriers. Non pas des exercices pour en faire des montagnes, mais des exercices pour les rendre aptes à exploiter leur puissance physique à son plein potentiel. C’était important. Ils avaient pour se faire fait appel à un guerrier sumo teikokujin, l’incarnation même de la puissance.

« Aucun gramme de ce corps n’est laissé inutilisé au combat, avait expliqué Telthis le jour de sa présentation, quand les fusiliers avaient ri le ventre du guerrier sumo. »

De fait, ils avaient vite appris à le respecter. Et de son apprentissage, ils devaient tirer deux choses : la capacité à écraser l’adversaire sous leur puissance physique pure, par des charges dévastatrices, mais aussi celle à mettre une véritable puissance dans les coups qu’ils donnaient simplement avec leurs membres. Pour les aider, les samouraïs tenaient des boucliers en bois, rembourrés avec de la fourrure pour amortir les chocs. Les fusiliers devaient charger, ou frapper, selon l’exercice. S’ils frappaient, il s’agissait d’un bouclier de la taille d’une main qu’ils devaient viser. S’ils chargeaient, en revanche, le bouclier faisait la taille d’un nain, et ils devaient essayer de renverser la personne qui le tenait. Le premier jour, ils avaient eu pour défi, afin de comprendre le système, de résister à la charge du sumo. Après une cinquantaine de culs, comme le disait si bien l’intéressé, les quelques rires avaient cessé. Il avait fallu attendre douze jours pour que les premiers fusiliers comprennent comment mettre à coup sûr un cul au samouraï qui tenait le bouclier qu’ils devaient charger.

« Faites bien attention, leur avait cependant dit le sumo, à une occasion. L’exercice n’a pas pour but de faire de vous des brutes épaisses. Retenez bien qu’il est là pour apporter un complément à ce que vous faites les jours où vous ne chargez pas. Si vous souhaitez fonder toute votre stratégie sur des charges dévastatrices, vous allez juste vous faire tuer. Même nous, sumos, nous avons appris à utiliser le sabre. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre techniques de combat classiques et charge. »

La deuxième partie de l’entrainement seyait plus aux fusiliers, et les laissait faire ce à quoi ils étaient les meilleurs : tirer sur des cibles, à toutes les distances possibles et dans les angles les plus farfelus. On leur avait pour l’occasion prêté des yumis, les arcs des teikokujins, qu’ils durent apprendre à manier. Dès qu’ils eurent compris, ils retrouvèrent leurs marques de tireurs, et les groupes qui en arrivaient au jour de l’entrainement au tir avaient tendance à considérer qu’il s’agissait d’une journée de repos.

Elle était d’ailleurs, afin de garantir la bonne qualité de ce dernier, accolée à la journée de méditation. Celle-là énervait plus encore que les autres les humains, mais Telthis s’était montré intransigeant.

« Un vrai guerrier doit être capable de faire le vide de toutes ses émotions lorsque sonne l’heure du combat, dit-il. Une émotion au combat, c’est une faiblesse. Vous devez laisser la distinction des choses, et la clarification des dangers, vous guider lorsque vous êtes au combat. Rien de plus, rien de moins. L’interférence d’une émotion dans ce processus vous mettra inévitablement en danger. Et ne croyez pas qu’une froideur typiquement humaine constituerait une absence d’émotion. Elle reste un déséquilibre intérieur, qui vous poussera à commettre des atrocités qui n’ont pas la place dans les armées dans lesquelles je combats. Et si on me forme pour vous apprendre à vous battre, alors je veux que vous pensiez de la même façon. Que ça vous plaise ou non. Si quelqu’un s’oppose à ça, il peut toujours retourner voir son capitaine et lui dire que je ne veux pas de lui ici. »

Personne n’était parti, que ce soit par discipline ou par conviction. Telthis s’en fichait bien, cette règle-là, elle n’était pas négociable à ses yeux.

La quatrième journée, elle, était consacrée à la préparation au corps à corps. Il était bon d’avoir une bonne puissance physique, une bonne visée à distance, et un bon équilibre au moment du combat, si on se fait attraper au corps à corps, il est nécessaire de savoir s’y débrouiller. La technique étant déjà dans l’ensemble plutôt bonne au moment où ils étaient arrivés, cette journée également était plus ou moins une journée de repos pour eux. Plus ou moins, car s’ils n’apprenaient pas de nouvelles bottes, les teikokujins, qui étaient grâce à leur sang elfique légèrement plus légers et rapides que les humains, leur faisaient répéter leurs attaques en boucle jusqu’à atteindre une vitesse qui les satisfasse. Vitesse qui ne satisfaisait jamais Telthis à son retour. Donc on recommençait. Les gestes devaient être rapides et précis.

La cinquième journée, c’était Telthis qui gérait le groupe, et l’emmenait en forêt. La nuit précédant la journée, il préparait le terrain. Le but de cette journée, plus épuisante de toutes car en présence du maitre d’armes le plus exigeant du groupe, était double. D’une part, il apprenait aux fusiliers à bien examiner le terrain qu’ils parcouraient. D’autre part, il améliorait leur vitesse et leur agilité. Et leurs muscles en même temps, au passage. Le processus était simple, mais ingénieux. Il était utilisé dans toutes les formations des jeunes elfes blancs.

« La princesse Nynaeve elle-même est passée par là, à l’époque où son esprit était capable de raison, annonça Telthis. Et je suis passé par là, et mon père avant moi. »

Les fusiliers étaient amenés à un petit temple abandonné à l’entrée de la forêt, où se trouvaient pas moins de vingt seaux. Deux chacun. Leur but était d’aller les remplir de pierres à la rivière qui se trouvait plus loin dans la forêt. Environ à une heure de marche, pour un humain qui marcherait paisiblement. Puis ils devaient les ramener ici. Bien sûr, ils devaient faire le plus vite possible. Ceux qui revenaient les premiers étaient récompensés d’un temps de repos plus long et d’un repas chaud le soir. Les derniers devaient refaire un tour avant d’aller au repos. Dans tous les cas, ceux qui arrivaient après que le dernier grain de sable du sablier que Telthis plaçait dans le temple se fut écoulé repartaient pour un tour. La journée ne s’achevait que lorsque tous pouvaient repartir au repos. Bien sûr, le dernier de la dernière course repartait en faire une pour la forme.
La tâche n’était certainement pas rendue aisée par Telthis, car il leur tendait des pièges sur la route. Ceux-ci n’étaient pas particulièrement méchant, leur objectif étant plus de mettre mal à l’aise que de blesser. Un fil tendu par ici pour les faire trébucher par-ci, une flaque de boue glissante cachée par des feuilles par-là, un trou dans sol par ici… La plupart de ces pièges étaient plutôt simples et enfantins. Mais le plus humiliant pour les fusiliers étaient, alors qu’ils se relevaient, d’entendre les critiques de Telthis, caché dans les fourrés alentours.
L’intéressé les entendait, en repartant, l’injurier dans leurs barbes, mais cela ne l’intéressait pas. Après tout, certains elfes passaient des tours entiers à faire cela quotidiennement jusqu’à ce que leurs instructeurs soient satisfaits de leur capacité à improviser pour éviter les pièges, à analyser le terrain dans le feu de l’action, à s’orienter dans une forêt connue comme inconnue, et surtout à ramener vite les pierres au temple. L’opération forgeait donc les muscles, la vitesse, l’agilité, et la capacité d’improvisation.
Telthis, pendant que les fusiliers courraient, restait caché et les suivait dans leur course. Conscient que tous n’avaient pas les mêmes capacités, et afin de rendre la course équitable, il s’arrangeait pour que les plus rapides et costauds aient affaire à plus de pièges que ceux qui étaient plus frêles.

