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[EVENT] A Clash of Kings !
Le Pygargue
Messages : 53
Date d'inscription : 02/05/2016
Age : 47
Localisation : En route pour la Citadelle de gel
Fils de Kafkon Samuel
Le Pygargue
Dans ton cœur, mes sanglots retentiront comme un tambour qui bat la charge !



Les six navires étaient prêts et les six capitaines avaient été désignés par le cheikh El Shrata la veille même si Hikesh Nadheeri avait était proclamé d'office capitaine de sa propre galère. Ram disposait en tout de trois galions, deux caravelles et une galère. Celui qui se faisait nommer Capitaine Masson, Nathaniel de son prénom, au service de Teikoku, avait été envoyé aux rames de la galère d'Hikhesh Nadheeri, forcé et enchaîné, en compagnie de ses hommes et pirates.
Abad El Shrata, le cheikh, partageait aux côtés de Ziksys Rah’sik, le commandement du Zayang de Karb. Il avait avec lui Phadria Red, se disant apprentie prêtresse d'Atÿe. Les galériens étaient ses propres esclaves. Le Pygargue avait été désigné, par le cheikh en personne, comme le Capitaine d'une des deux caravelle, l'Envol d'Amar.  A ses côtés, le cheikh El Shrata avait également pris soin de placer son fidèle bras-droit, Armand, ainsi qu'un dénommé Messa. Pour le surveiller.

A présent, les quatre bâtiments, arborant haut le pavillon de Ram, marchaient vers Teikoku. Formant en tout quatre colonies, le royaume de Samuel, dit Roy du Nouveau Monde, n'avait cessé au fil des Tours de s'accroître. En territoire, en effectif, en équipement.

Mais à cela, le cheikh El Shrata opposait une véritable armée de Gyrkimes, ces indigènes ailés bien décidés à chasser de leurs terres les envahisseurs ! D'après ce que le Pygargue avait compris, les centaines de Gyrkimes -peut-être des milliers ! Il ne savait même pas !- avaient déjà pris leur envol vers Teikoku, la capitale et plus grande des quatre colonies ! Mais, selon ce qu'il avait pu comprendre, les Gyrkimes attendaient que ça soit Ram qui déclenche les hostilités en premier. Comme pour prouver sa bonne foi.

Le port de Teikoku et ses bâtiments étaient la cible de Ram. Le palais du Roy, et Kafkon Samuel ainsi que son armée personnelle, celles des indigènes ailés.

Et les civils ?

Une question qui ne cessait de tourner et retourner dans l'esprit du Pygargue, tandis qu'il barrait son bâtiment. A ses côtés, Messa parlait d'une voix sèche et acerbe, comme la lanière d'un fouet. Il ne prenait pas même la peine de dissimuler la répulsion que lui inspirait cette vision d'un esclave métèque à la barre de l'un des quatre bâtiments de cette guerre du Nouveau Monde ! Abad El Shrata avait surpris tout le monde en convainquant, la veille, l'esclave du Capitaine Nadheeri afin de lui annoncer qu'il lui plaçait un commandement sur les bras. Bien sûr, le cheikh était l'une des seules personnes à savoir...

En y  pensant mûrement, Le Pygargue avait décidé que c'était une décision, si ce n'était tout à fait commune, du moins ne sortant pas de nulle part pour mériter toutes les étranges aversions qu'elle avait suscité. Pour lui, les mouvements de son cœur furent ceux d'un enfant.

Sur l'arrière est aussi loin qu'une vigie puisse voir, l'océan était à eux. L'Envol d'Amar, cette caravelle fraîchement sortie des chantiers Ramiens avait tout pour rappeler au Pygargue son regretté Prince de Palmyre. Il avait été commandant de cette caravelle impériale durant plus de dix Tours. Plus de dix Tours, passés sur mers, à faire le tour de Ryscior et des quatre mers. L'océan des Elfes Noirs, la Mer sans fin, la Passe et même les contrées secrètes de la Mer des Glaces...
Un palan laissé lâche tapa sur une hiloire de descente. Le vent restait stable. Nordet. Il soufflait dans la voilure blanche de l'Envol d'Amar. Le Pygargue avait pris la tête de l'escadre, selon les instructions du cheikh.

De la chair à canon.

Il n'oubliait pas qui soutenait son bâtiment. Les plus féroces guerriers de Ram. Et moi. Un esclave, pour les commander. Le cheikh avait fait un choix logique. Il fallait bien quelqu'un pour ouvrir les hostilités. Ces hommes assassinent à dextre et à senestre.

L'un des quartiers-maître, sur le point, cria :

« Aux bras sous le vent ! Parés à abattre ! La barre dessous !

Le Pygargue vit le pilote s’exécuter, suivant scrupuleusement les ordres qu'il avait-lui même donné. Ceux d'Armand. Ceux du cheikh. Quelque part sous la lisse de la dunette, les mains croisées derrière le dos, Tougr'h attendait. Il attend quoi ?

- Quelle est notre position, capitaine Rajah ? demanda Armand d'une voix forte afin de couvrir le grincement des enfléchures, des palans et le claquement des voiles contre leurs vergues.

Le Pygargue avait jugé plus prudent de ne pas enfiévrer les humeurs en imposant à ses hommes d'avoir pour commandant un esclave affublé d'un sobriquet d'oiseau. Par ailleurs, son maître, Hikhesh ainsi que tous ces hommes, et son fils, Palomar, le reconnaissaient sous ce nom-là. Rajah.

Le Pygargue observa le quartier-maître se déplacer, grimpant dans les filets et les enfléchures de la misaine, pointant sa lunette entre les branles. Il les devina brûlants d'être restés ainsi exposés au soleil toutes ces dernières heures. Comme à bord du Prince de Palmyre. Un rapide regard à l'astre solaire renseigna Le Pygargue sur leur position. Il l'indiqua à Armand, d'une voix calme. C'était une question de minutes avant que n'apparaisse Teikoku à l'horizon... Lothyë a l’œil grand ouvert. Non loin, un oiseau s'etouffa dans la gueule d'un nuage. Gyrkime ? Le Pygargue tenta de se ressaisir. Il était commandement à bord. Il ne devait pas piquer une crise de nerfs. Pas tout de suite.

Son cœur dissimulait le ciel et l'enfer : Le ciel lorsqu'il se rappelait avoir réussi à tenir le jeune Palomar loin de cette guerre, resté en sûreté à Amar-Medina. L'enfer quand il se rappelait leurs derniers mots échangés :

- Je ne voulais pas prendre le risque de vous perdre, s'était excusé le Pygargue.
- Tu t'imagines quoi exactement ? Que je vais te féliciter ? Te souhaiter bonne chance et te laisser aller en guerre, seul !

Il avait dû s'abriter derrière ses coudes afin d'éviter le déluge de chaussures et chemises que lui balançait à la figure Palomar.

- Tu n'as rien compris ! Tu n'as rien compris aux choses d'Atÿe et tu n'as rien compris à l'honneur de Ram ! Tu n'es même pas Ramien ! Tu n'es pas Impérial ! Tu n'es plus personne ! Tu n'es plus rien ! Un esclave ! Je devrais te faire battre, comme on le ferait avec un chien désobéissant !

Il avait encore mangé plusieurs semelles de chaussures, puis avait dû quitter la tente tandis qu'un tas d'objet divers exécutait leur baptême de l'air.

Palomar aurait pu le battre autant qu'il l'aurait pu, cela ne changeait rien à la situation. Le Pygargue avait réussi à convaincre le Capitaine Nadheeri ; il n’emmènerait pas son fils en guerre contre Samuel. Palomar restait. Le Pygargue partait. Il n'était pas prêt à enterrer de ses mains la personne qu'il aimait plus que tout sur ce monde. Finil, Lothyë, Atyë, faites que je revienne. Que nos derniers mots ne soient pas ceux-là. La veille, celle qu'il avait connu en tant que Madame Red avait prié pour lui, appelant sur ses épaules la bénédiction d'Atÿe. Se sentait-il plus fort pour autant ? Non...

- Souviens-toi, Rajah, lui avait dit Hikhesh Nadheeri peu de temps avant le lever de l'aube -tous deux n'arrivaient pas à dormir, comme tout le monde dans la colonie, en fait-. Ne perds jamais de mémoire ces trois mots, car ils pourront te sauver la vie. Tu es Ramien.

Tu es Ramien. Le Pygargue les répéta mentalement une bonne dizaine de fois, au moins. Tu es Ramien. Plus Impérial. Qu'allons-nous faire, au juste ? Destituer un roi, d'accord. Mais surtout, détruire une colonie. Des colons qui n'avaient rien demandé. Incendier, couler les bâtiments de Samuel. Réduire à feu et à sang le port encore en construction de Teikoku. Lâcher, tels des chiens affamés, Tougr'h et ses sbires sur la petite ville. Ils massacreraient hommes, femmes et enfants, sans exception. Aux côtés de ceux-là qu'on appelait les Gyrkimes...

Tu es Ramien. L'Empire d'Ambre n'aurait jamais cautionné une telle boucherie. Tu es Ramien, maintenant. Tu es Ramien. Un instant, le Pygargue se surprit à haïr le cheikh El Shrata. Le sultan Qassim Anar et tous ces subordonnés, à l'abri dans un palais de marbre et d'ivoire. Une main de fer dans un gant de velours. Ici, la vie vaut moins que l'acier qu'on emploie pour vous l'ôter. Le Pygargue plaignit tous ces pauvres gars qu'on envoyait en enfer. Nous sommes tous prêts à mourir pour un roi qu'on ne rencontrera sans doute jamais.

Tu es Ramien.

Il lui sembla entendre le fantôme de son frère penché sur son épaule murmurer au creux de ses oreilles : ''tu es devenu ce que tu hais."

Combien de pirates avait-il tué ou emprisonné sans l'ombre d'un remords ? Combien qui s'étaient livré aux même opérations auxquelles il se livrait-lui même aujourd'hui ? Et c'est toi qui commande.


Si encore il y avait parmi les Teikokujins de francs-vauriens, la mission aurait été plus facile à exécuter. Mais Phadria, qui avait tout raconté des derniers événements ayant eu cours dans sa vie, avait dépeint auprès de l'impérial un portrait des teikokujins qui en faisait des hommes valeureux, courageux. Et surtout bornés. Prêts-à-tout pour l'honneur. Le Capitaine Nathaniel Masson correspondait bien à cela. Le Pygargue le revoyait encore, franchir les palissades de Amar-Medina, le pavillon Teikokujin entouré autour de son bras droit, encadrés de Gyrkimes qui les brusquaient de toutes parts. Et les premiers mots de Masson avaient pourtant été : "Nous sommes Teikokujins. Nous venons en paix."

Si ils avaient su...

Le pilote saisit alors à pleines mains les drosses du gouvernail. Une vigie cria, du haut du nid-de-pie :

"Terre en vue !"

Le Pygargue rectifia :

"Teikoku en vue !"

Armand leva haut le poing :

- Tous à vos postes !

Les voiles, de même que la coque de l'Envol d'Amar, brillaient comme du verre, brûlées par le soleil et durcies par le sel. Le Pygargue vit Kassarine s'approcher du banc de poupe de la caravelle, comme s'il désirait scruter le mouillage. Ca n'est pas le cul du bâtiment qui l’intéresse. Le soleil était à son zénith. Les archers teikokujins auraient du mal à viser leurs assaillants. Et Kafkon brûlerait vif. Les hommes avaient déjà dégainés leurs armes et scandaient le nom de Ram !


La Guerre du Nouveau Monde commençait !





[EVENT] A Clash of Kings ! Spanis10




- Ordonnez au maître bosco de faire paraître par signaux aux bâtiments teikokujins amarrés une reddition, dit le Pygargue. Si ils acceptent de se rendre et nous ouvrent les portes de Teikoku, je m'engage à leur laisser la vie sauve.

Armand protesta :

- Ce ne sont pas les ordres du cheikh El Shrata !
- Ce sont pourtant les miens, répondit d'une voix calme le Pygargue en se retournant vers Armand. Je ne suis point disposé à massacrer d'honnêtes marins sans leur laisser une chance.

Armand le brusqua, élevant la voix et lui parlant comme s'il fut un petit enfant :

- Mais vous êtes débiles ou quoi ? Nous sommes en guerre ! Le sultan Qassim Anar souhaite voir tomber Teikoku !
- Elle tombera d'autant plus facilement si ses habitants nous ouvrent d'eux-même les portes. Et nous aurons moins de morts à enterrer demain.

Il se faisait peu d'illusions. Armand dû concéder au Pygargue qu'il avait raison sur ce point. Les teikokujins firent en réponse aux Ramiens pavillon à l'image de leur audace. Ils se battraient. Jusqu'à la mort. Le Pygargue respira à plein poumon l'odeur d'ail que les hommes de Tougr'h utilisaient pour frotter leurs lames. Il connaissait aussi bien qu'eux les propriétés anticoagulante de l'ail lorsqu'on en frottait ses lames. Cela facilitait les hémorragies. Derrière la caravelle commandée par Rajah, la galère de son maître, Hikhesh Nadheeri. Puis plus loin, se dessinant à peine sur la ligne d'horizon, le bâtiment de Nassam puis celui du cheikh. Déjà, le ciel s'était couvert d'une nuée, immense, de silhouettes ailées qui fondaient sur Teikoku. Les premières flèches de feu furent décochées. Les baraques de paille, de chaume et de feuilles de palmiers s'embrasèrent en un éclair ! Déjà, les femmes et les enfants se précipitaient dans la jungle. Les malheureux l'atteignaient rarement, fauchés par les lames affûtées d'un ou deux indigènes qui tombait des nues. L'atmosphère se couvrit de plaintes, de piaillements, de bruits de lames s'entrechoquant et de hurlements d'agonies. Il sembla en cet instant que tout, même l'enchantement, tournait à l'horreur. En un éclair, il fut fait de l'infamie une gloire, de la cruauté un charme.

Déjà, les navires teikokujins, peu montés, de nombreux deux-mâts, tous arborant haut le pavillon de leur Roy, avançaient vers la caravelle. A cet instant, Le Pygargue savait que sa tête à lui, pour les hommes en face, valait la rançon d'une frégate. Ses doigts étaient froids comme le marbre lorsqu'il effleura le long arc courbe passé autour de son torse. Son œil fixe, dur et glacé, et ses membres raidis. Bientôt bord-à-bord, le Pygargue voyait se peindre sur le visage de ses adversaires la plus dure des témérités. Le petit régiment royal des vaisseaux de Samuel s'animait ! Officiers, matelots, soldats et soldats d'augmentation de la marine grouillait sur le pont comme autant d'adversaires prêts à en découdre.

Alors ce fut l'abordage !

Tels des loups, Tougr'h et les siens se jetèrent sur les teikokujins les plus audacieux qui se jetaient à leurs bords ! Flanc contre flanc, la caravelle et le brigantin de Samuel encaissèrent le choc ! On massacra à tour de bras !

- Jamais les Dieux n'ont octroyé aux mortels de lots sans souffrance, cria Pygargue afin de motiver les hommes qu'il commandait. En avant ! Pour Ram !

Et son cri fut repris par des dizaines de bouches et de cœurs :

- POUR RAM !

Le Pygargue frappa d'estoc vers le haut afin de repousser un premier adversaire ! Il disposait de l'épée la plus légère d'Amar-Medina, sans contexte. Il savait qu'il ne s'en servirait pas longtemps ! Son fer était effilé autant pour l'estoc que pour la taille !

Souviens-toi. Danse.

Il repoussa de nouveau son adversaire, le même, qui chargea une seconde fois ! Il ne fut pas difficile à désarmer. Deux autres teikokujins se jetèrent sur lui, et le Pygargue dû cette fois reculer, leur cédant du terrain. Son épaule commençait déjà à l'élancer. Il gambilla, ferme sur ses chevilles, puis entama la valse. Il espérait au plus profond de lui-même que l'entraînement qu'il avait offert aux hommes du Cheikh, et les notions de danse qu'il avait tenté de leur inclure leur servirait aujourd'hui. Il entama un balancé bienheureux qui permit à sa lame de s'enfoncer dans la poitrine de l'un des deux hommes. Il sut qu'il avait perforé le poumon droit. Mais le temps n'était pas à la réflexion ! En un battement, il pirouetta de nouveau sur lui-même et se débarrassa de son dernier adversaire !

Puis il abandonna son épée !

Aussi vif que la foudre, le Capitaine de l'Envol d'Amar gagna les enfléchures du grand mat. Et il entama son ascension ! Au-dessus du pont transformé en enfer ! Il montait, les yeux fixés sur le croisillon et la courbe de la toile gonflée ! Il atteignit ce croisillon et put enfin se hisser par-dessus la barricade de la grande vergue ! L'espace d'un instant, il se trouva dans le vide au-dessus de l'eau noire ! Ne regarde pas en bas.  Comme à bord du Prince de Palmyre. Les huniers qui se gonflent, bien étarqués, paraissaient lui donner du courage ! Il passa la grande vergue, le cœur battant la chamade dans sa poitrine ! Le vent, plus vif à cette altitude, lui arracha son capuchon ! En une seconde, il se retrouva stable sur la grande hune. A plusieurs mètres au-dessous de lui, la mêlée rugissait, comme une bête affamée de chair !

Il se saisit de son arc et le banda.

Rares étaient ceux qui le savaient : Rajah était le plus adroit des hommes un arc à la main. Accompagnant la caravelle dans chacune de ses oscillations sur l'eau, il se surprit même à lui parler :

- Là, ma belle. Calme.

