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[Terminé]Marukute eien no mono
Abad El Shrata du Khamsin
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Roi en exil
Abad El Shrata du Khamsin
« J’accepte, et vous suis éternellement reconnaissant, dit Abad en s’inclinant sous le regard désapprobateur d’Arkhis le chef des guerriers. Pudro, lui, semblait amusé quant à Fayro il détourna la tête en levant les yeux au ciel.
- Cependant ce que je vous ai dis hier tiens toujours, dit-il en se redressant.
Il avait repris une expression grave et croisa le regard noir d’Arkhis.

     Ses cheveux d’un bland passé étaient portés en dreads tout contre son crâne. De multiples cicatrices marquaient son visage dont une qui partait de son arcade sourcilière droite pour se terminer au milieu de sa joue. De son oreille droite il ne restait que la moitié, le lobe avait été sectionnée par une coupure nette. Il n’était pas aussi grand et élancé que Fayro mais en revanche il était tout en largeur. Son plastron de bronze semblait avoir été moulé directement sur ses pectoraux tant il était serré près de son corps. Ses bras nus faisaient la circonférence des cuisses d’Abad et étaient eux aussi recouverts de profondes cicatrices. 
Pour le reste de sa tenue elle était semblable à celle d’Herma : des épaulettes de bronze, une ceinture faites de disques de métal et des spartiates à lacets de cuir remontant jusqu’à mi-mollet.
- Tu es bien impatient étranger. Profite de la faveur que t’accordent mes frères, et laisse le temps à mes hommes de se préparer, une attaque ne se planifie pas à la légère, grogna le chef des Guerriers dont le collier magique lui avait révélé une voix aussi rocailleuse qu’une pierre broyée.
Abad cru discerner un brin d’impatience dans les yeux de Fayro, il semblait plus que jamais prêt à en découdre avec Kafkon.
- Sachez que nous ne vous envoyons pas en exil, dit Pudro avec calme. L’endroit où vous logerez est protégé par plusieurs montagnes, c’est donc une bonne sortie de secours pour une retraite. Vous sécuriserez la zone en cas d’attaques ennemies le temps que nos hommes se préparent pour la bataille.
- Dans ce cas, qu’attendons-nous pour aller chercher mes coéquipiers ?
- Oh, dit le magicien en levant une main, ils n’ont pas attendu vos ordres pour partir à votre recherche, mes hommes les ont repéré au centre de la forêt. Ils montent de drôles de créatures aux longs cous qui foulent le sol avec ardeur et laissent de lourdes traces dans la terre, dit il en décrivant un petit arc de cercle devant lui avec de sa main tout en agitant ses doigts. 
Abad ne put qu’esquisser un sourire.
Sacré Richard, tu n'en feras toujours qu'à ta tête.
- La zone où nous nous installerons possède-t-elle un accès à la mer ?
- Affirmatif, répondit Pudro.
- Dans ce cas il est préférable que mes hommes et moi-même usions de nos embarcations pour nous y rendre.
- Bien. Alors nous te conduirons jusqu’à tes hommes et veillerons à ce que ton voyage se passe sans embûches, dit Pudro.
- Où que tu nous fasses faux-bond, siffla Fayro entre ses dents serrées. 
Il avait les bras croisés et regardait toujours vers le grand balcon qui donnait une vue imprenable sur la forêt.
Pudro se tourna lentement vers l’archer.
- Tiens Fayro, puisque tu m’as l’air si enthousiaste c’est toi qui accompagnera l’étranger jusqu’à ses coéquipiers, mon âge avancé ne me permet plus de parcourir une telle distance, mes ailes sont un peu rouillées vois-tu, mais toi tu es jeune et fort, tu te feras un plaisir d'accomplir cette mission, n'est-ce pas ? lui dit-il, ses yeux d'améthystes remplis de malice.
Fayro ouvrit la bouche pour répliquer mais Pudro lui lança un tel regard qu’il comprit qu’il valait mieux ne pas le contredire. 
- Bien, se contenta-t-il de répondre. Suis moi, lâcha-t-il en direction d'Abad.
Ils se dirigèrent ensemble vers le balcon qui faisait office de piste d'envol.
- Me dis pas que tu vas encore me porter, j’en ai eu assez des baptêmes de l’air !
- Il fallait naître avec des ailes.
Il agrippa Abad par le col de son tricot de lin qui n'eut pas le temps de dire ''ah'' que déjà ils piquaient ensemble droit vers le sol.
Arrivé en bas, il déposa Abad sur l’herbe fraîche, qui réussit à se réceptionner sur ses deux pied, contrairement avec Herma.
- Tu continues à pied, moi je te surveille d’en haut, tu ne pensais tout de même pas que j’allais te porter sur mon dos.
- Vous ne possédez pas de montures ?
- Des montures ? Qu’est ce que c’est ?
- Des bêtes sur lesquelles ont monte pour parcourir de longues distances sans se fatiguer. Vous n’avez pas au moins des bêtes de traies pour vos champs ?
- Nos champs ? Quels champs ? Nous ne semons pas l’étranger, tout ce dont nous avons besoin nous le trouvons sur les arbres, dit-il en désigant la forêt d'une main.
- Alors je continuerai à pied, après tout ça m’avait manqué de marcher sur la terre ferme.

Fayro:
 
     Il marcha ainsi tout le jour, et Abad regretta bien vite de ne pas avoir d'ailes. Durant la matinée, la chaleur était supportable, bien que déjà aux alentours de dix heures, de grosses gouttes de sueur perlaient sur son front. Mais l'après-midi fut torride. Pourtant Abad était habitué à la chaleur, en effet on n'apprendrait rien à personne en disant que les déserts de Ram sont des fournaises. Mais, sèche et austère dans son pays natal, la chaleur était ici étouffante car mêlée d'une humidité à peine supportable et avec laquelle Abad n'était pas du tout familiarisé. 
Pourtant il avait bien tenu à jour son calendrier durant son Voyage en Mer et l'hiver aurait déjà du recouvrir Ryscior à présent. 
Elue n’avait-elle aucuns pouvoir en ces lieux ?

     Environ toutes les heures, Fayro redescendait se poser près de lui pour lui donner à boire de l'eau qu'il gardait précieusement dans une gourde faîtes avec l’écorce d’un fruit qui ressemblait aux Succoza qu’Abad avait goûté la veille. 
A midi il se contentèrent de quelques fruits secs semblables à des dattes puis reprirent leur chemin sous un soleil de plomb et dont la canopée avait du mal à filtrer les rayons harassants. 
Abad put une nouvelle fois apprécier l’étrangeté  de la palette de couleurs peu communes qui l'entouraient, en passant de l’herbe azurée jusqu’aux troncs d'arbres d’un orange vif. Il crut croiser par ci et par la quelques animaux ressemblant à des biches mais dans l’ensemble, la forêt était plutôt. Il faut dire qu'il n'y eut pas beaucoup d'échanges verbaux et les ravitaillements en eau et en nourriture se faisaient sans un mot.  Seul le crissement incessant des insectes rompait tout silence.

     La nuit tombée, Fayro redescendit au sol et ils firent une halte. Il sortit un peu de paille séchée d’une des poches de sa bandoulière puis les déposa devant lui avant de rajouter par-dessus quelques brindilles craquantes. Ensuite, il place des petits éclats de silex entre son pouce et son majeur et, en un claquement de doigt, il fit jaillir une gerbe d'étincelle qui embrasa l'installation, sous le regard admiratif d'Abad.
Il se demanda un instant pourquoi il allumait un feu. C'est vrai, il ne pouvait pas se plaindre du froid ! Peut être voulait-il en faisant cela éloigner les bêtes sauvages ? Toujours est-il qu'Abad n'avait plus vu de feu depuis très longtemps, et les flammes dansant devant ses yeux le réconfortèrent quelque peu.
Ils mangèrent en silence ce qui ressemblait à de la viande séchée, et qui avait le goût de la viande de vison que l’on trouvait sur le continent, puis Fayro se décida à parler :
-Merci, lâcha-t-il simplement, croisant son regard avec celui d’Abad.
Abad fronça les sourcils. Où voulait-il en venir ?
- Merci ? Merci de quoi ?
- Nous l’avons convoqué après que tu ais quitté la salle. Elle nous a raconté en détail ce qui s’était passé, la façon dont tu l’as sauvé de cet éclaireur de Kafkon.  
Il marqua une légère pause.
- Après que nous l’ayons fait sortir de la salle, c’était l’heure des votes. Et c’est moi qui t’ai sauvé. Pudro a préféré ne pas se prononcer, quant à Arkhis il était d’avis de vous exterminer, toi et toute ta flotte. Je les ais alors convaincu de te laisser la vie sauve car après tout, tu as sauvé la vie de ma sœur.
Abad faillit s’étouffer. Il dû boire une gorgée d’eau pour faire passer le morceau de viande séchée qui s’était coincée dans sa gorge.
- Ca va ?
- Ca va, ça va, tu disais ?
- Bah voilà quoi, je n'ai pas eu l'occasion de te remercier d'avoir sauvé ma sœur. Maintenant c'est fait, dit-il un peu gêné.
- Et bah derien.
Un silence gênant s'installa entre les deux hommes.
- Je sais qu'après qu'elle soit sortit de la salle du Conseil, elle est venue t'apporter à manger. Herma me l'a dit.
Abad n'eut pas le temps de répondre qu'il reprit :
- Tu sais Péri à toujours eu cette capacité rare de voir ce qui a de plus bon chez les gens et de reconnaître ceux qui en valent la peine. Je lui fais confiance pour ça.

     Tout à coup ils entendirent un cri venant du fond de la forêt. En moins d'une seconde une foule d'humains couraient vers eux. A leur tête, Richard menait l'assaut, brandissant son épée tout en lâchant un cri de guerre. Mais au même moment, tel des faucons piquant au sol, plusieurs Gyrkimes atterrirent devant eux en un clignement d’œil et firent barrage aux hommes d'Abad.
Ceux-ci, coupés dans leur élan, dérapèrent sur le sol et s’arrétèrent à quelques dizaines de centimères des Gyrkimes.
- Abad ? dit Richard, qui ne s’attendait pas du tout à trouver le jeune roi ici.
Abad et Fayro se levèrent au même moment.
- Dis à ce guignol de baisser son épée avant que je ne lui colle une flèche entre les deux yeux !
- Richard, pose ton arme, lui dit-il calmement.                                               
- Abad ne fais pas l’imbécile il te retiennent en otage, on va t’aider. Il s’apprêta à porter un coup au Gyrkime d'en face mais ils furent plus rapide et en une seconde, tous les arcs étaient tournés vers lui si bien qu'il dut stoppé son geste.
- Je ne suis pas pris en otage ! Maintenant fait ce que je t’ordonne Richard avant que je ne te renvoie sur Ryscior à la nage ! lui hurla Abad.
Richard lui lança un regard noir, puis jeta son épée à terre, peu à peu suivi par ses autres hommes.
Fayro discuta avec ce qui semblait être le chef du raid des Gyrkimes. Abad put capter ce que disait Fayro mais ce que lui répondait l’autre parvenait à ses oreilles qu’en une série de piallements incompréhensibles.
- Depuis quand vous les suivez ? *...* Le Conseil s’est réuni. On les ramène à leur embarcations et on les escorte jusqu’aux Fjords.
A ces mots, la tête de l’autre Gyrkime se renfrogna mais il ne dit pas un mot. C’était un archer lui aussi et Fayro était bien entendu son supérieur et membre du Conseil, il ne pouvait remettre en question ses ordres.
Fayro, se retourna vers Abad, il arborait de nouveau son air buté:
- Allez la pause est finie, on repart !
Sur ce, ils s’envolèrent.
Abad s’approcha de Richard :
- Qu’est ce qui t’as pris ? Tu as faillit tous nous faire tuer ! dit-il en enlevant son collier.
- C’est comme ça que tu me remercies d’être partie à ta recherche ! Où étais-tu passer bordel !!
- Tu as défié mes ordres ! J’avais précisément stipuler de défaire le camp et de reprendre la mer. Si tu avais subi une attaque Gyrkime, toute la colonie aurait pu y passer !
- Gyrkimes ? Mais putain de quoi tu parles ?
- Des indigènes, dit Abad un peu gêné.
Richard frappa dans ses mais en regardant au ciel d’un air accablé.
- Non mais je rêve ! Ne me dis pas que tu leur as même trouvé un petit surnom ! dit-il en rigolant d'un rire nerveux.
- C’est le nom de leur espèce, ils me l’ont dit eux même.
- Ils te l’ont dit ? Depuis quand ce sont des paroles qui sortent de leurs bouches et plus des de piaillements à la con ?
- Depuis que Péri m’a donné ça ! dit-il en tendant le collier magique vers Richard. Il permet de communiquer avec ceux qui portent le même collier en traduisant toutes nos paroles.
- De tout façon j'en ai rien à foutre de tout ce grigri indigène ! Et puis Péri ? C’est qui ça encore ? T’es sur que tu ne t’es pas mis à parler comme eux parceque je comprends foutrement rien à ce que tu racon …
- Péri, c’est celle qui nous a tous sauvé la vie, coupa Abad d’un ton sec.
 
Au dessus de leurs têtes, quelques piaillements leur indiquèrent qu’il fallait reprendre la marche. 

Richard:
Jeu 24 Déc 2015 - 17:39
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Dargor
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Dargor
Fayro observait la colonnie des humains en-dessous de lui. Il était tranquillement assis sur un promontoire rocheux surplombant la petite colonie qu’ils avaient fabriquée, et réfléchissait à ce qu’Abad lui avait dit sur Peri, et aussi sur la décision prise à l’égard des humains.
Peri, sa sœur de la famille des mages, était une femme ouverte et douce, c’était ce qu’on lui avait dit du moins. Et ce qu’il avait répété à l’humain. Se pourrait-il que ce dernier ait des sentiments pour Peri ? C’était bien possible. Il n’en savait rien, il ne le connaissait pas assez. Ce qu’il pouvait dire, c’était qu’au vu de l’attitude de la magicienne, il lui avait laissé une forte impression, ce qui se comprenait, après tout il avait sauvé sa vie.
Ce qui l’amenait à Kafkon, et à sa décision prise à l’égard des humains. Avait-il fait le bon choix en proposant la cohabitation avec les envahisseurs ? Il en doutait encore. Mais il pensait qu’il fallait leur donner leur chance. Tout en se méfiant encore d’eux. La notion de conflits internes était inconnue aux gyrkimes, leur race n’ayant jamais connu de guerre où elle s’entretuait. Mais il arrivait à concevoir que des humains puissent vouloir tuer des humains, ou les autres races qui les accompagnaient, ces races étranges et difformes.

Il s’autorisa à descendre en volant jusque dans leur camp, et à se poser au milieu, repliant ses ailes. Les humains préparaient leur départ vers les navires, aussi ne firent-ils pas attention à eux longtemps. Les observant, il comprit que l’expédition était très organisée. Chacun semblait avoir son rôle. En tant que Gyrkimes, il approuvait cela.
Mar 12 Jan 2016 - 0:28
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Abad El Shrata du Khamsin
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Abad El Shrata du Khamsin
Abad écarta une ultime branche de buisson et devant lui, se profila ce pourquoi il marchait depuis maintenant quatre jours : les bateaux.
Du sommet de la falaise sur laquelle il avait jadis aidé à monter le camp, il aperçut en contrebas le petit bout de forêt, ultime rempart entre le groupe et la plage ou se trouvaient parquées les trois caravelles. Le groupe redoubla alors de vigueur, la vue de leur foyer leur ayant fait oublier leurs pieds douloureux.
Ils traversèrent le camp qui avait été saccagés par les Gyrkimes une semaine plus tôt, et enjambèrent les débris des huttes jadis construites non sans un gout amer dans la bouche.
Richard cracha par terre. Quand ils s’apprêtèrent à descendre la légère pente menant vers la plage, Fayro vint se poser devant Abad. Celui-ci se pressa de remettre le collier magique qu’il avait retiré durant le voyage, pour éviter que Fayro ne puisse intercepter ses conversations avec le reste du groupe … conversations qui avaient été inexistantes.
«  Nous restons ici. Rejoignez vos coquilles flottantes et préparez-vous pour le voyage., nous partons demain à l’aube. Des airs nous vous indiqueront la voie vers le Fjord.
- Bien, répondit simplement Abad, dont la bouche aussi sèche que du cuir ne demandait qu’à épargner le peu de salive qui lui restait. »
Ils descendirent alors la pente, et traversèrent le petit bout de forêt sans un mot.
Après quelques minutes de marche, il arrivèrent enfin sur la plage. La sensation du sable sous ses chaussures soulagea quelque peu les pieds d’Abad.
Les trois caravelles étaient parquées parallèlement. Sur la troisième se trouvait Armand ainsi qu’un des capitaines. Quand il aperçut Abad, celui-ci il lui fit des grands signes de bras tout en criant :
« Le capitaine est de retour ! Baissez la passerelle »
Deux matelots s’exécutèrent puis Abad put enfin mettre pied sur le pont.
« Capitaine, nous pensions ne jamais vous revoir, dit Armand en se précipitant sur lui.
- Nous ferons embrassades plus tard, je vous veux dans mon bureau, maintenant, dit Abad en se dirigeant à grands pas vers sa cabine. ET VOUS AUSSI RICHARD ! » rajouta-t-il alors que l’ancien pirate allait regagner ses appartements.
Les deux s’exécutèrent et le suivirent jusque dans sa cabine.
 