« Ca forme vraiment les guerriers votre affaire ? demanda un jour le dernier d’une course, rentrant seul avec lui dans l’hospice qui logeait la troupe.
-A l’origine, cette formation était exclusive aux forestiers et aux éclaireurs, dit-il. Mais elle a ensuite été étendue à tous les guerriers de la nation elfique. Donc oui.
-Et le combat en unité ? avait-il demandé en entrant dans le mess, déclencheant le débat sur le combat en unité.
-Quand vous aurez appris à vous battre seuls, avait répondu Telthis. »

---

Le règne de Daudysse était arrivé, et avec lui, une chaleur moite s’était installée au cœur de la vallée des elfes. Ces derniers, comme tous mortels, n’étaient pas insensibles à ces fortes températures, et le calme régnait donc dans la vallée, tandis que la plupart d’entre eux restaient inactifs, à l’ombre des arbres aux larges ramures. Les palais étaient silencieux, de même que les résidences. Seuls quelques elfes, qui travaillaient, faisaient du bruit.
L’un d’entre eux, un forgeron, était à l’œuvre, dans la fournaise qu’était devenue sa forge. Ses assistants et apprentis étaient venus de mauvaise grâce. Par cette chaleur, ils auraient aimé se reposer, mais le maitre d’œuvre ne l’avait pas entendu de cette oreille. Après tout, il n’avait déjà pas autant de temps qu’il ne l’aurait souhaité pour forger l’épée qui lui avait été demandée, il n’aurait pas aimé en perdre plus que prévu.
Le son des marteaux résonnait dans la forge, tandis que la lame prenait peu à peu forme. L’elfe n’hésitait pas à prendre plusieurs minutes pour réfléchir à chaque coup qu’il donnait, quitte à utiliser son art pour replonger la lame dans le feu si cela s’avérait nécessaire. Elle devait être parfaite. En fait, il regrettait un peu de ne pas avoir retenu l’humain, de ne pas lui avoir demandé comment se battait-il, pourquoi voulait-il cette forme et pas une autre, quelle était la longueur idéale à ses yeux. Cela lui aurait permis d’être bien plus satisfait de son œuvre finale. Quand il en fit la remarque à Belaner, qui vint le trouver un jour qu’il était à l’ouvrage, ce dernier lui répondit qu’il le connaissait bien : jamais il n’aurait osé rendre un ouvrage dont il n’était pas satisfait.

Et il avait raison. Lorsque l’épée fut terminée, elle n’était pas encore parfaite selon les critères du forgeron, qui aurait aimé avoir plus de temps, mais il l’estimait à tout le moins satisfaisante.

« Je vais l’emmener avec moi au moment d’annoncer ma décision au capitaine, lui dit Belaner. Ne t’en fais pas, aucune lame humaine n’égale ce que tu as fait, et il le saura. »

---

Belaner, pour sa part, avait eu un tour pour réfléchir à la proposition. Partir auprès du capitaine Théoden, ou bien rester auprès de sa femme, dans la vallée qui était sa maison. Pour être franc, il avait longuement hésité avant de rendre sa décison. Puis il décida, après avoir récupéré son épée, d’aller trouver le capitaine Théoden. C’est en le laissant retirer le tissu qui enveloppait la lame qu’il lui annonça sa décision.

« Je m’excuse, dit-il, mais je ne serai pas des vôtres pour cette fois. Le temps passe rapidement, et trop peu de temps a passé depuis que je suis retourné chez moi. Il est nécessaire de tirer les leçons de ce qui a été vu et appris lors d’une aventure telle que celle que nous avons vécu. Je n’ai pas encore achevé de le faire, car je veux en examiner tous les souvenirs que j’ai, tout en ménageant du temps pour mon épouse et les amis qui vivent autour de chez moi. Les elfes sont rapides par nature capitaine, mais dans nos actions, nous sommes plus lents que vous. Au voyage de retour, j’aurai mis mes affaires au clair, et si vous repassez par là, je serai prêt à embarquer à nouveau. Mais là, je regrette. C’est trop tôt. »

Il regrettait d’avoir joué à son ami forgeron un mauvais tour, car il ne pourrait pas dépeindre la joie qui transparaitrait sur le visage du capitaine en recevant ce qui était sans nul doute l’une des plus belles lames qu’il ait jamais possédé. Mais l’honnêteté l’avait poussé à parler vite. Il devait dire ce qu’il avait sur le cœur.

---

Cassandra ressentit avec plaisir l’entrée dans son esprit, tandis que Joei l’y amenait une nouvelle fois. Ces leçons avaient commencé peu après celles de Théoden. Elle avait à l’époque demandé, par pure curiosité, ce qu’il faisait, assis pendant parfois des heures, avec cette magicienne, totalement absent. Lorsque Joei lui avait parlée de la lecture dans les esprits et de l’apprentissage du capitaine, elle avait souhaité en profiter elle aussi, intéressée par le processus.
Sa maison intérieure était un palais, avait-elle découvert. Un palais aux couleurs rouge, jaune et orange. Celle de Joei était une résidence plus humble. Riche, mais plus humble. Elle avait été tentée de demander à Théoden quelle était sa maison, mais s’était retenue. Lorsqu’elle avait parlé de cette hésitation à Joei, plus tard, celle-ci lui avait répondu que c’était une question grandement inconvenante et impudique, et qu’elle ne serait jamais en droit de la poser qu’à son époux. Telle était la tradition.
Alors, elle avait continué à s’entrainer avec elle. Joei leur avait appris à reconnaitre la sensation d’une lecture d’esprit.

« Attention, avait-elle précisé. Plus les mages sont puissants et habitués à cela, plus il sera difficile de ressentir leur présence. Si la reine des elfes blancs pénétrait notre esprit maintenant, je ne pense même pas que nous serions capables de sentir une intrusion. »

Lorsqu’ils montraient tous deux des signes de lassitude à l’égard des exercices ayant pour but de reconnaitre une intrusion mentale, Joei se montra compréhensive à leur égard, et décida d’en venir à un autre genre d’exercices. Elle essaya de voler leur demeure, leur apprenant certains trucs pour se défendre, et les poussant à les mettre en pratique. Le résultat n’était pas parfait, disait-elle, mais elle ne doutait pas qu’à bord du navire, ils n’auraient que peu de temps, aussi souhaitait-elle aborder le passage le plus important le plus vite possible.
Se défendre sans avoir besoin de venir s’enfermer dans sa maison, afin de ne pas laisser l’adversaire profiter d’un instant de faiblesse. C’était difficile, car il fallait agir plus par instinct que par réelle volonté. Et il était difficile de rester concentré pour attraper cette pomme que Joei leur lançait sur la tête pendant qu’ils cherchaient à se défendre. A la fin du tour, ni Cassandra ni Théoden n’y étaient encore parvenus, mais la magicienne était souriante. Ils étaient sur la bonne voie, disait-elle.

Lors d’une visite de Lothÿe qui avait eu lieu durant ce tour, Cassandra avait posé la question à sa divinité, qui avait souri.

