L’elfe noire était attachée par de solides chaines au fond de sa cellule. Helvoran venait de se nourrir sur elle, sans la ménager, aussi semblait-elle encore un peu sonnée par tout le sang qui lui avait été pompé, et la violence de l’action. Cela ne ressemblait pas à l’elfe devenu vampire. Peut-être avait gardé un ressenti contre les elfes noirs.
Sur la chaine qui la retenait brillaient des runes de protection par dizaine. Qu’on essaye de la détacher par un autre moyen qu’en ayant la clé de ladite chaine, et il paraissait évident que des attaches magiques par dizaines se déclencheraient. Peut-être la pièce serait-elle carbonisée, inondée, peut-être n’y aurait-il plus d’air… Impossible à dire sans vraiment connaitre l’art des runes.
La porte s’ouvrit en silence, parfaitement huilée. Il était heureux que la cave de cette maison compte plusieurs salles, on pouvait y enfermer les réserves de sang individuellement comme l’elfe noire, ou en groupe, comme les autres. Il allait falloir faire vite. Si Helvoran et Manuela terminaient vite leur « dîner d’affaires », il y avait fort à parier que les serviteurs ramèneraient rapidement l’amazone qui servait de nourriture à Manuela, et on verrait donc bien qu’il y avait deux personnes dans cette cellule.
L’elfe noire ne mit pas longtemps à remarquer que quelqu’un était entré, mais sous les vêtements et le masque qui recouvraient l’intrus, elle ne pourrait reconnaitre personne, pas même un sexe quelconque. Ainsi, si Helvoran cherchait à la faire parler, il n’aurait aucun moyen d’identifier la personne qui était venue lui rendre une visite.
Malgré le regard haineux que lui jetait l’elfe noire, l’intrus restait calme, et se contenta de la dévisager. Elle restait belle, malgré sa captivité. Car même si les vampires, afin de s’assurer que leur nourriture soit toujours abondante, prenaient soin de ces dernières, personne n’appréciait de régulièrement se faire sucer le sang. Ses cheveux d’un noir de jais encadraient un visage bien formés orné de deux étranges yeux argentés.
Pour le reste, elle portait sa robe de sorcière, robe cradifiée par des semaines entières à être portée sans changer de vêtements. Mais cela par contre, les vampires ne s’en souciaient pas.
L’elfe noire ne parlait pas. Sans doute n’avait-elle pas envie de parler à une personnes des races inférieures. Peut-être avait-elle peur. Peut-être ressentait-elle trop de haine à l’égard de cet intrus pour lui adresser la parole. Toutes les combinaisons étaient possibles.
Restait à savoir qui était cette elfe noire. L’intrus avait envoyé à sa maitresse une missive. Nul doute que ladite missive passerait cependant entre les mains de l’allié de sa maitresse avant. Mais l’intrus s’était arrangé pour que les informations qui y étaient données ne soient pas d’une importance assez grande pour que la missive soit arrêtée. Bien, l’intrus saurait le nom de cette elfe noire, et aussi ce qu’il convenait d’en faire.
En outre, si l’allié de sa maitresse avait fait savoir la colère qu’il ressentait à l’égard de sa trahison, il avait cependant fait savoir qu’il lui pardonnerait pour cette fois. Dans les Cités-Etats, il aurait bien d’autres espions, et il ne voyait pas d’inconvénient à ce que sa maitresse ne passe plus par son intermédiaire. Car de toute façon, il aurait des informations plus fiables et plus rapides. En revanche, il n’était pas impossible que l’allié de sa maitresse fasse de nouveau appel à l’intrus, et cette fois-ci, il se montrerait beaucoup moins clément à l’égard d’un échec ou d’un refus dans la mission.
Peut-être l’intrus recevrait-il pour ordre de tuer l’elfette, peut-être de la libérer, peut-être de ne rien faire. En attendant, il pouvait toujours aller parler à l’elfe noire, car il n’aurait plus d’autres occasions de le faire avant longtemps.
Pourquoi avoir choisi de lui parler ? Car l’intrus était curieux de savoir ce qu’il en était de cette elfe noire qui s’était crue assez puissante pour défier Helvoran. Elle devait certainement cacher un secret intéressant, un secret important. Sans doute était-elle une personnalité importante de la société elfe noire. Dans les deux cas si l’intrus pouvait savoir ce qu’il en était sans avoir à le demander à sa maitresse, ce serait tout à son avantage, car il pourrait garder ce secret. Oui vraiment, aller lui parler était un risque tout à fait calculé.