Une fois bien stable sur la passerelle de bois, le dos collé au grand mât, il décocha.

L'horreur paralysante de la guerre. L'acier ennemi bord à bord. Flèche après flèche, il abattit les teikokujins à son bord sans qu'il n'eut besoin d'en tirer deux pour le même adversaire ! Sur le bois gonflé et humide du pont s'abattaient des fois, s’aplatissaient des cœurs encore palpitants, se diluait des regards vagues de tièdes globes oculaires, s'écrasaient des testicules, giclait le sang. Le regard ferme et concentré du Pygargue du haut de sa hune visait ses ennemis comme des bouches d'arquebuses. Un-à-un, les teikokujins s'écrasaient sur le pont poisseux de sang !

Une flèche frôle son oreille et il sursauta en se plaquant davantage contre le grand mat. Sitôt qu'il eut repéré les tireurs teikokujins, il leur donna le change ! Les uns après les autres, les tireurs partirent solder leurs comptes auprès de Canërgen !

Son épaule recommençait à le tirailler, malgré toute la prévenance de son choix concernant l'arc qu'il avait bandé déjà plus d'une centaine de fois. Pas maintenant ! Pour chaque flèche résonnait à son oreille les paroles du Capitaine Hikhesh. Tu es Ramien. Lothyë regarde, disait Ram. Le Pygargue se demanda où pouvait bien regarder Ohiel en cet instant.

Oublie l'Empire. Tu n'es qu'un paria. Tire. Tue pour Ram.

Sa concentration brisée, le Pygargue ne vit pas venir le marin qui avait entamé à son tour l’ascension du mât ! Ses mains et ses pieds nus en rythme, rapide comme un singe, le teikokujin, un couteau entre les dents, la chemise ample au vent, réduisait la distance qu'il y avait entre eux deux en un rien de temps ! Le Pygargue trouva dans les façons de son adversaire un exemple parfait du soldat jeune et brave, et que sa bravoure finit par perdre. Alors qu'il s'apprêtait à atteindre à son tour l'espalier de bois, au-dessus de la vergue, sa silhouette se découpant sur la voile blanche de la caravelle dansante, le Pygargue arqua son arme une ultime fois, flèche prête à être décochée ! La pointe de la flèche se trouvait exactement entre les deux yeux du teikokujin au couteau !

C'est une femme...

Dans ce geste si enivrant, le temps parut se suspendre ! L'éducation impériale du Pygargue avait fait de lui, Mickaël Vinzent, la galanterie faite homme. Il songea qu'elle aurait pu être sa fille et ne put se résigner à tirer. Je ne suis pas Ramien.

Alors elle atteignit la grande hune ! Un feu brûlant à l'intérieur de ses yeux ! Le Pygargue vit très distinctement le couteau passer de ses lèvres à ses doigts, et elle frappa ! La lame s'enfonça entre ses côtes ! Il lâcha son arc, bascula en arrière, puis ce fut la chute ! C'était un gigantesque mérite pour l'ennemi que de s'être ainsi débarrassé du meilleur guerrier de l'Envol d'Amar !

Le Pygargue parvint à se rattraper comme de juste à la grande vergue ! Il tenta de faire basculer son corps afin de s'y hisser !  Il lui sembla alors que sa blessure à l'épaule, faite de la main de Théoden des Tours plus tôt, se déchira de nouveau, et une douleur immense lui mordit le bras ! Il lâcha prise et s'écrasa pour de bon sur le pont ! Conscient, il distingua non loin la voix d'Armand !

- ..e...o..man.dant..ient..e..tom..er !

Puis une explosion gigantesque ! Et l'Envol d'Amar appareilla pour l'enfer, faisant feux de tous bois !
Mer 22 Fév 2017 - 22:09
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Phadria Red
Messages : 190
Date d'inscription : 03/04/2015
Age : 37
Localisation : Quelque part dans les Îles de Jade
Je suis à toi pour toujours
Phadria Red
Laissez-moi dire,
N'accordez rien.
Si je soupire,
Chantez, c'est bien.

Hugo



« C'est l'Alvaro de la Marca.

Phadria rendit la lunette de marine à Abad à côté d'elle.

- Et il arbore sur son artimon le pavillon de Teikoku.

Elle songea que la situation n'aurait pu être pire. Les mots de son loup de mari lui revinrent en tête. Elle ne se souvenait plus en quelle situation il les avait prononcé :


" Si un seul résiste, je n'aurai de pitié pour personne !"


- Franco...Corsaire ? Ça sonne comme une mauvaise blague...

Phadria fut profondément touché par la perte de la caravelle commandée par Le Pygargue. Devant eux, l'Envol d'Amar se consumait, des voies d'eau un peu partout dans sa coque, entamant son dernier voyage, par les flammes et le fond. Il avait suffit d'une seule bordée de l'Alvaro.

- Les Dieux le puniront, ajouta-t-elle à voix basse, il est injuste. Il devra craindre l'équité d'Atÿe ! Ses crimes l'enchaîneront, et il vivra rongé par les remords !

Mais pour l'heure, tandis que, devant eux, la caravelle Ramienne était la cible des canons du titan qu'était l'Alvaro de la Marca, Phadria sentait bien que Abad se foutait pas mal de la justice des Dieux !

- Que fait ce pirate au port de Teikoku ? demanda Abad en contenant difficilement la colère qui perçait chacun de ses mots, je croyais que le Roi-Pirate n'était assujetti à personne !
- Je le croyais aussi. A moins que...

Franco, capable de supporter à peu près tout, sauf qu'on lui parle de haut...au service d'un roi ? L'Alvaro qui montrait les dents faisait sur le navire à présent démâté l'essai de toutes la férocité de ses bouches à feu !

- Il a démâté, commanda Abad en regardant dans la lunette, mais on dirait qu'ils essaient de lui regréer un mât.
- C'est perdu d'avance, lâcha Phadria en un souffle, un goût de fumée et de mort subite sur les lèvres.

Le pont de la caravelle, devant eux, s'ouvrait de toutes parts, de l'étrave à la poupe quand le métal chaud de l'Alvaro faisait irruption à l'intérieur. Leur misaine était en feu, et l'incendie se propageait déjà sur le gaillard. La pompe ne répondait plus. L'eau s'infiltrait de toutes parts. Phadria imaginait aisément l'inondation qui gagnait à vu d’œil les entreponts et les cales. La caravelle était déjà dans le lit d'Ariel. L'Alvaro avait compris, et Franco avait ordonné un changement de cible. C'était à présent la galère commandée par le père de Palomar qui devait endurer la bordée terrible du géant noir !

- Je veux la tête de ce pirate ! maugréa Abad entre ses dents serrées.
- Tu peux toujours la désirer, répondit du tac-au-tac Phadria. Mais si personne ne fait rien, ça sera au purgatoire, en enfer ou ailleurs !
- Il a de la poudre et des canons que nous n'avons pas ! rappela la sentinelle de Ram en apportant une énième fois la longue-vue à son œil !

Les fusiliers de l'Alvaro s'éloignaient déjà de son arrière, organisés presque autant qu'un bataillon, afin de se déplacer sur le côté bâbord du bâtiment, visant la galère qui répliquait déjà par un tir de flèches en feu s'écrasant sans succès sur la coque du pirate ! Sur toute la muraille bâbord, les douze livres s'étaient ébranlés afin de se coller à leurs sabords ! Le navire de Franco Guadalmedina montrait les dents ! Phadria connaissait assez bien cela, afin de savoir que dans les chambres à feu de l'Alvaro, la chaleur était assez forte pour vous griller la peau à une encablure. Et à bord de l'Envol d'Amar en feu, elle devait l'être à présent suffisamment afin de griller tout court les malheureux encore debout sur le pont !

- Laisse-moi y aller ! rugit Phadria en accrochant le bras d'Abad ! C'est à cause de moi qu'il est ici ! Je suis la seule à pouvoir convaincre Franco de cesser le feu ! »
Jeu 23 Fév 2017 - 0:29
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Abad El Shrata du Khamsin
Messages : 129
Date d'inscription : 20/10/2014
Age : 32
Localisation : Le Nouveau Monde
Roi en exil
Abad El Shrata du Khamsin
Ce matin là à Amar-Medina, on préparait la guerre.
Abad connaissait la guerre, il avait combattu l’Ost Noir : les guerres sont bruyantes, l’entrechoquement des épées mêlés aux cris d’agonis des hommes inhibent le cerveau de toute capacité de réflexion. Ce que l’on ressent pendant le combat c’est l’ivresse, l’ivresse du sang certes, mais trop oublient l'ivresse du son !
Pourtant, l’espace d’un instant, Abad, qui se tenait sur les berges du port, se demanda  si la préparation de la guerre n’était pas finalement plus bruyante que le champ de bataille : on entendait fuser les commandements de tous les côtés: ‘’ Toi là, passe moi la corde ! ‘’, ‘’ Les archers suivez moi ! ‘’ , ‘’ Allez bougez vous bandes de mollusques vous êtes plus à l’école ici ! ‘’. Même si Abad avait eu ses différents avec Tougr’h, au moins on ne pouvait pas lui enlever qu’il savait mener ses hommes.
Armand étaient à ses côtés et les deux hommes se tenaient un peu à l'écart. Alors que les marins et les guerriers s’affairaient autour de lui, Abad lui était plongé dans l’observation des six navires amarrés devant, tanguant en harmonie avec le clapotis des vagues.


A l’Ouest s’élevaient fièrement les trois galions de la flotte d’Amar-Medina, côte à côte, tels trois frères prêt à combattre. La brume s’était déployée sur l’océan ce matin là et elle serpentait nonchalamment entre les cales des bateaux. Abad connaissait bien les deux bâtiments se tenant à l’extrême Ouest puisque c’était avec eux qu’il avait fait le voyage depuis Ram.
Mermisan et Zayang des Karb, tous deux des bijoux en matière de construction nautique, ayant chacun demandé plus de trois ans de travails aux ingénieurs et artisans des chantiers navals de Ram.
Bien que plus petit, Taroko, leur petit frère qui se tenait sur leur flanc Est n’avait rien à leur envier, lui aussi hissé au rang d’oeuvre d’art par les mains Ramiennes.

Le soleil était à présent déjà bien levé à l’horizon et tandis que ses rayons vibraient en rouge et or dans les voilures des navires, le port déjà grouillant, se remplit encore d’autres hommes et femmes venus voir le départ des troupes.

Son regard se détacha des triplés pour venir se poser sur les deux caravelles. Celle à sa droite, La Vierge du Nouveau Monde, elle aussi Abad la connaissait bien puisque c’était sur celle-ci qu’il avait traversé l’océan un an plus tôt. Pendant les longs mois qu’avait durée la traversée de l’océan, leur relation avait été en dent de scie. Il avait été amené à aimer et à détester cette bicoque, voir même vers la fin du voyage, quand la terre le manquait plus que tout, il l’avait haï. Mais bizarrement la revoir aujourd’hui le rendait un brin nostalgique. Bien sûr, il avait pu l’apercevoir tous les jours depuis les hauteurs de sa hutte, mais il n’avait jamais pris le temps de venir la voir de près comme aujourd’hui. Il ne put s’empêcher de lâcher un sourire.  A ses côtés se tenait L’Envol d’Amar, l’autre caravelle arrivée il y avait un mois de celà avec le Taroko ainsi que la galère à voile qui se tenant juste derrière elle, appartenant à Hikesh Nadheri, un haut placé de Ram qui lui avait donné le nom de Pervissa.

La veille, Abad, Armand et Tougr'h s'étaient entretenus dans la hutte du Sheik. Ils avaient une fois de plus mis en revue leurs effectifs, planifier leur division parmi les différents navires et peaufiner leur manœuvre d'attaque. Ils disposaient en tout de 325 guerriers dont 95 archers, 95 lanciers et 135 épéistes. Les caravelles étant les navires les plus rapides, elles seraient placées sur les côté, quant aux galions ils avanceraient en bloc de manière à obstruer complètement le port. Les galions frapperaient la terre en premier et délivreraient leurs armées dans Teikoku, 50 épéistes furent donc assignés à Taroko, qui prendrait la tête du cortège ; 40 pour Mermisan ainsi que 40 pour Zayang des Karb, assistés chacun de 30 lanciers. Les archers seraient principalement assignés aux caravelles dont le but était aussi de couvrir les galions ainsi que leurs hommes lorsqu'ils marcheraient sur Teikoku : 45 pour la Vierge et 45 pour l'Envol c'est ce qu'il fut décider.  Le reste des hommes, soit 5 archers, 5 lanciers et 5 épéistes seraient placés sur la galère qui fermerait la marche. La formation choisie fut celle de la croix cardinale avec le Taroko à sa pointe, le Mermisan à son arrière gauche, le Zayang des Karb à son arrière droite et Pervissa en queue. Les deux caravelles seraient placés sur les avants gauches et droits. Abad avait assigné à Mermisan et Zayang des Karb les mêmes capitaines ainsi que les mêmes équipages qu’à l'aller, c’est à dire tous deux vingt cinq matelots ainsi que les frères jumeaux Ertan et Ziksys Rah’sik et guise de capitaine. C'est aussi dans ce dernier que monterait Abad ainsi que la prêtresse Phadria. Quant au Taroko il disposerait de vingt matelots, là aussi les mêmes que lors de son voyage aller et ce serait le capitaine Askang Morkin qui prendrait la barre. Pour l'Envol, et contre les avis de tous, ce serait Pygargue qui prendrait la barre, mais accompagnés et surveillés par Armand ainsi que le Capitaine Messa. Le capitaine Reda prendrait quand à lui la tête de la deuxième caravelle, la plus lourde et la plus difficile à manier. Quant à Hikesh serait à la tête de son propre navire, il en allait de soit.

Spoiler:

Ce fut à son tour d'embarquer. Un an. Presque un an qu’Abad n’avait pas remis les pieds sur un bateau. Néanmoins, alors qu’il posa un pied sur le pont de du Zayang des Karb il s’aperçut qu’il n’avait rien oublié du cette sensation du sol dansant sous ses pieds, des effluves de mer s’échappant de chaque parcelle de bateau, des craquements du bois qui travaille, des bruits de pas des marins qui s’affairent claquant sur le bois mouillé.

Alors les galions partirent, suivis par les caravelles qui, plus rapides, les rattrapèrent promptement. Enfin la caravelle leva l'ancre et ferma la marche. Tandis que le cortège s’éloignait des côtes, Abad, qui se trouvait sur la partie inférieure du pont, s'accouda un instant à la rambarde. Il regarda s’éloigner Amar-Medina, qui grignotait une bonne portion de forêt côtière. Il se remémora leur arrivé, à lui et son équipage, dans ses terres hostiles où les avaient placé les Gyrkimes. Il repensa aux longs et pénibles mois qu’avaient pris la construction du camp : il avait tout d’abord coupé du bois pendant des jours et des nuits, utilisant les matériaux qu’ils avaient ramené de Ram pour ouvrir une scierie. Ils s’étaient ensuite servis de ce bois pour fabriquer plusieurs huttes. En un mois chaque colon disposait d’un endroit où dormir. Ils avaient aussi aménagé des fermes, des champs ainsi qu’une mine.
Ce temps là lui paraissait tellement loin, et tandis que le fruit de tout son travail se perdait à l’horizon, il ne put que se sentir fier de ce qu’ils avaient accomplis, lui et ses hommes.  

Abad regarda vers le ciel : bleu, sans nuages, légères brise.
Un temps parfait à la navigation, pensa-t-il.
Les bateaux voguaient toutes voiles dehors, remontant prestement l'océan azur pour se diriger tout droit vers l'inconnue Teikoku.

Tout à coup, Abad aperçu un éclair rouge apparaître au coin de sa vision, il tourna la tête pour trouver Phadria, qui était elle aussi appuyée sur la rambarde du pont supérieure. Son tigre était lui aussi présent, et frottait fougueusement sa tête contre la hanche de la jeune femme. Celle-ci sourit, lui caressa la tête et l'arrière des oreilles, puis murmura quelque chose et le tigre s'assit. Elle replaça une mèche derrière son oreille et tourna la tête vers le large, le sourire toujours aux lèvres. Ses cheveux carmins flottaient derrière elle comme un drapé tandis qu'elle scrutait l'horizon. Abad n'avait jamais vu plus belle femme. Son visage était le théâtre d'un spectacle de lumière : les rayons du soleils qui se réverbéraient sur l'eau venaient illuminer par touches de lumières son front, son nez, ses joues, son menton au grès des vagues. Mais elle avait arrêté de sourire à présent et son visage reprit une expression neutre.
Soudain sa main droite lâcha le garde corps pour se poser sur son ventre. Et alors Abad cru voir des larmes couler le long de ses joues d'albâtre, qui brillaient au soleil comme des diamants. Elle semblait être la femme la plus triste au monde à présent. Une fraction de seconde, Abad voulut la réconforter, savoir ce qui la rendait si triste, lui parler un peu, mais il s'en interdit : cette femme aussi belle qu'elle soit, aussi pure qu'elle paraissait être, avait participé au massacre de son Sultanat natal. Elle avait été pirate, elle avait commandé aux ordres de Phadransie la Noire, non, il ne pouvait pas aller la voir. De toute façon la belle ne lui en aurait pas donner le temps car elle tourna précipitamment les talons puis disparut derrière la cloison, suivie de son tigre.
Abad resta figé un instant. Il demeurait perplexe. Comment une ancienne pirate pouvait se revendiquer prêtresse ? Comment Atÿe aurait-elle pu accepter une meurtrière dans ses ordres ? Plusieurs questions sans réponses se bousculèrent dans sa tête.