Armand:
*

« Capitaine, je comprends tout à fait votre empathie envers ce peuple : ils ont été contraints de quitter leur propre terre, cela doit vous rappeler de durs souvenirs, commença Armand de sa voix suave - Abad serra les poings sous la table-. Mais de là à déclarer la guerre à Kafkon Samuel… Je veux dire, ce n’est pas rien, votre décision risque d’avoir des conséquences catastrophiques ! Et pas seulement ici, mais aussi sur le continent !
Enfin, Capitaine, je veux dire … - Armand déglutit, il se répétait, cherchait ses mots- vous n’êtes même pas cautionnés à faire ce genre de choses ! Vous êtes tout comme nous aux ordres du Sultan Qassim. Lorsqu’il apprendra que vous prenez des décisions sans même le mettre au courant, vous serez démis de vos fonctions, ou peut être pire …
Abad sourit :
« Démit de mes fonctions, reprit-il en riant. Dîtes moi, Armand, vous avez fait l’Ecole Militaire, n’est-ce pas ?
- Oui, monsieur, lui répondit Armand un peu perturbé par une question si soudaine.
- Dans ce cas, vous avez du suivre des leçons de stratégie militaire.
- Oui monsieur, mais je ne vois pas ce que …
- Alors, ma question va être très simple et je vais même détacher chaque syllabe afin que vous me saisissiez bien : que feriez-vous à ma place ? dit-il se penchant un peu plus en avant à chaque mot prononcé.
Un petit silence s’installa dans la pièce, et Richard, assis aux côtés d’Armand, croisa les bras.
 Le guerrier à la chevelure de blé, ouvrit la bouche, comme pour dire quelque chose, puis la referma aussi sec.
- Très bien, reprit Abad et se redressant sur son dossier, maintenant que vous avez étalé toute la médiocrité de votre enseignement, laissez-moi mettre la situation au clair, une bonne fois pour toute :
Après une traversée de plus de cinq milles kilomètres, nous, sentinelles de Ram, arrivons, sur un continent encore jamais exploré, dont nous ne connaissons rien, non cartographié et pour l’anecdote, ou l’herbe y pousse bleu et les arbres orange.
Là contre toute attente, nous découvrons l’existence d’indigènes. Mais pas des indigènes comme vous et moi, noooon, cela aurait été bien trop facile dit Abad, de nouveau en riant, d’un rire nerveux, et aigu. Non, des putains d’ange, des surhommes, avec des ailes et, comme si Virel ne nous l’avait pas déjà mis assez profonde, qui plus est ne parlent pas notre langue !
Alors là arrive le grand dilemme. La question à un million de pièces d’or !
Qu’est ce qu’on fait ?
Que faire lorsqu’un indigène ailé de deux mètres de haut maniant un arc qui fait votre taille, vous demande de repartir, vous menaçant de vous égorger si vous ne vous exécutez pas.
Alors première proposition vous allez me dire : on rentre ! Eh bien oui, j’ai pensé la même chose, sauf que les ingénieurs de Ram ont jugé bon de ne pas mettre assez de vivres dans nos cales pour un retour prématuré ! Ahah elle est bien bonne celle-là hein !
Armand chercha un peu de soutien dans les yeux de Richard, mais ce dernier n’avait pas lâché Abad des yeux depuis qu’il avait commencé à parler. Il retourna sa tête vers Abad.
« Alors on passe à la deuxième proposition : on se bat ! Alors là, je dis bonne chance, oui bonne chance pour venir à bout de putain de mecs ailés quand tout ce qu’on a ici c’est trois pequenauds, deux matelots, une vache et le fils de la boulangère.
Alors qu’est ce qu’il nous reste ? Hein ?
Abad croisa le regard de Richard qui ne s’était pas arrêté de le fixer, celui-ci pinça les lèvres.
- Aaaaah ! Voilà on y arrive. Alors Richard faîtes nous part de votre proposition, allez-y, je vois votre impatience dans vos yeux, les mots vous brulent les lèvres, alors dîtes la !
- On s’associt avec Kafkon, cracha ce dernier.
Abad se redressa d’un bond et envoya valser l’encrier contre le mur où il se brisa en mille morceaux.
- MAIS AVEZ-VOUS TOUS PERDU LA TETE SUR CE RAFIOT OU CEST MOI QUI SUIS ENTRAIN DE DEVENIR TARE ! Dois-je vous rappeler que Kafkon est un putain de vampire ? Est-ce que vous pensez ne serait-ce qu’une seconde au bien de cette communauté ?
- Non, bien sûr, Richard divague, nous ne pourrions jamais envisager une telle possibilité dit Armand, mais …
- Il n’y a pas de mais ! Vous ne pouvez pas imaginer à quel point j’ai pu sauver vos miches, aussi bien toi, -il pointa le doigt vers Armand, que toi -vers Richard-, que tout ce putain d’équipage. J’ai négocié notre survie, entouré de Gyrkimes dont la moitié voulaient ma peau et l’autre moitié me regardait comme un animal, alors tachez de ne pas de donner de leçon !
Dieux soient loués, ils ont accepté ma requête : le gîte et le couvert en échange d’une chose, on les aide à foutre ce foutu Kafkon hors d’ici. Alors le choix est vite fait et irrévocable.
Abad se calma un peu, dans un silence de plomb, puis il reprit:
'' Ah, et vous mentionnez le nom de Tahssar, Armand, et bien sachez que je n’ai nullement peur de lui, je lui dirai simplement que j’ai fait ce qui avait de mieux à faire pour nous tous, et je suis sûr qu’il cautionnera le fait que j’ai refusé de m’associer avec un démon suceur de sang, contre l’avis de notre Richard ici présent, mon dit bras droit.
- Entre vos bêtes ailées et un  vampire, je demande à savoir lequel est le démon, lança Richard.
- Taisez-vous Richard. Tâchez de ne pas réveiller celui qui dort en moi, et que vous titillez un brin trop depuis tout à l’heure, répondit Abad du tac au tac. Maintenant sortez, et prévenez les capitaines de préparer les bateaux, nous partons demain à l’aube.
Les deux se dirigèrent lentement vers la double porte de sortie, puis Armand se retourna juste avant d’en franchir le seuil :
« Et que doit-on dire aux colombs ?
- Vous n’avez qu’à leur dire que l’on déménage pour habiter avec des gens très sympathiques qui ont des ailes dans le dos.
Armand se renfrogna.
- Maintenant hors de ma vue. »
Abad se rassit à son bureau et se massa les tempes, les pétages de plomb lui filaient la migraine.
 
*

Il se dirigea vers la salle d’eau au fond de sa cabine. Il vit qu’il restait encore quelques braises sous sa baignoire en fonte, parfait. Il les embrasa à l’aide d’une allumette et d’un chiffon imbibé d’un peu d’alcool. Puis à l’aide du sceau disposé à côté, il versa de l’eau à l’intérieur de la baignoire en fonte.
Lorsque l’eau eut presque atteint le raz bord, il retourna à son bureau, le temps qu’elle chauffe.
Il ouvrir le tiroir sur sa gauche et en retira les cartes, les compas et les boussoles de toute sorte dont il était rempli et les posa à la hâte sur le bureau. D’une main il tâtonna le fond du compartiment, puis il plaça son autre main sous le bureau, la paume ouverte, pile en dessous du tiroir. D’un petit coup sec, il vint frapper du poing contre le double fond et d’une petite encoche qui s’ouvrit à la volée vint tomber dans son autre main un petit amas d’herbe séchée dont l’odeur emplie tout de suite la pièce.
Abad apporta les dîtes herbes au niveau de son menton et huma un grand coup :
« Ce soir, je me détends. »


Quand l’eau du bain fut bien chaude, Abad s’y glissa tout doucement. Il sentit la douce chaleur de l’eau engloutir ses jambes, son ventre puis enfin son buste. Il plongea sa tête sous l’eau quelques secondes, juste pour mouiller ses cheveux et pouvoir les ramener en arrière. Il appuya ses bras le long du rebord de la baignoire et se décontracta un instant. Mes dieux qu’il était bien là ! Cela faisait bien une semaine qu’il ne s’était pas lavé et la dernière fois qu’il s’était sentit aussi sale fut dans les geôles crasseuses du Déité.Il ne manquait plus qu’une chose pour que tout soit parfait, il détourna doucement la tête vers l’objet de son désir.
La petite pipe d’ivoire était posée sur le guéridon tout contre la baignoire, Abad n’eut qu’a tendre le bras pour l’atteindre, elle et le briquet à silex posé à ses côtés. D’une petite fente délicatement manufacturée sur le côté du briquet, il en sortir un tout petit carré de tissu imbibé d’alcool. Il le tortilla du bout de ses doigts et enflamma la pointe ainsi formée.Il jeta ensuite le briquet derrière son dos, pas le temps de faire des manières. Il apporta la pipe à ses lèvres et embrasa le foyer à l’aide du tissu enflammé, qu’il envoyait aussi valser derrière lui. Il tira ensuite trois fois sur le bec et quand l’herbe était enfin devenue rouge comme la braise qui faisait chauffer son bain, il tira une longue bouffée, la plus longue qu’il put et garda un instant la fumée dans la bouche. Il la sentait, presque comme un liquide chatouillant ses papilles gustatives, se pressant contre l’intérieur de ses joues et son palet, dansant entre ses dents et titillant sa glotte. Puis il inhala tout d’un coup, à s’en faire péter les poumons. Il sentit comme une détonation dans son cerveau et tout de suite après, tout devint plus lent autour de lui, comme au ralenti. Il sentit ses muscles se détendre, et il s’allongea un peu plus dans son bain jusqu’à ce que ses lèvres viennent frôler la surface de l’eau. Il voyait la fumée de la pipe se mélanger aux vapeurs du bain et danser ensemble sur la surface brillante comme la brume d’Automne au-dessus des lacs.
Sa vision se fit de plus en plus floue, petit à petit, presque vaporeuse à vrai dire, comme s’il voyait à travers un nuage.

Ce soir, il dormirait d’un sommeil sans rêve, il en avait bien besoin.
Mer 23 Mar 2016 - 19:58
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Dargor
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Dargor
Peri parcourut les pages du livre qu’elle avait fini par trouver, dans l’immense tour qui servait de bibliothèque. On y trouvait de tout. Des traités, mais aussi des histoires de légende. C’était ce qui l’intéressait aujourd’hui.

A cette époque, les cieux se changèrent en sang là où le soleil se couche. Nous, Gyrkimes, envoyèrent des expéditions voir ce qui pouvait se passer là-bas, car s’il est naturel que les cieux prennent la couleur du sang lorsque le jour cède place à la nuit, cela n’est pas naturel que ce sang teinte les cieux à toute heure. Une leur rouge, menaçante dans le lointain. Les Gyrkimes qui furent envoyés durent franchir la chaine de montagnes qui marque la bordure du monde, au risque de tomber dans le gouffre sans fin qui se trouve au-delà.
Ils n’eurent pas à aller jusque-là cependant. Des bêtes monstrueuses jaillirent du fond du gouffre et remontèrent jusqu’à la surface, cherchant à franchir les montagnes pour gagner la Terre. Ce jour-là, nous Gyrkimes connurent la fin de la paix, et le début de la haine et de la guerre. Car il fallut se battre contre ces bêtes qui étaient capables de penser. Et ces pensées étaient intégralement tournées vers une chose, et c’était l’anéantissement des races qui vivaient sur la Terre.
Nous pouvions sentir qu’elles attaquaient nos esprits comme nos corps, mais nous sûmes leur résister. Ces bêtes furent peu à peu repoussées dans le gouffre sans fin qui se trouve par-delà les montagnes, où elles tombèrent dans leurs abysses, pour l’éternité. Irons-nous un jour au bout de l’éternité ? Ou est-ce que le monde continuera à vivre, la Terre à respirer, à travers l’éternité, concept qui aurait alors tout son sens ? En d’autres termes, ces bêtes reviendront-elles un jour ?


La Gyrkime était allée relire ces légendes sur l’époque dite de la Terreur dans l’espoir de trouver quelque chose pour se rassurer. Sans se l’avouer, elle était inquiète pour Abad et les siens. Ne les envoyait-on pas vers un grand danger ? Visiblement, Pudro avait deviné ses inquiétude, car lorsqu’elle releva les yeux du recueil de légendes qu’elle consultait, il se trouvait à côté d’elle.

« Ce ne sont que des légendes, Peri, dit-il en refermant l’ouvrage.
-Mais père, dit-elle. Si ce sont réellement des légendes, que devra-t-il surveiller là-bas ?
-Rien ! Rien bien sûr. De nombreux Gyrkimes croient encore qu’il s’agit de la réalité, mais lorsqu’on connait la nature de la magie, on sait que les bêtes décrites dans ces recueils ne peuvent exister. Toutefois, nous devons accepter qu’une partie de notre peuple soit superstitieuse. Et cette partie de notre peuple sera rassurée de savoir que quelqu’un garde ce gouffre protégé.
-Donc les bêtes n’existent pas, demanda Peri, mais le gouffre sans fin qui se trouve par-delà les montagnes, si ?
-Il existe, répondit Pudro. Autrement, nous aurions déjà pu franchir les montagnes par le passé. Les dieux de la Terre et du Ciel ont voulu que nous restions sur la Terre en l’entourant du lac salé, et en plaçant les montagnes là où le soleil se coucher. Même si nous savons désormais que le lac salé est fini, puisqu’il existe une terre lointaine dans la direction du lever du soleil, le monde est forcément fini à un stade. Et il y a fort à parier qu’au-delà de la terre d’où viennent les étrangers se trouve un autre gouffre semblable.
-Comment pouvez-vous en être certain ? demanda Peri. Peut-être y’a-t-il encore d’autres terres inexplorées au-delà de leur monde, non ?
-C’est tout à fait possible, répondit Pudro. Mais à terme, il y aura forcément quelque part un gouffre sans fin. Sinon, comment le soleil pourrait-il apparaitre ?
-Quel est le rapport avec le soleil ? demanda Peri, étonnée.
-Vois-tu, j’ai réfléchi à la question. Où va le soleil lorsqu’il se couche, et d’où vient-il quand il se lève ? J’en suis arrivé à la conclusion que ces gouffres sans fin là où il se couche et là où ils se lèvent n’ont de sens que si, durant la nuit, il voyage de l’un à l’autre dans un sens inverse de celui qu’il prend le jour. »

Cette théorie paraissait logique à Peri. Après tout, les dieux avaient voulu les Gyrkimes capables de voler, c’était donc normal que la Terre soit elle-même en suspension au-dessus d’un vide sans fin après tout. Mais d’un autre côté, cela plaçait Abad et les siens dans le rôle d’intrus dans un monde volant. Alors qu’ils y avaient certainement leur place.
Elle devrait demander à Abad, quand elle le reverrait, ce qu’il pensait des dieux, et quelle était la place qu’ils avaient donné aux siens sur la Terre.

---

Fayro, justement, expliquait au même instant l’existence du gouffre à Abad. Cela faisait quelques jours que les navires avaient pris la mer, et les Gyrkimes venaient régulièrement reposer leurs ailes à bord. C’était à l’une de ces occasions que Fayro avait entrepris d’expliquer à Abad à quoi ressemblaient les montagnes.