« Quand un dieu pénètre tes rêves, mon élue, oui, il pénètre ton esprit. »

Le palais en flammes de Cassandra était alors apparu derrière elle, mais elle n’avait pu voir l’immense ombre qui se dressait derrière le dieu du soleil et des flammes.

« Je devine ta question, mon élue, dit-il. Je ne te montrerai pas ma demeure. La nature des divinités est telle que tu perdrais la raison si tu posais les yeux dessus. »

Ça avait été la fin de leur entrevue. Puis elle en était revenue à la vie de tous les jours. Elle passait le plus clair de son temps à errer en ville, ou à contempler les travaux à l’œuvre sur les navires de Théoden. La délégation teikokujin fut pour elle une libération, quant au bout de nombreuses lunes, elle dût accueillir le samouraï Samada et ses guerriers, donc un colosse, qui avait une petite bedaine, mais dont elle n’aurait pas apprécié de se trouver sur le chemin.

« Je me suis porté volontaire, avait-il dit au capitaine en se présentant. Je suis Keichi, guerrier sumo de Teikoku. J’ai eu envie de voyager avec vous, parce que, vous voyez… Je pourrai pas vous en dire plus de peur d’aller à l’encontre de ce que souhaite Maître Telthis, mais je l’ai un peu aidé avec vos fusiliers. »

Le capitaine l’avait remercié pour l’aide.

« Ce fut un plaisir. Et je suis sûr que cela sera inoubliable pour vos hommes, avait dit le colosse avec un sourire amusé. Leurs culs s’en souviendront longtemps. »

Malgré tous leurs essais, ni Cassandra ni Théoden ne purent arracher de précision supplémentaire à ce colosse satisfait de sa petite plaisanterie. Il était évident qu’il faudrait attendre le retour des fusiliers pour en savoir plus.
Durant les quelques semaines qui suivirent, sur les instructions de Théoden, ce fut Cassandra qui dût se charger de présenter les guerriers à l’équipage. Ce dernier était en effet débordé avec les travaux à faire sur les navires qui étaient en train de se terminer.

Ainsi passaient les journées pour l’élue, durant la fin du séjour. Elle présentait le bataillon aux très nombreux membres d’équipages, prenant son temps afin que chacun puisse avoir un brin de causette avec les guerriers de Teikoku, pour que les connaissances établies soient solides et ne se résument pas à des noms associés à des têtes. Il n’y eut bien sûr pas d’amitié qui émergea d’un seul coup, mais elle nota que les teikokujins pouvaient rire à certaines plaisanteries lancées par les marins, et inversement. Les échanges étaient donc bons. Le groupe, à n’en pas douter, vivrait bien.
Le soir, elle allait trouver, après Théoden, Joei, pour ses leçons de psychisme. Puis venait l’heure du dîner. Au début, elle avait été invitée régulièrement avec les autres officiers à la table du capitaine, puis de temps en temps, et de plus en plus fréquemment, il l’invitait seule, sans négliger pour autant ses officiers. Cassandra aimait cette attention, car elle appréciait le temps passé en sa compagnie. Il était avide de connaissance, et elle lui répondait aussi précisément qu’elle le pouvait. Quant à elle, elle apprit très vite à respecter la personnalité qu’il avait, et à l’apprécier. Sous sa carapace d’homme dur se trouvait en fait un cœur noble, et elle appréciait ce dernier.
Un soir, il se permit de l’embrasser. Elle hésita avant d’y répondre, n’ayant jamais aimé un homme. Elle se sentit bête ce soir-là, de ne rien savoir à l’amour. Mais si d’autres y arrivaient, pourquoi pas elle ? Cela n’alla pas plus loin. Mais elle savait au fond d’elle que peut-être reprendrait-il ses avances. En fait, elle l’espérait plus qu’elle ne le savait.

Ainsi passa le tour.
Puis les navires furent prêts à voguer.
Mer 20 Juil 2016 - 18:07
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Favori d'Ariel
Capitaine Theoden
La lune était pleine cette nuit là, lorsque Théoden se leva de sa couche. Déjà bien haute dans le ciel, la Dame Nocturne laissait sa lumière glisser sur l'océan avec une paresse presque mélancolique. Le Wicked Wench mouillait alors à quelques encablures de la Verte, dans la Baie de Jade. Accompagné depuis peu du Blacksmith qui reposait dans l'ombre du 78 canons, le vaisseau de Théoden faisait voile depuis maintenant plusieurs lunes depuis la côte du Continent vers cet endroit précis. La Verte. La Verte où le Commodore comptait refaire le plein de vivres et déposer le plus précieux de ses chargements : Phadria. Demain, ils seraient à quai. Mais même si pour l'heure la jeune femme reposait à quelques mètres de lui, aussi paisible qu'insouciante, Théoden sentait lentement grandir en lui un poid. Un poid qui l'avait rapidement privé de son sommeil. Et maintenant, il la considérait d'un oeil hagard.
C'en était ainsi. Ressuscité par la Déesse des Océans, il avait fallut au Commodore un long moment pour se résoudre à déposer Phadria. Quitte à ce que ce soient des adieux. L'idée avait fait son chemin, une route pavée de souffrance dans l'âme de Théoden qui avait pourtant décidé de pourvoir à tout ce qu'elle pourrait désirer.
Ils gagneraient ensemble le Palais de la Verte, où ils seraient reçus par la Princesse. La Princesse qui devrait répondre à une dette qu'elle avait contracté quelques tours auparavant auprès de Théoden en s'insinuant à son bord lors de son premier voyage vers Teikoku. Pour cela, elle n'aurait eu qu'à prendre Phadria sous sa protection, dans son palais. Elle devait y loger en sécurité.
Pour écourter les adieux, le Commodore prévoyait de se glisser avant l'aube hors de leur chambre. Il la laisserait avec un mot et assez d'argent pour vivre toute une vie en paix si jamais il ne devait pas revenir.
Mais pour l'instant elle était là, à demie nue enfouie sous les draps blancs de son lit. Et il était difficile d'envisager un départ si loin d'elle. Et de tout ce qui l'attachait encore au continent.

Un sursaut d'affolement réveilla Théoden en sursaut. Il était en sueurs, vêtu comme la veille. Il s'était affalé à demi sur sa couche. Encore une nuit pleine de songe, suivant une journée pleine de travail. Elles se faisaient de plus en plus récurentes, à l'approche du grand départ. Mais cette fois, c'était spécial. Cette apparition, elle n'était sans doute pas anodine.
En presque un tour et demi, jamais le Commodore n'avait rêvé de sa compagne. Elle lui apparaissait parfois bien sûr, lorsque la pleine lune rayonnait dans la nuit ou lorsqu'il s'offrait un verre de ce vin qu'ils avaient eu l'habitude de partager. Mais depuis l'arrivée sur Teikoku, Théoden n'avait connu qu'un quotidien de travail. Il s'était s'agit de plannifier, d'encadrer et de préparer.
Mais voilà. Il s'en rappelait maintenant. Hier, les travaux sur son vaisseau s'étaient terminés. Et dans un soupire de relâchement, il s'était offert un dîner en compagnie de Cassandra. Un dîner qui devait avoir étrangement finie vue que la grande table était encore dressée et que la bouteille de vin avait finit par rouler au pied de sa couche, aussi vide qu'une tête d'orc.
Vint alors l'angoisse. Théoden se demanda si sa fatigue, couplée à son ivresse relative ne l'avait pas poussé à la bêtise. Alors il se leva en hâte et souleva avec angoisse l'épaisse couverture qui couvrait son lit. Vide.