Son regard se perdait à l'horizon, la mémoire de Phadransie la Noire avait ramené à la surface des souvenirs douloureux et avec eux une once de rage qui lui rongeait l'estomac. A chaque fois qu'il pensait à elle durant la journée, il faisait des cauchemars pendant la nuit, un en particulier, encore et encore, cette nuit ne dérogerait pas à la règle.
Quoique depuis qu'il avait quitté le Vieux Continent, ses cauchemars s'étaient faits plus épars. Leyla emplissait encore ses rêves mais Péri l'avait remplacé peu à peu.
Deux jours plus tôt, lorsque les Gyrkimes étaient partis, elle était venue le voir.
'' Nous partons, lui avait-elle simplement dit. Nous vous attendrons dans la forêt aux abords de Teikoku comme Gogûa t'a dis. Ne nous oubliez pas. Ne m'oublie. ''
Il avait répondu par un hochement de tête, puis elle l'avait embrassé avant de partir sans se retourner.
'' La mer est calme, le vent emplit nos voiles, nous voguons à vitesse idéale. Nous arriverons dans deux jours. Rien à signaler de vôtre côté Sheik ? ''
Ce fut Ziksys qui le tira hors de ses pensées.
'' Non, non ... je veux dire oui en effet, un temps parfait à la navigation ... '' balbutia-t-il d'abord. Puis il ajouta :
'' Dîtes à l'équipage de surveiller cette Phadria, la fille aux cheveux rouges. Elle ne m'inspire pas confiance."
'' Bien Sheik, j'en parlerai à l'équipage. Le soleil est haut dans le ciel, il ne doit pas être loin des midi, ne m'en voulez pas Sheik mais je vais aller manger. ''
'' Allez-y Capitaine, je vous rejoins.''
Puis Zyrksis avait pris le chemin des cuisines.
Abad ne tarda pas à bouger lui aussi. Il se dirigea d'abord vers les cuisines, mais sur le chemin il s'aperçut qu'il n'avait pas faim. Il décida de rejoindre sa cabine.

La pièce était plongée dans la pénombre. Seul un rayon de soleil filtrant à travers les rideaux faisait danser les particules de poussière flottant dans la pièce. Abad s'allongea sur sa couchette. Alors qu'il observait ce singulier ballet devant ses yeux il s'assoupit peu à peu et bientôt il sombra dans le néant.

Les ténèbres. Ils l'entourent, l'enveloppent, le pénétrent. Une lumière, loin, si loin.
Il doit l'atteindre, son instinct lui ordonne mais c'est comme si il n'avançait pas. Sur le côte une silhouette qui se dessine. Une ... Non, deux personnes. Mais leurs positions est bizarre, on dirait que ''TOK'' l'une est penchée sur l'autre. Il avance, et les silhouettes dans le noir laissent place à deux femmes. ''TOK''. Il les contourne car elles lui tournent le dos. ''TOK"
Alors que la scène se dessine devant ses yeux il est parcouru d'un frisson d'horreur "TOK TOK"
C'est Leyla sur le sol, les yeux révulsés, un bras en moins. ''TOK'' Penchée sur elle se trouve Péri, entrain de la manger vivante. Elle redresse la tête et croise son regard ... ''TOK TOK TOK''


Abad se réveilla en sursaut. Il mit un moment à se rendre compte que ce n'était qu'un rêve. Sa cabine était plongée dans le noir maintenant, dehors la nuit était tombée. Il lança un regard vers la porte, il lui semblait qu'il avait entendu quelqu'un frapper. Il se leva péniblement et l'ouvrit. Rien. La lumière des chandelles dans le couloir l'aveuglèrent un peu. Il regarda au sol. Un détail attira son attention. Il se pencha et prit entre ses doigts ce qui semblait être une boule de poils, de couleur noire et orange ...

Il resta un petit moment assis sur sa couchette. Tapotant de son index le petit amas qu'il avait placé dans le creux de sa main droite. Il savait à qui elle appartenait, ce n'était pas comme si il y avait trente-six animaux sur ce bateau. La véritable question était : devait-il aller parler avec son propriétaire ?
Il savait où se trouvait la chambre de Phadra Mary Red, il lui suffisait de traverser le couloir pour aller la retrouver ...
Soudain, il referma sa main sur la boule de poil, se leva et passa la porte d'un pas déterminé. Lorsqu'il arriva devant la cabine de la jeune femme celle-ci était fermée. Il frappa trois coups ;tok,tok,tok. La porte s'ouvrit légèrement et alors le visage de la belle apparut dans l’entrebâillement. La moitié de son visage était cachée par la porte, l'autre à peine éclairé par la lumière orangée des candélabres qui faisait ressortir les taches dorées logées dans ses yeux verts.
'' Bonsoir Sheik, vous ne dormez pas ?
Abad ne répondit pas. Il se contenta de montrer l'objet au centre de sa paume.
- J'ai trouvé ça au pied de ma porte.
Phadria baissa les yeux. Au bas de la porte apparut la tête de son tigre, dont on ne voyait que l’œil droit. Il regarda Abad d'un air mauvais.
Phadra releva la tête, un brin gênée, puis elle lâcha un petit sourire, ferma la porte afin de retirer la chaînette qui la retenait et la rouvrit doucement, invitant Abad à entrer sous le regard désapprobateur de l'animal.
Phadira invita Abad à s'asseoir sur sa couchette mais le tigre s'y précipita. En un clin d’œil il s'y était déjà roulé en boule, apparemment pas du tout prêt à bouger. Phadria lui lança un regard noir et redirigea Abad vers une des chaises à côté du bureau. Elle prit la deuxième.
Abad jeta un coup d’œil au lieu. A vrai dire il connaissait cette chambre, elle avait appartenu à Richard lors de la traversée un an plus tôt. Elle était spacieuse et confortable, disposant même d'un hublot, ce que peu de chambres à part les deux cabines de capitaines avaient la prétention de posséder.
'' Tu as de la chance, tu disposes d'une des meilleures chambres du navire.
- Cela ne m'aurait en rien dérangée de dormir dans les dortoirs mais vous me l'avez interdit.
- C'est vrai et il y a une raison derrière cela. Tu es la seule femme sur ce bateau, je ne veux pas qu'un incident se produise. Je connais mes hommes mais je ne veux tenter Cenergen. Aussi vois-je mal ton tigre cohabiter avec les autres membres de l'équipage.
- J'ai déjà été amenée à cohabiter avec bien pire, elle posa une main sur son ventre, une nouvelle fois. Ses yeux semblèrent se perdre un instant dans le vide. Ah et celui là, ajouta-t-elle tout à coup en tournant la tête vers le tigre sur la couchette, il ne m'appartient pas. On va dire que je m'en occupe le temps qu'il retrouve son propriétaire.
La bête ouvrit un œil.
- Un membre de ton équipage ? Un pirate ? demanda Abad, suspicieux.
- Notre chef cuisinier. Mon meilleur ami. Un orque.
Abad déglutit. Allaient-ils devoir affronter des orques maintenant ?
- J'aimerai savoir pourquoi tu as frappé à ma porte tout à l'heure ? demanda Abad en venant aux faits.
Phadria tritura une mèche de cheveux.
- Je ... je me suis rendu compte que je ne me suis jamais vraiment excusée pour ce que j'ai pu faire subir à votre peuple et j'étais venu pour le faire, vraiment, mais vous avez mis du temps à ouvrir la porte et je ne savais pas comment réagir alors je me suis dégonflée. Mais je tiens à le faire maintenant. Je m’excuse.
Elle prit ses mains dans les siennes.
- Croyez moi, j'était différente en ce temps là. J'ai fais couler beaucoup de sang, j'ai volé, pillé, tuer, assisté à des viols sans broncher et c'est quelque chose qui me ronge, tous les jours. Mais je ne suis plus comme ça, je sers Atÿe maintenant, je crois en l'amour et je l'ai moi même trouvé. Je ne veux plus de cette vie de barbare, tout ce que je veux c'est vivre la mienne, simplement, aider les autres et élever mon fils, dit-elle en jetant un baissant les yeux vers son ventre encore plat.
Abad s'en doutait, elle était enceinte.
- Combien de temps ? demanda-t-il.
Elle ne répondit pas.
- Franco ?
- Non ! Jamais ! balança-t-elle avec un geste de la main. Ses yeux s'étaient soudaien remplis de rage.
- Ais-je touché une corde sensible ?
- Non, désolé mais ...
Elle prit une grande inspiration puis dit :
- Cet homme représente ma vie passée, tout ce que j'ai été ou tout ce que j'ai pu approuvé que je ne conçois plus maintenant. Il n'est que vices et péchés et m'a fait tellement souffrir, m'a réduite à néant et fait perdre tant de temps, trop de temps. Je pourrais être si loin d'ici si je ne l'avais pas rencontré. Je le hais comme il ne m'est plus permis d'haïr un être humain.
Abad la regarda sans prononcer un mot. Ce fut comme si une effluve constant de tristesse et de souffrance émanait de son visage. Même le tigre avait quitter sa couchette pour venir se frotter contre sa maîtresse de subsitution.
Abad retira sa main droite de celles de Phadria et vint la placer au dessus.
'' Je te pardonne. ''
Elle leva la tête et croisa son regard :
A son tour Abad prit une longue inspiration :
- Si toi aussi tu ne cautionnes plus la piraterie alors nous sommes dans le même camp. J'estime que tu as été otage dans ce bateau. Sache cependant que tes amis dans les cales seront jugés selon la justice ramienne, et la piraterie y est punissable de mort.
- Je le sais. Même si pour la plupart d'entre eux ce sont des pauvres gens qui ont été attirés par les promesses de richesse de Franco. Je pense que certains d'entre eux peuvent encore changer.
- Leur procès nous le dira. A vrai dire, j'ai une question à te poser.
- Oui ?
- Tu aurais pu me mentir lorsque je t'ai demandé si tu avais participé au massacre de Khamsin, ou si tu connaissais Phadransie la Noire mais tu ne l'as pas fait. Pourquoi ? 
- Je ne veux plus mentir. Même si je ne suis pas fière de ce que j'ai pu faire par le passé je ne veux pas le cacher, cela fait partit de moi et j'ai du traversé les ténèbres pour atteindre la lumière. Si Atÿe m'avait conduit vers la pendaison, j'aurai accepté ma sentence. De plus j'ai perdu une amie en lui mentant de la sorte, elle se trouvait à Khamsin aussi lors de l'attaque. J'avais décidé de lui cacher la vérité mais bien sûr elle a finit par savoir ...
- Je la connais ? Comment s'appelle-t-elle ?
- Sélanae Lurhd'hor. Elle vous connait, elle a combattu à vos côtés à l'Ost Noir. Je crois qu'elle était un peu amoureuse de vous.
- Hm, son nom me dit rien. Tu sais ce qu'elle est devenue ?
- Non, pas depuis que nous avons perdu contact dans l'océan de glace au Nord de Salicar. J'espère qu'elle est encore en vie. A vrai dire la dernière fois que je l'ai vue elle a promis de me tuer.
Abad ne put s'empêcher de rire.
- Pas de doute elle est bien de Khamsin. Je vais lui laisser une chance de réaliser son rêve. Si nous gagnons cette bataille contre Teikoku, je te libérerai mais à une condition : si un jour tu viens à croiser Phadransie la Noire, dis lui de venir me trouver à Amar-Medina. J'ai toujours une dette à régler, dit-il en souriant.
Phadria hocha la tête. Abad se leva de sa chaise :
'' Allez, il faut penser à autre chose. J'ai entendu de la musique provenant des cuisines en passant. L'équipage aime bien faire la fête la veille des batailles, une sorte de tradition. Je n'ai jamais rencontré personne à qui un peu de musique ne remontait pas le morale. De plus Jared joue de la guitare comme personne, et Samir connait par cœur tous les chants de Ram. Je pense y faire un tour, si ça te dis ?
Phadria lança un regard interrogateur à son tigre.
- Je dois avouer que cela fait très longtemps que je n'ai pas dansé. Tu es d'accord Attila, on y va ?
Le tigre était retourné se coucher sur le lit. Il tourna la tête paresseusement.
- Hm, visiblement je ferai cavalière seule.
Elle se leva à son tour puis ils s'éloignèrent dans le couloir en direction des cuisines où ils dansèrent toute la soirée et une bonne partie de la nuit.

*

Lorsqu’Abad ouvrit les yeux, il faisait encore nuit mais pas question de se rendormir. Il sauta du lit et alla se rafraichir au tonneau d’eau situé dans sa cabine avant de s’habiller. Il enfila une chemise surmontée d’un veston de cuir ainsi que son pantalon et des bottes. Il accrocha son cimeterre à sa ceinture, vint glisser un poignard dans chacune de ses bottes puis sortit de sa cabine. Lorsqu’il mit les pieds sur le pont l’aube se levait à peine et le ciel prenait une teinte d’un bleu turquin.
A la barre, Abad aperçut Tyrid, le second de Ziksys. Le vieille homme, somnolant après une nuit de navigation ne le vit même pas.
Parfait, se dit Abad. Il avait besoin d’être seul un instant. Il se dirigea à la poupe du bateau et dégaina son cimeterre. Une belle bête des anciens Sultanats, comme on en faisait plus maintenant. La lame fusa à la vitesse de la lumière avec un « whoush » qui fendit l’air. Cela faisait une éternité qu’il n’avait pas manipulé son Cobra, trop occupé à remplir de la paperasse dans sa hutte au sommet d’Amar-Medina, ou à donner des ordres à ses hommes. Tout ce temps il avait su que quelque chose manquait. Un petit quelque chose sur lequel il n’avait jamais pu mettre de mot. Mais à présent qu’il tenait fermement son Cobra c’était une évidence. Car qu’est-ce qu’un guerrier sans sa lame si ce n’est l’ombre de lui-même ?
Il ferma les yeux et se laissa aller en une multitude de coups et de parades contre seul adversaire que les alizées qui soufflait dans ses cheveux. Il ne sut dire combien de temps dura cette danse, il s’arrêta qu’une fois l’épuisement atteint. Et lorsqu’il rouvrit les yeux, tout l’équipage se trouvait devant lui, muet. Abad stoppa net. Il chercha quoi répondre mais alors de la foule s’éleva un léger clappement de mains. C’était Ziksys qui fit un pas en avant. Un autre clappement vint le rejoindre puis un autre et enfin tout l’équipage tapa en cœur dans les mains.
« Ar’khs l’el Sheik ! » répétait-on en cœur : « Longue vie au Sheik. »
Abad inclina légèrement la tête en signe de remerciement puis tourna la tête sur la droite : accoudée à la rembarde, il aperçut Phadria, son tigre Attila posté à ses pieds. Elle aussi tapait des mains, lentement, avec un sourire en coin et un regard approbateur. Abad rangea son cimeterre dans son fourreau et tapa deux fois des mains. Alors tout le monde se tut. Il prit la parole dans sa langue natale :
« Mes frères, en ce jour défendez l’honneur de Ram ! »
Au même moment tous les membres de l’équipage frappèrent de leur poing sur leur torse.
« Le sang versé abreuvera les calices de Lothÿe ! »
A nouveau ils frappèrent en cœur.
« Car le Feu brule en nous. Car nous sommes nés dans la Lumière et éclairons les ombres ! »
Alors tous les hommes levèrent leurs armes et le soleil, à présent levé vint se réfracter en un million d’éclats sur chacune des lames. Ainsi Lothÿe regarderait en leur direction.