L’intrus prit une voix rauque et déformée afin qu’il soit impossible de percer, même avec le simple son de sa voix, le secret de son identité. L’elfe noire ne saurait même pas si elle avait affaire à un homme à une femme au simple son de sa voix.
« Votre reine Driruita sera intéressée de vous savoir ici, dit l’intrus. J’ai cru comprendre qu’elle vous pensait morte. »
C’était cela de dit. Restait à guetter la réaction de l’elfe noire.

« Que savez-vous de ma reine ? cracha l’elfe noire. »


A chaque fois que l’intrus avait affaire à des elfes noirs, il était frappé par leur orgueil. Il était vrai que ces derniers étaient fiers à un point qui les mettait eux-mêmes en danger. C’est ainsi qu’était leur race après tout.
Et celle-là ne faisait pas exception. Même dans sa position, clairement une position d’infériorité en tous points, elle se permettait d’être agressive avec la personne qui allait peut-être la sauver. Maintenant, l’intrus pourrait tout à fait bien être blessé et décider de s’en aller, laissant la magicienne à son sort. Enfin, ce serait le cas s’il n’y avait pas la lettre partie trouver Driruita, la reine des elfes noirs. Maintenant, l’intrus était lié par la réponse que la reine y porterait, quelle misère…
Mais l’intrus se reconcentra vite sur la réponse à donner à l’elfe noire. Il était tout simplement hors de question de lui dire tout ce qu’il savait. D’un autre côté, lui mentir ne servirait à rien. Si ce que lui avait dit la reine alors qu’ils s’étaient parlés dans les vampires étaient encore dans les Montagnes étaient vrai, alors, en mentant à cette elfe, l’intrus avait plus de chances de se faire prendre au piège que de prendre l’elfette au piège. Et ce n’était pas ce qu’il voulait. D’un autre côté, il ne voulait pas prendre l’elfe au piège. Il était simplement curieux de l’interprétation qu’il ferait des ordres de la reine.
Passé donc la décision de ne pas lui mentir, restait à choisir ce qu’il allait lui dire. Certainement pas comment était-il entré au service de sa reine en tout cas. Ni quoi que ce soit en rapport avec les services qu’il lui rendait. En fait, il était même assez rapide de faire le tri. Tout ce que l’intrus pouvait dire sur la reine, c’était qu’il savait son nom, et qu’il en savait assez pour l’avoir prévenue de sa présence ici.

« Je sais qui elle est, et je ne cherche pas à en savoir plus, ce serait très imprudent de ma part, répondit-il, toujours avec sa voix déformée. En revanche, ce qui peut sans doute vous intéresser, c’est que j’en sais assez pour lui avoir signalé votre présence ici. Reste à savoir à combien va-t-elle estimer votre vie… »

« Ma reine n’est pas stupide pour sacrifier l’une de ses plus précieuses conseillères. »