"-Pfeeeeew..." souffla-t-il.

Soulagé, il se laissa choir un peu plus loin dans un fauteuil, se massant d'une main les tempes. La matinée était alors déjà bien avancée. Celle qui précédait le grand départ. En début d'après midi aurait lieu l'importante cérémonie durant laquelle le Wench serait remit à l'eau et durant laquelle on hisserait en haut de ses mâts les couleurs jointes de Teikoku et des Marches.
Sans tarder donc, le Commodore enfila une chemise propre, changea de chausses et sauta dans ses bottes hautes. Il attendait encore sa nouvelle redingote. Vêtu donc aussi simplement, il sortit en quête de Cassandra. Mais dehors, dans l'effervescence du port quelqu'un vint le trouver.
C'est sous une capuche fine que Belaner se présenta à lui. L'Elfe Blanc, que Théoden appréciait plus que tous les autres venait d'arriver sur le port. Mais malgré la joie de le revoir, le Commodore remarqua la légèreté de son paquetage. Il remarqua aussi la mine peinée qui ornait le visage de son compagnon. La joie de ces retrouvailles retomba bien vite. Avant même que Belaner ne lui annonce sa décision de rester à terre auprès de sa famille, Théoden l'avait enlacé simplement. Il lui souffla qu'il comprenait et qu'il le regretterait. Après quoi il se recula, souriant avec difficulté. Mais quand il s'apprêtait à s'en retourner, Belaner l'arrêta et lui tendit un paquet. A sa forme, il n'y avait aucun doute. C'était sa nouvelle lame, tout juste terminée. Ce forgeron avait bien oeuvré ! Mais avant même d'ouvrir, une chose surprit le Commodore. La légèreté de l'objet. Une rapière moyenne était assez lourde. Plus légère qu'une épée classique, mais tout de même assez lourde. Là, c'était à peine si cette lame devait faire le poids d'une branche de bambou !
A sa mine, Belaner comprit la surprise de son ami. Et alors qu'ils cheminaient vers un banc pour s'y asseoir, à l'écart du bruit et de la fureur du port l'elfe lui raconta les nombreuses hésitations qui avaient gêné le forgeron.

"-Bien sûr, je lui ai expliqué un peu comment devait se manier cette lame. Enfin.. d'après ce que j'en ai vu lorsque nous avons combattu ensemble."

Théoden opine simplement du chef, défaisant le cordon qui retenait le paquetage. Trépignant d'impatience, il découvrit alors une rapière non seulement fine et légère mais également incroyablement résistante et parfaitement équilibrée.

"-Je ne crois pas avoir déjà vue d'épée plus idéale que celle-ci." avoue Théoden en se levant du banc où il s'était installé avec Belaner.

Avec un sourire fin, il détaille la fine garde, enveloppant le poignet du bretteur avec de fines lame d'aciers semblables à de longues feuilles courbées. Il effleure le pommeau, tout en rondeur et passe un doigt sur le filigrane enrobant la poignée, assurant une prise en main parfaite. Il teste l'équilibre de l'arme, parfaite et examine le fourreau un long moment pour voir les impressions dans le cuir. Après un moment d'hésitation, Théoden enroule finalement ses doigts autours de la poignée et tire dessus d'un coup sec.
L'arme suivit son geste sans broncher, fendant l'air dans un sifflement cristalin. L'acier de la lame était véritablement parfait. Scintillant au soleil, comme nimbé de lumière. La longue était parfaite, le poids idéal. Et le tranchant redoutable.
On pu voir une feuille d'arbre tomber sur le fil de la lame et se rompre en deux !

Théoden tourna la tête vers Belaner, visiblement ravit.

"-C'est bien plus que ce que j'espérais, Belaner ! Je ne m'attendais pas à cela quand ce forgeron me disait qu'un tour ne lui suffirait pas pour concevoir ma nouvelle arme."

Il rit un peu, la faisant danser un instant devant ses yeux avant de rengainer.

"-Je ne suis pas même sûr de mériter une arme pareille !"

Le reste de la matinée, ils la passèrent ensemble. Ils discutèrent longuement, se promettant de se revoir au retour de l'Odyssée. Tous deux se remémorèrent leurs aventures passées, en Oro. Ils rièrent en se rappelant du terrifiant Kraken qu'ils avaient terrassé. Et finalement, après un bref déjeuner, ils se séparèrent.

L'heure de la cérémonie approchait à grand pas. Théoden, qui portait donc maintenant sa nouvelle arme fit le tour des auberges du coin pour rappeler ses hommes.
Beaucoup étaient d'ailleurs très enthousiastes. Un tour entier de vacances, c'était très long ! Alors il y eut des hourras.
Théoden fut de retour à quais juste à temps pour voir ses cinquante fusiliers rentrer de leur camp d'entraînement spécial. Telthis en tête donc et par rangs de trois la colonne avançant entre les maisons du port à bon pas. Ils en avaient de l'entrain ces hommes ! Ils ne semblaient pas se préparer à embarquer pour un voyage qui pourrait aussi bien être un suicide collectif.

D'ailleurs, personne ne manquait d'entrain. Où que Théoden passe, les hommes oeuvraient en chantant à tue-tête ou en sifflotant. Le Blacksmith était déjà prêt au départ, en état admirable après sa reconstruction dans les Marches.
La vedette allait être le Wench. On pouvait le voir dressé dans sa cale sèche, avec de nouveaux mâts et une coque toute neuve. Bien sûr, on avait pas encore remontées les vergues et les sabords étaient vides, dépourvus de mantelets. Mais à sa poupe, un mât avait été planté en biais au sommet du tableau. C'était là que battait au vent les nouvelles couleurs de Théoden, inspirées autant par Teikoku que par ses origines Kelvinoises. Sur un étendard rectangulaire, d'un blanc parfait avait été brodé en doré un lotus aux pétales ouvertes, propageant une lumière bienfaîtrice tout autours de lui. Le graphisme était assez simple, mais raffiné. Exécuté pour témoigner de l'allégeance du Wench aux deux peuples de l'île.

Un pupitre finissait d'être monté, dos à la baie du port. Sur la plus grande place de la cité on montait gradins et estrades pour la cérémonie à venir. On avait d'ailleurs confié à Cassandra, douée d'un certain bon goût pour les choses du cérémoniel le soin d'arranger décorations et invitations. Avec l'aide du Capitaine Brookes. Voilà pourquoi Théoden se pressa sur cette place, pressé de la retrouver.
Il la trouva à l'entrée d'une remise, d'où entraient et sortaient des marins, les bras chargés de fanions et de bouquets de fleurs. Elle semblait préoccupée. Et l'arrivée du Commodore ne sembla pas la soulager, au contraire.

"-Est-ce que tout va bien, Cassandra ?" fit l'intéressé, surprit par l'état de l'élue, pourtant d'habitude si calme.

"-Hein ? Euh... oui, oui ! Tout se passe pour le mieux." tenta-t-elle de le rassurer.

Mais Théoden se doutait que quelque chose clochait. En insistant un peu, il apprit que la jeune femme avait fait envoyer une série d'invitations à la cour de l'Empereur de l'île. Seulement, depuis le temps, aucune réponse n'était parvenue jusqu'à elle. Et comme le gradin impérial venait d'être terminé, elle craignait qu'il ne demeure vide. Ca aurait été la source de beaucoup d'embarras !
Mais face à elle, elle trouva un Commodore conciliant, qui posa une main sur son épaule et la rassura. Il lui promit qu'ils feraient le déplacement, plaisantant sur l'oisiveté relative de ce port qui n'avait sans pas connu de célébration comme celle ci depuis une éternité.