*

Le feu retomba en pluie sur Zayang des Karb. A l’est, l’Envol d’Amar venait d’imploser, sous le joug des boulets de canon tirés depuis une frégate sortie de nulle part.
Comment ces maudits Teikokujins avaient étaient prévenu de leur arrivée se demanda Abad, le teint vert. Il courut à la barre.
« MAINTENEZ LE CAP ! DERNIERE LIGNE DROITE. ARCHERS PARETS A TIRER. A MON SIGNAL -
« BABOUUUUM !!! »
Un l'écho d'une déflagration déchira l’atmosphère. Le sol se déroba sous les pieds d’Abad qui dévala les marches menant au pont supérieur. Il atterrit en bas sur le flanc, le souffle coupé, les oreilles sifflantes. Il mit quelques secondes avant de se relever, il y voyait flou et la fourmilière d’hommes qui grouillait devant ses yeux n’était plus qu’une tache d’encre sur une toile. Il mit un instant avant de comprendre qu’ils avaient été touchés par un tir de canons. Sur sa droite il vit un éclair rouge passer en vitesse et sauter par-dessus bord. Un incendie s’était déclaré sur le pont.
« Etei … Eteignez moi ça … »
Il avait le souffle coupé. Quelque chose n’était pas normal. Tout à coup il sentit une violente douleur au niveau du ventre. Il appuya sa main et sentit un corps étranger et rugueux. Il baisse les yeux et vit qu’un éclat de la coque, d’environ vingt centimètres de largeur l’avait transpercé de part en part.
Il retomba au sol. Il était foutu, Lothÿe les avait abandonnés. Il allait mourir là comme un chien, oublié de tous. Il serra une dernière fois le collier magique que lui avait donné Péri …
Quand tout à coup il entendit sonner un cor. Il ouvrit les yeux et dans le ciel trouble aperçut les Gyrkimes qui fonçait droit sur le bateau, évitant promptement les flèches adverses. Chacun d’entre eux se saisissait d’un guerriers avant de reprendre leur envol droit vers la frégate.
Soudain entendit un bruit à côté de lui et une silhouette se pencha à son chevet :
« Abad ? Abad tu vas bien ? Mais tu es blessé.
C’était la voix de Péri.
Abad se péniblement mit sur le dos et vit son visage qui, bien que trouble, demeurait magnifique. Ses ailes fuselées s’étiraient derrière elle comme un ange.
- Péri …
- Tais-toi et laisse moi faire, dit-elle en sortant une fleur violette de la sacoche en cuir accrochée à sa ceinture. Heureusement tu n’as retiré l’éclat, tu serais déjà mort sinon.
Elle se saisit sans prévenir de l’éclat de coque et la retira d’un coup. Abad se mordit la langue de douleur. Un gout de sang envahit sa bouche. Il se sentait partir.
- Reste avec moi Abad, allez reste avec moi.
Péri apposa la fleur et fit pression de ses deux mains sur la blessure puis elle murmura une formule qu’Abad eut du mal à comprendre, seuls le mot « air » lui parvint à l’oreille. Mais tout à coup, se fut comme s’il avait été passé sous un torrent d’eau frais. Il n’avait plus du tout mal, et il jeta un coup d’œil à son bas ventre dont la blessure s’était à présent totalement résorbée. Péri l’aida à se relever et il se serrèrent dans les bras. Le bateau était à présent presque vidé de son équipage et entrain de prendre feu.
« Où sont tous mes hommes ? demanda Abad interloqué.
Péri pointa derrière lui. Il se tourna et découvrit un spectacle auquel il ne s’attendait pas du tout : Gyrkimes et guerriers se battaient ensemble contre le vaisseau pirate.
« Mon peuple a fait traverser la mer aux tiens. Comment dis-tu dans ta langue ? C'est ''Ironique'' ? "
Elle n’attendit pas sa réponse et l'entraina dans les airs au moment où le pont se rompait sous ses pieds. Le bond soudain dans le vide sur donna un haut le cœur mais bien vite ils gagnèrent le pont ennemi.  
« Prêt ? hurla Péri.
Prêt ! »
Il fut lâcher en plein dans la bataille et atterrit en faisant une roulade avant de dégainer son Cobra. Il avait attérit au coeur d'un groupe de pirate et se retrouva immédiatement encerclé. Merci Péri, tu aurais pu viser plus juste. Un premier homme de Franco lui fonça dessus tête baissée. Abad para fit un pas sur le côté et lacéra le dos du pirate qui tomba à terre, hurlant et incapable de se relever. Les autres vinrent sur lui, à nouveau il esquiva, se déporta et trancha dans les chairs. Les pirates furent neutralisés les uns après les autres. Tout à coup il entendit fuser derrière lui et fit volteface. Un pirate se tenait derrière lui son épée au-dessus de sa tête prête à être abattue sur lui, mais une flèche était logée entre ses deux yeux. Abad scruta les cieux et aperçu Fayro, son arc à la main. Il lui fit un signe de la main et se remis au combat.
Après quelques minutes de combat intense et alors que l’Envol d’Amar et Zayang des Karb avaient totalement sombré Abad aperçut ce qu’il cherchait depuis sans relâche : Franco. Posté à la barre il regardait avec un sourire carnassier le spectacle macabre qui se jouait devant ses yeux, cela ne pouvait être que le personnage que lui avait décrit Phadria. Abad mis à terre le pirate contre lequel il se battait en duel et se dirigea en courant vers la barre.
« C’est toi Franco ? dit Abad en posant un pied sur les marches, son cimeterre pointés vers le pirate.
Celui-ci tourna lentement la tête, énervé que l’on vienne troubler son divertissement :
- Pour toi ce sera Roi Pirate, avorton, dit-il, le regard incendiaire.
- Malheureusement pour toi il ne peut y avoir qu'un roi sur le Nouveau Monde et tu l'as sous les yeux " dit Abad avant de pousser un cri en fonçant sur lui.
Dim 5 Mar 2017 - 13:45
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Franco Guadalmedina
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Localisation : ???
Roi Pirate
Franco Guadalmedina
Le frisson de notre lambeau,
L'hymne instinctif ou volontaire,
L'explication du mystère
Et l'ouverture du tombeau !

Hugo



Franco barrait son Alvaro de la Marca tout en contemplant la mêlée qui se déroulait sur le pont. Les cieux fourmillaient d'indigènes ailés, par milliers, aux cris stridents. Des flèches pleuvaient. Et sous ses yeux, gris et impénétrables, ses hommes se battaient jusqu'à la mort contre cette alliance inattendue de Ram et de Gyrkimes ! Plus nombreux, les forbans de l'Alvaro de la Marca étaient les plus féroces guerriers, et leur férocité l'emportait sur celle de leurs adversaires ! Ram, qui avait toute sa vie des principes religieux à la con, ployait face au Jolly Roger et aux pistolets chargés de leurs ennemis ! L'on entendait de temps à autre, couvrant le criaillement des ailés, un Ramien expirer dans une flaque de sang grandissante, se signant et lâchant "Lotÿe..." entre ses lèvres bientôt bleuies.

Le tintamarre provoqué par les ailes, les gorges, les voiles, la poudre, les flots et l'acier inondait le Nouveau Monde ! C'était là une douce musique aux oreilles de Franco Guadalmedina. Surtout lorsqu'il voyait ses hommes prendre le dessus ! Alors il ne s'en mêlait pas et barrait son Alvaro, calme, respirant à plein poumons cet air qui avait des baisers de sang, sourire étincelant sous sa moustache ! On entendait se rompre sur le pont, des cranes, fuser des flèches, s'arracher des morceaux d'os, s'abattre des corps ! Puis la chance tourna pour les pirates !

Un à un, Franco Guadalmedina vit ses hommes tomber pour ne plus se lever, et un feu furieux flamba à travers son regard de givre ! Il repéra très vite le responsable de cette débâcle. Un Gyrkime, archer volant à la longue chevelure dorée, aux yeux bleus, pisté sur la grande hune, et qui décochait à une vitesse affolante flèche sur flèche, faisant mouche à chaque fois ! Comment ce diable parvenait-il à différencier, de là-haut, le pirate du Ramien ?
Guadalmedina vit les ailes dorées se déployer, l'indigène quitter son perchoir d'infortune, descendre, le corps presque à l'horizontal, ses pieds se poser sur la dunette, un peu à l'écart de la bataille ! Il encocha, deux flèches en même temps, banda son arc -le plus grand que Franco n'avait jamais vu !- tira, tua deux hommes ! Le Roi Pirate serra les doigts autour des drisses du gouvernail à s'en faire bleuir les phalanges ! Il allait devoir intervenir !

Mais le Gyrkimes s'envola de nouveau ! Rapide, svelte, élancé ! Il se posa, cette fois-ci, sur le bastingage, côté tribord ! Bien droit, les deux pieds l'un derrière l'autre, tout-à-fait en équilibre sur cette minuscule ligne de bois ! De rage, Guadalmedina donna un violent coup sur le gouvernail, et l'Alvaro commença à virer de bord ! La flèche qu'allait encocher le piaf lui sauta des mains ! Bien fait pour ta gueule ! Mais l'ailé parvint à rester debout sur son perchoir ! Un véritable funambule ! Mais un funambule bientôt mort !
Alors que les pirates, de base supérieurs en nombre, étaient à présent cantonnés à faire jeu égal, en terme d'effectifs, avec les Ramiens survivants à bord, Franco vit s'extirper des ponts inférieurs l'Elfe Noir Dylévir. La lumière du jour parut l'aveugler, lui qui avait pour habitude de vivre reclus au fond de la coque de l'Alvaro de la Marca ! Ses yeux bleus, pales, se plissèrent, et en une fraction de seconde, Franco les vit prendre pour cible, puis la vérouiller, l'archer volant !

Franco sut alors qu'il n'aurait pas besoin d'intervenir pour sauver ses hommes.

L'Elfe Noir termina de monter l'échelle menant à l'écoutille. Son corps, laiteux, blafard fut baigné de la lueur diurne. L'archer l'aperçut alors à son tour ! Il encocha une flèche, braqua son arc, tira ! Et en un éclair, Dylévir détourna la flèche à l'aide du cimeterre qu'il avait sortit de son fourreau ! Voilà bien la prestance elfique ! Sur le coup surpris, voyant l'Elfe Noir venir vers lui, épée en main, l'archer ne prit pas de risques et s'envola ! Franco le suivit des yeux. Dylévir aussi ! L'Elfe Noir sortit alors de leurs gaines deux dagues de lancer, à la lame noire. Guadalmedina savait que ces armes lui appartenaient et avaient été forgées sur l'île Noire. Dylévir arc-bouta son poitrail, sans perdre de vue le Gyrkime, puis tira. Les deux lames fendirent l'air en un "pffft" sonore, et se plantèrent dans le dos et l'aile de leur cible ! Lorsque l'archer roula boula sur le pont de l'Alvaro, l'Elfe Noir était prêt. Il dévia de nouveau la flèche qui avait pour cible son visage, d'un revers de la lame, tout en avançant vers son adversaire. Puis, et avec cette manière silencieuse et froide que seuls ont les Elfes, il fit glisser sa lame sous la gorge de l'archer qui s’étouffa dans son propre sang. Avant de mourir.

Franco Guadalmedina jubilait. L'Elfe Noir récupérait ses dagues d'obsidienne. Un instant, l'Homme et l'Elfe se lancèrent un regard cordial, puis ce dernier se retourna et passa sa lame en travers le thorax d'un Ramien qui n'avait rien vu venir ! La victoire, cette fois, était certaine ! Les flibustiers se déplaçaient avec trop de vitesse sur le pont au milieu des Ramiens pour que les archers volants parviennent à intervenir avec efficacité !

« - C’est toi Franco ?

Un gamin. Qui osait le narguer, là, en bas.

- Pour toi ce sera Roi Pirate, avorton.
- Malheureusement pour toi il ne peut y avoir qu'un roi sur le Nouveau Monde et tu l'as sous les yeux !

En un éclair, le Loup de la Passe écarta les pans de sa cape, dévoilant ses deux rapières battant ses flancs, et les deux pistolets passés à sa ceinture ! Il dégaina ses lames, vif comme un aspic ! Le gamin n'attendit pas qu'il ait terminé pour attaquer ! Franco recula promptement, évitant l'attaque qu'on lui portait, et pivota autour du gouvernail de l'Alvaro de la Marca ! Il laissa d'abord le môme porter quelques attaques afin de satisfaire essentiellement son orgueil, attaques qu'il parait très calme, sans ciller, avec ses rapières ! Ce faisant, il recula jusqu'à un amoncellement de quartauts, les petits tonneaux qui contenaient l'eau plate et qu'on avait lié entre eux quelque part sur le gaillard d'arrière du navire ! Ram attaqua, lança son bras armé ! Battement. Parade. Franco passa alors à l'attaque ! Une série de coups ! Devenue une véritable tornade humaine, il alternait bras droit bras gauche afin de désemparer son adversaire ! Et, alors qu'il pensait le clouer au bout de sa lame, il ne s'abattait que dans de l'air ! Décidément cet avorton avait dû être entraîné par les meilleurs escrimeurs du royaume ! Sa maîtrise jurait avec la jeunesse qu'on lisait sur son visage ! Mais cela ne perturba nullement le Loup de la Passe, qui, très concentré, enchaînait feintes, estocs, dérobements, offense et fentes ! Les deux adversaires, de force égale, s'entrechoquèrent ainsi de longues minutes, louvoyant au milieu des forbans et des Ramiens, du gaillard d'arrière jusqu'au gaillard d'avant ! Aucun d'eux ne parvint une seule fois à briser les défenses adverses et à toucher sa cible ! Voyant la fatigue gagner bientôt le bras de l'avorton, Franco saisit sa chance et repassa à l'offense ! Il enchaîna les bottes, les estocs, les agressions ! Cette petite plaisanterie Ramienne n'avait que trop duré !

Alors il vit l'ouverture qui s'offrait à lui ! L'espace d'une demi seconde, il pensa sa victoire acquise ! Fonçant dans la trouée, se frayant un passage à la pointe de sa rapière, il jura que cette dernière allait traverser de part en part le torse de son adversaire...mais son pied le bloqua ! Il jura en constatant qu'une corde de l'Alvaro s'était enroulée -Ariel savait comment !- autour de sa cheville ! Tout s'enchaîna alors très vite ! Guadalmedina leva le bras, s'apprêtant à rompre le cordage d'un revers du poignet, mais une autre corde vint serrer sa main, et il fut suspendu un instant, le bras levé !

- Sorcier !

L'avorton ne laissa pas passer sa chance ! D'un coup de pied sur la lame du Roi Pirate, il le désarma ! Puis fit de même avec la seconde rapière ! Franco sentit la lame de son adversaire se poser contre sa gorge, tandis que, autour de son pied et de son poignet, les cordages se serraient toujours plus !

- Dis à tes hommes de se rendre ! J'en ai pas finis avec toi !
- Moi ? Me rendre ?

Tu es sérieux, gamin ?

- Alors que mes hommes sont sur le point de massacrer tous les tiens ! rit le Roi Pirate !

Mais la réplique ne fit pas rire le garçon, qui pressa davantage son acier contre la peau ! Des gouttes de transpiration coulaient du front basané du Ramien, soulignant un regard de feu. Un visage jeune et innocent que démentait tout le reste ! Alors Franco le vit. Se posant du ciel, un autre Gyrkime, portant un long baton d'où émanait une lueur étrange ! Et les cordages qui se serraient davantage autour de lui, allant même jusqu'à agripper sa deuxième main !

- JE suis le maître de mon Alvaro, beugla-t-il !
- C'est terminé ! répondit son adversaire. Rend-toi !

Ce faisant, il se saisissait avec sa main libre des deux pistolets que Franco lui tendait, postés à sa ceinture. Alors, le Roi Pirate vit le bâton de l'indigène ailé scintiller davantage et une corde s'insinua autour de sa nuque, se resserrant jusqu'à l'asphyxie ! En même temps, le Ramien abaissait sa lame et passait les pistolets à sa propre ceinture, sans le quitter des yeux. Ce fut Wallace, le Second, qui se battait non loin et qui ordonna de cesser le combat lorsqu'il vit en quelle mauvaise posture était son Capitaine !

Alors que la pression autour du cou de Franco s'estompait doucement, laissant ses poumons se remplir de nouveau d'air, l'avorton lui lança :

- Très bien. Maintenant, si tu veux la vie sauve pour toi et tes hommes, tu vas faire exactement ce que je vais te dire !

Il lui aurait volontiers donné la réplique !

- Oriente tes canons sur Teikoku ! Je ne suis pas venu jusqu'ici pour tuer des pirates, mais pour faire tomber Kafkon Samuel ! Bombarde son fort, fais cracher tout ce qu'ils ont à tes canons ! Ensuite tu pourras t'en aller et emporter tous les navires teikokujins que tu le souhaites ! Du moment que tu promets de ne plus mettre les pieds sur le Nouveau Monde !

Cette fois-ci, Guadalmedina parvint à trouver assez de souffle pour parler.

- Hélas pour toi Avorton, je n'ai plus de poudre, mes réserves sont vides.
- Hélas pour toi, Pirate, dans ce cas tu ne me sers à rien. Je te tuerai. Et jamais je ne pourrai te rendre ta femme.

Alors qu'il lui aurait bien administré un bon quart de bonne lame dans la gueule, les yeux du Roi Pirate s'écarquillèrent.

- Phadria ? Tu l'as vu ? Elle est où ?!

Franco Guadalmedina n'était pas de ces hommes qui aimaient faire beaucoup d'esprit. Particulièrement quand on évoquait le nom de Phadria Red !

- Je suis là !

Comme un diable jaillissant d'une boite, une jeune femme à la chevelure de flammes, le regard héroïque et triste à la fois se matérialisa sur le pont de l'Alvaro de la Marca. Le sort qui emprisonnait Guadalmedina se rompit, et les cordes redevinrent inertes. Franco tomba au sol ! Oui, c'était bien elle ! Elle marchait vers eux, lui et Avorton, le pas sûr, les cheveux au vent. Guadalmedina aurait voulu la prendre dans ses bras, mais il savait qu'elle le repousserait. Il ne tenta rien. Rien de plus qu'un regard sincère pour lui dire "tu m'as manqué". Elle ne répondit d'ailleurs même pas. A quel prix, se demanda le Roi Pirate dont le temps paraissait s'être figé autour de lui dès qu'il avait vu la belle, avait-elle regagné l'Alvaro de la Marca ? Espérait-elle y retrouver son ami l'Orc ? A moins que...

- Que fais-tu au service de Kafkon ? lui demanda Phadria l'air le plus médusé du monde.

Franco ramassa ses lames, sans un mot, qu'il rangea. Puis il se tourna vers l'avorton de Ram.

- Marché conclu.
- Quel marché ? s'étonna la jeune femme dont les yeux inquiets se posaient tour à tour sur le pirate et le cheikh.

Très calme, ce dernier hocha la tête et rengaina à son tour.

- Met le cap sur le fort, dit-il simplement.

Franco remarqua qu'il évitait de regardait Phadria. Et Phadria avait comprit.

- Non.. Non, tu ne vas pas...

Elle se jeta sur Franco, le pressant de ses bras. Elle, toute légère, si menue, habillée de sa robe rouge. Et lui, colosse d'acier et de noir, la cape noire enroulée autour de sa silhouette lui faisant comme une seconde peau ! Elle l'aurait lardée de coups de poings qu'il n'aurait rien senti.