Mais toi tu es assez stupide pour me confier ton rang alors que je pourrais bien ne rien savoir de plus, eut envie de répondre l’intrus, mais il plaça ça sur le compte du délire. Cette prisonnière était une elfe noire, et elle n’était certainement pas assez stupide pour faire cela, du moins quand elle était dans son état normal. A moins qu’elle ne prépare un mauvais coup, qu’elle ne cherche à le manipuler pour avoir de plus amples informations que ce que l’intrus souhaitait réellement lui dire. Oui, vraiment, cela devait être la dernière solution.
L’intrus alla chercher une chaise qui trainait dans la cellule, plaça son dossier face à l’elfe, et s’assis dessus, s’appuyant nonchalamment sur le dossier. Il l’encadra de ses deux jambes. Tout en faisant cela, il réfléchissait à ce qu’il convenait de répondre. A voir le regard qu’elle lui lançait, il était clair qu’elle n’avait pas apprécié sa dernière réplique. Mais elle était en très claire position d’infériorité, encore une fois. L’intrus ne sentait pas intimidé pour deux sous. Et dans le pire des cas, quand bien même le serait-il, il n’aurait qu’à aller signaler à n’importe quel vampire que l’elfe noire l’avait attaqué pour qu’elle regrette son action. Non, vraiment, il n’y avait pas besoin d’avoir peur. L’intrus sentit même sa curiosité se faire remplacer par une envie de narguer l’elfette.
Envie que l’intru fit aussitôt passer. Il n’était pas là pour se faire une ennemie. Puis sa réflexion passa par tous les stades habituels de tri. Tant pis s’il prenait son temps pour répondre, il était face à une elfe noire, experte en manipulation et en politique. Il ne fallait pas relâcher sa garder. Et finalement, il choisit ce qu’il convenait selon lui de dire.

« Sacrifier l’une de ses plus précieuses conseillères ? Non, bien sûr que non, dit-il. Je suis sûr qu’elle appellerait ça … faire taire une traitresse potentielle. Après tout, n’importe a des limites, il suffit de les trouver. Mais je ne suis pas ici pour parler de ça. Admettons que votre reine décide de vous faire taire. Vous savez comme moi que trahir la reine des elfes noirs est risqué. Convainquez-moi donc que j’aurais plus d’intérêt à vous laisser en vie qu’à obéir à ses ordres. »

La question n’étonnerait certainement pas la prisonnière. Si elle était une elfe noire intelligente, alors ce genre de choses était monnaie courante chez elle. Epargner un ennemi pour s’en faire un allié. Un classique en politique. Que disait le vieux dicton déjà, celui que la reine en personne lui avait enseigné… Ah oui. La reine Driruita lui avait dit « Garde-toi d’infliger toutes les injures que tu peux à un elfe noir, car il peut un jour devenir ton allié. Ou bien alors, tue-le directement. »

« J’ai foi en ma reine. »

Une réponse qui, sous son apparence simple, était en réalité surprenante et complexe. L’intrus accusa quelques instants le choc, puis se mit à réfléchir. Entendre une elfe noire professer sa loyauté n’était pas en soi une chose rare. C’était plutôt entendre ceux de cette race être effectivement loyaux en toutes circonstances qui l’était. Et ici, restait à savoir si elle avait plutôt intérêt à être loyale ou déloyale à sa parole donnée.
A moins que ce ne soit un piège pour le tester lui. L’intrus se mit aussitôt à ce qu’il convenait de réfléchir dans ce cas. Si la reine Driruita ordonnait l’évasion de cette elfe, son comportement lui serait très certainement rapporté, à n’en pas douter. Aussi, s’il s’affirmait ouvertement déloyal à la reine Driruita, il ferait une croix sur son avenir au sein des elfes noirs, mais aussi au sein des Poignards d’Argent. Et là, la seule solution serait d’être dans les bonnes grâces de Manuela, mais l’intrus n’aimait pas cette idée. Il n’aimait pas Manuela Felicia. Peut-être devrait-il alors partir, pour fonder sa propre organisation. Mais ainsi isolé, il ne tiendrait pas longtemps… Non vraiment, la protection de la reine Driruita était la seule chance de l’intrus.
Ce qui amenait logiquement à la réponse qu’il allait devoir donner. Si cette elfe noire projetait secrètement de trahir Driruita, il était risqué de clamer sa loyauté haut et fort. Si elle projetait de lui être encore loyale pour les temps à venir, il était risqué de s’affirmer déloyal. Aussi, il fallait donner la réponse la plus neutre possible, et elle vint aisément aux lèvres de l’intrus.