« Elles sont très… Soudaines, lui dit-il. Et très haute. Elles jaillissent brusquement du sol, sans que rien ne les annonce à notre avis, et s’élèvent si haut qu’aucun Gyrkime ne peut les survoler. Nous sommes alors condamnés à voler dans les vallées, mais si ces dernières sont ouvertes de certains côtés, elles ne le sont pas de l’autre, ce qui rend ces montagnes difficiles à franchir, même pour nous, car il faut souvent monter là où les neiges ne fondent jamais. Je ne sais même pas s’il est possible de les franchir à pied. Les bêtes l’ont fait dans des temps immémoriaux, mais elles ne l’ont plus jamais fait.
« Il faut dire qu’au-delà ces montagnes, ce n’est rien de plus qu’un gouffre. On grimpe sur une falaise haute, et quand on arrive au sommet, il n’y a plus que du vide derrière. Un gouffre sans fond, disent les légendes, parce que c’est à ce moment-là la fin du monde. Je vous suggère de ne pas trop aller vous promener là. On est jamais trop sûrs de ce qui arrive, au bord d’un gouffre… »
Mer 30 Mar 2016 - 15:25
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Abad El Shrata du Khamsin
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Abad El Shrata du Khamsin
Les coudes appuyés sur la rambarde à l’avant du bateau et les cheveux dans le vent, Abad appréciait la vue d’une mer calme au petit matin. Réveillé à l’aube par un cauchemar particulièrement sanglant, et dans l’incapacité de se rendormir, il avait décidé de quitter sa petite cabine qu'il ne pouvait plus se voir après tout le temps qu'il avait passé dedans, pour rejoindre le pont, désert à cette en cette heure-ci. Les rayons de soleil encore cachés par une épaisse nappe de nuage en cette heure matinale ne parvenaient pas à réchauffer Abad. Mais cela ne dérangeait pas pour autant  notre capitaine, qui, au contraire appréciait le léger froid vivifiant des matins de printemps. Il redoutait au contraire le milieu de matinée, au moment où le ciel se dégagerait et laisserait place à la chaleur étouffante qu’il subissait depuis son arrivée sur le continent.
Il s'était habitué à la vue de l'immense montagne qui était apparu à leur yeux il y avait de cela une semaine et qui se rapprochait maintenant de jour en jour. Il se surprit à se demander ce qui pouvait bien y avoir derrière. Fayro lui avait raconté que son peuple lui même ne le savait pas, seules d'anciennes légendes auxquelles même les sages ne croyaient plus racontaient la présence d'anciennes créatures maléfiques, bannies en ces lieux pour l'éternité, ce qui arracha un sourire à Abad. 

     Tout à coup Abad sentit une présence derrière son dos, il se retourna et ne fut que très peu surpris de tomber nez à nez avec Fayro.
‘’ Déjà réveillé, demanda-t-il en s’appuyant à son tour contre la rambarde.
- Oui, je n’ai jamais été un grand dormeur, mentit Abad. Une image de Phadransie la Noire apparut sur sa rétine. Il cligna des yeux pour la renvoyer au fond de sa mémoire. 
- Moi non plus, je préfère profiter chaque jour de la beauté de ce que les Dieux de la Terre et du Ciel nous offrent.  
- J’espère au moins que ce court sommeil a été réparateur. 
- Non. Mes hommes et moi ne dormons que quelques heures chacun notre tour. 
- Vous voulez dire que vous faites des rondes ? dit Abad surpris.
Fayro hocha la tête. 
- La confiance que vous nous m'accordez me va droit au cœur.
- Ce n'est pas en toi que nous n'avons pas confiance, mais en tes hommes. Tout comme toi.
- J’ai confiance en mes hommes.
- Alors pourquoi postes-tu des mercenaires armés à l’entrée de nos cabines depuis une semaine ? A moins que tu n'es pas confiance en nous ?
Abad ne répondit pas.
- Toujours est-il que nous allons bientôt arriver, les Montagnes du Couché ne sont plus très loin. Tu devrais réveiller tes ...
- Je sais ce que j’ai à faire Fayro, je vous remercie '' coupa Abad en se dirigeant vers la cloche de réveil qu'il sonna d'un coup sec.
Jeu 26 Mai 2016 - 0:09
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Dargor
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Plusieurs jours de traversées furent nécessaires pour finalement atteindre les montagnes. Lentement, ces dernières s’étaient découpées à l’horizon, d’abord un lointain miroitement dans le lointain, comme une ombre, puis finalement, elles avaient envahi le paysage quand on regardait vers le continent. Ils s’étendaient à perte de vue quand on regardait vers l’ouest, et semblait ne pas avoir de limite quand on regardait vers leur sommet. Au nord, ils continuaient en une longue ligne sagement rangée, tels des sentinelles. Leurs pentes étaient pleines de l’herbe bleue du continent, et des troupeaux d’animaux sauvages broutaient sur leurs alpages.
Fayro n’avait aucune expérience de la vie en montagne, les Gyrkimes préférant la plaine battue par les vents pour construire leurs ruches. Alors il laissa les humains aussitôt que ceux-ci eurent débarqué, avec la promesse que dès qu’il serait de retour à la ruche, il leur enverrait un messager, pour s’assurer qu’ils se soient bien installés. Il fallait juste que les humains laissent une trace de leur passage, s’ils souhaitaient s’enfoncer d’une quelconque façon dans les terres avant d’établir définitivement leur camp.

Hors RP : Désolé pour le caractère minable du post, mais je voulais pouvoir te relancer à un stade, et j’avais aucune idée de quoi faire.
Dim 3 Juil 2016 - 0:43
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Dargor
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Les montagnes au pied desquelles l’expédition a débarqué sont véritablement immenses. Ceux parmi vous qui n’ont jamais vu de montagnes en ont le vertige, et ceux qui en ont déjà vu pensent que jamais ils n’en ont vu d’aussi grandes. Elles émergent brusquement de la plaine, en une pente trop raide pour être naturelle. De naturelles, elles n’ont en effet rien. C’est comme si quelqu’un les avait placées là pour être une sorte d’immense barrière, dont les monts les plus lointains et les plus hauts que vous pouvez apercevoir depuis votre zone de débarquement semblent littéralement transpercer le ciel. Là où vous avez débarqué, c’est de la lande, plus que de la plaine. Au loin, vous pouvez apercevoir des forêts qui ont l’air touffues.
Mar 6 Sep 2016 - 21:56
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Noire
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De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie
Si tu n'es plus près de moi ?

Hugo



Spoiler:



Une fois les étrangers installés aux pieds des montagnes infranchissables, les Gyrkimes choisirent de se retirer en paix, sans tarder. Officiellement, la mission d'Abad et des siens était de surveiller les landes bordant les montagnes infranchissables, elles-même bordant le gouffre sans fin qu'elles dissimulaient. Cette délégation de Gyrkimes choisis afin "d'aider" Abad et ses semblables à s'installer avait été composée des archers, des guerriers et des magiciens les plus complaisants et ouverts en matière d'esprit de la ruche. Péri avait naturellement été désignée par Pudro sans avoir eu besoin de beaucoup insister. Mais même avec de tels Gyrkimes, l'ambiance entre les deux peuples était demeurée tendue tout du long.

La sensation d'un dissentiment persistant entre leurs deux peuples, et d'une division entre elle-même et Abad à encourir si l'on ne parvenait point à briser ces obstacles éloigna toute félicité du cœur de Péri. Elle remarqua le soulagement muet qui se peignit sur les visages des siens -même de son frère- sitôt que lui-même, Pudro et Arkhis jugèrent les étrangers bien installés et donnèrent la permission de regagner la ruche. Aussitôt, comme une même personne, tous les Gyrkimes prirent leur envol. Péri n'avait pas dit aurevoir à Abad. Peut-être était-ce la dernière fois qu'elle le voyait. Cette pensée la hanta tout le long du trajet retour.

~



Plusieurs Lunes s'écoulèrent. Plusieurs Lunes au cours desquelles on parla de moins en moins des envahisseur venus du lac salé. Péri remarqua que, sur tous les visages les rares fois où l'on évoquait Abad et les siens, il y avait une légère hausse du sourcil, suivi d'une moue fastidieuse, les lèvres pincées, le menton surélevé de quelques centimètres. Chez Herma, l'on pouvait même parler de traits forts et agressifs venant barrer son front et le contour de ces yeux. L'on disait "ceux qui viennent du lac salé" , les "marcheurs sur l'eau" , "les envahisseurs". Herma disait que ceux-ci étaient de nature mauvaise, ils avaient offensé les Dieux du ciel et de la terre, ils prenaient tout ce qu'ils convoitaient -autant dire tout-, ils tuaient sans raison, et c'était à cause de leur nature mauvaise et pervertie, que les Dieux du ciel et de la terre leur avait ôté leurs ailes. Ils étaient condamnés, comme les serpents ventre à terre, à ne jamais pouvoir s'élever. Car leur race était d'un naturel barbare, c'était des animaux.

Bien sûr, Péri savait que lorsque Herma parlait ainsi, ça n'était pas tant Abad et les siens qu'elle évoquait, mais tous les autres envahisseurs, ceux unis autour de celui-là qu'Abad leur avait dit s'appeler Kafkon Samuel. Néanmoins, maintenant qu'Abad avait été poliment exilé aux confins de la grande terre, on les mettait tous dans le même sac.

« Mais Abad a promis de nous aider à récupérer notre terre, disait un jour Péri à un groupe de Gyrkimes qui pestait contre les envahisseurs de Teikoku.

On lui rendit des regards étonnés, comme si le nom d'Abad avait été oublié durant toutes ces lunes et jaillissait de nouveau dans les mémoires.

- Il n'est pas ici, avec nous, railla Jarko, un mâle appartenant au clan des magiciens.
- Ils n'ont jamais rien fais pour notre peuple, ajouta en battant l'air de ses ailes Garya, une archère.
- C'est normal ! s'indigna Péri. Abad nous a proposé son aide, et tout ce que notre peuple a fait, c'est les exiler au bord du gouffre sans fin, aux pieds des montagnes infranchissables !
- C'est déjà trop d'honneur leur accorder que de rester sur nos terres, râla Herma.
- Mais enfin, insista Péri avec de la peine entre les mots, pourquoi les rejetez-vous ainsi ? Ne sont-ils pas un peuple tout autant intéressant que le notre ? N'avez-vous pas vu les ruches qui leur permettent de marcher sur l'eau ? Ne les trouvez-vous pas magnifique ? Je rêve de pouvoir en contempler de nouveau, d'en voir d'aussi près, avec leurs grandes ailes blanches, tendues dans le vent ! Abad et les siens viennent de l'autre côté du lac salé, et personne ne leur a jamais demandé ce qu'il se trouvait là-bas ! Je suis sure que les étrangers auraient de belles histoires à nous raconter, pour peu que nous leur demandions de le faire, et que nous prêtons une oreille attentive à leurs voix !

Un éclat de rire général vint ponctuer les propos de Péri.

- Péri, tais-toi s'il te plait, dit Herma. Aurais-tu oublié qu'ils sont incapables de parler notre langue ?

Péri s'avoua vaincu. Les semaines suivantes elle n'entendit plus parler des envahisseurs. La vie suivit son cours normal à la ruche. Elle conserva néanmoins, secrètement et comme le plus précieux des trésors, le collier qui lui permettait d'entendre et de comprendre Abad. Et elle rêva souvent de lui.

~



Un beau jour, un éclaireur Gyrkime fit intrusion en grande pompe à la ruche. Il demanda à voir son père immédiatement, et put s'entretenir avec Fayro. La nouvelle ébranla très vite tout le clan. Des envahisseurs, encore d'autres, avaient trouvé un endroit adéquat, là où les rouleaux du lac salés baisaient le sol, afin de laisser se reposer leurs ruches de bois, qui les portaient sur l'eau. Heureux d'être les premiers à s'échouer ici, ils avaient commencé à abattre les arbres et tailler l'herbe bleue. Le campement de ces envahisseurs-là était à plus de vingts lieues de la ruche, et les chefs du clan choisirent de les surveiller, sans toutefois ni les attaquer ni les provoquer, tant qu'ils ne s'étendaient pas trop.

Une Lune passa. Une Lune qui suffit à ce qu'éclate une guerre. Les nouveaux envahisseurs avaient tués des Gyrkimes d'un autre clan, et ces derniers avaient choisis de venger leur mort, la fille d'un chef de famille qui plus était. La guerre demeurait ouverte, brutale et sanglante. Le clan des Gyrkimes affligé, qui n'était pas très grand, demanda alors l'aide de la ruche à laquelle appartenait Péri. Fraternels, les Gyrkimes acceptèrent. La guerre changeait les cœurs, disait-on, et même si celle-ci ne dura pas longtemps, même si selon Arkhis ils étaient déjà en guerre contre les envahisseurs depuis leur première venue sur ces terres qui leur appartenaient, Péri fit cette expérience. Elle vit des choses qui la marquèrent à vie. Des envahisseurs tuer ses frères, ses sœurs, eux s'abattant en chute libre sur le sol, venant s'y briser un membre, l'épine dorsale ou la nuque, dans un craquement définitif. Les envahisseurs se battaient comme des bêtes, ils ne respectaient rien, Péri fut obligée de le reconnaître. Ils avaient laissé les premiers marcheurs sur l'eau camper sur leurs terres, disait Fayro, et à présent il en venait de plus en plus, partout aux pieds du lac salé, sur ces grandes ruches de bois.

Lorsque ce clan d'étrangers qui n'avait pas d'ailes fut exterminé, les deux clans Gyrkimes, jadis à peine voisins éloignés, à présent frères dans la douleur, dans l'affection, dans le deuil et dans la victoire, purifièrent par le feu toutes les ruches flottantes des envahisseurs.

- Toi qui rêvais de pouvoir les contempler de nouveau, cracha Herma à côté de Péri dont les larmes noyaient le visage, te voilà satisfaite. Sont-elles assez proches maintenant, Péri ?

Herma, le visage déformé par la douleur de la guerre, s'était retirée. Pudro était mort au combat. Les Gyrkimes avaient subis bien peu de pertes en comparaison de celles des étrangers. Mais Péri, comme la centaine de Gyrkimes magiciens, pleurait aujourd'hui un père.

Tandis que s'élevait dans les cieux rougis par le sang la fumée des flammes impétueuses, un-à-un, les Gyrkimes prirent leur envol. Les deux clans n’oublieraient jamais cette alliance. Les deux clans n'oublieraient jamais non plus les leurs dont la vie avait été si injustement volée par des inconnus venus du bout du monde en marchant sur l'eau, brandissant des lames et des torches après avoir coupé les arbres sur cette terre qu'ils revendiquaient comme la leur.

- Les envahisseurs sont tous les même, disait Jarko en pleurant. Ils détruisent tout ce qu'ils touchent.

~



Les feuilles d'égousia étaient d'une taille exceptionnelles, d'un rouge purpurin, foncé et vif, et c'étaient les plus grandes que l'on trouvait à des lieues à la ronde. L'égousia était un arbre gigantesque, dépassant de centaines de branches tous les autres. Ses fruits étaient fort rares, car il n'en produisait pas beaucoup. Ses fleurs le demeuraient bien plus. Les Gyrkimes les appelaient les ''fleurs de nuit'' car elles ne s'ouvraient non pas à la chaleur du soleil, mais à la lumière de la lune, qui les faisait resplendir en une teinte de feu luminescente. Le spectacle de cet arbre au tronc bleuté et aux feuilles gigantesques sous la lune de la mi-nuit demeurait l'un des plus beau du Nouveau Monde. Et un instant sacré pour les Gyrkimes. Le corps de Pudro, nu lové dans ses ailes, ailes qui ne battraient plus jamais, fut enveloppé dans une feuille d'Egousia. On le déposa dans un grand nid au cœur des branchages de l'arbre majestueux, une nuit étoilée, à l'intérieur duquel chacun de ses enfants déposa colliers, fleurs et fruits, pour le repos et le bien-être de son esprit. Les dépouilles des autres Gyrkimes tombés durant la guerre contre les envahisseurs furent également déposés dans des nids que l'on nicha partout à l'intérieur des branchages de l'égousia. Les Gyrkimes entamèrent ensuite une complainte, faite de piaillements et de sifflements à qui ne saurait la comprendre, une ballade sur la breveté de leur vie, louant les Dieux du ciel et de la terre et leur recommandant l'esprit de tous ces braves combattants. Certaines notes imitaient le chant du hautbois, de la flûte de pan et le hululement de la chouette sauvage. C'était une très belle louange.

Alors descendirent doucement du ciel et des frondaisons ce que les Gyrkimes appellent des ''aubes-nuit" , de petites lucioles diffusant un halo de lumière blanche. Toutes vinrent se poser sur l'égousia, autour de son tronc, de ses fleurs, de ses feuilles et de ses nids, en un dernier hommage aux victimes de la guerre. Tous les gyrkimes pleuraient.