"-Et puis au pire, je t'assure que ce ne serait pas grave." conclut-il.

Elle sembla quelque peu soulagée, poussant un léger soupire. Mais Théoden n'en avait pas finit. Il restait ce sujet bien embarrassant qu'il lui fallait aborder.

"-Je voulais te parler d'hier soir..." commença-t-il en abaissant sa capuche, lâchant l'épaule de la jeune femme.

"-Oui, je voulais t'en parler aussi justement. En fait je..."

Mais la joie de Cassandra fut tranchée nette par Théoden. Lui qui s'était soupçonné qu'il avait dérapé sous le coup de la boisson préférait lui éviter la torture du doute et de l'attente.

"-Je voulais m'excuser. Il semble que l'alcool et la pression m'ont rendu plus qu'impoli à ton égard. J'ai dû me montrer bien trop... affectueux. Mais je ne voudrais pas que tu te fasses des idées. J'éprouve une certaine affection pour toi, Cassandra. Mais je ne crois pas que cela puisse aller au delà de l'amitié."

Il lui offrit sa joue, si elle voulait le gifler pour soulager sa gêne et son embarras. Mais comme il lui tendait un mouchoir, elle se contenta de l'envoyer paître, lui tournant le dos. Après un renifflement bruyant, elle lui lança avec une voix emplie de fierté :

"-De toute façon, tu embrasses très mal. Et tes manières n'auraient fait que m'embarrasser de retour à la cour !"

Théoden eut un demi sourire, s'inclinant à demi en reculant d'un pas. Il lui assura qu'elle serait toujours la bienvenue à sa table et s'effaça pour la laisser à ses songes. Elle préférait sans doute qu'il ne soit pas témoins de son affliction, après tout.

La journée continua donc de s'avancer au rythme des divers travaux. Les estrades finirent d'être montées, les étendards claquaient au sommet de leurs mâts.
Cassandra disparu le temps d'une demie heure, laissant à Eve le soin de préparer les troupes pour ce qui serait leur défilé.
Pendant ce temps là, Théoden passa une dernière fois au chantier naval. Il voulait vérifier que les ingénieurs Teikokujins avaient bien saisit la manière de remettre à l'eau un vaisseau aussi imposant que le Wench. Depuis sa monture, trottant calmement au fond de la cale sèche, il effleura d'une main le ventre de son bâtiment, tout entier plaqué de fine couches de métal poli.
Avec les moyens dont il avait disposé, Théoden avait pratiquement pu faire bâtir un nouveau vaisseau, sur les restes de l'ancien. Les canons remplacés par 74 balistes de fabrication Elfe, il avait été possible de resserrer les membrures de la coque. Ce qui assurait une meilleure solidité, sans véritablement alourdir le navire.
Il fallait compter le gain de place et de poids supplémentaire qui avait été effectué. En vidant les soutes à poudre, et le puit à boulets, on pourrait charger non seulement plus de vivres, mais aussi des pièces de rechanges pour les balistes. Ainsi que des munitions en quantité suffisante pour une dizaine de campagnes militaires.
Il y avait enfin ce fameux plaquage métallique. Requête curieuse, qui passerait pour farfelue sur le continent, elle était pourtant des plus ingénieuses. Car le métal polit permettrait au vaisseau de mieux glisser dans l'eau. L'étrave supporterait mieux le fracas d'éventuels collisions avec des débris à la surface. Et ça permettait d'empêcher à des navires adverses d'étudier à la longue vue l'équipement du Wench. En outre, de prêt comme de loin, le métal à lumière du soleil éblouissait ceux qui pourraient vouloir attaquer.
En cette belle journée donc, le Wicked Wench scintillait presque comme un phare. On allait bientôt le descendre de ses cales, pour le faire rouler le long de la pente douce qui le mettrait à flot. Pour cela, on avait préparé un nombre sans précédent d'attelages. Quelques centaines, pour l'empêcher de basculer sur les côtés. Tandis que des treuils le retiendraient pendant la descente.

Et enfin, le soir se présenta. A terre, les citoyens de toute la ville vinrent se masser dans les gradins ou autours, pour voir cet imposant navire sur lequel presque tous les artisans avaient oeuvré depuis un an descendre finalement vers l'eau.
Cassandra s'était revêtue de cette robe étrange qu'on lui avait offert au palais impérial, s'habillant à la mode Teikokujin avec certain plaisir. Et non sans succès, au vue des regards parfois admiratifs qui convergeaient vers elle.
Elle se tenait alors juste à côté du Capitaine Brookes, qui avait enfilé son uniforme de cérémonie, typique Kelvinois. A sa droite se trouvait le Major Hewlett, habillé sur le même exemple. Mais avec une perruque poudrée ajustée avec le plus grand des soins sous son tricorne. Et le Capitaine de Treville, nommé récemment pour tenir lieu de Second à Théoden sur le Wicked Wench.
Treville avait été jusque là Premier Lieutenant à bord d'un vaisseau au gabarit semblable au 74 canons qu'il allait seconder. Et bien qu'il avait assez peu de connaissance militaire, il avait été élevé au rang de Capitaine pour ses talents en matière de gestion d'équipage et de vivres. Sans parler de la diplomatie.
A cela, il fallait ajouter Telthis, qui se tenait aussi droit que silencieux à sa place. Enfin, on pouvait voir Belaner, qui avait promit de rester le temps de la cérémonie avant de regagner son foyer.
Aux pieds de la grande estrade se trouvaient d'abord les fusiliers entraînés par Telthis. Ceux là avaient reçus de nouveaux uniformes blancs. Ils se tenaient sous les étendards avec un air fier. Trois d'entre eux avaient reçu le grade d'Enseigne, allant avec une épaulette dorée. Les meilleurs élèves de "ce démon d'Elfe" comme il était parfois appelé. Puis se trouvaient la trentaine d'éléments qui n'avaient pas profité d'entraînement spécial. Il s'agissait d'une trentaine de Hallebardiers des Marches, servant à bord du Blacksmith et représentant leur nation. Leurs armures de plates avaient été nettoyées avec grand soin. Et leurs lames brillaient haut au dessus de leur tête, dans la lumière ambrée du soir.
Pour le reste, il s'agissait des quelques centaines de marins mêlé au peuple de la ville.
Lorsque Théoden refit son apparition, vêtu de sa nouvelle redingote, tout espoir de voir arriver le couple impérial avait disparu. Mais alors que les flûtistes et les caisses clair commençaient à jouer un air solennel, et pourtant joyeux, on entendit les pas pressés d'une dizaine de porteurs. Il y eut alors un silence. La musique retomba aussi vite qu'elle avait commencé à s'élever. Puis tout le monde retint son souffle. Trois superbes litières firent leur apparition, s'avançant entre la foule qui s'écartait et s'inclinait. Dessus, on pouvait voir les couleurs de l'Empire Teikokujin. Alors quand les porteurs posèrent leur précieux fardeau, juste devant l'estrade réservée à l'Empereur et à son épouse, Cassandra s'empressa de venir à leur rencontre. Elle s'inclina bien bas, selon l'usage. Et comme Théoden l'imitait depuis son pupitre, tous les soldats en firent de même.
Les Teikokujins, autant que les Continentaux furent à la joie. Les uns étaient heureux de voir leurs Seigneurs, les autres étaient honorés de les voir présents pour une cérémonie à laquelle il ne devait pas comprendre grand chose.