- Non ! criait-elle à présent. Non ! Jamais je ne te verrai bombarder une autre cité ! Tu ne feras rien ! Il y a des civils, des émigrés, des enfants sur le port ! Ne fais pas ça !
- Phadri...
- Pourquoi tu ne peux jamais t'empêcher de faire le mal ? Pourquoi tu vis avec la mort aux basques !?
- Ecoute-m...
- Abad a raison sur un point ! Quitte le Nouveau Monde ! Embarque deux galions avec toi pour justifier sur Puerto-Blanco toute cette souffrance et toute cette tuerie, et va-t-en !
- Je crains que ton ami l'Avorton ne se satisfasse de tes conditions, lâcha-t-il simplement en posant une main gantée sur l'épaule de sa femme.

Mais elle se déroba ! Je devrais être surpris ?

Franco se tourna vers ses hommes. Wallace prit la barre. Il donna l'ordre de bourrer le fût des pièces. Tous à son poste !

- Nous allons larguer un ou deux pruneau dans le cul de Samuel, bwaha !

Il mit ses mains en porte-voix :

- MONSIEUR SHELLEY !

Personne ne répondit. Pour cause, l’intéressé était mort et gisait sur le pont !

- MONSIEUR BONNEM !
- Oui Capitaine ?
- Abaissez-moi cette merde ! beugla Franco en désignant du regard le pavillon de Kafkon qui claquait à son mât. Et hissez haut le Jolly Roger !

Abad, bras croisés près de lui, ne disait rien. Sans doute s'estimait-il soulagé par la tournure des événements !

- Et tu espères échapper à la colère d'Atÿe ? murmure Phadria en l'obligeant à se retourner pour la regarder dans les yeux, ce qu'il fit. Comme l'ivresse, le meurtre appelle à toujours plus de meurtres ! Tu seras maudis sur des générations !

Las, il fit un signe du bras évasif.

- Je te promets, Phadria, que lorsque tout ceci sera finis, je veillerai à ce que tu aies une porte de sortie. Et je te libérerai. Je te libérerai de l'Alvaro de la Marca. Je te libérerai de moi.

Pour comble de douleur, alors qu'il pensait avoir réussi à la calmer avec des mots qui se voulaient sincères et doux, elle redoubla d'humeur !

- Une porte de sortie ?  La seule porte que tu puisses m'offrir, c'est une porte avec une sortie menant très loin de toi !
- Je te trouve bien méchante avec moi, pour une prêtresse de l'amour ! railla-t-il !

On aurait dit qu'il venait de la gifler. Son visage à elle parut s'écarquiller, comme si elle se demandait si elle venait d'entendre ce qu'elle venait d'entendre. Il se dit qu'il aurait bien fais l'amour avec elle, là, maintenant, de suite. Pendant qu'il bombardait Teikoku.

- Tu mens à tout le monde ! s'emporta Phadria ! Tu te mens à toi-même ! Si Théoden était là, ta carcasse pendrait inerte à la plus haute des vergues de l'Alvaro !

Il eut le mérite d'attendre qu'elle finisse sa phrase, avant de la gifler.

- Ne me parle plus de lui !
- Sinon quoi ? Tu vas faire quoi ?!

Et elle criait encore, lui faisant une scène au milieu de ses hommes et de Ram tout entière !

- Tu vas me faire quoi ? répéta-t-elle, les larmes au bord des yeux. Me battre ? Me violer ? Je devrai avoir peur ? A cause de toi, j'ai dû annoncer yeux dans les yeux à l'homme que j'aimais que son enfant était mort ! Tu as déjà frappé ! Et tu as frappé sans raison là où ça faisait le plus mal !

Il se détourna d'elle. Mais sa voix l'atteignait encore !

- Tu as promis que tout irait bien si je t'épousais ! Tu as promis une vie décente pour ma fille ! Loin de Borto ! Mais tu as menti ! Les Dieux ne peuvent me rendre mon enfant, Franco !

Elle avait réussi à le mettre en colère ! Combien de fois encore allait-il devoir s'excuser ! De rage, il l'agripa par les cheveux, la traînant loin du pont principal, jusqu'à leur cabine ! Il veillerait à ce qu'elle ne lui échappe plus d'aussi tôt ! Tandis qu'il l'enfermait à l'intérieur et regagnait le pont principal où l'attendait l'Avorton, il pouvait encore l'entendre tambouriner comme une malade sur la porte !

- Il y a des enfants, Franco ! Il y a des enfants sur le port ! N'oublie pas Kaer ! Ne te rends pas complice de ça !

Il la quitta tandis qu'elle pleurait en criant le nom d'Argorg.

- Son visage fait qu'on pardonne à son cœur. annonça tout rose tout sourire Franco en venant reprendre sa place les mains sur la barre de l'Alvaro, près de l'Avorton.
- Si vous mentez même à votre femme, quelle valeur peut avoir votre parole à mes yeux ? demanda son interlocuteur en l'incendiant du regard.

Sans doute la scène de l'autre furie l'avait touché. Gamin.

Franco tendit simplement la main, théâtral, vers le fort qui émergeait des cimes et des quelques édifices Teikokujins. L'Alvaro, le flanc tourné vers les quais, cracha le feu de ses vingt-cinq bouches infernales ! En un instant, tout s'embrasa sur le Nouveau Monde !

~



Phadria martelait de toutes ses forces la lourde porte de la cabine de Franco ! Mais c'était peine perdue ! Elle avait entendu le bruit des bottes de cuir de son mari qui s'éloignait. Il était retourné sur le pont ! Puis l'Alvaro de la Marca avait vidé ses ultimes barils de poudre sur Teikoku dans des hurlements digne des enfers ! En pleurs, elle s'était laissée glisser le long de la porte, les poumons en feu, le cœur ne battant plus qu'à demi !

Elle ne remarqua qu'après la jeune fille qui s'approchait d'elle, l'air effrayée par les secousses qui ébranlait le géant Alvaro à chaque secondes !

- Qui êtes-vous ? demanda d'une voix d'enfant la belle enfant.

Phadria ravala sa salive. Elle se releva, les jambes encore tremblantes.

- Ph..Phadria. Je suis la...la femme de Franc..du Capitaine.

Au loin, la cité de Teikoku tâchait de feu et de sang paraissait rendre l'âme doucement !

- Sa femme..?
- Et toi ?
- Je m'appelle Myrah. Je suis sa fiancée...»
Mer 28 Juin 2017 - 16:55
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Argorg Uktathagh
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Premier Orc de Ryscior
Argorg Uktathagh
Argorg voyait depuis le rivage la bataille qui était en train de se dérouler sur les mers. Il sentait grâce aux sens d'Attila l'odeur de mort, de sang, et de poudre qui inondait le champ de bataille maritime. Attila les avait facilement retrouver, grâce à l'odeur caractéristique de l'orc, alors qu'il avait été séparé de Phadria. Cela faisait fort longtemps qu'Argorg n'avait pas à ce point senti la mort et le sang. Il savait que cela tournerait mal. Il sentait les ennemis de Kafkon commencer à gagner la bataille, petit à petit, suite à l'odeur des pirates qui commençait à perdre en intensité. L'orc décida quelque-chose qui était certainement très risqué... Il se retourna vers Plagt et lui dit d'un ton sûr de lui :

-Plagt, il faut que tu mettes le père Adarien en sécurité. Emmène-le dans la forêt et faites attention à vous. Attila et moi allons nous rendre au sein de la bataille. Il faut arrêter ce massacre.

-Euh... T'es sû' d'ça ? C'pas 'peu dang'reux ?

-Bien sûr que si. Mais on va pas rester là comme des cons. Donc je compte sur toi.

-C'pris !

-Argorg ! *interpella le père Adarien* Tu mets ta vie en danger pour rien, mon fils. Et je refuse que tu te joignes à ce massacre...

-Je ne tuerais personne, mon père. Et il faut bien arrêter ça, non ?

Le père Adarien ne dit rien de plus, mais l'orc sentait qu'il était inquiet. Cependant il s'éloigna d'eux tandis qu'ils fonçaient dans la forêt, à l'abri. Argorg avait préparé une chaloupe depuis quelques jours, à l'écart de la capitale, au cas où. Attila grimpa dedans et Argorg la mis à la mer. Ils n'étaient pas si éloignés de la bataille. Au bout de quelques minutes à ramer, le calme revenu, la bataille s'achevait. L'orc se rapprocha un peu plus des navires. Tous regardait le navire de Franco. Une voix féminine se fit soudain entendre, criant quelque-chose. Phadria ! pensa Argorg.

Quand il était assez proche pour grimper à un navire il réussit à percevoir les paroles de Phadria :

-Tu as promis que tout irait bien si je t'épousais ! Tu as promis une vie décente pour ma fille ! Loin de Borto ! Mais tu as menti ! Les Dieux ne peuvent me rendre mon enfant, Franco !

Puis il entendit Phadria hurler de douleur et pleurer. Le sang de l'orc ne fit qu'un tour, hissant sur ses épaules son tigre et grimpant sur le navire, il ne savait comment il y arrivait. Quand il réussit à se hisser sur l'un des navires qu'il estima être celui de Ramien, juste à côté de celui de Franco, Il fut accueilli par un cri de la part d'un marin. Mais celui-ci fut couvert par le bruit des canons. Ils bombardaient le port !

Attila descendit des épaules de son ami et montra les dents. D'autres se retournèrent. De plus en plus. Tous effrayés par la montagne verte s'avençant dans leur direction. Ils eurent à peine le temps de comprendre ce qu'il se passait quand l'orc et son tigre sautèrent sur le navire de Franco. Là, tous virent le géant furieux. Et il lui apparut : Franco. Les deux se dévisagèrent. Le pirate fit signe à ses hommes de cesser le feu. Puis il sourit narquoisement à Argorg :

-Eh bien, voyez-vous ça... Argorg Uktathagh. Que fais-tu sur mon navire, alors que je détruisais Teikoku ?

-Où est-elle ? *dit l'orc d'un ton froid et menaçant*

-De qui parles-t... Oh. Tu veux parler de Phadria. *son visage perdit son sourire*

-Qui est cet orc ? *demanda un jeune ramien, semblant être assez important*

-Un gêneur. Un imbécile. Ce que tu veux.

-Que faites-vous sur ce navire, orc ? *le ramien s'adressant cette fois à Argorg*

-Venues récupéré une amie. Alors je me répète : Où est Phadria ? *dit-il plus fort*

Franco soupira et répondit d'un ton calme, presque moqueur

-Elle est dans ma cabine. Cette petite garce a assez joué avec mes nerfs. C'est drôle, car c'est toi qu'elle appelait en pleurant.

L'orc se contenta d'avancer doucement jusqu'au pirate, sans cesser de le dévisager. Il se fit arrêter par le jeune Ramien.

-Vous comptez vous opposer à l'armée de Ram ? Si vous voulez sauver Teikoku il va falloir...

L'orc posa une gigantesque main sur l'épaule du jeune homme, le regardant droit dans les yeux et Attila juste à ses côtés, découvrant ses crocs

-Fiston. Je m'en fout royalement de votre guerre. Tout ce que je veux c'est récupéré mon amie... Et la tête de cette ordure. *dit-il sinistrement en pointant Franco du doigt* Après vous pourrez faire joujou avec vos canons.

Le ramien ne dit rien de plus et laissa poliment passer le monstre de 3 mètres. C'est Wallace qui dégaina son arme pour barrer la route à Argorg. Il fit une estoc que le géant bloqua de sa main, la lame étant donc planté dans sa main. Mais Wallace se fit plaquer au sol par Attila puis l'orc lui choppa les pieds pour le lancer à l'autre bout du navire. Franco dégaina ses deux lames et fit sa fameuse botte qu'Argorg para en sortant rapidement ses haches et bloquant les deux lames. Leurs visages étaient très proches l'un de l'autre, et leurs yeux s'envoyaient des éclairs. Soudain, Franco fit une soudaine esquive et planta se lame dans l'épaule d'Argorg mais celui-ci contracta ses muscles pour empêcher la lame de sortit et il la garda avec lui. L'orc enchaîna ensuite avec un coup de pied en direction du pirate. Ce dernier arriva à esquiver mais ce fut cueillir par la hache de son adversaire. La lame se brisa suite à l'impact. Ainsi désarmé, il fut attrapé au torse par les terribles mains du géant aux épaules et se prit un énorme coup de boule en pleine tête. Étrangement, tous se turent pendant le combat, personne n'intervenait. Les ramiens se moquait donc bien du sort de Franco et les pirates avaient trop peur pour aider leur Capitaine.

Ainsi assommé, Franco fut traîné par les pieds par Argorg jusqu'à sa cabine. Quand il arriva il toqua dans le plus grand des calmes et dit d'un ton doux :

-Phadria, c'est moi. Argorg. Je suis venue, comme tu me l'as demandé.
Ven 30 Juin 2017 - 15:43
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Dargor
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Le son des combats qui s’étaient engagés, au loin, ne présageait rien de bon. Kafkon reconnaissait bien le son de la guerre quand il l’entendait, pour l’avoir lui-même déclenché à de nombreuses reprises, plus encore que les fois où il les avait entendues venir à lui. Mais il n’en demeurait pas moins que cela ne présageait jamais rien de bon quand il n’était pas à l’origine de ces sons. Ni quand il était à moitié surpris de les entendre.
A moitié seulement car ses éclaireurs lui avaient rapporté qu’une colonie ramienne existait profondément dans les terres des Gyrkimes. Mais il n’avait pas pu avoir plus de renseignements sur ces nouveaux arrivants, car il semblait que les oiseaux les avaient accueillis avec eux, et en conséquence, il était compliqué d’avoir de vraies informations sur leur sujet. Et puisqu’il y avait une guerre gelée entre Teikoku et les oiseaux, les ramiens, s’ils étaient animés d’intentions peu amicales, n’hésiteraient pas à attaquer.
Cela, plus le fait que Ram avait logiquement coupé graduellement les vivres qu’il envoyait à ses colonies. Cela indiquait clairement des intentions moins amicales à leur égard. Aussi n’était-il qu’à moitié surpris que cette attaque ait lieu. Il ne l’attendait pas de sitôt, sans doute, et c’était l’explication de son trouble. Il avait commencé à préparer ses troupes à une éventuelle attaque de grande ampleur, mais elles n’étaient clairement pas prêtes.
Elles l’étaient encore moins quand on en retirait une grande partie, et que les pirates de Franco se tournaient vers leurs alliés. En Kafkon, des sentiments de colère naquirent dès qu’il comprit ce qu’il se passait dans la rade.

Cette bataille n’était désormais plus gagnable, il n’avait aucun doute concernant cela. S’il avait eu Franco et ses navires, il l’aurait tentée, mais autrement, il ne pouvait même pas y avoir de débat. Intérieurement, il se permit de maudire Franco, puis de réfléchir à une solution pour faire tourner cette situation à son avantage. Il allait perdre cette bataille. Il allait perdre son royaume, après en avoir perdu la reine. Aucun doute n’était permis. Un bon général savait admettre la défaite. Que pouvait-il y faire ? Il y réfléchit, tandis que les troupes ennemies, bombardaient sa ville. Puis il prit sa décision. Aucun débat n’était possible…

---

Clément de Boisvert contempla ses maigres troupes. Une dizaine de chevaliers de l’Ordre du Nouveau Monde, une centaine d’archers, c’était tout ce qu’il avait pu rassembler dans l’urgence. Le reste de la population, en vérité, se cachait et essayait de trouver un moyen pour échapper aux adversaires. Bande de lâches. Il attendait le Roy Kafkon Samuel. Il voulait être sûr que son armée soit prête pour le moment où il viendrait en prendre la tête, quand il pourrait venir. Il l’espérait.
En vérité, ses archers étaient pour la plupart incapables de vraiment viser correctement, et ses chevaliers étaient équipés d’armures un peu miteuses. Levant les yeux vers le petit manoir en bois qui surplombait la ville, il supplia intérieurement le Roy de presser son arrivée. Ils auraient besoin de toute la puissance du vampire qu’il était pour tenir un assaut si Franco et les étrangers attaquaient. En attendant, il donna l’ordre de couvrir la rue qu’il occupait…
Il plaça les chevaliers en première ligne, bien entendu. Leurs boucliers, une fois levés, pourraient freiner n’importe quelle charge. Ils ne pourraient pas tenir longtemps, n’ayant de chevaliers que le nom. Clément de Boisvert savait cependant qu’ils savaient manier leurs armes. Mais ils n’avaient pas le cœur des chevaliers hasdrubiens…
Derrière eux, les archers. Avec pour instruction de ne pas trop abattre de chevaliers et de bien viser. Mais là encore, il était difficile de savoir ce qui allait vraiment se passer. Leurs flèches étaient prévues pour les Oiseaux, qui ne portaient pas d’armures…

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Heinrich Belman envoya un grand coup de pied dans la porte du manoir, qui obstinément demeurait close. Tout à l’heure, au début de l’attaque, Kafkon avait fait venir un officier de Franco qui était resté à terre. Heinrich ne connaissait même pas son nom et s’en fichait. Il était là pour faire une sorte de dignitaire. Normal donc qu’il soit appelé quand son maître trahissait. Mais que Kafkon n’en sorte pas était moins normal. Les ennemis avaient bombardé la ville et s’apprêtaient à débarquer. Clément de Boisvert avait organisé une défense qui ne ferait qu’illusion. Et Heinrich savait qu’il envisageait de se rendre si Kafkon n’était pas là.
Alors on avait besoin du Roy. Où était-il ? Chez lui à n’en pas douter.