~



Ce fut un aîné du nom de Gogûa qui prit le place de Pudro, en tant que chef du clan des magiciens. Moins de deux nuits après les funérailles de Pudro, Péri quitta son clan en direction des montagnes infranchissables. Cela faisait plus de six Lunes qu'elle n'avait plus vu Abad et les siens. Elle ne dit à personne où elle allait. C'était à cause du peuple d'Abad que Pudro et des dizaines d'autres Gyrkimes de la ruches avaient trouvé la mort. Les siens ne comprendraient pas.

- Tu as dis que vous ne ressemblez pas aux autres ! disait Péri à Abad sitôt qu'elle l'eût retrouvé. Tu as dis à mon Père que vous nous aiderez à repousser les marcheurs sur l'eau ! Tu as fais des promesses mais tu ne les as pas tenus !
- Comment le pourrais-je ? lui répondit d'une voix douce Abad. Les tiens m'ont exilé ici, avec les miens. Vous nous avez promis d'envoyer un messager sitôt de retour chez vous, mais nous avons attendus, des Lunes entières et personne n'est venu.
- Mon peuple a fait la guerre, répondit Péri avec de grands yeux brillants, d'une petite voix. La guerre nous a fait beaucoup de mal.
- Vous avez combattu Kafkon ?
- Nous avons tué beaucoup d'envahisseurs. Ils n'étaient pas avec Kafkon, mais ils avaient fait du mal à un autre peuple. Les Gyrkimes partagent la même eau, le même ciel et la même terre. Les Dieux du ciel et de la terre ont voulu que nous soyons frères. Alors nous avons répondu à leur appel.

La jeune Gyrkime eût été bien affligée, si il n'y avait eu à ses côté la présence d'Abad. Abad et ses grands yeux ambrés, réconfortants, et qui la fixait avec douceur. Un regard venu d'une autre terre, d'un autre monde.

- J'ai peur, Abad. Mon peuple souffre et pleure. Les envahisseurs sont tous les jours plus nombreux et avec eux nos morts. Kafkon Samuel décime les nôtres depuis trop longtemps. Mon peuple est encore trop plongé dans la souffrance pour accepter que les tiens nous aident, mais tu as promis.

Ses mains tremblaient tandis que le bout de ses ailes venait recouvrir timidement son visage et la larme qui coula sur sa joue.

- Que serait l'oiseau sans ses ailes ? Que seraient les miens sans ton aide ? »
Ven 16 Sep 2016 - 11:49
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Abad El Shrata du Khamsin
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Abad El Shrata du Khamsin
Spoiler:


     Accoudé à la rambarde, Abad inspira à pleins poumons un grand bol d’air matinal. Certes sa hutte en hauteur de colline lui offrait la même vue chaque jour depuis plus de six mois et pourtant chaque matin il avait l’impression de la découvrir à nouveau. Ce matin, le temps était brumeux, et les rayons du soleil qui filtrait à travers le léger brouillard peignaient le rivage en contre bas d’une lueur pale.
« Déjà réveillé capitaine ?
Abad tourna la tête vers les escaliers en rondin de bois qui menaient au palier. C’était Armand, qui comme tous les matins, venait prendre connaissance du plan de la journée.
- Il serait dommage de rater une telle vue, répondit Abad.
- En effet. Qu’aimeriez-vous manger ce matin ? Les chasseurs ont chassé un animal bien étrange hier mais dont la chair à le même goût que le sanglier m’a-t-on dit. Qu’en pensez-vous ? Avec quelques patates peut être ? La récolté a été un succès, elles se sont très bien acclimatées au climat.
- Vous m’en voyez ravis. Va pour le sanglier aux patates dans ce cas.
- Bien. Une lettre est arrivée hier. Pour vous.
Armand lui donna la lettre cachetée du sceau de Ram puis disposa.
Abad déchacheta la lettre et la lut :




Spoiler:


     Abad pinça les lèvres, de quoi le mettre de mauvaise humeur pour la journée. Il avait fallu deux mois après qu’Abad et son équipage ait accosté pour récolter suffisamment de ressources afin qu’un navire soient envoyé vers Ram. Celui-ci contenait seulement l’équipage ainsi que des minerais, du bois, ainsi que quelques cartes des alentours faîtes à la va vite par les cartographes, mais bien entendu ce n'était pas suffisant.

Ils ne comprennent pas tout le travail que l'on a eu à faire ici.
 
Abad alla chercher son nécessaire à écriture à l’intérieur puis revint s'asseoir à la petite table sur la terrasse.
Il sortit sa plume de son étui et remplit son encrier d’une encre aussi noire que son humeur :



Spoiler:



     Quand il eut terminé d’écrire, Abad relut sa lettre. Claire, distincte, quoiqu’un peu sèche mais Abad n’avait pas la tête à faire de belles phrases. Il fit fondre un peu de cire à la flamme de son briquet puis y apposa son sceau au moment même où Armand se profilait devant lui. Il tenait un plateau rempli de nourriture : en plus de la viande et des pommes de terre, il y avait un panier remplis de fruits locaux.


     Quand il eut terminé d’écrire, Abad relut sa lettre. Claire, distincte, quoiqu’un peu sèche mais Abad n’avait pas la tête à faire de belles phrases. Il fit fondre un peu de cire à la flamme de son briquet puis y apposa son sceau au moment même où Armand se profilait devant lui. Il tenait un plateau rempli de nourriture : en plus de la viande et des pommes de terre, il y avait un panier remplis de fruits locaux.
Abad alla ranger son nécessaire d’écriture puis se mit à table. Il prit une bouchée de la viande qui s’avéra exquise :
- J’irai faire mes compliments au chef. Malgré l’originalité des ingrédients présents ici, il arrive toujours à concocter des plats extraordinaires.
- Oui, nous avons de la chance.
- Alors quel est le rapport ?
Armand sortit de sa poche un rouleau de parchemin sur lequel il avait noté tout ce qui s’était passé dans le camp la veille. Il la lut à haute voix tandis qu’Abad piquait dans son rôti.
Le rapport du jour était obligatoire. Abad devait en prendre connaissance chaque matin et à a fin de chaque mois, devait tous les faire parvenir à Ram, afin qu’ils prennent connaissance des activités de la colonie. Du kilo de poissons péché jusqu’au nombre d’arbres coupés en passant par le nombre d’animaux abattus, le rapport passait en revue tout ce qui se passait dans la colonie. Et pas seulement en termes de stocks car le rapport couvrait bel et bien tout ce qui se passait, dont des causes moins majeures …
- Bagarre entre Henry Korinthe et Kristel Horiot au milieu de la nuit. Tous deux mineurs de profession. Les deux individus étaient en état d’ébriété. Placés au fer en attendant les ordres, lu Armand
- Libérez les, ce n’est pas comme si l'on pouvait se permettre de nous passer de mineurs, grommela Abad. Vérifiez cependant à ce que les deux déménagent à chaque extrémité du camp.
- Bien, répondait Armand tout en gribouillant sur le parchemin avant de le ranger.
- Quoi, c'est tout ?
- Oui capitaine, vous savez tout ce qui s'est passé hier.
- Vous n’avez pas stipulé les productions d’or, dit Abad en se redressant sur sa chaise.
- Parcequ’elles sont inexistantes Capitaine.
Abad jeta sur la table le torchon avec lequel il venait de s’essuyer la bouche :
- Mais c’est pas vrai, ça va faire un mois que l’on a pas mis la main sur une seule pépite ! Qu’est ce qu’ils fabriquent dans les mines ?
- On me rapporte qu’ils creusent, Capitaine.
- Ah ah très drôle, merci Armand, vous m’êtes très utile sur ce coup. J’irai moi-même vérifier aujourd’hui ce qu’il en est.
- Peut être voulez-vous que je vous accompa …
- Non, coupa Abad. Être un peu seul me fera le plus grand bien. Je veux plus d’homme aux mines, Qassim tient à son or. Recruter des hommes auprès des paysans, ce n’est pas de céréales que nous manquons.
- Mais ils ne sont pas formés à la mine Capitaine.
- Ils seront formés sur le tas. Ah, et coupez plus de bois, sa Majestée en est folle, dit Abad en levant les yeux au ciel. Au fait, des nouvelles de Richard ?
- Non Capitaine, toujours pas. Cela va faire maintenant un mois.
- Dans ce cas vous pouvez le déclarer mort.
Armand hocha lentement la tête.
Richard s’était portait disparu après une chasse dans la Grande Forêt. Il était surement tombé sur un animal sauvage et de prédateur s’était transformée en proie. Qui savait ce que pouvait abriter la Grande Forêt. Cependant Abad avait un mauvais pressentiment à ce propos.
- Puis-je disposer.
- Allez-y.
Armand débarrassa la table et s’apprêta à partir quand Abad l’interrompit dans son élan
- Ah attendez j’allais oublier, dit-il en se levant. Postez cette lettre, elle est adressée à sa Majesté, dit-il en plaçant le parchemin au creux de la main d’Armand.
- Cela sera fait.
- Et … des nouvelles des Gyrkimes ?
- Non Capitaine, ils n’ont été ni vus, ni entedus. Vous pensez peut-être que la disparition de Richard …
- Non, coupa Abad.
Péri n’aurai jamais autorisé cela.
- Allez tu peux disposer.
Tandis qu’Armand descendait les marches des escaliers en contre bas, Abad s’accouda une nouvelle fois à la rambarde de bois orangé.
Il repensa à Péri, comme chaque matin. Mais après six mois, les lignes de son visage s’étaient troublées dans son esprit. Il ne voyait plus d’elle qu’un portrait opaque, comme s’il la voyait à travers un brouillard, semblable à celui qui planait aujourd’hui au-dessus de la cime des arbres. Néanmoins de ce portrait dilué ressortaient toujours ces grands yeux violets, qui l'avaient envoutés dès le premier jour. Abad amena une main à son cou et empoigna le médaillon magique qu’il portait sous sa chemise.
 
Pourquoi me fais-tu attendre aussi longtemps ?
 
*

    En milieu de matinée, Abad se dirigea vers les mines. Avec les productions d'or de ces derniers mois il devait s'assurer que tous les hommes travaillaient au maximum de leurs capacités. Il grimpa donc a pied la montée qui menait vers l'entrée des mines, sous une chaleur accablante. Heureusement, le chemin se trouvait à l'ombre des arbres ce qui le soulageait un peu des rayons du soleil. Quand il fut arrivé à mi-chemin, il entendit un fremissement dans fourrées en dehors du sentier. Curieux, Abad s'approcha, et repoussant une branche d'arbre qui lui barrait la route, il tomba nez à nez avec un ange.

" Péri ? "

Celle-ci se jeta dans ses bras, presque en pleurs. Lui demandant pourquoi il n'avait pas été là pour repousser Kafkon, lui expliquant qu'ils avaient subi de nouvelles invasions et que Pudro étaient morts, tout un tas de paroles qu'Abad, encore sous le choc de trouver Péri ici, eut du mal à assimiler.
" J'ai peur, Abad. Mon peuple souffre et pleure. Les envahisseurs sont tous les jours plus nombreux et avec eux nos morts. Kafkon Samuel décime les nôtres depuis trop longtemps. Mon peuple est encore trop plongé dans la souffrance pour accepter que les tiens nous aident, mais tu as promis. "
Abad ne savait pas trop quoi répondre. Même si il avait voulu l'aider, exilé ici, il ne pouvait rien faire. Après tout c'étaient eux qui avaient refusé son aide en premier lieu, qu'ils se débrouillent maintenant.
Mais il ne pouvait pas répondre celà, ses yeux violets qui le fixaient avec détresse l'en empêchaient.
Tout à coup Abad entendit du bruit derrière lui, provenant du sentier.
" Viens, il ne faut pas rester là " dit-il en la prenant par la main.
 
Mar 20 Sep 2016 - 0:17
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Hugo



« Viens, il ne faut pas rester là.

Péri se laisse entraîner plus avant. La main d'Abad refermée sur la sienne lui prodiguait un sentiment de sécurité, sentiment qu'elle avait totalement expatrié dans les recoins de son esprit. Cela faisait tellement de temps qu'ils ne s'étaient plus vus. Et tant de choses s'étaient passées entre temps. Abad sembla l'emmener dans un endroit où ils seraient en sécurité, loin des oreilles indiscrètes. Péri ne s'était pas approchée du camp des marcheurs sur l'eau, mais au vu de ce qu'elle avait aperçu lorsqu'elle se trouvait dans les airs, il grouillait d'activité. Elle se demanda ce que pouvait bien trouver à faire Abad et les siens. Leur clan était-il divisé en plusieurs clans, comme à la ruche ? Elle ne pensait pas. Si il n'y avait pas de magiciens, de guerriers et d'archers parmi les envahisseurs, comment s'organisaient-ils ? Elle avait envie de lui poser la question, mais son cœur était encore trop meurtri par les pertes récentes de la guerre. Elle jeta un œil sur le collier passé autour de son cou.

- Puisque le soleil du Dieu du ciel luit pour eux comme pour les autres, dit Péri, ils accusent les notre de les exclure de la part de notre terre censée leur revenir. C'est ce que pensent les marcheurs sur l'eau, les envahisseurs qui sont entrés en guerre contre nos frères. Ils justifient leur domination sur nos terres comme ça. Ils arrivent de l'autre côté du lac salé et détruisent tout. Au nord, ils ont fondé cette "Teikoku" avec à sa tête Kafkon. Ils accroissent leur territoire de jours en jours. Et à l'est, il y a ces ruches flottantes, comme les tiennes, toujours plus nombreuses.

Elle s'efforça de contrôler sa respiration, et parler plus lentement. Au moins pour ne pas montrer sa frayeur devant Abad. Lui n'y était pour rien dans tout ça. C'est donc l'air plus sérieux et modéré qu'elle reprit, après un soupire.

- J'ai peur pour mon peuple, Abad. Mais j'ai aussi peur pour le tiens. Notre clan tolère le tien, car vous avez accepté de vous installer au pied des montagnes infinies en tant que sentinelles, comme nous vous l'avions demandé. Mais les autres ruches Gyrkimes ne verront peut-être pas cela du même œil que la notre. Des guerres entre les ailés et les marcheurs sur l'eau éclatent un peu partout sur nos terres.

Et elle ajouta, regardant Abad dans les yeux et prenant ses mains entre les siennes.

- Notre seule chance est de nous unifier dès maintenant, et de renvoyer Kafkon d'où il vient. Si Teikoku tombe, vous serez des nôtres. Pour l'éternité. »
Ven 23 Sep 2016 - 13:31
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Abad El Shrata du Khamsin
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Abad réfléchit un instant à ce que venait de lui dire Péri : ils n’étaient pas du tout en sécurité ici.
« Tu veux dire que si un autre clan nous attaque, ton clan ne nous défendrait pas ?
- Mon clan a déjà du mal à s’entendre pour savoir s’il faut aller défendre nos semblables ou pas alors ne t’imagine pas qu’ils viendront défendre le vôtre, surtout contre d’autres Gyrkimes. Les tensions montent au sein de notre communauté et ils en ont après votre race. Même si vous n’êtes responsable d’aucun crime je connais plus d’un clan qui pourrait venir vous massacrer pour passer leur nerfs. »
Abad déglutit.