L'Empereur, rejoint par son épouse et leur jeune fille monta rejoindre son fauteuil, sous un lâché de pétales de fleurs. Tous trois prirent place. Et la cérémonie put reprendre.
Flûtes traversières, caisses clairs, étendard, Théoden fit rejouer devant ses hôtes ce qui était dans sa cité d'origine une tradition lorsqu'un vaisseau devait être remit à l'eau. Derrière lui, le soleil se couchait peu à peu. Mais ses rayons firent scintiller le Wicked Wench, à mesure qu'on le faisait descendre dans la baie.
Une fois le 74 canons à l'eau, on donna une parade comme lors d'un jour de célébration nationale. Parade qui se conclua par une impressionnante bordée, tirée depuis le Blacksmith. Elle était sensée saluer la nouvelle naissance du navire, comme les cloches d'un temple lors d'un mariage.
Les détonations embrasèrent l'océan, faisant siffler hauts dans les cieux des boulets enflammés qui retombèrent par delà l'horizon bien après s'être éteints.
Finalement, une fois ce feu d'artifice militaire passé, Théoden regagna à la lumière des torches son estrade pour un discours.
La parade touchait à sa fin, la lumière du soleil n'était plus qu'une fine ligne ardente au loin et une brise légère soufflait vers le large. Comme un appel au départ. Les musiciens firent taire leurs instruments.

"- Soldats, marins et Teikokujins de ma Force Expéditionnaire !

Vous êtes sur le point de vous embarquer pour la grande croisade vers laquelle ont tendu tous nos efforts pendant de longues lunes. Les yeux du monde sont fixés sur vous. Les espoirs, les prières de toutes vos familles vous accompagnent. Avec nos valeureux alliés de Teikoku et nos frères d'armes, vous explorerez le monde par delà les cartes et toutes nos connaissances.
Votre tâche ne sera pas facile. Bien des gens souhaiteraient notre échec. Et d'autres encore voudront notre mort ! Et personne ne sait quelles autres embûches vous attendent par delà ces rivages.
Mais nous sommes des Hommes ! Et le monde ne sait que trop bien de quoi nous sommes capables. Notre effort de guerre nous a donné une supériorité écrasante en armes et munitions, et a mis à notre disposition d'importantes réserves d'Hommes déterminés. La fortune nous sourit !
J'ai totalement confiance en votre courage, votre dévouement et votre compétence dans la bataille.
Bonne chance ! Implorons la bénédiction de notre Grande Reine, sur cette grande et noble entreprise. Puissions-nous regagner cette île en conquérant. Et puissions nous faire la fierté de nos dieux."

Tour à tours, se furent les soldats puis les marins qui l'applaudirent, vite imités par les Teikokujins rassemblés là. Des hourras fendirent le silence du soir, ponctués de salves de tirs de mousquets, tournés vers l'océan.
Théoden accueillit cette liesse générale avec un large sourire, reconnaissant.
Demain, à la même heure, ils seraient enfin partis. Mais pour l'heure, il fallait célébrer !
Alors on rompit les formations, on posa les mousquets et on fit couler vin, bière et rhum. Avant minuit, on pu entendre l'association incongrue de violons du continent, accompagnant des musiciens Teikokujins. Il y eut des danses, un peu partout en ville et une liesse générale finit par consummer ce qu'il restait de retenue de part et d'autre.
Il y en eut bien sûr pour se tenir loin des célébrations. Telthis ne pensait qu'à son devoir, juché à l'écart sur un éperon rocheux. Et Thackery était repartit à ses études des centaines de plantes qu'il avait découvert grâce aux apothicaires de la région. En dehors de cela, même Cassandra et Théoden se joignirent aux valses qui martelaient le pavé.
L'Empereur et son épouse s'offrirent symboliquement une coupe d'un vin du continent avec le Commodore et l'Elue de Lotÿe puis se retirèrent, lorsque beaucoup commençaient à s'endormir.

Au matin, il fallut rembarquer. A bord de chaloupes, on chargea de vivres le Wench. Alors par colonnes, le long des grandes artères, les marins firent rouler des centaines de tonneaux vers les quais. Entre eux passaient parfois des officiers, dont Théoden qui raccompagnait vers la sortie de la cité Belaner.

"-Merci d'être resté." finit par lâcher le marin à son compagnon Elfe, alors qu'ils passaient les dernières maisons.

"-Ce n'est pas grand chose voyons Commodore." répondit l'Elfe en se fendant d'un sourire bienveillant.

Théoden l'interrompit en posant une main sur son épaule.

"-Si je dois survivre à ça, Belaner, et par l'amour des dieux je t'en prie, appelles moi Théoden."

Après quoi, tous deux échangèrent une brève étreinte. Belaner trouva ensuite sa monture, et Théoden son chemin vers les quais. Ils se séparèrent ainsi sans un regard en arrière.

Quelques heures plus tard, le grand départ fut donné. Théoden en dernier, les quelques chaloupes qui restaient en arrières amenèrent les officiers jusqu'à leurs bords.
Le torse gonflé de fierté, le Commodore posa le pieds sur le pont neuf de son vaisseau. L'équipage était déjà à la manoeuvre, sous les ordres du Capitaine de Treville. Des hommes couraient en tous sens, achevant les préparatifs et se préparant à larguer les voiles. Quelques dizaines se pressaient au cabestan sur la proue du vaisseau, remontant avec entrain les deux ancres qui reposaient encore sur le fond de la baie.
D'autres montaient dans les haubans, pieds nus. Ils se répartirent chaque vergue, mettant la main sur la voile en attendant l'ordre de Théoden.
Théoden justement joignit ses mains dans son dos, montant d'un bon pas l'escalier qui le séparait de la grande roue du vaisseau. Il lança un signe à l'enseigne chargé des signaux et se planta à côté de Treville qui s'écarta respectueusement.

"-Messieurs, toutes voiles dehors !" lança-t-il.