Il était en fait parti. Ce fut une évidence pour Heinrich quand il cessa de vomir. Du sang plein les murs de la pièce qui lui servait de bureau. Des tripes suspendues entre les poutres du plafond. Le visage de l’homme de Franco, arraché à sa tête, cloué sur le bureau proprement dit. Et, écrit avec les os brisés de l’homme afin qu’ils forment des lettres, « C’est pour toi, quand je te retrouverai, Franco le traitre ». Il semblait que le Roy avait donc finalement abandonné ses sujets, et préféré son désir de vengeance. Et que devenaient-ils, eux ?
Lun 10 Juil 2017 - 23:29
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Phadria Red
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Le loup criait sous les feuilles
En crachant les belles plumes
De son repas de volailles :

A.R



« Phadria, c'est moi. Argorg. Je suis venu, comme tu me l'as demandé.

Portant sur son corps les stigmates d'une lutte encore fraiche, l'immense Orc vert traînait derrière lui le corps sans vie de Franco. L'arrivée de son ami alluma un gigantesque remède dans les yeux de Phadria ! Elle se jeta, éplorée, dans ses bras immenses alors qu'il pliait genou à terre afin de la réceptionner. Lorsqu'elle finit tout contre son poitrail colossal, couvert d'une sueur forte, et qu'il la serra dans ses bras, elle retrouva un peu l'usage de la parole.

- Il a...Teikoku..bombardé...Cheikh...enfants...sur..le...port...
- Chhht. Je sais. Je sais...

Phadria avait encore en elle tout le désespoir d'une telle nouvelle. L'Alvaro venait tout juste de cesser de trembler, secoué par les hurlements et les vibrations de ses gueules noires.

- Tu les as arrêtés ? balbutia-t-elle en regardant Argorg dans les yeux.
- Je crois qu'ils n'ont plus de poudre, Phadria.

La poitrine en sanglots, la gorge en feu, Phadria trouva la force de s'écarter de son ami Peau-Verte. Elle en avait tout à fait oublié Myrah, la fillette teikokujin que Franco avait promis d'épouser, et qui demeurait là, à demi-effrayée par la promiscuité d'Argorg et de ses amis.

- Vous l'avez tué..? Est-ce qu'il est mort ? demanda-t-elle au géant aux gigantesques crocs.

Argorg lança alors à travers toute la cabine un regard dédaigneux en direction du corps inanimé du Roi Pirate. Allongé sur le ventre, Franco paraissait mort.

- Non. Juste assommé. Mais je me tâte pour l'achever.
- Ne faites pas ça ! s'écria alors la jeune fille dans sa folie. Il n'a rien fait de mal ! C'est votre Capitaine !

Phadria excusa Myrah par l'idée qu'elle sortait tout juste de l'enfance, et qu'elle était encore bien trop jeune et bien trop naïve pour connaître toute l'étendue du mal qu'avait fait Franco. Avait-elle au moins réalisé que son Capitaine qui n'avait "rien fait de mal" venait tout juste de bombarder le port de Teikoku ? Et donc sa maison ? Celle de ses parents ? Sans doute pas.

Le regard qu'Argorg lança alors à Myrah fut bien plus tranchant et bien plus cruel que tous les mots que Phadria aurait pu trouver en cet instant.

- Cette vermine n'est plus mon capitaine, tonna l'Orc. Et pour faire du mal... Il aurait mérité que je lui arrache les entrailles et les donne à manger à mon tigre depuis belle lurette, gamine.

Chacun des mots d'Argorg était un crachat empli de fureur, de haine et de colère. Phadria posa une main sur l'épais biceps d'Argorg. Il était trop tard pour se préoccuper de Guadalmedina et des états d'âme de Myrah !

- Argorg ! L'Alvaro ! Teikoku !

D'un même pas, Argorg, Attila et Phadria s'élancèrent hors de la cabine, laissant une jeune teikokujin s'accroupir timidement sur le corps d'un Roi Pirate immobile ! Sur le pont, la voilure déployée de l'Alvaro de la Marca brillait sous le zénith ! En plein dans l'alyzé, le gigantesque vaisseau filait à présent droit vers Teikoku. C'était le Cheikh qui semblait contrôler le navire, encadré de Madame et du Profanateur à sa gauche, et de Kiang Choï Leong et de Kalsang à sa droite. Près du cheikh, il y avait une gyrkime aux grandes ailes d'or qui brillaient au soleil. Wallace était à la barre, sans un mot, le regard fier. Au-dessus de leurs têtes, un tumulte assourdissant formé de mille cris d'oiseaux et battements d'ailes. Très vite, l'Alvaro de la Marca atteignit le port. L'avaient suivi divers bâtiments portant le pavillon Ramien. Et le Cheikh put enfin débarquer ses troupes dans la ville !

- Où est Adarien Jadar ? demanda Phadria Red à son ami.
- Avec Plagt ! Quelque part dans la forêt entourant la ville. Nous devons les retrouver !
- Viens !

Ensemble, les deux amis s'élancèrent par-dessus le bastingage et plongèrent ! Quelques coups de bras plus tard, ils foulaient de nouveau la terre ferme ! Attila s'ébroua. Argorg et Phadria s'élancèrent. Ils s'élancèrent au milieu du chaos, des baraques teikokujins enflammées, des corps carbonisés ou transpercés, étendus par dizaine sur le sol. Et elle avait beau dégorger son âme de ses misères, elle ne pouvait fermer les yeux sur l'enfer que Franco lui présentait malgré son absence ! L'odeur de souffre, de la cendre, de chair carbonisée ! Sur le sol à plusieurs endroit, des indigènes ailés gisaient, brûlés vifs eux-aussi ! Et les arbres criaient muettement sous la morsure des flammes ! Les hurlements -bien audibles, eux !- des teikokujins survivants, pressant contre leur cœur le corps déjà froid d'une mère, d'un père, d'un frère, d'un cousin, d'un ami, d'un fils ou d'une fille. Abad, suivi par une troupe de guerriers, traversa le port d'une seule traite, sans connaître aucune résistance, sans faucher de survivants ! Il traversa le carnage, droit jusqu'au palais de Kafkon Samuel. Phadria et Argorg se perdirent dans la forêt, là où s'élançaient, comme eux, les derniers survivants Teikokujins. Ceux qui n'avait plus rien à perdre car ils avaient tout perdus. Ceux que Franco Guadalmedina ne brisait pas personnellement, pensait en pleurant Phadria, ils les mettaient sans dessus-dessous.

La cité tâchée de feu et de boue qu'on appelait Teikoku s'éloignait dans son dos. Mais, suivant Argorg, Phadria fut accueillie par des dizaines de flèches indigènes pleuvant du ciel au fur et à mesure qu'elle s'enfonçait dans la forêt ! Leur course se changea bien vite en partie de chasse pour les Gyrkimes qui, dissimulés dans les branches des arbres, tiraient les teikokujins comme s'ils furent des lapins en cavale !

- Cours Phadria ! Ne t'arrête pas ! criait Argorg.

Son pied dérapa lorsqu'elle dévala à toute vitesse un versant boueux, et son ami Peau-Verte la chargea sur ses épaules, comme si elle ne pesait rien ! Ce fut un miracle qu'aucune flèche ne perça Argorg. Les Gyrkimes leur donnait la chasse comme à des animaux ! L'Orc appelait en même temps le nom de Plagt, tentant de retrouver l'endroit où il avait laissé ses amis ! Défonçant durant sa course des buissons et des arbustes entiers, Phadria vit avec horreur une flèche se planter dans le dos du géant ! Puis une autre ! Puis une autre ! Et encore une autre ! Et Argorg, véritable montagne de granit et de muscle, restait debout, courant, malgré les supplications de son amie pour qu'il la lâche !

- Argorg ! Phadria !

L'on retrouva Plagt et Adarien, et ensemble le quintet fila sous les frondaisons ! Argorg se jeta plus qu'il ne bondit à l'intérieur d'une excavation rocheuse, formant l'entrée d'une petite grotte ! Les Gyrkimes continuèrent de lancer leurs flèches des airs, fauchant un à un les Teikokujins qui espéraient gagner la forêt afin de sauver leur vie !

- Phadria !

La jeune femme se retourna pour affronter la vision d'un Orc au plus mal, allongé sur le sol, du sang coulant d'entre ses lèvres ! Le prêtre Adarien Jadar, à genoux près de lui, imposait ses mains et refermait doucement les blessures qui ouvraient son corps ! Attila, près d'Argorg, rugissait doucement avec des plaintes qui vous abîmaient le cœur.

- Ca va aller, dit le prêtre d'Atÿe à l'intention d'Argorg. Restez tranquille, ne bougez pas. Les blessures se soignent.
- Il va s'en sortir ? demanda Phadria inquiète en serrant entre ses mains celle de son ami.
- Il va s'en sortir, répéta d'une voix calme le Père Adarien.

Soulagée, la jeune femme caressa la joue de son ami Peau-Verte. L'enfer s'était déchaîné sur le Nouveau Monde. A côté de cela, les geôles de Kaer passaient pour un véritable éden !

- Nous ne pouvons pas fuir par la forêt, les Gyrkimes la surveillent du ciel !
- Nous ne pouvons pas retourner à Teikoku non plus, dit Adarien tout en refermant avec une infinie patience les plaies d'Argorg, les indigènes la criblent également.
- Non, plus maintenant !

Le souffle court de Phadria augmenta l'agitation du prêtre d'Atÿe. Elle dût s'expliquer :

- Franco a...a bombardé la ville pour le compte de Ram.
- Par Atÿe ! Ces pauvres gens.
- Je n'ai rien pu faire, s'excusa Phadria.
- Les Gyrkimes sont donc essentiellement postés au-dessus des forêts.
- Plus..pour longtemps..lâcha Argorg en un râle. M'est avis qu'ils vont pas tarder à rejoindre le gamin..le cheikh. Celui qui dirige les troupes..de Ram sur le palais. A ce rythme...ils n'auront bientôt pus grand monde à abattre, dans les forêts.
- Que fait Kafkon ? demanda Phadria. Va-t-il se battre ? Où sont ses troupes ?

Mais personne ne répondit.

- Nous ne pouvons pas fuir par la forêt, reprit Phadria. Nous ne pouvons pas rester à Teikoku non plus. Pas tant que le Cheikh et Kafkon Samuel n'auront pas réglé leurs différents ! Il nous reste plus qu'une seule option je crois.
- L'Alvaro ? demanda le prêtre d'Atÿe.
- Non ! L'Alvaro se désintéresse de cette guerre ! Notre seule chance est de joindre les côtes ! Il doit y avoir des navires teikokujins amarrés ! Nous pouvons en prendre un, récupérer autant de survivants qu'on le peut puis nous éloigner le plus possible ! Des Gyrkimes, des pirates et de Kafkon Samuel !
- Et Ram ?
- J'ai rencontré le cheikh, dit Phadria. Abad laissera la vie sauve à tous ceux qui la demanderont, je pense. Dès que Kafkon Samuel sera vaincu.
- Et si c'est Kafkon qui vainc Ram ?
- Ram est l'alliée des indigènes. Prions pour que le Roy ne se les mette pas à dos. Dans les deux cas, cette guerre n'est pas la notre ! Nous devons nous emparer d'un navire et nous mettre à l'écart, le temps que les rois règlent leurs affaires ! Ram marche déjà sur le palais !

Tous approuvèrent cette idée. La dernière solution de Phadria et de ses amis furent donc de joindre la côte teikokujin, évitant la ville et la horde de Gyrkimes qui s'abattaient sur ses survivants ! Ils y trouvèrent, comme convenu, cinq bâtiments au mouillage ! Des dizaines de chaloupes, de barques, et même des troncs d'arbre, portaient les rescapés de l'attaque, des teikokujins désespérés qui tentaient en dernier recours de joindre les navires pour fuir l'enfer qui s'était abattu sur terre ! On aida Phadria et ses amis, comme les autres, à monter à bord de l'un des bâtiments de Kafkon Samuel !

- Pourquoi ne levez-vous pas l'ancre ? demanda Phadria au Capitaine, un jeune Teikokujin blessé à l'oreille.

Déjà, Adarien Jadar soignait les blessés à bord ! La venue d'un prêtre au milieu d'un tel enfer passait pour une véritable bénédiction ! Il dut établir un ordre et s'occuper des enfants en premier.

- Des pirates font le blocus de teikoku, au large ! Il y a aussi Ram. On ne peut pas passer.
- Ram a déversée ses troupes dans la ville, expliqua Phadria. Levez l'ancre, ne restons pas là ! Les Gyrkimes, s'ils repèrent nos navires, nous prendront en chasse !
- Et les pirates ? Le port vient d'être bombardé !
- Les pirates n'ont plus de poudre. Et je connais leur capitaine. Je vais négocier notre droit de passage auprès de lui.

~




A son plus grand dam, Franco Guadalmedina était éveillé. L'Alvaro de la Marca au milieu de la baie impressionnait les petits bâtiments teikokujins avec ses innombrables bouches à feu. Et même si ils étaient cinq navires pour un, Phadria savait les pirates supérieurs en nombre, et bien mieux armés. Forcer le blocus orchestré par Franco n'était pas la meilleure des solutions. Ils comportaient trop de blessés et de civils pour tenter de tenir tête au Roi Pirate. Elle n'avait pas le choix. Il accepta, bien sûr, de la recevoir à bord de l'Alvaro de la Marca.

- Je reste, lui dit-elle yeux dans les yeux. Je reste à bord. Et tu laisses mes amis et les teikokujins passer.
- Pour aller où ?
- Où nous le voulons. Ne leur tombe pas dessus, Franco. Pas de morts. Pas de viols. Pas d'esclaves.

Le Roi Pirate soupira, accoudé au bastingage. Ses yeux gris brillaient lorsqu'ils se posaient sur les navires de Kafkon Samuel en contrebas. A coté d'eux, l'Alvaro de la Marca avait l'air d'un véritable château flottant. Phadria se dit que tenter d'éloigner un loup affamé de quartiers de viande n'aurait pas été plus dur que tenter d'éloigner le Roi Pirate des navires de Samuel.

- A quel prix me demandes-tu ça, Phadria ? Mes Seigneurs veulent être payés.

Elle savait que son mari n'assistait qu'à un triomphe doré. Les Seigneurs Pirates n'étaient qu'un prétexte. C'était une âme glacée.

- Au prix de ma liberté.

Elle s'accouda à son tour au bastingage. Une liberté que Franco lui avait volé. Puis la Déesse, main dans la main avec Ariel, la lui avait rendu. Une liberté si durement acquise. Qui s'envolait de nouveau en éclat. Mais c'est pour la bonne cause...

- Je reste avec toi, à bord, répéta-t-elle des larmes dans le regard. Et tu laisses ces pauvres gens passer.

Il soupira. Encore.

- Ça ne suffira pas, j'en ai peur.
- Si tu veux une guerre, Argorg te tombera dessus !
- Nous sommes supérieurs en nombre, lui rappela le Roi Pirate.
- Mais tu es le premier qu'Argorg visera. Si il doit en faire tomber un seul, ça sera toi. Et tu le sais.

Franco regarda alors ses mains, qui étaient tachés de sang écarlate. Pas le sien. Puis il leva les yeux vers Phadria.

- J'ai vendu l'Alvaro de la Marca à Teikoku, pour te retrouver. Le savais-tu ?
- J'ai cru comprendre ça, oui...
- Tu ne me fuiras plus. Plus jamais.

Elle fit non de la tête. Avant de la relever.

- Mais tu laisses la vie sauve aux teikokujins !
- Un seul navire.
- Tous !
- Un seul navire. Ta vie contre un seul bâtiment.

Phadria Red savait qu'elle ne pourrait jamais obtenir un meilleur prix de la part du Loup de la Passe. Elle avait perdue cette partie, elle le savait. Elle avait perdu car elle n'avait pas pu sauver tous les teikokujins survivants. Franco lui asséna une légère tape sur l'épaule, comme pour la réconforter, tandis qu'elle entourait son buste de ses bras.

- Dis à tous ces gens de me suivre. Nous allons quitter Teikoku. Quitter le Nouveau Monde.
- Pourquoi te suivre ? demanda-t-elle entre deux sanglots.
- Les courants de ces eaux sont très dangereux. Je connais très bien les hauts-fonds, les bais, les cap à doubler. Je suis le seul à pouvoir les ramener sain et sauf jusqu'à l'Ancien Monde. Qu'ils se calquent sur la sillage de l'Alvaro de la Marca, et ils ne se perdront pas.
- Et arrivé là-bas. Tu les laisseras libres. Tu me le jures ?
- Un seul bâtiment. Mais je le jure. Tous ceux qu'il porte seront libres.

Il en fut ainsi. L'Alvaro de la Marca ouvrit la route de cet étrange cortège naval. Au nez et à la barbe de Kafkon Samuel, quelque part sur Teikoku.

~



- Si tu restes, s'était exclamé Argorg le poing sur la poitrine, je reste aussi ! Hors de question que cette ordure te touche encore !
- Ouais ! L'as r'son ! avait ajouté Plagt avec détermination. J'rest' ssi !