« Est-ce que Kafkon a déjà attaqué ton clan ?
- Non, mais en tuant mes semblables il nous attaque a nous aussi !
- Mais je veux dire dans les faits Kafkon n’a jamais levé les armes contre vos ruches. C’est pour cela que les chefs de ton clan hésitent à l’attaquer.
- Oui, mais …
Abad ne l’écoutait déjà plus. Ses méninges fonctionnaient à plein régimes, il se mit à marcher en regardant le sol de la forêt laissant Péri sur le carreau.
Si Teikoku tombe, vous serez des notres pour l’éternité …
Nous vous interdisons formellement de lever les armes contre Kafkon, cela serait mettre en péril l’avenir de la colonie et engendrerait votre démission immédiate ainsi qu’une condamnation à mort, prenez en compte ...
Des notres pour l'éternité ...
Condamnation à mort ...
Des nôtres !
- Qu’est ce qu’il t’arrive tout à coup ?
Celle-ci l'avait rejoint, furieuse.
- Tu étais prêt à lever les armes il y a six mois et maintenant tu te défiles c’est ça ? Je pensais que les hommes de ton espèce aimaient faire la guerre !
- Ecoute, il y a quelque chose que je n’avais pas prévu il y a six mois : je ne peux pas attaquer Kafkon sans raison.
Péri cligna des yeux, étonnée puis fouetta l’air de sa main, ses ailes vibrant légèrement derrière son dos :
- Baliverne, tu es le chef de ton clan non ? Tu peux faire tout ce que tu veux.
- Malheureusement, c’est un peu plus compliqué que cela. J’ai des supérieurs dans mon pays, ce sont eux qui font ce qu’ils veulent … de moi.
Péri avait le regard vide, elle semblait ne pas tout saisir.
- Ecoute il y a peut-être un moyen, mais cela risque d’être dangereux, très dangereux et surement plus pour toi que pour moi.
- Je pense que rien n’est plus dangereux que ce Kafkon. Il gagne en puissance chaque jour. Si rien n'est fait mon peuple fonce vers l’extinction. Je t’écoute.
Abad prit une grande inspiration puis lui exposa son plan.
Sam 24 Sep 2016 - 8:19
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Péri croqua à pleine dents dans un coave sauvage. Le jus du fruit vint couler sur son menton, éclaboussa ses joues et perla sur son cou. Elle essuya d'un revers délicat de la paume l'empreinte sucrée du fruit, et en croqua un autre morceau, le regard rivé vers le lac salé. Elle avait choisis cette falaise-ci précisément, entourée par les coaviers sauvages, au tronc de feu, qui l'abritait des éventuels autres Gyrkimes en vol. Les Gyrkimes avaient une très bonne vue. Elle voulait évitait de se faire repérer. Elle termina son coave et le balança en contrebas, entourant de ses bras ses jambes ramenées près de sa poitrine. Péri fixait l'horizon à chaque heures de la journée, du lever du disque du jour, jusqu'à ce qu'il disparaisse. Très tôt le matin jusqu'à très tard le soir. Péri réfléchissait, tout en se nourrissant de coaves mûrs et d'autres fruits.

Elle réfléchissait et elle pensait à Abad.

Ecoute il y a peut-être un moyen, mais cela risque d’être dangereux, très dangereux et surement plus pour toi que pour moi.

Cela faisait une éternité, avait-elle l'impression, qu'elle scrutait ainsi le grand lac salé. Parfois, la jeune Gyrkimes en venait à espérer les voir. Puis elle se reprenait, avec l'efficacité d'une gifle mentale.

« Péri, idiote. Tu as vraiment envie qu'ils arrivent ? Tu sais ce que cela impliquerait pourtant. Tu devras le faire. Tu as donné ta parole à Abad...

Elle détestait le plan d'Abad. Elle détestait ce qu'il impliquait pour elle. Et pourtant. Abad avait raison, car sa solution demeurait la seule de valable. Celle qui excluait Kafkon Samuel de leurs terres, les renvoyant chez eux. Loin par-delà le lac salé.

Péri manqua s'étouffer avec son coave. Les ruches flottantes des envahisseurs. Elles étaient là !

~



Les poussins dormaient dans leurs nids. Les adultes, les guerriers, les archers et les magiciens avaient regagné leur ruche respective, et leurs nids qui les y attendaient. Il sembla à la jeune Gyrkime que tous dormaient avec tranquillité cette nuit-là. Elle aurait parié être la seule que ses pensées tourmentaient.

Péri se redressa doucement à l'intérieur de son lit et ébouriffa ses ailes avant de les étirer. Si Gogûa se réveillait, tout serait terminé. Telle une ombre, elle se faufila à l'extérieur des ruches. L'air était chaud et sec, les augures étaient avec elle, se plut-elle à songer.

- Allez, courage Péri. Fais-le pour la ruche. Pour ton peuple.

Elle laissa glisser entre ses doigts tremblants le précieux sésame qu'Abad lui avait confié. C'était un objet étrange, tout petit. Mais capable de faucher les siens par milliers en quelques minutes ! Voilà pourquoi les Gyrkimes abhorraient les marcheurs sur l'eau. Ils ne savaient pas s'élever, les Dieux du ciel et de la terre avaient arraché leurs ailes parce que c'était un peuple qui ne souhaitait pas s'envoler. Ils ne savaient pas siffler. Les Dieux du ciel et de la terre leur avait ôté la parole parce que c'était un peuple qui ne se comprenait qu'en criant les uns sur les autres. Et ils n'avaient pas de ruches. Les Dieux du ciel et de la terre les leur avaient sans doute enlevées car les envahisseurs étaient incapable de dormir ensemble. Plutôt que de partager un toit, ils préféraient y mettre le feu afin que ni l'un ni l'autre des deux prétendants ne le possède.

Et c'est ce que Péri fit. Elle mit le feu à sa propre ruche à l'aide du briquet de silex d'Abad.

~



L'incendie qui s'éleva au sein des ruches du clan de Péri fut maîtrisé au bout d'une très longue nuit, à l'issue de laquelle tous les Gyrkimes sans exception avaient apporté par voie aérienne de l'eau d'un lac alentour qui but les flamme. Grace à son appel, Péri avait averti suffisamment tot les siens afin qu'il ne se compte pas de perte parmi les Gyrkimes. Mais sur les quatre ruches qui leur servaient de maisons communes, trois d'entre elles tombaient à présent en cendre. Il faudrait reconstruire. On choisit de loger les poussins dans la dernière et seule ruche intacte, celle des magiciens, auprès de qui le feu fou n'avait pas eu le temps de répandre ses bras destructeurs. Fayro, son frère, était furieux.

- Qui a fait cela ? Pourquoi invoque-t-on le feu fou durant notre sommeil ? glapissait-il en fouettant copieusement l'air de ses ailes, faisant voler au passage des dizaines de plumes un peu partout !
- Le feu fou, le feu fou, le souffle vengeur...répétaient en se lamentant les Gyrkimes, en pleurs devant la destruction quasi totale de leurs nids et de leurs ruches.

Les Gyrkimes étaient un peuple de nature pacifique, mais ils élevaient parmi leurs rangs des guerriers, et en nombre très important. Ils restaient un peuple prêt à défendre ce qui leur revenait de droit, leurs amis, leurs familles, leurs terres, leur ciel, leurs ruches... Mais lorsqu'un carnage se déclenchait, ils ne cachaient jamais leurs larmes. Pleurer et extérioriser sa peine, pour Péri et les siens, n'était pas synonyme de faiblesse, mais plutôt de compassion, d'affliction. Péri brandit alors le briquet en silex sous les yeux de son frère dont les plumes des ailes s'hérissaient de haine et d'affliction, et de Gugûa, qui tentait de le calmer sans pour autant dissimuler ses larmes.

- Moi je sais qui sont les responsables, Fayro.

Elle regarda son frère en face, un courant d'air froid s'insinuant entre ses ailes de façon sournoise. Fayro se saisit du briquet de silex qu'il examina quelques secondes.

- Les envahisseurs, conclut Fayro en serrant convulsivement le briquet entre ses doigts.
- Les hommes de Kafkon, acheva Péri.

Lorsque les yeux d'améthystes de Péri croisèrent ceux de son frère, elle vit danser dans ses prunelles les foudres de la guerre.

- Ils commencent à utiliser le souffle vengeur sur nous, dit Arkhis le chef du clan des archers. Ils ne respectent même plus les règles de la guerre. Nous devons les renvoyer au lac salé sans attendre ! »

Ven 7 Oct 2016 - 1:48
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Abad El Shrata du Khamsin
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Une fois de plus Abad ouvrit les yeux, s'étira et se leva, se lava, s'habilla et déjeuna avec Armand qui lui lu son rapport quotidien ; Abad n'y prêta pas vraiment attention, se contentant de répondre un "oui" ou "je donne mon accord" par ci par là, mais lorsque celui-ci lui apprit que, plus tôt ce matin, les navires qu'avait envoyé Kassim Anar était arrivé, Abad sut que cette journée marquerait le début d'une série d'événements sortant indéniablement de la routine.
Le rapport rendu, Abord se dirigea vers le port de fortune de la colonie. Accostés aux quais fraîchement construits se tenait trois immense bâtiment de bois : le galion qu'Abad avait fait rappatrié vers le continent haut de plusieurs mètres et dont la voilure faisait de l'ombre à la moitié du camp, une nouvelle caravelle plus petite et plus fuselée ainsi qu'une galère à voile qui appartenait à un haut gradé de l'empire, Hikhesh Nadheeri.
Le port groullait comme une fourmilière, les hommes du camp s'attelant à accueillier les deux cents nouveaux colombs fraîchement arrivés et un peu perdus ainsi que de vider les bateaux de tous les objets que leur avait fait parvenir le Vieux Continent : à savoir :  des hâches de meilleurs factures afin de couper ce bois ci précieux à sa Majesté la Sultane, des pics, des pioches outillage et des explosifs -Kassim pensant surement que le manque d'or résultait surement d'un mauvais outillage - pour les mineurs, du bétail ainsi que, pendue à plusieurs mètres de haut par des cordages, un immense four de granit, dont il fallait plusieurs hommes pour déplacer sur la terre ferme à l'aide d'un système de grue astucieux, et qui servirait à construire une fonderie parmi la colonie.

*

Non loin de là, en pied de colline, Abad observait la scène, les mains croisées derrière son dos, Armand à ses côtés et répondant par de léger signes de têtes à ceux qui lui était adressé en signe de bonjour.
"Nous ont-ils envoyer des guerriers comme je l'avais demandé ?
- Par ici Seigneur, repondit Armand en pointant du doigt un groupe d'hommes armées et en armure de cuir qui se tenaient debout non loin du bâteau. Abad se dirigea vers eux d'un pas décidé, Armand sur ses talons :
- Vous devez être notre nouvelle troupe de guerrier. Bienvenue à Amar-Medina, dit Abad d'un ton poli à l'homme qui se tenait dos à lui et semblait être leur chef. L'homme finit sa blague à propos d'un elfe, un nain et une pipe à eau qui fit pleurer de rire ses hommes, puis se tourna lentement vers Abad :
"Exact. Et vous êtes ? répondit-il au tac au tac.
Abad toisa un instant l'individu à la taille impréssionante : bien qu'Abad mesura un bon mètre quatre vingt dix, l'homme devant lui le dépassait facilement d'une tête (et faisait son double en largeur).
Il portait le crâne rasé et une pellicule de transpiration le faisait luire sous ce soleil de plomb :
" Abad, Sentinelle de Ram et chef de cette colonie, et vous êtes ?
A ces mots, le bœuf sembla perdre quelque peu de son aplomb :
-Excusez Seigneur, je ne savais. Moi c'est Tougr'h, Tougr'h Kassarine et voici mes hommes, fraîchement sortis de l'Ecole Militaire de Ram. Au fait, c'est beau par chez vous, cette herbe bleu, c'est original, je ...
- Et quels sont vos effectifs ? demanda Abad coupant court au tentatives de discussions futiles.
- Deux cents hommes. Soixante quinze archers, trente lanciers et quatre-vingt quinze épéistes, tous équipés. Et tous prêts à éclater du Gyrkimes n'est pas les gars ?
Un grognement retentit.
- Pour le moment personne ne va éclater personne, vous n'êtes là qu'en prévention d'une quelconque attaque.
- Pour le moment répéta Tougr'h, pour le moment.

Abad détourna les talons, accompagné d'Armand.

" Faîtes en sorte qu'ils logent à l'Ouest du campement.
- Bien Seigneur, mais ne voudriez vous pas les placer aux portes de la ville, en cas d'attaque ?
- Non, ils sont ci excitées qu'il serait prêt à tirer à vue le moindre Gyrkimes tant bien même celui-ci serait venu au camp en paix. Je veux éviter l'incident diplomatique.
- Bien. Et pour ce qu'il en est du bâteau, pour quand pouvons nous prévoir un retour vers Ram ?
- Pour l'instant aucun retour, le bâteau reste à quai.
- Mais ...
- C'est tout, coupa Abad calmement Abad en laissant Armand sur le carreau.

Celui ci murmura un ''bien'' qui fut happé par le brouahaha ambiant tandis qu'Abad regagnait sa case, puis s'éloigna à son tour, prêt à s'atteler à d'autres affaires.

*

'' Mickaël De Everhell, prenez place s'il vous plaît.
Abad était assis à son bureau. Il avait été averti de la venue de cet ancien corsaire au déchu par l'Empire d'Ambre arrivé dans la galère d' Hikesh Nadheeri et l'avait convoqué pour s'entretenir avec lui. Celui qui se faisait aussi appeler le Pygargue enleva son tricorne s'avança vers le bureau et s'executa.
-Sachez que je suis au courant que vous n'êtes pas un simple tuteur, Monsieur DeEverhell. J'ai été mis au courant des circonstances de vôtre venue parmi nous, continua Abad.
- Ces circonstances que vous pointez du doigt, maître. J'estime l'effondrement de mes actions auprès de l'Empire, afin que je puisse servir le votre.
- J'y viens justement. Car voyez-vous je pense que vous ne servez point l'Empire tel que vous le devriez,monsieur. Non point vôtre faute, j'en conçoit. Dîtes moi, savez-vous toujours manier l'épée ? Où ces longs mois d'emprisonnements vous ont subtilisés vos capacités à tenir une lame ?
Le Pygargue eut un rictus.
- Point ces longs mois d'emprisonnements, mais une vilaine meurtrissure au niveau de l'épaule. Je perdis grandement de mon estime d'avant. Je sais manier, cela s'entend. Mais je perds en fermeté ainsi qu'en endurance.
- Les grandes batailles ne sont peut-être plus de vôtre ressort, je peux vous l'accorder. Mais c'est un bien beau gachis qu'un De Everhell ne manie plus la lâme. Sachez que ce qu'il s'est passé sur le continent je ne m'en soucis guerre. La vie qu'avaient les hommes avant est oubliée dès lors qu'ils mettent les pieds ici. D'ailleurs, de nombreux colombs qui ont été envoyés ici étaient rien de plus que des truands qui remplissaient les prisons de Vindex. Beaucoup d'entre eux ont tué bien plus que leurs frères.
Abad appuya son regard.
- J'ai ouïe dire, si fait, que le sultan de Vindex avait un avantage certain sur les souverains du Continent qui se flattent de possessions sur le Nouveau Monde. Il possède chez lui des hordes de malheureux qu'il peut déverser sur ce monde-là, dans votre colonie. Par delà Ram, il n'y a que des paysans qui demeurent chez eux.
- On m'envoie aussi des hommes compétant, grâce à Lothye. Cependant les guerriers qui sont arrivé en même temps que vous sortent tout juste de l'école, ils sont impétueux, assoiffés de sang. Je veux que vous les formiez, les entrainiez, et que vous leur appreniez vos techniques et vos bottes secrètes. Vous n'êtes pas fais pour moisir dans un bureau enseignant la philosophie à un enfant monsieur, vôtre place est sur le champ de bataille. Néanmoins, si votre élève souhaite apprendre le maniement de l'épée vous pourriez bien entendu l’amener à vos sessions d'entrainement.
- Non mon élève, maître Abad, il demeure mon maître légitime, quand bien même vous le targuez de n'être qu'un enfant. Il est vrai qu'il est encore jeune dans ses Tours. De plus permettez-moi une ultime objection, maître. La danse qui me sied n'est point art Ramien, mais art Impérial. Quant aux bottes de Maison Impériales, censément doivent-elles rester bottes de Maison Impériale. Il s'agit là de l'héritage de notre nom, et cet héritage depuis des siècles, demeure jalousement conservé.
- Vôtre nom ne vous appartient malheureusement plus, Pygargue. Vous êtes avant tout la propriété de Ram désormais, et ferez comme je vous l'ordonne. J'irai moi même m'entretenir avec vôtre ''maître''.
- Je ferai selon vos ordres, j'escompte simplement vous instruire des conséquences de cet entraînement-là. Vos hommes seront surpris. Mes passes ne ressemblent en rien à ce qu'il se pratique en territoire Ramien ou Sultan.
- C'est bien ce que j'attends de vous. Vous pouvez disposer.
- A votre service. "
Mer 19 Oct 2016 - 12:55
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J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses.
A quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu'elle ne regarde plus ?

Hugo



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Spoiler:


Le soir, elle avoua à son cher frère, Fayron, le sujet de sa douleur en l'enlaçant tendrement, tous deux se préparant à une longue séparation.