Alors, tandis que l'on adressait des signes de drapeau au Blacksmith, les marins dans les vergues libérèrent les voiles du vaisseau. Elles tombèrent avec lourdeur dans le vent, aussi blanches que la peau d'un nouveau né. Puis ce fut le départ. Une légère secousse ébranla le navire, et il commença à glisser sur l'eau. Sans la moindre résistance.
Le Blacksmith du Capitaine Brookes prit les devant, ouvrant la voie jusqu'à la ceinture de tempête. Il était de toute façon bien plus léger.
A bord, Théoden posa ses mains sur la barre qui elle n'avait pas été changée. Il l'effleura un instant avec lenteur, puis l'empoigna et fit tourner la grande roue sur bâbord, plusieurs fois. L'étrave s'orienta alors plein Ouest, et avant longtemps, le Wench se cabrait déjà sur les vagues de la haute mer.
Cassandra avait décidé de rester à la poupe, regardant en silence Teikoku s'éloigner. Elle s'était un peu plus couverte, craignant avec raison les brises fraîches du grand large. A côté d'elle se trouvait Hewlett, qui regardait avec mélancolie s'éloigner leur dernier asile paisible.
Sur le pont central se trouvait Telthis. L'Elfe avait cédé à la requête de trois mousquetaires, désireux d'approfondir leur entraînement. Ils se tenaient donc en ligne face à leur instructeur, lames en main et l'écoutaient, tandis qu'il leur montrait leur tout premier enchaînement. Après quoi, ils étaient sensé répéter à l'infini deux par deux.
Pour ces trois là, Théoden avaient réservé trois lames de grande qualité. Des schiavone souples forgées en Oro. Bien sûr, ça ne vaudrait pas une arme provenant des forges de Teikoku. Mais ils avaient en main de quoi devenir bien meilleur que beaucoup de duellistes humains.
L'entraînement n'était pas moins dur qu'auparavant. Mais il était suivit avec plus encore de passion par ces trois là que la totalité des cinquante fusiliers du bord. Le tintement des lames eut tôt fait d'attirer les regards. Sur les passavants, ou même depuis les hunes, on regardait avec grand intérêt ces quatre là entraîner leurs lames.
Bien loin de ça, deux ponts plus bas, les Teikokujins volontaires découvraient leurs quartiers. On leur avait offert une portion de cale sous les quartiers des officiers. Bien sûr, le confort était tout relatif. Mais la tranquilité était elle assurée. Et entre les quatre cloisons qui composait leurs appartements, ils étaient libres de s'installer selon leur désir.
Les balistes qui avaient remplacés les canons étaient harnachés sur leur pas de tir avec le plus grand des soin. Elles seraient à n'en pas douter la meilleure défense de l'Odyssée contre d'éventuelles attaques. Plus rapides à recharger, dotée d'une portée moindre mais plus précises. Elles ne demandaient que deux artilleurs, soit deux fois moins qu'un canon. Ainsi, Théoden pouvait maintenant s'offrir le luxe de tirer des deux bords à la fois, avec une cadence presque deux fois supérieure à n'importe quel vaisseau de ligne. Même si l'impact serait moindre.

Mais pour l'heure, ils voguaient en eaux alliées. Là, ils étaient sûrs que rien ne pourrait leur nuire. Pas même Ariel, puisqu'elle avait ordonnée elle même ce voyage.
Alors tout le monde en profitait pour se reposer. Cassandra, aussitôt Teikoku éloignée avait reprit ses études auprès de la magicienne envoyée par l'Impératrice. Elle alternait avec Théoden, passionnée et appliquée.
Théoden justement montait parfois dans les haubans avec ses hommes, faisant la course avec eux pour savoir qui rallierait le plus rapidement le grand hunier et le plancher du pont central. Le moral était bon, très bon.

Mais le lendemain matin, le ciel se couvrit. La barrière de tempête était droit devant eux, menaçante. Haute et terrible. Théoden, commandant du vaisseau gagna le post de navigation avec entrain et ordonna au Blacksmith de mettre en panne, afin que le Wench prenne la tête.
Ils furent vite apaisés. Une fois le blanc vaisseau de Théoden en tête, les vagues et les bourrasques de vents retombèrent. La mer s'aplatit devant eux sur une bande de quelques centaines de mètres de large, et le voyage continua. Tant et si bien qu'à midi, ils eurent passé la grande barrière et celle se reforma derrière eux, comme lors de leur arrivée.

"-Très bien Maître Telthis." lança Théoden à l'Elfe, qui s'était posté à côté de lui pour regarder aux alentours. "Nous voilà en territoire hostile."

"-Hostile, dites-vous ?" répéta l'Elfe, avec un regard interrogateur.

"-Lorsque j'ai quitté le monde des hommes, c'était après qu'il ait été embrasé par un dragon. Un dragon et les batteries de mon navire. Nul ne sait si Asarith est toujours à mes trousses."

Bien sûr, un tour et demi avait passé depuis cette nuit là en Oro. Mais l'affront avait été grand, et le Commodore savait le Roi aussi patient que rancunier.
Alors il fit doubler le nombre de vigies dans les hunes et ordonna au Blacksmith d'ouvrir une fois de plus la voie.

"-Il nous faut nous préparer au pire." ajoute Théoden, avant de porter son regard sur l'Elfe à sa droite. "Si des Elfes noirs nous tombaient dessus, ce serait un coup dur pour cette Odyssée."

Telthis opina du chef, l'air grave et s'en retourna après avoir assuré à Théoden qu'il veillerait à ce que ce voyage soit amené à son terme coûte que coûte.

Une lune plus tard, l'Odyssée croisait au large du Nouveau-Monde et s'apprêtait à le dépasser par le nord. Et comme si l'intuition de Théoden avait été prémonitoire, il se trouva à l'horizon des voiles noires. Voiles noires qu'on lui signala comme hostiles.

"-Pavillon ?" demanda le Capitaine de Treville.

"-Pas de pavillon." lança la vigie depuis sa vergue.

La situation se tendait déjà, une lune après le départ. Si des corsaires Elfes Noirs les avaient suivis jusque là, rien n'indiquait qu'ils ne le feraient pas jusque par delà le monde connu !
Treville fit donner du tambour, ordonnant à un jeune élève officier d'aller réveiller Théoden.
Comme souvent, dans les évènements à venir, Telthis fut le premier sur le pont. En armes et à la tête du contingent de Teikokujins, il eut tôt fait de gagner les hauteurs de la proue afin de mieux apercevoir leur ennemi à l'approche.

Treville fut vite rejoint par son commandant sur le pont. Théoden avait sauté dans ses bottes. Et tandis qu'il montait les marches le menant à la barre, il attachait autours de sa taille le ceinturon au bout de laquelle était accrochée son arme.
Il se dressa alors dans le vent, posant un pied sur quelques coudées de cordage enroulé sur le sol et se saisit d'une longue vue, qu'un lieutenant lui tend.
Chemise ouverte dans le vent, il observe les voiles au loin au travers de son instrument.

"-Des corsaires." fait-il à l'intention du Capitaine. "Deux vaisseaux. Un équipage Elfe Noir et une goëlette."

Il regarde autours d'eux, distinguant sur leur gauche les côtes du Nouveau Monde.

"-Capitaine, faites signaler au Blacksmith d'armer sa batterie de tribord. Nous leur couperont la route et feront feu avec notre rempart bâbord."

Théoden, descendant de son promontoire se tourne vers un soldat et lui ordonne d'aller chercher Cassandra. Hewlett se présenta à son tour, demandant si il fallait se préparer à un abordage. Mais le Commodore lui répond avec un fin sourire :

"-Ceux là n'arriveront pas vivant contre nos flancs."