« Nous avons tous foi en elle. »

Une réponse au double sens des plus sympathiques, jugeait l’intrus. D’un côté, elle clamait sa loyauté envers Driruita, mais de l’autre, il était possible de l’interpréter tout à fait différemment. Tout elfe noir clame haut et fort avoir foi en sa reine. Mais qui sont les elfes noirs qui ont réellement foi en elle, et qui ne convoitent pas son trône, qui n’ont pas pour projet de s’en emparer dès que possible ?
Driruita allait mourir jeune, ce n’était un secret pour personne. L’espérance de vie des souverains elfes noirs étant très courte. Et sans aucun doute mourrait-elle de la main de quelqu’un qui, quelques instants à peine avant de lui porter le coup fatal, clamerait encore qu’il lui était loyal et dévoué, qu’il avait foi en elle, et qu’il la suivrait aveuglément partout où elle irait.
L’intrus réalisa alors qu’il avait passé beaucoup de temps dans la cellule de l’elfe. Il entendit des pas dans le couloir. Trop tard pour sortir. Il referma doucement la porte, sans que personne ne puisse l’entendre, et se cacha juste à ses pieds, à plat ventre contre le sol afin qu’on ne puisse pas le voir si on regardait par le judas de la porte. Il put entendre une cellule voisine s’ouvrir. Qui était dans celle-là, réfléchit l’intrus. Ah oui ! L’amazone de compagnie de Manuela. Cela voulait dire que celui qui l’amenait était un domestique ou bien alors Helvoran en personne. La deuxième option fut vérifiée quand l’intrus entendit clairement la voix de ce dernier parler à l’amazone. Quelques bruits lui parvinrent, comme si elle essayait de s’enfuir, puis le bruit d’Helvoran qui quittait la cellule voisine, et remontait l’escalier menant à la maison et sortant de la cave, qui contenait les geôles.
L’intrus ne put s’empêcher de laisser s’échapper un soupir de soulagement. Un seul mot de Cinder, et il était pris en train de discuter avec lui. Il aurait pu s’en sortir face à Helvoran, qu’il connaissait bien après tout, mais doutait de le convaincre entièrement, à moins qu’il ne fut plus naïf encore que l’intrus ne le croyait. Toutefois, une question brûlait les lèvres de l’intrus.

« Pourquoi ne pas lui avoir dit qu’il y avait quelqu’un dans votre cellule ? »

A cela, il ne pouvait y avoir qu’une seule réponse. Cette elfe souhaitait le maintenir en vie, pour l’utiliser plus tard. Mais pour faire quoi, telle était la question.

« Vous devez pourtant savoir que je ne vous libérerais que sur ordre de la reine en personne. Est-ce donc que votre confiance en elle est si grande que vous la croyez capable de m’ordonner de vous sortir d’ici ? »

L’intrus sourit.

« Ne vous en faites pas, Helvoran ne reviendra pas, je le connais bien mieux que vous, et il a autre chose à faire pour l’instant. Quant à regarder mon courrier… Ma chère, je n’ai pas les moyens de communication dont disposent les elfes noirs, moi. Je lui ai envoyé une lettre écrite, qui ira jusqu’à un autre contact dans une Cité à une petite semaine d’ici, et là seulement la lettre sera envoyé magiquement. Comptez plusieurs semaines avant que la réponse ne me parvienne, en d’autres termes. »

L’intrus réfléchit. Quand la lettre viendrait, si la reine exigeait, ce qui était presque certain, de lui qu’il libère cette elfe, il devrait se dévoiler à Manuela et à elle. A l’elfe pour des raisons évidentes, à Manuela parce qu’elle avait déjà des doutes sur sa loyauté, et parce qu’elle le soupçonnerait avant tous les autres si l’elfe venait à s’évader.
En conséquence, l’intrus se demandait s’il ne valait pas mieux tomber le masque dès maintenant. Cela mettrait l’elfe noire au fait de ce qu’il était réellement, aussi ne ferait-elle pas de remarque s’il devait venir un soir à l’improviste dans sa cellule pour la faire sortir. Il ne serait pas agréable, en effet, de se voir accueillir à grands renforts de flammes lorsqu’il la détacherait. Si tant était que la reine ordonne sa libération, mais l’intrus n’allait pas se mêler de deviner les pensées intimes de Driruita.