«  Tu me manqueras, Fayro.
- Toi aussi petite sœur. Mais il faut que nous, les archers, restions présents afin de reconstruire les ruches que les envahisseurs qui marchent sur l'eau ont détruites. Et veiller sur les poussins.
- Et veiller sur les poussins...répéta Péri d'une voix triste.
- Gogûa veillera sur toi, avança Fayro en essuyant du bout de son aile une larme salée qui coulait sur la joue de Péri. Nous avons confiance en vous. En vous quatre. Vous réussirez à convaincre les autres clans de nous rejoindre.
- La guerre me fait peur, avoua Péri.
- La guerre me fait peur aussi, répondit d'une voix douce Fayro.
- La guerre nourrit la guerre, mon frère. avança Gogûa à l'attention de Fayro en posant une main amicale sur l'épaule de Péri, ses grandes ailes dorées battant dans son dos. Qui veut la guerre est en guerre avec soi.

Fayro fronça les sourcils aux mots du père du clan des magiciens.

- Nous ne désirons pas la guerre ! Ce sont les marcheurs sur l'eau, les sans-ailes, qui la désirent !
- Apaise ta colère mon frère. Tu sais combien moi, Gogûa, chef du clan des magicien, te respecte, toi et les archers que tu mènes. Bien sûr que nous ne désirons pas la guerre ! Notre peuple, ainsi que tous les autres peuples d'ailés sur cette terre, sont en paix avec elle. Ce sont contre les envahisseurs que nous nous battons.

Fayro acquiescça en guise d'approbation. Gogûa, depuis qu'il avait succédé à Pudro, son père spirituel, semblait avoir gagné en éloquence, en maturité ainsi qu'en adresse. On le respectait bien plus.

- Va, Gogûa mon frère. Amène ma sœur Péri avec toi, et prend bien soin d'elle ! Suivez les courants ascendants, allez aussi loin que vous le pourrez, par-deça les nimbes et l'azur. Trouvez nos frères ailés, partagez avec eux ce que nous savons, obtenez leur aide.

Péri, Herma, Arkhis et Gogûa prirent leur envol, jusqu'à n'être bientôt plus que quatre points noirs sur un ciel brumeux.

Gonflez nos rangs pour repousser de nos terres les indésirables... murmura Fayro en un ultime soupire.



~



- Ceux qui viennent d'au-delà le grand lac salé nous ont envahi. Ils marchent sur l'eau, grace à ces ruches de bois flottantes. Les envahisseurs, les indésirables, les dissemblables ont un jour découvert notre terre et notre ciel. Depuis ce jour, ils pensent que le Dieu du ciel et le Dieu de la terre brille pour eux à égal mesure que pour nous. Ils détruisent tout ce qu'ils touchent. Ils pensent que tout leur appartient. Il y a de nombreux cieux, une grande partie d'entre eux a ravagé la grande forêt près du lac salé, tout à l'est de notre monde. Ils ont utilisé le souffle vengeur, afin de consummer les arbres, la terre et tout ce qu'ils trouvaient. Ils ont collé des pierres entre eux, afin de fabriquer plus de ruches pour marcher sur l'eau, plus de ruches pour tenir sur le sol, et ils y grouillent comme à l'intérieur d'une fourmilière. Ils tailladent et ils balafrent le Dieu de la terre sans cesse, espérant voler le fruit de ses entrailles. Ils sont très nombreux à vivre à l'intérieur de cette fourmilière qu'ils ont construit avec nos arbres, nos pierres et notre sable. Ils ravagent notre sol. Ils boivent notre eau. Ils ont appellé cette fourmilière « Teikoku », dans leur langue.
Les envahisseur qui marchent sur l'eau sont de nature mauvaise. Ils tuent sans raison. A cause de leur nature mauvaise et de leur soif insatiable de massacre, les envahisseurs ont refusé de s'élever au plus près du disque du ciel et des domaines des diux. Pour ça, les Dieux du ciel et de la terre leur ont volé leurs ailes. Ce sont des serpents, des fourmis, des insectes, et ils sont condamnés à ramper sur le sol jusqu'à ce que leur nature pervetie devient bonne. Il y a plusieurs cieux, les marcheurs sur l'eau ont attaqué notre clan. Ils ont utilisé le souffle vengeur, le feu fou, sur nos poussins pendant que nous dormions. Ils ont donné à manger nos ruches à la grande haleine rouge. Peut-être vous pensez qu'une telle action, toute aussi barbare soit-elle, ne mérite pas que nous attaquions les marcheurs sur l'eau. Peut-être pensez vous que moi et mes amis envoyés de mon clan, nous mentons. Peutêtre même pensez vous que notre peuple s'était attiré la colère des indésirables, pour qu'ils utilisent ainsi le souffle vengeur, comme son nom le définit, sur nous. Mes sœurs ! Mes frères ! Ecoutez-moi ! Au nom du Dieu du ciel et du Dieu de la terre ! Je vous demande de me croire ! Et si mon discours ne vous a pas convaincu, vous n'aurez qu'à prendre votre envol. Allez, sur les ailes du vent, toujours plus à l'Est, aux confins du lac salé ! Vous y verrez cette fourmilière dont je vous ai parlé ! Cette « Teikoku » ! Ils vous suffira d'un regard pour voir que nous vous disons la vérité ! Ils se marchent les uns sur les autres ! Certains d'entre eux dorment dans de gigantesque ruches, l'une d'elle est si grande qu'elle pourrait accueilir toute seule l'intégralité de notre clan ! Et pendant ce temps, d'autres dorment à même le sol, dans la poussière ! Ils n'ont pas plus de respect pour notre terre et notre ciel, que pour leur peuple ! Ils crachent ! Ils ne savent pas parler sans crier ! Leur chant sont barbares ! Ils ne sifflent jamais ! Ils se frappent entre eux, ils ne se respectent pas ! Et les envahisseurs sont de plus en plus nombreux sur le lac salé ! Leurs ruches tombent sur nos plages au bord de ce lac salé par centaines ! Elle déversent sur notre territoire toujours plus des leurs ! Ils s'installent, ils se reproduisent entre eux, ils se multiplient et ils nous chassent ! Récemment, l'un de leur clan s'en ait pris à l'un de notre clan. Ce clan est venu demander au notre son aide. Et nous avons répondu présent, afin de repousser les envahisseurs ! Cette terre nous appartient, mes frères ! Ce ciel est à nous, mes sœurs ! Laisserez-vous ceux qui viennent d'au-delà le grand lac salé vous prendre ce que les Dieux vous ont donné ? Laisserez-vous ceux qui n'ont pas d'ailes vous voler votre ciel ? Acceptez-vous que ces envahisseur, cette « Teikoku », qui a pour chef un envahisseur sans ailes, sans ombre, qui vit la nuit, qui fuit la lumière de l'astre du Dieu du ciel, aux yeux rouges comme le sang et aux cheveux blancs comme la cendre, ce Kafkon Samuel, s'autoproclame reine de notre terre ?! Non ! Prenez votre envol avec moi ! Mes frères ! Mes sœurs ! Montrons à ceux qui viennent d'au-delà le lac salé, ces indésirables, ces serpents, que ce monde est notre monde à nous ! Ils doivent repartir d'où ils sont venus ! Combattons ensemble !! Réunissons ensemble tous les clans ailés !! Volez !!! Sur les ailes du vent, aussi loin qu'il pourra vous emmener !!! Unifions-nous !!! Et ensemble, allons dire à ces envahisseurs que qui appelle la guerre est en guerre avec soi-même !!! Cette terre nous appartient !!! La guerre appelle la guerre !!!

Aux paroles hurlées d'Arkhis, une foule de sifflements et de cris y répondit ! Chacun des clans ailés auprès de qui ils appellèrent à l'aide répondirent présent. Arkhis, Herma, Gogûa et Péri, les messagers de leur clan, fédérèrent ainsi presque une centaine de clans d'ailés. Teikoku devait tomber.



~




- Attention Péri !

Gogûa battit des ailes, suivant un courant ascendant à sénestre, et vint percuter de tout son poids le corps de Péri qui rit aux éclats ! Tintamarre couvert par le bruit des sabots des carractikels sauvages ! Avait-on déjà vu Gyrkime chasser ? C'était là un spectacle assurément unique ! La chasse était habituellement le tâche des meilleurs guerriers du clan. Ils se divisaient en deux groupe d'environ une trentaine de chasseurs. Le premier groupe fondait en piquée sur le troupeau de carractikels sauvages, le rabattant ainsi, à grands coups d'ailes et de cris, droit sur le second groupe de guerriers ! Ce dernier, à l'aide de lances finement travaillées, des harpons, se chargeaient d'abattre ainsi plusieurs carractikels, les prenant de front ! Le dîner était toujours très savoureux.

Mais parmi la délégation présente, seuls Arkhis et Herma, devenue sa compagne, donc la mère spirituelle des guerriers, étaient des guerriers. Arkhis avait donc convenu que Péri et Gokûa tiendraient le rôle de rabatteurs. C'étaient la première fois, de mémoire Gyrkime, que des magiciens se chargeaient de la chasse, même si le plus gros enjeu revenait à Herma et Arkhis !

- Wou ! Wou ! Wou ! Glapissait Gogûa les mains en porte-voix ! Scriiiii !

Le troupeau de carrac galopait si vite que l'on aurait pu croire qu'ils avaient une horde de démons à leurs trousses ! Péri comprenait le besoin de Gogûa de se défouler ! Ils passaient de clans en clans, et ce depuis tellement de ciels qu'elle en avait perdu le compte, à parler de massacre, de guerre, de violence, de mort ! Même si aucun des quatre ailés ne perdait de vue leur mission, à savoir fédérer un maximum de clans d'ailés à travers le Nouveau Monde, ils avaient un vital et immense besoin d'anhéler un instant, se libérer des fardeaux de leur responsabilité et des entraves que l'annonce d'une guerre imminente leur imposait !

- Là ! cria Péri en désignant du doigt les silhouettes ailés de Arkhis et Herma, harpon en main ! Ils les tienes !
- Scriiii ! Scriiiii !
- Scriiii ! Glapit à son tour la jeune magicienne les mains en porte-voix !

Gogûa se servit de sa magie afin d'amplifier dans l'air la sonorité de son cri de guerre, à la manière du faucon pélèrin, ce qui paniqua le bétail encore plus ! Péri rit aux éclats comme une jeune poussin ! Herma lança son cri de guerre après une acrobatie aérienne des plus prodigieuses et lança son harpon qui rebondit sur la carapace d'un carractikel ! Arkhis fondit en piquée, il arma et tira ! Son harpon se ficha dans le poitrail de sa cible, et l'abbatit sur place ! Les deux guerriers poussièrent un cri de guerre, et une fois que le troupeau fut passée en trombe, se posèrent afin de rejoindre les deux magiciens. Cela faisait une éternité qu'ils n'avaient plus mangé de viande depuis leur départ de la ruche.



~




- Tu veux un peu de coave ?demanda Péri à son père spirituel.

Gogûa lui fit signe de parler moins fort, d'un index posé sur ses lèvres. Il désigna Herma et Arkhis, lovés nus l'un contre l'autre sur une branche un peu plus haut, livrés au plus paisible du sommeil sous une douce averse. Péri comprit le message et reposa sa question, plus bas. Gogûa accepta, et croqua dans un coave tout en s'ebourriffant les ailes.

- J'aurai préféré un succoza bien juteux, sourit Ggogûa tout en croquant dans son coave.
Moi aussi, lui avoua le jeune ailée. Mais je n'en ai pas trouvé. C'est la première fois que je vole si loin de notre peuple. Il y a même des arbres que je n'ai jamais vu ici.
Même les larmes du Dieu du ciel ont une autre odeur...

Péri acquiesça.

- Gogûa...
- Oui ?
- Je ne t'ai jamais remercié, de m'avoir désignée pour t'accompagner parmi tous les magiciens. C'est un grand honneur. Jamais je n'aurai cru...

Gogûa pencha légèrement sa tête sur le côté, laissant tomber son coave rosé au pied de l'arbre gigantesque à l'abri duquel ils se trouvaient. La lune était bien ronde. La pluie chargée de mille odeurs. Péri se pressa légèrement contre Gogûa, ses jambes pendantes dans le vide, ses ailes retroussées dans son dos, s'ébrouant les plumes de temps en temps.

- Tu es celle qui les connais le mieux, avoua Gogûa en la regardant dans les yeux.

A cela, la jeune magicienne ne sut que répondre.

- Péri, commença Gogûa, quand je pense à notre père Pudro, je me dis qu'il nou a quitté trop tôt.
- Je pense la même chose, avoua Péri en essuyant une larme du bout de son index. Il manque à nous tous. Et pas qu'aux magiciens.
- Je l'ai remplacé, lui confia Gogûa, car tous m'ont désigné comme étant le magicien le plus sage et le plus doué du clan. Mais quelquefois, j'ai peur. J'ai peur d'échouer. J'ai peur pour notre peuple. Pour les poussins.
- Tu es le magicien le plus doué du clan, le rassura Péri. Et tous les magiciens te suivent. Nous avons déjà fédéré des centaines de clans. Bientôt Teikoku et Kafkon quitteront notre ciel et notre terre. Pour toujours.
- Péri. Il y a une autre raison pour laquelle je te voulais toi, et personne d'autre, pour nous accompagner, avec Arkhis et Herma.

Le jeune magicien plongea son regard clair dans celui de Péri. Ses ailes l'entourèrent machinalement, et ses plumes semblèrent frissonner.

- Péri, lorsque je vole à tes côtés, commença Gogûa, je me sens comme l'épervier dans l'aile du vent. Je suis...bien, avec toi.

Péri reçut l 'équivalant d'une gifle mentale ! L'épervier...Abad ! Sitôt que son clan avait désigné ses envoyés pour tenter de fédérer les autres clans Gyrkimes, elle aurait dû envoyer un message à Abad !

- Tu sauras que nous sommes prêt à partir en guerre et à nous unifier, sitôt que tu apercevras dans le ciel, au-dessus de ton camp, l'épervier à queue longue.
- Mais comment feras-tu pour amener un épervier à voler au-dessus du camp ? avait demandé Abad.
- Je sais le faire. Je chante avec l'épervier, tu sais. Je peux aussi lui parler.

Abad ! Elle l'avait complètement oublié ! Cela faisait combien de temps qu'elle et Gogûa étaient en mission ? Elle ne savait même pas compter ! En fait, Péri ne s'était pas du tout attendu à ce que Gogûa la désigne, elle parmi tous les autres magiciens, pour l'accompaner dans cette mission ! Elle en avait oublié l'épervier.

- Qu'est-ce que tu as, Péri ? On dirait que je te choque. Je suis désolé de te l'avoir dit comme ça. Mais tu sais, la guerre engendre la guerre, et la guerre nourrit la guerre. Je ne voulais pas voler plus haut, plus avant, sans t'avoir avoué mes véritables sentiments.
- Ça n'est pas ça Gogûa..Je..Je dois y aller !

Aussitôt, elle prit son envol ! Abad ! Depuis combien de temps scrutes-tu le ciel ?

- Péri, attends !
- Laisse-moi Gogûa ! Je dois...Je dois...

L'averse gênait son vol et l'aveuglait ! Les troncs oranges, presque rouges, épais, et les lianes hautes l'entravaient dans sa liberté de mouvement ! Gogûa la rejoignit bien vite, ses longues ailes déployées sur un courant ascendant !

- Péri, mais qu'est-ce que tu as ?
- Je dois faire quelque chose ?
- Péri, je t'ai déplu ?
- Non, Gogûa, non.. Mais c'est A...
- C'est Abad, c'est ça ?

Ils se posèrent tous deux, à terre. Péri ne dit plus rien. Gogûa ne devait rien savoir de son plan avec Avad. Il ne devait pas savoir que c'était elle qui avait incendié les ruches. Abad et moi sommes en train de provoquer une guerre...

- Abad n'a pas sa place sous notre ciel, dit Gogûa en lui prenant les mains.
- Il a promis de nous aider à tuer Kafkon !
- Si il a dit ça, si il emploie le mot ''tuer'' aussi facilement que ses semblables, alors dis-moi en quoi il serait différent d'eux ?

Péri ne trouva rien à répondre.

- Péri, moi je t'aime et je veux prendre soin de toi. Je créerai tout un ciel, uniquement afin de voler à tes côtés. Les marcheurs sur l'eau quitteront nos terres, loin de notre peuple, et nous seront heureux, et de nouveau libre.
- Gogûa, tu ne comprends p...