Rapidement, on entend chanter des sifflets partout à travers le vaisseau, tandis qu'un officier à la proue du navire fait des signaux au Blacksmith.
Tout l'intérêt d'avoir deux Capitaines qui se comprennent à la perfection tenait en cela qu'avec une simple phrase -"Bordée tribord"- une manoeuvre parfaite pouvait se monter sans accrocs en quelques instants.
En outre, Eve comprit la manoeuvre de Théoden aussitôt qu'elle vit qu'il armait sa batterie bâbord.
Les quatre navires se rapprochaient de plus en plus vite, sur la mer calme. A bord du Wench, Théoden -qui s'était revêtu- devinait sur les visages des Teikokujins la frustration qui les habitait face à leur impuissance.
Ce combat là ne serait pas le leur.
Il fallut se préparer à rompre la ligne. Alors Théoden prit la barre à Treville, lui demandant d'aller à la proue afin de vérifier leur alignement et d'améliorer la visée. Puis il fait diminuer de moitié la voilure, faisant ralentir son navire peu à peu.
Le Blacksmith au contraire met toutes voiles dehors, se préparant à faucher la petite goëlette qui devançait le vaisseau Elfe Noir.
Le temps pour Cassandra de gagner l'air libre, prête au pire, les premiers coups de canon retentissent. L'air un instant effarée, elle se tourne vers Théoden, la bouche débordant de questions. Mais celui-ci ne préfère pas lui répondre, occupé à aligner sa bordée face à la trajectoire de ses adversaires.
Comme on aurait pu s'en douter, la Goëlette d'en face était assez peu armée. Une vingtaine de bouches à feu, délivrant leur charge de fonte souvent trop bas ou trop en arrière. Le Blacksmith n'encaissa au final qu'une paire de boulets, sur la dizaine qui avait été tirée. Les dégâts furent mineurs. Tant et si bien que quand Eve donna l'ordre à ses batteries d'ouvrir le feu, il y eut comme un air d'inégal.
La vingtaine de canons sur son flanc droit crachèrent une quantité surprenante de fumée, propulsant des raies de flammes droit sur la goëlette qui fut pour pulvérisée sur le coup.
La coque du petit vaisseau fut enfoncée intégralement sur un bord, son mât s'effondrant sur le pont. Il y eut quelques hurlements, puis une explosion. La soute à poudre avait été touchée. Ce qui propulsa à une d'une dizaine de mètres de hauteur des éclats de bois parfois long comme une hallebarde.
Il y eut des cris de joie, provenant du Blacksmith victorieux, alors que le Jolly Roger de la goëlette venait s'éclater sur les eaux, rongé par le feu.
Puis après un léger silence, il y eut le son déchirant d'un cor de guerre. Tous les hourras se turent, et ce fut une déferlante de flammes qui s'abattit sur le navire des Marches. Les mages Elfes à bord de l'esquiffe noire ne comptaient pas se laisser couler !
Fort heureusement, le Blacksmith avait été rebâtit sur le même principe que le Wicked Wench, dans les Marches. Alors sa coque plaquée de fer ne prit que peu feu. Bien sûr, sa voilure fut sévère touchée, mais l'équipage saurait éviter le pire. Dans le sillage du petit vaisseau nordien, il y eut rapidement une nappe de fumée dense. Effet inattendu du plaquage métallique qui, sous le coup des boules de flamme chauffait par endroit jusqu'à virer au blanc.
Théoden jura en voyant cela. Il regarda Cassandra, avec un air féroce.

"-Ce sera bientôt notre tour. Il ne faut pas que ces flammes atteignent nos voiles. Tu peux faire ça ?" lança-t-il.

L'Elue lui répondit avec une certaine fierté qu'il "n'avait qu'à attendre pour voir". Ce qui rassura un brin le Commodore, lorsque le cap du vaisseau Elfe Noir changea pour pointer droit vers le 74 canons. Au loin, le Blacksmith s'était immobilisé, pour refroidir sa coque et éteindre les quelques feu qui avaient commencé à son bord.
On sentit alors la tension monter à bord du Wench. Un équipage Elfe Noir, ce n'était pas rien. Théoden même n'en avait affronté sur mer qu'une seule fois !
Puis le déluge de feu reprit, visant cette fois directement les voiles blances du navire de ligne. Les vigies dans les hunes couvrirent leurs visages de leurs bras, se détournant le plus possible de l'impact... qui n'arriva jamais.
Chaque boule de flamme qui menaçait de frapper la mâture semblait s'écraser une sphère invisible et se disperser en quelques instants dans le ciel. La stupeur, Théoden aurait aimé pouvoir la lire sur les faces de ses adversaires à ce moment là. Car alors qu'ils voguaient droit vers la muraille du Wench, ceux-ci réalisaient que leurs mages ne leur faisaient pas le moindre dégât.
Cassandra, bras levés depuis le centre vaisseau orchestrait cette défense magistrale, avec une concentration à toute épreuve. Déterminée, elle impressionna une fois de plus Théoden. Ce n'était certes pas un dragon qu'elle affrontait. Mais il devait bien y avoir une dizaine de mages là bas !
Seulement, le temps leur était compté, il le savait bien. Des flèches allaient bientôt venir s'ajouter aux boules de feu.
Alors d'une main, il fit virer de bord le Wench, lui faisant décrire un arc de cercle l'amenant sur le flanc gauche des Elfes. De son autre main, il fit signe à Treville de faire ouvrir le feu.
Les nouvelles balistes se déchaînèrent alors. Il n'y eut pas une seule détonation, seulement une série de claquement vifs et sonores, comme si 37 fouets fendaient l'air en même temps. La coque du navire frémit, sous la force dégagée par les arcs de ces nouvelles armes. Puis on entendit le sifflement strident des longues flèches qui allaient frapper le navire.
Les projectiles filèrent en ligne droite avec une précision incomparable, frappant l'esquiffe Elfe Noire avec violence. Certains dards percèrent si bien leur cible qu'on pu les voir poursuivre leur route par delà la coque adverse, après l'avoir traversée de part en part. Le navire d'en face fut balayé, son équipage envoyé l'eau ou abattu avec le reste de son bâtiment.
Les survivants furent abattus dans l'eau par quelques fusiliers montés sur le passavant bâbord. Ce fut une victoire retentissante !
On acclama Cassandra comme étant la sauveuse du navire, et beaucoup la portèrent sur leurs épaules sous une volée de couvre chefs lancés dans les airs.
Il y eut des applaudissements pour Théoden, qui avait lâché la barre pour regarder couler ce vaisseau Elfe pourtant terriblement menaçant. Gibbs, si il avait été là aurait tout de suite comprit à son regard que ce spectacle lui soufflait de grandes idées aux oreilles. Sur la mer, rien ne semblait plus leur être interdit !
Treville et Théoden échangèrent un regard, tous deux appuyés sur le bastingage. Un regard qui en disait long. Un regard qui disait "Maintenant, même l'Île Noire pourra trembler à l'évocation du nom de Wicked Wench !".
C'était peut-être du simple orgueil, peut-être la vérité. Ce qui était sûr, c'était que tuer des Elfes Noirs, Théoden y avait prit goût il y avait plus d'un tour maintenant. Et ça allait devenir son péché favori.

C'est à peine quelques jours plus tard que le voyage reprit. Le temps pour le Blacksmith de faire les réparations nécessaire à sa voilure et à ses boiseries. Le navire, pour peu qu'on cru cela possible, avait encore plus été noirci par ce dernier combat. Il eut rapidement le surnom affectif de "boule de suif", pour cette raison. Et Eve fut bâptisée dans l'Odyssée comme étant la "Naine" de son équipage. Elle avait été couverte de suie après l'explosion d'un tonneau d'huile à bord et avait dû remonter à l'air libre intégralement décoiffée, et la peau couvert de cette fine pellicule noire.
Tous ceux qui l'appelaient ainsi faisaient l'objet d'une remontrance de sa part bien sûr ! Mais une remontrance qui lui arrachait à coups sûr un demi sourire amusé.

A bord du Wench, on abordait avec assurance le début de l'Odyssée. Alors, quand une demi lune plus tard Théoden annonça à son équipage qu'ils avaient officiellement quitté le monde connu, il y eut une grande fête durant toute une nuit ! Il fallait espérer que ça dure ainsi de bout en bout...
Jeu 25 Aoû 2016 - 21:38
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