Après un sourire pour ses amis à bord de l'Alvaro de la Marca, Phadria quitta le pont sur lequel elle s'était posée. Non loin, Madame, Seigneur Pirate de Guadalmedina, s'était allumée une pipe, dans la plus grande banalité. Comme si il n'y avait pas eu assez de feu. Elle rejoignit Franco en grimpant dans les haubans. Le Capitaine du bâtiment se trouvait perché sur la vergue du grand hunier, ni plus ni moins. Une main accroché au grand mât, en équilibre sur cet alignement de bois, les cheveux au vent, le Loup de la Passe fixait Teikoku, qui s'éloignait toujours, toujours plus de l'Alvaro de la Marca. Et plus bas, les cinq navires de Kafkon Samuel, dociles, qui le suivaient jusqu'à l'Ancien Monde. Les yeux brûlants d'un drôle de feu, la cape battant le vent, Franco Guadalmedina contemplait son triomphe, sans sourire. Étonnamment sobre de sa victoire, pensa Phadria. Il ne bougea pas lorsqu'elle le rejoignit, sur la vergue du grand hunier.

- M'aimes-tu ? demanda-t-elle, le fixant du regard ce qu'il fixait lui-même.

Il ne bougea pas.

- Pourquoi cette question ?

Debout dos à l'océan comme un bon bourgeois rêveur, Franco avait à peine tressailli. Mais à peine, c'était suffisant pour Phadria Red. Elle ne lui répondit pas, et il changea aussitôt de sujet.

- Je te rendrai ta liberté, sitôt que nous atteindrons l'Ancien Monde. Je te libérerai. De l'Alvaro de la Marca. De mes pirates. De moi...

Alors il se tourna vers elle. Phadria remarqua un violent hématome au niveau de sa tempe gauche, là où avait frappé Argorg. Il avança vers elle. Lentement. Toujours en équilibre.

- C'est..C'est vrai, cette fois ? tenta-t-elle.

Il répondit par un silence. Mais Phadria avait eu trois Tours pour apprendre à lire les silences du Loup de la Passe.

- J'ai payé le prix fort. Ma liberté. Et je n'ai même pas pu sauver l'intégralité des teikokujins...
- Tu auras sauvé un teikokujin sur cinq. C'est déjà honorable.

Franco se laissa alors descendre jusqu'à la grande hune où il put s'asseoir. Phadria atteignit également la plateforme de bois, mais resta debout. Ils abandonnaient une jeune colonie à feu et à sang.

- Ces gens sont persuadés que tu les guideras jusqu'à l'Ancien Monde. Avant de leur rendre leur liberté.
- J'ai le Jolly Roger sur l'Artimon, Phadria. Je suis un pirate. Pas le Saint Esprit. Et si ces gens croient le contraire, c'est qu'ils sont tout simplement stupides.

Alors que le navire continuait sur son erre, Phadria songea que Franco avait, d'une part, totalement échoué dans son combat contre Atÿe. Le voilà bel et bien vaincu par les foudres de la Déesse. D'autre part, elle avait la sinistre sensation que rien n'était vraiment terminé. Quelque chose venait de naître. Le Nouveau Monde accoucherait bientôt d'une toute nouvelle ère. Et Franco avait joué dans cette naissance un rôle fondamental.

- Franco. J'ai vu Théoden. Il est en vie. J'étais dans ses bras...il y a moins de douze heures.

Il ne lâcha pas Teikoku du regard tandis qu'il serrait les dents, sans mot dire. Phadria inspira à plein poumons. Son cœur battait la chamade, dès qu'elle parlait de Théoden.

- Tu mens. »

Si les mots de Franco étaient faits d'acier, ils l'auraient tranchée vive. Elle fit non de la tête puis descendit de nouveau dans la mâture. Avant d'atteindre la grande vergue, les mots griffonnés par le prêtre Adarien Jadar quelques lunes plus tôt lui revinrent en mémoire. Ces mots que Guadalmedina, rempli de rage comme l'on aurait rempli d'eau une cruche, avait jeté au feu avant de la brutaliser. Aujourd'hui et après tout ce temps, ils revenaient à sa mémoire, dansant devant ses yeux vert encore embués de mille larmes. Comme l'empreinte d'Atÿe sur l'enfer que le monde traverse.

Á toi beau geôlier...
Dim 16 Juil 2017 - 19:25
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Abad El Shrata du Khamsin
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Roi en exil
Abad El Shrata du Khamsin
Abad se tenait sur la proue du bateau, Cobra bien calé entre la paume de ses deux mains, scrutant le rivage qui s'approchait. Devant lui se profilait le port, désert et un plus loin, la ville de Teikoku, séparée d'eux par des remparts hauts de plus de huit mètres. Des archers étaient disposés sur les tours de flanquement et tout le long du chemin de ronde, leurs arcs tout contre leurs joues. Alors la corne de guerre retentit, une fois, deux fois, trois fois et au troisième coup tous les archers bandèrent leurs arcs en un seul et même geste à présent prêts à tirer au moindre ordre. Abad désigna le point le plus haut de la ville où s'élevait un château en pierre sombres : " Ceci est le château de Kafkon, dit-il, cela sera notre point de rendez-vous. Si vous vous perdez, c'est ici que vous allez. Si vous êtes blessés et pouvez encore marcher, c'est ici que vous allez. Si un de vos coéquipiers est blessé, vous le porterez jusqu'ici. C'est compris ? " Les hommes émirent un grognement unanime. "Je prends ça pour un oui " murmura Abad.
La ville était à portée de tir maintenant et Abad leva Cobra en l'air et alors la femme noire à la pipe d'ébène se tenant à la barre hurla l'ordre :.

" FEU ! "

" BOUM ! "

Un, deux, trois, trente, soixante, cent détonations firent écho dans la baie, chacune venant pulser aux tympans d'Abad et de ses hommes comme une vague d'épées acérées. Abad sentit les vibrations résonner dans sa poitrine, son cœur s'emballer, comme si les vibrations l’empêchaient de battre correctement.  Il vit les boulets fulminer vers les remparts qui explosèrent sous le choc, expulsant des rafales de roches de tous les côtés. La plupart des hommes placèrent leur main devant leurs yeux, craignant d'y perdre la vue à cause d'un débri à la trajectoire qui se voudrait tragique.

La canonnade dura plusieurs minutes, puis on entendit la pirate derrière :

" CESSEZ LE FEU ! "

Sa voix perça dans le vacarme et soudain un silence de plomb figea l'équipage. Devant le bateau s'était formé une fumée opaque, pénétrable par nul regard. Cet écran noir était halé de rouge et de quelques reflets jaunes, qui émanaient de la rive en vomissement, comme un nuage chaotique qui s'étirait à présent tout le long de la baie vers le Nord. 

Alors il y eut un cri dans les cieux, un cri formé d'une centaine d'autres, un cri qu'Abad n'avait que trop entendu : celui des Gyrkimes.
Ceux ci avaient quitté la forêt et fonçaient en piquet sur Teikoku. Les hommes s'agitèrent. Abad hurla : "POUR RAM !" , les passerelles se baissèrent et l'instant d'après les hommes se déversèrent sur le rivage et disparurent dans les ténèbres.

*

Abad était en tête, lui et ses hommes cavalaient le plus vite possible pour réduire la distance entre l'embouchure du port et l'entrée de la ville. Autour d'Abad, les hommes s'étouffaient : ce fumet épais qui leur barrait la vue empêtrait par la même occasion leurs voies respiratoires au moment où celles-ci étaient le plus sollicitées. Même Abad avait du mal : ses yeux coulaient, sa gorge lui faisait mal. 
Avancer, avancer !
Soudain sous ses pieds Abad sentit des gravats : ils approchaient forcément des remparts ! (ou de ce qu'il en restait.) Naturellement, les hommes s'étaient séparés en trois groupes, encerclant la ville par le Sud et le Nord. Abad lui se trouvait dans le peloton du milieu, entouré des hommes de Tougr'h. 
Ils continuaient tant et toujours à courir, mais Abad craignait l'embuscade. Il fit ordre à ses hommes de se mettre à couvert sur les débris. Et quelle bonne décision ce fut, au moment où les hommes s'accroupissaient, se servant des blocs de pierre comme protection, une salve de flèches jaillit des ténèbres. Les moins réactifs en payèrent le prix fort, ils s’effondrèrent sur le sol gémissant de douleur pour ceux qui n'avaient pas été tués sur le coup. 
Maintenant ! Abad prit sa décision en un quart de seconde : les archers étaient entrain de recharger, il fallait profiter de l'instant pour donner l'attaque. Il sauta le rocher d'un bond, suivit d'une dizaine d'hommes. Alors qu'ils courraient brandissant haut leurs épées, des formes se dessinèrent dans la brume : Tougr'h ne perdit pas de temps, il saisit sa lance d'une main tout en courant et la lança devant lui comme un javelot. 
Au gémissement que l'on entendit, il avait fait mouche. Il se retrouvait à présent sans armes, mais cela ne sembla l’inquiéter pour le moins du monde car il redoubla sa foulée, passant devant tout le monde et vint se heurter droit dans un des archers en train de recharger. Il lui tomba dessus et se mit à lui éclater le visage de points gantés comme un véritable berserker. Abad arriva à son tour devant un archer, qu'il trancha en deux d'un coup de cimeterre. 
Pourquoi ces abrutis ont mis des archers en première ligne, sont-ils à court d'hommes ? 
La dizaine d'archers présents fut mise hors d'état de nuire en moins de temps qu'il ne fallait pour dire Ram. Cependant on entendait encore le '' thump, thump'' des poings de Tougr'h frappant dans le crâne de l'archer qui s'était à présent transformé un bouillie. 
" On avance ! " cria Abad et Tougr'h leva les yeux vers ses compagnons d'arme comme s'il découvrait là ou il était. Puis se leva, récupéra sa lance enfoncée dans la poitrine de l'archer d'à côté et les rejoints à grandes enjambées. 
A présent le nuage noir qui s'était un peu dissipé et au loin, droit devant eux se profilait un grand édifice à la vue de tous : le château de Kafkon.
Abad pointa et hurla :
" Avec moi ! " avant de sprinter vers le château.
Ils n'étaient plus qu'une dizaine d'hommes à présents, ils s'étaient séparés du reste des hommes lorsqu'ils avaient décidés foncer vers les archers : ceux qui restaient étaient les plus courageux. 


*


Alors qu'ils remontaient l'allée principale de la cité en direction de la demeure de Kafkon, le petit groupe fut confronté à un spectacle d'horreur : c'était ici que la bataille la plus sanglante semblait avoir éclatée et le sol était jonché de cadavres, beaucoup de guerriers certes, mais, damné soit les guerres, de civils. Les Gyrkimes avaient frappés sans faire de distinction, et Abad faisait face chaos venant de toute part : du coin de l’œil il aperçut un Gyrkime à califourchon sur homme qui semblait être un paysan, enfoncer son couteau de pierre dans son crâne en hurlant avant qu'un guerrier Teikokujin ne vienne lui trancher la gorge par derrière avant de retourner se battre. Le Gyrkimes s'éffondra et son corps retomba sans vie sur celui de l'homme qu'il avait poignardé. Son couteau encore planté dans son visage. Abad détourna le regard, dégoûte. 
Il fallait mettre une fin à cette guerre ridicule. Kafkon mourra.


*


Lorsqu'ils arrivèrent devant le château, seulement cinq hommes gardaient l'entrée, placés devant le pont levis, levé ?. Ceux-ci étaient en mission suicide, c'était évident et ils tremblaient de tous leurs membres à la vue des guerriers qui venaient à leur encontre. Ses hommes pouffèrent de rire avant de charger, Abad fit de même mais il ne rigolait pas :
C'est mauvais signe, pensait-il les dents serrées. 
Les hommes morts, ils furent confrontés aux portes closes, heureusement, entre temps étaient arrivés plusieurs autres groupes d'hommes - qui avaient suivis les ordres - dont un qui étaient chargé d'apporter le bélier. A sa tête, Armand : vêtu de sa plus belle armure et tenant entre ses mains une épée Kelvinoise qui étincelait au soleil. Lorsqu'il vit Abad, il retira son casque -car il portait une armure d'acier complète- et vint à sa rencontre. Maintenant plus près, Abad s'aperçut qu'il avait une arcade sourcilière fendue et son sang s'était mélangé à sa transpiration dégoulinant sur tout son visage.
" Tu es blessé mon ami, fit remarquer Abad en pointant du doigt le visage de son bras droit.
Armand fit une drôle de tête et amena une main à son front, puis il émit un " Ouach ! " réveillant tout à coup une douleur à son paroxysme que l'adrénaline dans son corps avait jusque là mis en veille. Il se reprit :
- Ce n'est rien, je ne m'en étais même pas aperçu. Cette guerre est gagnée Sheik, Kakfon se sentait perdu : il ne nous a opposé aucunes forces, dit-il l'air triomphant.
- C'est bien ce qui m'inquiète, répondit Abad en regardant vers la plus haute tour du château. Allez, occupons nous de cette porte. 
Armand lui lança un regard interrogateur mais acquisa d'un signe de tête, s'inclina et se retira vers le bélier que ses hommes avaient apportés jusqu'au pont levis. Un arbalétrier arma son arbalète et tira sur la poulie qui maintenait le pont levis levé. Au bout du troisième essaie, le carreau fit mouche et la poulie explosa en un cortège de débris de bois. Se fit entendre un bruit de corde qui fuse suivit d'une énorme '' PLAC " et le pont levis fut abaissé. 
Armand et ses hommes déplacèrent le bélier dont la pointe formaient une tête de serpent jusqu'à la porte et se mirent à frapper dessus sans relâche. 
Chaque coup résonnait dans les poitrines, semblables au canon de tout à l'heure. Pourtant toujours aucun armada ne vint, il leur semblait que le château était vide. Au cinquième coup des craquement de plus en plus importants annoncèrent que la porte allait bientôt s'avouer et vaincue. Et au huitième coup, la porte lâcha enfin. Méthodiquement, les hommes entrèrent, se couvrant mutuellement l'un l'autre. Il ne s'agissait plus de foncer dans le tas à présent, mais d'éviter un piège qu'aurait pu tendre Kafkon dans ces murs (on ne savait pas de quoi pouvait être capable un vampire.) D'ailleurs Abad ne délégua qu'un groupe de cinq hommes -dont aucun de Tougr'h- en qui il avait entièrement confiance pour pénétrer dans le chateau : il ne voulait pas prendre le risque de se retrouver bloqué dans un couloir en cas de retraite anticipée. 
 Ils traversèrent pas à pas la cour intérieure, qui avaient semble-t-il était transformée en arène d'entrainement : dans le coin Nord-Est se dressaient plusieurs mires ainsi qu'une dizaine d'arcs et carquois et au Sud s'élevait l’étalage d'armes contenant encore épées, lances et cimeterres. 
" Soit ils sont partis précipitamment, soit ils nous tendent un piège, dit Abad soucieux. 
Ils avancèrent prudemment, formant un arc de cercle, jusqu'à l'escalier qui menait aux coursives. Ils montèrent chacune des marches avec précaution, les premiers posant d'abord le pied à taton, s'assurant que celle-ci n'actionnait aucun piège dissimulé. Depuis les coursives, ils ne pouvaient pas voir Teikoku en contre bas car les remparts, plus hauts, leur cachait la vue. En revanche, ils apercevaient très bien le nuage de fumée noir qui s'étiraient sur les eaux, comme une boule de coton qui s'effiloche. Abad détourna son regard de la mer et pointa le sommet de la tour, c'est là qu'ils allaient. Ils passèrent une porte en bois, avant de traverser un long corridor sombre. A l'intérieur, un silence pesant régnait et les hommes tendaient l'oreille cherchant à capter le moindre son qui les alerterait d'une menace ... mais rien, toujours ce même silence. Seul le bruit de leurs propres pas tonnant sur la pierre, se répercutait en écho dans la grande pièce. Sur les murs étaient étaient alignés des armures complètes en vogue au siècle dernier ainsi que plusieurs portraits d'hommes et de femmes, d'enfants posant sur les genoux de leurs parents et de nourrissons logés dans leurs bras. Aucun des hommes n'avançaient avec véhémence à présent comme ils avaient pu le faire sur le champ de bataille. Désormais ils tenaient fébrilement leurs épées, s'attendant à voir surgir d'un instant à l'autre un vampire qui aurait pris l'apparence d'une énorme chauve souris sanguinaire d'un coin sombre de la pièce. Aucun d'entre eux n'avaient jamais vu un vampire, et même Abad était paré à cette éventualité. 
Cependant aucune chauve souris ne vint pointer le bout de ses crocs. Au terme du corridor, ils ouvrirent une porte et s’engouffrèrent dans l'escalier en colimaçon montant vers le sommet de la tour, non content de quitter un espace vaste et large pour cette cage d'escalier serré et étouffante. C'était ici qu'ils étaient le plus vulnérable, c'est pourquoi ils décidèrent de grimper en adoptant une position dos-à-dos qui leurs permettrait de surveiller à la fois ce qui venait de devant mais aussi ce qui pouvait remonter derrière eux. Ils mirent longtemps à arriver au sommet de l'escalier : leur stratégie était sure mais ne leur permettait pas d'avancer vite. Toutefois aucun obstacle ne vint perturber leur ascension jusqu'à ce qu'un des hommes -Ajae- glisse sur une marche et faillit les emporter tous dans sa chute. Abad le retint par le col puis lui fit signe de faire plus attention quand un détail lui sauta aux yeux : les marches étaient recouvertes d'un sang visquex.
" Bons dieux, c'est dans ça que j'ai glissé ! lacha Ajae en étouffant un cri. 
Abad lui fit signe de se la fermer et, cobra pointé devant lui, il remonta des yeux les traces de sang : elles semblaient du pas de la porte en métal qui clôturait l’escalier. Abad avança prudemment, faisant aux autres signes de rester en contre bas. Le pas de la porte était recouverte de sang, et ne pouvant être absorbé en aussi grand quantité par la pierre d'un noir de jais, celui-ci avait continué sa course le long de l'escalier. 
Il restait à savoir une chose : Que se trouvait-il derrière cette porte ? 