Il la fit taire en l'embrassant, l'enlaçant de ses puissantes ailes, une main posée contre sa joue et une autre sous son menton. Péri sentait son cœur s'affoler dans sa poitrine. Jamais personne ne l'avait embrassée avant. C'était vrai que leur mission auprès des autres clans ailés les avait grandement rapprochés, Gogûa et elle. Mais jamais elle ne s'était douté qu'il l'aimait ! Doucement, leurs deux visages se séparèrent.

- Tu es l'une des notre, Péri. Abad n'appartient pas à notre monde.
- Mais...
- Ne trahis pas ton peuple. N'oublie jamais qui tu es. Tu es une ailée. Eux, ce sont des serpents.

Péri repoussa Gogûa, plus violemment qu'elle ne l'aurait voulu ! Elle trembla à la suite de son geste. Après tout, Gogûa était le chef suprême du clan des magiciens. Son chef suprême.

- Péri...poursuivit-il d'une voix douce.
- Je ne trahirai pas mon peuple, Gogûa...

La tête basse, la gorge brûlante et les ailes gelées, Péri reprit le chemin de l'arbre sur lequel dormaient Herma et Arkhis, à pieds. Gogûa lui laissa un peu d'avance, puis il la suivit. Sur ses lèvres palpitait encore là les mots du beau magicien ailé : lorsque je vole à tes côtés, je me sens comme l'épervier dans l'aile du vent.



~




Environ cinq lunes après l'incendie des ruches, le vol gracieux et léger d'un épervier aux ailes mouchetées et au poitrail blanc comme neige vint culmuner au-dessus du campement d'Abad. Et moins de huit lunes après cela, Péri, Fayro, Gogûa et Herma, acocmpagné d'une bonne vingtaine de Gyrkimes magiciens, archers et guerriers, tous confondus, se posèrent sur le sol aux pieds des montagnes. Gogûa portait le collier magique.

- Moi, Gogûa, chef du clan des magicien, demande à parler à votre chef, celui que vous appellez Abad.

Il ajouta après un regard voilé pour Péri, dans son dos.

- La guerre appelle la guerre. Et vous avez un engagement envers mon peuple à honorer. »
Sam 22 Oct 2016 - 18:33
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Abad El Shrata du Khamsin
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Roi en exil
Abad El Shrata du Khamsin
Abad était accoudé à la rambarde de sa hutte en flanc de colline scruptant le ciel comme tous les matins depuis presque un tour mainteant. Excepté que ce matin, ce n'était pas la beauté du paysage qu'il admirait. Trois semaines étaient passés, les bâteaux avait été vidé, les provisions rangés, les huttes à l'Ouest du campement assignées aux soldats, de nouvelles crées pour les nouveaux colombs ... et toujours aucun signe de Péri.

" Pourquoi me mets-tu dans de telles situations Péri ? "

Deux jours plus tard, alors qu'Abad procédait à une inspection en bonne et due forme du campement des soldats, distrait, il leva la tête vers le ciel et l'aperçut : le vol gracieux de l'épervier au poitrail blanc comme neige qui passait au dessus du campement.
Il n'écoutait plus ce qui se passait autour de lui, et les paroles d'Armand s'étaient transformées en une succession de charabia incompréhensible encombrant ses oreilles. Quand il sentit une pression sur son épaule qui le sortir de sa stupeur.
Il tourna la tête et vit que c'était la main de Tongr'h qui était posée sur son épaule :
" Ce sont des Gyrkimes que vous cherchez le nez en l'air. Parce que nos hommes aussi commencent à s'impatienter, voila plus de cinq jours que nous sommes ici et pas une trace de ces créatures ailées !
- Croyez moi Commandant Kassarime, ça ne saurait tarder. "
Ce fut encore une semaine plus tard, alors qu'Abad prenait connaissance de l'avancement de l’édification de la forge qu'ils arrivèrent enfin.
Au début quelques point noirs au dessus des montagnes, Abad discerna bien vite la forme d'elle qui se dessinait au dessus de sa tête. Quelques seconde plus tard, ce fut une vigtaine de Gyrkimes qui se tenait devant lui, à une dizaine de mètres du sol. Leurs ailes battaient face au soleil levant, emplissant leurs plumes de milles reflets dorés.
Au début les colombs déjà debout à cette heure matinale ne bougèrent pas, ne comprenan pas trop ce qui était en train de se passer car pour la plupart n'ayant jamais vu de Gyrkimes de leurs propres yeux.
Puis, quand ils comprirent, ce fut la panique générale : les hommes se mirent à chercher des armes, le forgeron pointa son marteau vers le ciel tandis que le boucher braquait quant à lui son hachoir. Les femmes prirent leurs enfants dans les bras et se mirent à courir en hurlant :
" Qu'on appelle les soldats, les Gyrkimes sont là ! "
Abad regarda un instant le capharnaüm autour de lui, puis il plaça ses mains en cône devant sa bouche et hurla de toute ses forces :
" Assez !! "
Alors tout le monde s'arrêtait dans son élan. Au même instant, débouchant d'une des allées arrivèrent les soldats, Tougr'h à leur tête.
" Les archers, il est temps de mettre en pratique ce que vous avez appris à l'entraînement, dégommez moi ces pigeons jusqu'au derniers ! "
Au même instant, se sentant menacées, les Gyrkimes bandèrent à leur tour leurs arcs, prêts à en découdre avec ces humains insolents.
Alors, et de façon simultanée, Abad et le Gyrkimes à la tête du groupe prirent la parole :
" Restez calme, il n'y a pas de quoi avoir peur, dit Abad.
- Ne bougez pas, dit le Gyrkimes qui n'avait même pas pris la peine de se tourner vers les siens et s'était contentés de lever une main en l'air.
Abord fut étonné un instant de ne pas avoir entendu une série de piaillement, puis il comprit que le Gyrkime portait un collier magique. Il continua :
" Quand à vous Tougr'h, faîtes un geste de plus et je vous tous passer en cours martiale pour prise de de décisions fortuite et désobéissance à ses supérieurs, qui plus ait le chef des armées. Ordonnez à vos hommes de ranger leurs armes. "
Bien malgré lui, et avec toute la mauvaise volonté du monde, Tougr'h demanda à ses hommes de ranger leurs arcs, ce qu'ils firent, suivis par les Gyrkimes, qui s'éxécutèrent dans un seul et même geste lorsque leur chef abaissa la main. Celui-ci prit la parole :
" Moi, Gogûa, chef du clan des magicien, demande à parler à votre chef, celui que vous appellez Abad.
La guerre appelle la guerre. Et vous avez un engagement envers mon peuple à honorer. »
Tout à coup une rumeur s'empara du camp entier :
''Vous entendez, ils piaillent !
- Comme des oiseaux.
- Mes Dieux, protégez-nous ! "
Abad se pencha discrètement vers Armand :
" Occupe toi des colombs, je veux qu'ils rentrent chez eux. Personne à l'extérieur aujourd'hui. "
Armand acquiesa d'un signe de tête puis Abad fit un pas en avant :
" Je suis Abad el Shrata, Sentinelle de Ram et chef de cette colonie. "
A nouveau un murmure, comme un bruit d'eau qui coule et qui se propage parmis la colonie :
" Regardez il leur parle !
- Ils ne peut pas leur parler ! Ils ne parlent pas la même langue que nous.
- C'est impossible ! "
Au dessus de lui, Abad aperçut quelques visages familiers : tout d'abord celui d'Arkhis et d'Herma, qui lui lançait un regard désaprobateur, puis Péri qui se tenait à côté du chef. Rien que de voir son visage redonna du courage à Abad qui reprit :
" Cet endroit n'est pas approprié pour un entretien. Je vous invite à venir discuter dans mes appartements. Les membres de vôtre groupe pourront attendre dehors, je crains qu'ils ne soient des mieux accueillis ici, en centre ville. "
Alors le chef de clan descendit doucement et lorsque ses pieds touchèrent le sol, tout le monde excepté Abad eut un mouvement de recul. Il s'approcha alors de lui et lui serra la main :

'' Discuter, je ne savais point que les Hommes en étaient capables. "

Abord ouvrit la porte donnant à sa hutte et et fit un pas de côté afin de laisser entrer le Gyrkime.
Celui-ci ne bougea pas tout de suite, semblant hésiter une seconde, puis il fit un pas en avant et disparut dans la pénombre de la hutte. Abad fit demi-tour vers Péri qui lui retourna son regard accompagné d'un léger signe de tête. Il entra à son tour.
La hutte dans laquelle logeait Abord était presque entièrement faîtes de bois d'un orange qui avait foncé lorsque on l'avait enduit d'huile pour le rendre étanche.
La pièce principale était petite, pas plus grande que sa cabine sur le bâteau.
Le toit quand à lui était en paille, bien que soutenu par une charpente faîtes de bois elle aussi.

Spoiler:

Abord invita Gagna à s'asseoir à centre de la pièce, sur les fauteuils disposés autour de la table puis s'assit à son tour.
Un instant ils ne dirent rien, puis, alors que le silence commençait à se faire génant Abad prit la parole :
" Nous autres Hommes savons nous entretenir tout comme vous, sachez le.
- C'est pourtant sans mots aucuns que les Hommes venus du lac salé ont mis le feu à nos ruches.
Abad ravala sa salive. Péri ...
- Oh, je ne savais point et vous m'en voyez terriblement navré Gogûa mais point sont-ce des hommes qui ont incendié vos ruches, puis-je vous en assurer.
- Qui dans ce cas ? dit Gogûa en levant un sourcil.
- Des vampires., des êtres abjectes se nourrissant du sang des vivants.
Gogûa se tut un instant puis il prit la parole :
- Sachez que nous sommes aller quérir l'aide de nos clans voisins et nos frères et soeurs ont répondu à l'appel. Eux aussi ont la haine contre  ces étrangers, tous les étrangers. Humains ou vampires, peut font la différence et nombreux sont ceux qui veulent vous exterminer, les uns comme les autres.
Gogûa se pencha en avant :
- Vous avez bien trop longtemps profité de nos terres. Il est temps  d'honorer l'accord que vous avez passé avec mon père il y a six mois Abad El Shrata. Battez-vous avec nous et gagnez le respect de notre espèce où terrez vous ici et subissez notre vengeance. "

*
Alors que Gogua sortait de la hutte Abad referma la porte derrière lui et repensa à ce qui avait été dit pendant l'entretien.
Trois jours. C'était le temps que lui avait accordé Gogûa peut rassembler ses honnes et marcher vers Kafkon.
Une stratégie avait été aussi décidée : ils attaqueraient en plein jour. Les Gyrkimes pousserait les vampires à s'exposer à la lumière du soleil en mettant le feu à leurs baraques. Abad et ses hommes viendraient de la mer, bloquant tout retrait aux troupes de Kafkon.
Bien entendu il allait devoir convaincre ses hommes. Et Ram de ne devrait rien savoir.
Lun 24 Oct 2016 - 18:29
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Le Pygargue
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Fils de Kafkon Samuel
Le Pygargue
À travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s'il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts!

Baudelaire



Ram




«  Occupe-toi des chevaux et suis-moi, dit Palomar.

Le Pygargue flatta d'un geste de la main l'encolure noire de la jument, et se saisit des rennes. Dociles, les deux pur-sang ne lui firent point de difficulté et emboîtèrent son pas, lui-même emboîtant celui de Palomar et de trois de ses amis sur le plateau aride qui entourait la grande ville portuaire de Guedria. Autour de la ville se trouvaient quelques rares vals, aux pieds des collines déshéritées, en allant par le nord , qui eux s'avéraient stériles. Les paysans les utilisaient à leur profit, et vendaient le fruit de leur labeur en ville. Si l'on suivait, au contraire Guedria par le sud, on accédait alors à toute une étendue sèche, battue par les chacals et les coyotes et qui était la tête menant à l'immense corps désertique qui se prolongeait ensuite sur des lieues. Le jeune Palomar, accompagné de plusieurs de ses amis, avait pris avec lui son Oiseau afin de couvrir plusieurs lieues, s'extirpant ainsi de Guedria et s'enfonçant légèrement sur ce plateau désertique. Il amena son esclave jusqu'à un immense ravin, aux flancs aussi abruptes que ceux d'une falaise. En contrebas, plusieurs dizaines, plus d'une centaine d'hommes nus jusqu'à la taille munis de pioches et de pelles creusaient à l'intérieur de ce qui semblait être des mines sous les rocheuses. Palomar esquissa un sourire, du haut du promontoire sur lequel il se tenait, et banda enfin son arc, désireux de mettre à profit tout ce que son Oiseau lui avait enseigné jusqu'à présent. Si Palomar adorait la démesure, il en était pas ainsi de Pygargue.

- Qui sont-ils ? demanda-t-il tandis que son maître avait déjà fermé un œil afin de se concentrer sur sa cible, plusieurs dizaines de mètres plus bas.
- Des esclaves de Guedria.

Et la corde de son arc se tendait encore et encore.

- Vous allez tirer sur des hommes ?!
- Oui !
- Mais si vous le touchez ?
- Je compte bien le toucher !
- Etes-vous devenu fou ?
- Il faut bien autre chose que des cibles fixes afin de s'entraîner !
- Vous tueriez un malheureux sans raisons ?

Palomar roula des yeux au ciel.

- Allons ! Ce ne sont que des esclaves !
- Leur maître ne sera certainement point heureux que vous les eussiez occis !
- Ils appartiennent à Guedria, répondit Palomir en bandant son arme une seconde fois, je suis fils du Capitaine du Grand Sultan. J'ai le droit de me servir d'eux comme de cibles pour m'entraîner. Je ne vais pas tous les tuer, seulement un. La charogne attirera les grands oiseaux. Nous pourrons ensuite nous entraîner en tirant les charognards.
- Le meurtre est indigeste. Il découle de vos excès, de vos humeurs, de votre rage. De votre démesure.

Agacé, Palomar pour la seconde fois abaissa son arc et détendit la corde afin de réprimander son esclave.

- Tu ne veux pas qu'on tire sur des animaux ! Tu l'as dis toi-même, un entraînement sur cibles fixes ne signifie rien ! Lors d'un combat, on à affaire avec notre environnement extérieur, le balancement d'un navire, les cris intimidants de l'adversaire, l'angoisse qui nous prend au ventre, les corps qui fondent à toute vitesse sur nous ! Il faut bien que je me prépare à cela !
- Vous m'avez emmené jusque ici pour assister à un meurtre, je n'y consens pas.
- Tu ne peux pas m'empêcher de décocher cette flèche si je le veux ! s'énerva Palomar. Tu n'es qu'un esclave !

Le Pygargue le reconnut. Il vint se placer devant son maître, au bord de la falaise. Entre lui et la cible qu'il visait.

- Il en serait de vous comme du fer, si vous choisissez cette voie-là. Longuement passé au feu, cuit et recuit, vous vous fendriez et vous briseriez encore plus aisément.

Après un regard noir pour Rajah, Palomar banda pour la troisième fois, visant le thorax de son esclave.

- Ne m'empêche pas de tirer, je te l'ordonne.
- Tirez. Je ne vous empêche en rien.

Le Pygargue songea tout intérieurement que si cette flèche-là était décochée, il aurait alors bien échoué avec l'éducation de ce gamin. Palomar finit par la ranger dans le carquois posé au sol et, rageur, tourna les talons sous l'entier répertoire de mots orduriers en vigueur à Guedria.

~



Le maître de maison, le Capitaine Hikhesh Nadheeri vint quérir la présence de Rajah dans ce qui lui faisait office de chambre à écrire à l'intérieur de sa villa. Il tenait entre ses mains puissantes une tasse de thé chaud, qui fumait doucement en embaumant toute la pièce.

- Mon fils m'a dit que tu l'as empêché de s'entraîner, aujourd'hui, attaqua-t-il tout en consultant tranquillement un grand nombre de documents écrits.

Rajah, dos droit et mains repliés derrière lui acquiesça du chef.

- Oui, maître.
- Il m'a parlé des mines de Guedria.
- Oui. Il vouait tirer sur un homme.
- Un esclave.
- Un homme, maître.

Après avoir levé les yeux sur cet esclave particulier vêtu à la Ramienne, suite à ce léger écart d'arrogance, le Capitaine Hikhsh esquissa un sourire.

- Sans doute Palomar a-t-il omis de te dire que ces hommes sont des criminels, jugés par Guedria et qui ont choisis les mines aux galères. Il s'agit pour la plupart de voleurs ou d'assassins.
- Je l'ignorais, avoua Pygargue. Mais cela ne change en rien mon point de vue. Je suis de ceux qui préfèrent aimer que juger. Et les personnes que j'ai vu en bas, étaient des hommes que mon maître s'apprêtait à abattre comme des bêtes.