« Bien, je crois qu’il est à présent temps de tomber le masque, dit-il. Je n’aimerais pas que vous m’attaquiez par erreur si je devais venir vous libérer, vous comprendrez aisément pourquoi, je l’espère. Et non, il ne s’agit pas là d’un piège pour vous mettre en confiance, sinon vous vous doutez bien que je n’aurais pas joué toute cette comédie… »

Lentement, presque théâtralement, l’intrus retira son masque, et les vêtements bouffants qui dissimulaient ses formes féminines. Elle secoua la tête, faisant voler autour d’elle sa chevelure noire mêlée de mèches teintées en rouge, pour relever les yeux vers l’elfe. Arphénise Quedame passa sa langue sur ses dents, montrant bien que deux d’entre elles étaient trop développées pour laisser un doute sur sa nature vampirique.
Elle était entrée au service de Driruita il y avait quelques mois, contactée par un agent elfe noir. A l’époque, elle était au service de Karloz Mazeria. Elle n’avait qu’à moitié trahi son maitre en passant au service de Driruita, car cette dernière était son alliée. Même si elle avait cru entendre que Driruita et Karloz avaient ouvert une certaine guerre froide. Mais son voyage ici avait été motivée par une lettre de Karloz. Elle l’ouvrit à cet instant, car ce qui était fait était fait, et elle ne se souciait que peu de savoir ce saurait l’elfe de la lettre.
En effet, après s’être apperçue que l’élu de Simialle s’intéressait vraisemblablement toujours à elle, elle avait voulu savoir ce qu’il en était de l’élue de Silir, en tentant d’en apprendre pas le biais de l’une de ses plus fidèles conseillères.
Et la lettre était claire : « Fais tout ce que Driruita te dira pour l’instant. Mais n’oublie pas que je reste ton maitre. Je pourrais faire appel à toi très bientôt. Karloz Mazeria. » Très vite, Arphénise la chiffonna et la fourra dans une poche intérieure de sa robe. Elle pouvait soit dénoncer Karloz, soit lui rester fidèle et changer à nouveau de camp. Tout dépendait à présent de ce que l’elfe noire allait lui dire.

« Dites-moi, dit-elle en prenant sa voix naturelle… Comment Driruita récompense-t-elle ses plus fidèles servantes ? »

Elle savait déjà la récompense que pouvait lui donner Karloz. Sa loyauté allait s’acheter, ici et maintenant. Mais en tous les cas, plus jamais elle, Arphénise Quedame, ne servirait Manuela.

Arphénise sourit. Cette elfe savait cacher ses véritables pensées, et pour un peu, la nécromancienne aurait pu la croire sérieuse. Mais elle connaissait ce petit jeu, après tout, elle était de trois siècles l’ainée de l’elfe. Toujours promettre la gloire, la fortune, le pouvoir, le confort, le plaisir, parfois tout à la fois. C’était le réflexe de tout le monde. Et Karloz Mazeria lui avait promis la même chose, après tout. Les offres se valaient donc à ses yeux.

A ceci près que Karloz Mazeria était un humain, et que Driruita était une elfe noire. Pour rejoindre cette dernière, Arphénise avait conscience qu’elle devrait donc subir les railleries continuelles de ses semblables. Après tout, elle n’était qu’une vampire, elle. Une femme issue d’une sous-race. Jamais elle ne serait l’égale des elfes noirs, alors même qu’elle était supérieure à bon nombre d’entre eux, sur le plan physique et sur le plan magique. Karloz d’un autre côté la traiterait sans mépris à cause de sa race. Il saurait même la complimenter pour ses capacités, et d’une façon plus sincère, si tant était que ce mot puisse s’appliquer à lui, que Driruita ne le ferait jamais.

Elle avait gardé pendant toute cette réflexion un visage inexpressif. Elle aussi savait dissimuler ses véritables sentiments après tout. Elle ramassa ses affaires, puis ouvrit la porte.

« L’heure est venue de nous quitter, dit-elle en souriant. Je suis certaine que nous nous reverrons très bientôt. Et cela finira mal ou bien pour vous, nous verrons à ce moment-là. A la prochaine… »