*

Abad se tenait l'épaule plaquée contre la porte en bois massif faisant face à deux de ses hommes se tenant encore dans la cage d'escaliers, les trois autres étaient de dos et cachés par la colonne centrale, surveillant leurs arrières. En tendant l'oreille Abad avaient entendu comme un murmure presque inaudible -mais pas pour ses sens de demi-sang- de l'autre côté de la porte. Peut-être étais-ce Kafkon, il fallait agir vite. Il rangea Cobra dans son dos et dégaina son coutelas en argent qu'il portait à la ceinture, se tenant prêt à affronter le vampire en mettant toutes les chances de son côté. Il respira un grand coup et quand il se sentit prêt il lança un signe de tête vers la porte et les deux autres hochèrent la tête avant de répéter le signe à leurs camarades qui ne pouvaient le voir, tout cela sans un mot. Puis Abad articula un "1" sur ses lèvres suivit d'un "2" et à trois il donna un violent coup d'épaule dans la porte qui pivote sur elle-même sans résistance : elle était ouverte depuis le début. Son odorat fut plus réceptif que sa vue : une odeur se sang frais, de métal, accompagné d'excrément humains s'incrusta dans ses narines. Instinctivement il apporta une main pour couvrir son nez. Mais l'odeur n'était rien comparé à l'horreur qu'il découvrit après coup. Abad sentit ses cheveux s'hérisser sur sa nuque, ses pupilles se dilatèrent et son corps fut parcourus d'une chair de poule douloureuse, piquante. Prit d'une terreur sans nom, et refoulant un haut le coeur, il fut contraint de tourner tourner la tête. Ses hommes se précipitèrent sur le pas de porte et furent envahi du même effroi. Ajae alla vomir dans un coin de la pièce. 
Difficilement Abad, releva les yeux vers le tableau immonde qui s'offrait à lui : 
Ils avaient débouché dans ce qui semblait être l'antichambre de Kafkon, transformée à présent en salle de torture. Tous les murs de la pièces étaient imprégnés de sang, aucun meuble, aucun objet n'avait été épargné : tout baigné dans un rouge, noir poisseux. Devant eux se tenait un bureau, sur lequelle était posé une tête pétrifiée dans une rigidité cadavérique qui en disait long sur les souffrances que le pauvre homme avait du endurer : ses yeux étaient grands ouverts dans ce qui semblait être un mélange de surprise et de douleur soudaine. Sa mâchoire elle était tournée dans un angle horrible à voir. Au dessus de lui pendait des boyaux humains, et au pied du bureau reposait ce qui restait de son corps : un amas de chair en charpie dont on ne reconnaissait plus rien. A coté, baignant dans une quantité de sans qu'Abad n'aurait jamais cru imaginé possible, se découpait dans le sang carminé des ossements d'un blanc luisant qui formaient la missive :

« C’est pour toi, quand je te retrouverai, Franco le traitre »


Abad fit un pas en arrière quand soudain il entendu un bruit derrière lui. Il se retourna d'un coup en poussant un cri et pointant son coutelas devant lui. A ses pieds se tenaient un homme, assit, les genoux rabattu sur sa poitrine, se balançant d'avant en arrière. Il avait été tellement obnubilée par cette scène macabre qu'il ne l'avait même pas aperçu. Les gémissement qu'il avait entendu sur le pas de la porte provenait de lui car il était saisit de violents sanglots . Bizarrement et contrairement à tout ce qui se trouvait dans la pièce, il n'avait pas été taché de sang. Il portait une armure militaire de cuir bouillie, surplombé d'une côte de maille de bonne manufacture. A ses côtés était posé son épée, une rapière de fer surplombée d'une garde en or et émeraude. Cet homme était-il Kafkon ? En tout cas il appartenait à une haute instance de la guerre, sergent, capitaine au moins.
" Qui es-tu ? demanda-t-il lorsqu'il fut arrivé à son niveau.
L'homme ne répondit pas, toujours épris de spasmes qui l’empêchaient de parler. Il émettait des couinements et était pris de crise de tics épouvantables, lui faisant fermer et ouvrir les paupière plusieurs ou tourner la tête violemment sur le côté à s'en briser les cervicales. 
Abad déglutit, et chercha le soutient de ses hommes. Il ne trouva dans leurs yeux que de l'incompréhension :
- Es-tu Kafkon Samuel ? 
A ces mots, l'homme émit un couinement. Et plaque ses mains contre sa bouche. 
- Répond ! " lança Abad qui ne parvint plus à se contenir. 
L'homme gardait impétueusement ses mains plaquées contre ses lèvres, toujours pris de spasmes, incapable de répondre, lançant des regards interdits. 
Abad leva un peu les yeux et repéra le grand volet fermé qui se situait au dessus de lui.  Il ne reste qu'un seul moyen. 
Il s'approcha lentement de l'ouverture, sa lame toujours pointée sur ce mystérieux homme muet puis d'un coup sec il poussa les volets grands ouverts. Une vague de lumière envahit la pièce, si bien que tous les hommes plissèrent les yeux pour se protéger des rayons du soleil qui aveuglaient. Abad lui gardait les yeux bien ouverts, il voulait voir ce qui allait se produire ... mais rien. 

Soudain Abad sentit une boule de feu prendre vie dans son estomac et remonter dans sa gorge. Il avait envie de tout détruire dans la pièce, de laisser aller sa rage à une folie dévastatrice. Il lutta de toutes ses forces pour ranger son coutelas dans le calme et dire à ses hommes d'aller trouver Armand afin de former une équipe qui partirait à la recherche de Kafkon, dans l'heure. " Et ... dîtes lui qu'il a l'entier commandement jusqu'à nouvel ordre " il jeta un coup d’œil vers l'homme accroupi toujours dans la même position avant de porte une main à sa tempe : " Et mettait moi cette homme au fer. " Les yeux écarquillés, se lançant mutuellement des regards interrogateurs, ils  acquiescèrent tout de même  d'un signe de tête suivit d'une révérence et descendirent quatre à quatre les escaliers qui les avaient menés jusqu'ici, encerclant l'homme qui s'était laissé cueillir avec facilité.  Abad  s'approcha du bureau et s'assit, faisant du mieux qu'il pouvait pour ignorer la tête tranchée qui trônait dans le coin droit. Maintenant que toute la pression accumulée était retombée d'un coup il se sentait extrêmement fatigué.  Il sentit des larmes brûlantes lui monter aux yeux : cette guerre était un fiasco, alimentée uniquement par son égo. Combien de vies innocentes avaient été prises aujourd'hui pour dénicher un Kafkon qui s'avérait introuvable ? Il avait perdu deux de ses navires et avec des dizaines d'hommes et comble de toute avait du s'allier avec un pirate. " Tout ça pour rien " pensait-t-il, " rien ! " Il prononça ce dernier mot tout haut et envoya valser la tête d'un revers de main avant d'enfouir son visage dans ses mains. Il dut s'endormir car lorsqu'il rouvrit les yeux Péri se tenait au centre de la pièce. Il se redressa doucement sur son siège. Elle le regardait d'un regard triste mais soulagé. Elle semblait ne pas voir tout l'horreur qui se trouvait autour d'eux. Abad lui s'y était presque habitué. Puis il se leva et vint à sa rencontre. Il posa une main sur son bras hésitant, puis elle lui murmura : 
" Abad, nous avons compté nos hommes et ..." 
Sa voix s'enreilla, quelque chose n'allait pas. 
" Fayro ... Mon frère a .. disparu. " 
Elle prononça le dernier mot dans un sanglot et Abad la serra dans ses bras. Il aurait pleuré lui aussi mais il ravala ses larmes. Il devait se montrer fort, car c'était sa Reine qu'il enlaçait. Car maintenant il était Roi.


*

D'ici, sur ce qui lui paraissait être le toit du monde, il se sentait tout-puissant, inatteignable. Il pensa que Péri, elle voyait le monde de la sorte lorsqu'elle planait au dessus de lui. Il l'enviait. Ils étaient monté sur la terrasse à laquelle on accédait par un escalier de pierre logeait derrière le bureau de Kafkon. La tête de Péri posée sur son épaule, Abad scruptait en contrebas Teikoku qu'il apercevait -contrairement aux coursives- parfaitement. 
La hauteur donnait aux perceptions une mesure qu'il n'avait pas eu depuis le champ de bataille : d'ici les dégâts paraissaient beaucoup moins importants. Seulement les remparts et le port avaient été complètement détruits par les tirs de canon de l'Alvaro. Le reste de la ville était resté presque intacte. Le choix des guerriers de Kafkon de n'émettre quasi-aucunes résistances était sage. 
Quant aux pertes humaines, elles seraient très bientôt à estimer, lorsqu'il redescendrait mais ici il était parmi les nuages, il n'était plus vraiment à Teikoku, il n'était même plus au Nouveau Monde, il était dans son monde. Dans leur monde. Et tout pouvait attendre une minute de plus. Il serra la main de Péri. 
" Les dieux ont été cléments. Ils nous ont accordé la victoire mais m'ont enlevé mon frère pour mon impétuosité. "
Ses yeux étaient encore rouges des sanglots qu'elle avait versé tout à l'heure et sous ses yeux résidaient deux traces d'un rose pale qu'avaient lavé ses larmes dans la crasse de son visage. 
Elle avait pleuré une bonne demi heure dans ses bras avant qu'elle ne puisse bouger et n'avait cessé de répéter cette même phrase qu'Abad entendait pour la dixième fois "... pour mon impétuosité."
" Péri, tu sais, à cet instant les Dieux nous envient. 
Elle ne répondit pas. Au loin vers l'horizon, il vit s'éloigner les navires de Franco. Une dizaine. Il esquissa un sourire. 
- Ils nous envient car nous sommes mortels, continua-t-il scrutant toujours l'horizon, tout en caressant les ailes de Péri dont le visage s'était un peu plus enfoncé dans le creux de son cou.
- Car chaque moment pourrait être le dernier. 
Il sentit des larmes chaudes couler contre sa peau. Il ramena une main sur ses cheveux. 
- Car nous ne serons plus jamais ici à nouveau. 
Il repoussa sa tête en arrière et des ses pouces il essuya les larmes qui perlaient de ses cils fermés contre sa joue.
- Et tu ne seras jamais plus belle que tu ne l'es à l'instant, dit-il avant de poser un baiser sur son front. 

Elle ouvrit les yeux. 

Spoiler:
Mer 23 Aoû 2017 - 2:52
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Le Pygargue
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Age : 47
Localisation : En route pour la Citadelle de gel
Fils de Kafkon Samuel
Le Pygargue
Et qui pourrait dire ce corps
Sinon moi, son chantre et son prêtre,
Et son esclave humble et son maître
Qui s'en damnerait sans remords,

P.V



La quiétude des bois bleus paisibles autour de lui jurait avec le vacarme ambiant qui émanait de Teikoku. La bataille était-elle finie ? La guerre gagnée ? Perdue ? Il n'en savait rien. Il entendait au loin les piaillements de ces indigènes ailés, les Gyrkimes. Leurs cris de guerre. Leurs craillements. Leurs hulotement et leur chant de strix. Le bombardement qui avait eu lieu plut tôt -quand exactement ? il ne le savait pas !- l'avait rendu sourd, dans un premier temps puisque, lorsque ses oreilles se furent débouchées, il avait rendu du sang. Le Cheikh était-il en déroute ? De là où il était, il ne voyait rien et ne savait rien. Les pirates -qui d'autres ?- avaient apparemment tiré une bordée. Sur la caravelle qu'il commandait. Puis sur Ram, avait-il songé au début. Mais non. C'étaient les murailles de la ville qui avaient été visées. Il les avait entendu s'écrouler. On changeait donc d'ennemis comme de chemise ?
De là où il se trouvait, il ne voyait rien mais entendait tout. Meme loin, comme dans un rêve. Les événements le dépassaient.

Et pour cause. Il était en train de mourir.

Le Pygargue trouva la force de porter une main tremblante, mouillée et tâchée de sang à son flanc. Il perdait le sang par le côté, là ou la Teikokujin l'avait poignardée. Il n'avait pas besoin de tourner la tête pour constater l'ampleur des dégâts. Son bras n'avait pas failli ! La blessure qui lorgnait son épaule, faute de malchance, s'était rouverte et suppurait, à présent. Un mélange hideux de sang, d'eau et de pus. Une blessure mal soignée pouvait être fatale à n'importe qui, même au meilleur des élèves de Prarag. Mais surtout, les éclats provoqués par le bombardement des murailles avaient voltigé partout ! Le bois bleu de Teikoku, fauché par les boulets de canon des pirates - Franco ?- s'était brisé en des milliers de morceaux comme les murs croulaient. Le Pygargue vint serrer de ses doigts fiévreux l'éclat de bois qui, devenu aussi aiguisé qu'une lame grace au bombardement, l'avait percé de part en part. Le coeur et les poumons n'avaient pas été perforés, mais il n'en demeurait pas moins qu'il allait mourir. L'éclat de bois, long de plus de dix pouces, perçait son thorax de part en part.

Allongé sur le dos, Le Pygargue attendait la mort depuis plusieurs minutes maintenant. Le temps lui semblait interminable. Les Dieux semblaient décidés à le châtier, songea-t-il dans un dernier élan de lucidité. Il sentit un filet de sang s'échapper du coin de sa bouche. C'est terminé.

Allongé dans l'herbe bleue du nouveau monde, au milieu des grands arbres silencieux, au milieu d'un silence qui n'en était pas un, le Pygargue songea qu'il était temps de dresser le bilan de son existence. Il n'avait pas réussi à gagner un nom honorable aux yeux de l'Empire. Il avait tenté de servir Ram de son mieux. Avait-il réussi ou échoué ? Une seule personne était capable de répondre, désormais. Et cette personne c'était...

Pourquoi les dieux le haïssaient-ils ? La belle Phadria n'avait-elle point prié pour lui, avant la bataille ? Atÿe n'était-elle pas censé regarder en sa direction ? On l'avait trompé. Ou il s'était trompé. En fait, il ne savait même pas. Accuser les Dieux de leurs propres fautes avait toujours été un passe-temps digne des mortels. Il ne voulait pas que sa dernière pensée soit un blasphème. Son erreur ? Il n'avait pas été assez bon, simplement. Il n'était ni Impérial, ni Ramien, et son veuvage l'avait perdu.

La douleur était insupportable. Il pria, rapidement, Canergën que tout cela prenne fin. Il avait l'impression que son agonie durait des jours ! Il ne se souvenait même plus comment il avait échoué ici, à des centaines de mètres du fort et des murailles. Avait-il effectué toute cette distance un pieu de bois dans le thorax ? Ou le bombardement avait-il été si violent que les copeaux avaient été projetés jusqu'ici ? De toutes façons, qu'est-ce qu'il foutait sous les frondaisons quand la bataille se déroulait dans la ville ?

Petit à petit, sa vision se brouilla et le son lui parut encore plus lointain et destructuré. Que penserait Palomar quand le maître Hikhesh rentrerait ? Rentrerait-il un jour ? Avait-il survécu au bombardement ? Le Pygargue fut tout juste conscient de l'ampleur de la peine que ressentirait son amant ! Il se félicita d'avoir écouter les conseils de Phadria et d'avoir su tenir le garçon loin du champ de bataille. Palomar était un homme, sans doute, mais bien trop jeune pour avoir à subir les affres de la guerre.

Et celui du deuil ?


Palomar, pardonne-moi...

Il tourna la tête, hagard, entendant du bruit derrière lui. Cet effort lui causa une telle douleur qu'il pensa s'évanouir et mourir immédiatement. Enfin cela est ridicule ! Ca fait une éternité que je meurs sans mourir ! Il remarqua au travers le sang qui lui maculait le visage une silhouette, à deux pas de lui, dissimulée sous ce qui paraissait être une capuche sombre. Le Pygargue ne distingua pas d'ailes et conclut qu'il devait s'agir soit d'un Ramien, soit d'un Teikokujin. Il voyait mal. Il tenta de s'arc-bouter en arrière, et se dandina de manière à voir mieux. Ses paupières, lourdes, si lourdes, qui étaient en train de s'éteindre se rouvrirent. Palomar. Il voulait tout tenter pour revoir le garçon ! Un ultime et dernier effort, qu'est-ce que c'était à côté d'une chaleureuse étreinte ? Il avait la possibilité de mourir dans les bras de l'homme qu'il aimait.

Le sang qui emplissait sa bouche transforma dans un premier temps les mots qu'il cherchait en une sorte de gargouillis incompréhensible. Mais il ne se découragea pas, et bientôt parut capter l'attention de l'homme qui traversait la forêt !

« ...Ai..ez...oi...

Il serra les doigts autour du pieu de bois qui le perforait, à s'en faire blanchir les phalanges. Deux yeux rouges -il n'en était pas sur. Peut-être était-ce l'avancée de son état critique qui le faisait halluciner- se tournèrent vers lui. La douleur l'affligeait !

- il..vou..plait..ai..dez..oi...peux..as..ou..rir.

Il sentit alors la main d'Elis se poser sur lui. Il n'eut le temps que pour un dernier mot.

- ...alomar. »

Alors tout devint noir.
Sam 26 Aoû 2017 - 12:52
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