Le Capitaine but une gorgée de thé, puis se leva avec douceur. Il revenait d'un très long voyage car il avait été absent plusieurs lunes de chez lui. Il paraissait fatigué, nota le Pygargue. Hikhesh posa une main compatissante sur l'épaule de l'esclave de son fils.

- Je pense que vous avez bien fais. Palomar doit reconnaître la valeur de la vie, si il veut un jour faire un bon capitaine de Ram.

Il fit quelques pas dans la pièce, puis ajouta en croisant les mains derrière le dos.

- Mais je ne t'ai pas fais venir ici en pleine nuit pour parler des petits caprices de mon fils.
- Je suis tout ouïe.
- Rajah, souffla-t-il entre sa barbe drue. Quel est ton nom ?

Le Pygargue ne cacha pas sa surprise.

- Pygargue, maître.
- Ton vrai nom, insista Hikhesh.

Mon vrai nom... Combien cela faisait de lunes qu'il ne l'avait plus utilisé ? Sa peau avait noircie et ses cheveux blanchis, brûlés par le grand œil de Lothÿe. Ses habits impériaux aux coupes et aux coloris de sa Maison avaient disparus, échangés contre des amples drapés fait par et pour Ram.

- Everhell, maître.

Il se corrigea de lui-même.

- De Everhell.

Le maître de maison acquiesça.

- Un grand d'Ambre. Un noble de l'Empire. Quelles étaient les armoiries de ta Maison ?
- Le troisième œil de Finil, maître.
- Baronnie ?
- Ducs et familiers du Prince, à l'époque. Comtes aujourd'huy.
- On ne m'a donc pas menti.

Le Pygargue se garda bien de demander qui était ce ''on'' même si la question lui brûlait les lèvres.

- Jamais je ne m'en suis caché, maître.
- C'est vrai. Te souviens-tu du Capitaine Salahuddin Al Ayyubi, Rajah ? Il fut ton précédent maître, avant que je ne t'achète sur le marché nocturne de Gallifi.
- Je ne l'aurai point oublié même si je l'avais voulu...
- Salahuddin travaille pour le Sultan de Ram, Qassim Anar. Lorsque tu étais à ses ordres, tu l'étais indirectement à ceux du Grand Sultan. Ainsi, tu remboursais ta dette envers Alkhalla, qui a été annexé par Ram il y a plusieurs Tours maintenant.

Le Pygargue hocha le tête en signe de compréhension. Le Capitaine poursuivit tout en posant sur un coin du mobilier sa tasse de thé.

- Seulement, le Capitaine Salahuddin Al Ayyubi a estimé que tu ne convenais pas au travail de la Shéhérazadd, la galère sur laquelle il t'employait. Donc il t'a vendu à Gallifi. Sauf qu'il a pris là une décision qui ne le concernait pas, ou plutôt, il n'aurait pas dû la prendre sans l'accord du Grand Sultan. Et quand bien même celui-ci ne se serait pas opposé à ce que tu sois dispensé de le servir, tu aurais dû regagner Alkhalla et son service.
- Je comprends.

Il eût l'impression d'un immense marteau venait de s'écraser sur son cœur. Quitter la villa du Capitaine Hikhesh Nadheeri, et Palomar, revenait à devoir affronter un second exil pour le Pygargue.

- Dois-je m'en aller immédiatement ?

Le Capitaine l'apaisa d'un signe de la main.

- Non, tu es chanceux, Rajah. Tout comme le Capitaine Al Ayyubi, moi aussi je suis Capitaine au service du Grand Sultan. On peut dire que Virel a posé l’œil sur toi, le jour où je t'ai acheté. J'ai eu une entrevue avec le Sultan Qassim Anar. Tu restes donc à mon service. Et la mission dont il avait chargé le Capitaine Salahuddin est annulée, c'est moi qui la récupère. Jamais les Dieux n'ont octroyé aux mortels de lots sans souffrance, n'est-ce pas ?

Le Pygargue découvrit avec surprise ce que lui avait réservé le souverain de Ram.

- Tu iras servir mon Sultan, qui est aussi le tien, sur le Nouveau Monde. Ram sera bientôt capitale de deux mondes, avait conclu le Capitaine Hikhesh.

~



Si le Pygargue et Palomar pouvaient demeurer en tension durant trois jours, leur animosité fondait comme neige au soleil dès l'aube du quatrième. Les préparatifs prirent plusieurs semaines, puis le Capitaine Hikhesh appareilla. A bord de la trirème Pervissa, il embarquait ses marins, bien sûr,  aux rames et aux ponts, un secrétaire et une troupe de mercenaires désignés par Vindex, quelques-uns de ses plus proches serviteurs, son fils et Rajah. Le passage de la grande Passe se déroula sans encombre. Pygargue enseignait et Palomar apprenait, la dizaine de recueils qui passa entre leurs mains furent exploités avec bénéfice et intelligence.

Le destin en marche dévoilait un immense désastre. Et le Nouveau Monde ne serait bientôt plus qu'un gigantesque bûcher consacré aux crimes de l'amour.

~



Nouveau Monde



Quelques Lunes passèrent. Deux guerriers de la colonie Ramienne du Nouveau Monde vinrent escorter Pygargue jusqu'à la grande hutte du chef El Shrata. Rajah se félicita que leur venue dans la tente personnelle qu'il partageait avec Palomar ne fut pas reportée de quelques minutes, auquel cas il aurait été offert à leur infortuné regard un bien étrange spectacle, et les deux Guedriains auraient eu bien du mal à justifier et expliquer la décadence de leurs actes. Un homme que le Pygargue avait identifié comme se nommant Armand ouvrit la porte, et les trois individus rentrèrent. Le Pygargue remarqua dans son dos l'éclipse d'Armand, tandis que les gardes sortaient également en refermant la porte. La sentinelle de Ram, chef suprême de la colonie, un certain Abad El Shrata était debout à un pas de la chaise derrière son bureau d'infortune, et l'acceuillit d'un hochement de tête.

- Mickaël De Everhell, prenez place s'il vout plait.

Les deux hommes s'assirent l'un en face de l'autre. Au-dehors, la lune était à son premier quart et d'épais nuages s'amoncelaient déjà à l'horizon, annonçant sans doute une averse éphémère. On devinait également une multitude de sons, produits par divers bestiaux que le Pygargue ne connaissait ni de nom, ni de vue. Il tenta de se concentrer sur ce qu'allait lui dire cet Abad. Si ce dernier connaissait son nom Impérial, ça ne pouvait qu'être que par le biais du secrétaire dépêché par Vindex. Le Pygargue ne voyait pas l'intérêt qu'aurait eu le Capitaine Hikhesh à confier une telle information à Abad. D'autant plus que le Capitaine connaissait son nom sous l'Empire, mais point son prénom.

- Maître Abad.

Il joignit à ses mots calmes et limpides un hochement de tête à peine mesuré qui le ferait paraître tout en politesse et prédisposé à servir celui qui l'avait fait quérir au beau milieu de la nuit.

- Sachez que je suis au courant que vous n'êtes pas un simple tuteur, Monsieur De Everhell. J'ai été mis au courant des circonstances de votre venue parmi nous.

Le Pygargue ravala un ''hmm'' inaudible. Il aurait bien aimé confier à cet Abad qu'aujourd'huy, il n'aspirait justement qu'à n’être rien de plus qu'un simple tuteur. Après un silence presque gênant, il estima que le maître El Shrata attendait de lui une réplique, et qu'il ne cillerait pas. Il consentit à le satisfaire.

- Ces circonstances que vous pointez du doigt, maître. J'estime l'effondrement de mes actions auprès de l'Empire, afin que je puisse servir le votre.
- Nous y venons, reprit Abad. Et je pense que vous ne servez point l'Empire tel que vous le devriez monsieur.

Un second silence. Volontaire, sans aucun doute, puis il poursuivit.

- Savez-vous toujours manier l'épée ? Ou ces longues Lunes d'emprisonnement vous ont subtilisé vos capacités à tenir une lame ?
- Point de longues Lunes d'emprisonnement, mais une vilaine meurtrissure au niveau de l'épaule. Je perdis grandement de mon estime d'avant. Je sais manier, cela s'entends. Mais je perds en fermeté ainsi qu'en endurance. Vous m'avez vu entrer dans la hutte. Ma démarche n'est point parfaite. Elle l'était, avant.
- Les grandes batailles ne sont peut-être plus de votre ressort, je peux vous l'accorder. Mais c'est un bien beau gâchis qu'un De Everhell ne manie plus la lame.

Comme un enfant à qui l'on vient de faire un reproche, le Pygargue abaissa légèrement la tête. Etrangement, il pouvait presque sentir la lame que ce Théoden avait passé en travers son épaule, de part en part, le brûler au travers son manteau.

- Sachez que ce qu'il s'est passé sur le continent ne me concerne pas, enchaîna Abad. D'ailleurs, de nombreux colombs qui ont été envoyés ici étaient rien de plus que des truands à Ram qui remplissaient les prisons de Vindex. Beaucoup d'entre eux ont tué bien plus que leurs frères.

À la simple mention, même indirecte, de Bervers, le Pygargue serra les poings.

- Les guerriers qui m'ont été envoyés sortent tout juste de l'école, ils sont impétueux, assoifés de sang. Je veux que vous les formiez, les entrainiez, et que vous leur appreniez vos techniques et vos bottes secrètes. Vous n'êtes pas fais pour moisir dans un bureau enseignant la philosophie à un enfant monsieur, votre place est sur le champ de bataille. Néanmoins, si votre élève souhaite apprendre le maniement de l'épée vous pourriez bien entendu l'amener à vos sessions d'entrainement.
- Non mon élève, maître Abad, il demeure mon maître légitime, quand bien même vous le targuez de n'être qu'un enfant. Il est vrai qu'il est encore jeune dans ses Tours. J'ai ouïe dire, si fait, que le sultan de Vindex avait un avantage certain sur les souverains du Continent qui se flattent de possessions sur le Nouveau Monde. Il possède chez lui des hordes de malheureux qu'il peut déverser sur ce monde-là, dans votre colonie. Par delà Ram, il n'y a que des paysans qui demeurent chez eux.

Après un silence, il ajouta.

- Si tels sont vos ordres de commandement, ils seront suivis. J'enseigne déjà l'art de l'arc et de la lame à mon maître.
- Vous procéderez ainsi alors. Je m'entretiendrai avec le Capitaine Nadheeri ainsi qu'avec les guerriers. Vous commencez demain.
- Permettez-moi une ultime objection, maître. La danse qui me sied n'est point art Ramien, mais art Impérial. Quant aux bottes de Maison Impériales, censément doivent-elles rester bottes de Maison Impériale. Il s'agit là de l'héritage de notre nom, et cet héritage depuis des siècles, demeure jalousement conservé.

Le maître de la colonie le coupa presque.

- Votre nom ne vous appartient malheureusement plus, Pygargue.Vous êtes propriété de Ram désormais, et ferez comme je vous l'ordonne.
- Je ferai selon vos ordres, j'escompte simplement vous instruire des conséquences de cet entraînement-là, répondit le Pygargue. Vos hommes seront surpris. Mes passes ne ressemblent en rien à ce qu'il se pratique en territoire Ramien ou Sultan.
- C'est bien ce que j'attends de vous.

La sentinelle Abad El Shrata se leva et le gratifia d'un sourire qu'il trouva plaisant et apaisant.

- Vous pouvez disposer.

~



- Moi ? Me mêler à des ineptes qui sortent de l'école ? Mais je suis fils du Capitaine Nadheeri ! beugla Palomar.
- Abad m'a bien fait comprendre que je disposais point de mon mot à dire, avança Rajah blotti contre son maître. Mais je pense que cela ne vous fera point de mal d'être mêlé à d'autres archers et d'autres épéistes.
- Ta démarche est retorse, boiteuse et maladroite ! Tu deviens vieux, tu ne sais même plus voler, tu n'as ni arc ni épée et ta dextre et ta senestre n'ont aucune vigueur !

Le Pygargue sourit à la spontanéité de si charmantes petites attentions à son égard de la part de son maître.

- J'ai perdu grandement de mon prestige, il est vrai. Mais je ne souffre nulle mal à vous désarmer où vous surclasser un arc entre les mains.

Palomar trouva plus judicieux d'enfourner dans sa bouche quelques petits biscuits au skingbire et à l'habate plutôt que de préparer une réplique orale.

- N'empêche, finit-il par grommeler. Tu es à moi. Tu es mon Oiseau. Il a pas le droit de t'utiliser comme ça, cet Abad.
- Si vos adversaires voient en vous un garçon qui se vêt d'une façon irréprochable dans ses fentes et dans ses voltes, vous jugerez de vos progrès sur cet art avec précision.
- Mouais. Entre cet Abad qui veut t'éloigner de moi et les hommes plumés qui traficotent je-ne-sais-quoi dans le camp, je commence à ne plus aimer comme avant le Nouveau Monde !
- Vous l'aimiez ? s'étonna le Pygargue.
- L'occasion est belle, rit Palomar. Il nous faut l'embrasser !

Lorsqu'il le tira à lui afin de l'embrasser, le Pygargue songea que le triomphe d'Atÿe sur lui était parfait ; tous ses traits avaient porté. Un tintamarre infernal sépara les deux amants.

- Quoi encore ? »

Le Pygargue écarta l'un des pans de la tente et jeta un œil au-dehors. Une masse bruyante grossissait près des rives d'eau du campement. Oubliant de se couvrir le poitrail et de se chausser, il se précipita à l'extérieur sitôt que le mot ''pirate'' arriva à ses oreilles. Palomar le suivit au pas de course. Au centre de la foule, un homme à peine plus âgé que son maître et une femme magnifique à la longue chevelure rouge escortaient une compagnie d'une trentaine d'individus visiblement fatigués. Des pirates. Le Joly Roger qui trônait avec vileté sur l'épaule de la femme en rouge étincelait au clair de lune lézardé par les ombres que projetaient les nuages. Il sembla au Pygargue qu'il venait de se tourner vers lui, et lui sourire.
Lun 14 Nov 2016 - 15:42
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Phadria Red
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Localisation : Quelque part dans les Îles de Jade
Je suis à toi pour toujours
Phadria Red
Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir enbaumé !

Baudelaire



Sur le pont, sous l'écoutille, pullulaient ces centaines de diables dans une abominable représentation d'un bûcher final de l'enfer ! C'étaient des tourbillons de chair, d'acier, de poudre et de sang ! Des tripes constellaient le pont, et il était difficile de ne pas glisser à cause de tout le sang mêlé à l'eau de la mer que le vent en rafale portait sur son aile ! Phadria tourna la tête au moment précis où Lum courrait sur Guadalmedina, couteau en main, tandis que lui-même parait une attaque du Capitaine Teikokujin !

«  - Lum ! Non !

Guadalmedina n'était pas loup pour rien ! Tout se passa en une seconde ! Sa lame argentée traversa le poitrail du Capitaine en une gerbe de sang qui lui éclata au visage, manquant de peu d'ouvrir l'homme en deux, puis d'un revers bien placé il fendit sur Lum...que Phadria protégeait ! L'attaque la heurta de plein fouet, et seul le corset qu'elle portait empêcha la lame qui frappa pleine de force contre ses côtes de les lui briser net ! 

- Phadria ! cria Franco !

Une voix. Un mugissement gigantesque ! Et soudain, une ombre jaillit des abysses, fauchant tout le pont du Teikokujin à mi-hauteur ! Guadalmedina, ainsi que tous ceux qui demeuraient debout, furent jetés à la gueule des Grand'Eaux ou vinrent se broyer le crâne contre le bastingage et les mâts qui s'affaissaient sur le pont !

- Par Ariel ! C'est quoi ça ?!
- Un serpent des mers !

Un second choc. Puis les ténèbres enveloppèrent Phadria.

~



Phadria sentait la présence de Lum tout contre elle. La protégée de cette vieille peau de Sirk demeurait également couchée sur le pont du navire Teikokujin. En revanche, la belle doutait que des flots de sang se déversaient de son flanc à elle, tout comme ils se déversaient en ce moment-même du sien. Elle tenta de parler, mais le souffle lui manquait, l'air dans ses poumons la brûlait et semblait peser une tonne, contractant son thorax et la faisant haleter. Tous ses os la faisaient souffrir, mais après un tel choc, il lui sembla que c'était une chose normale. Jugeant plus intelligent de ménager ses forces, elle endigua la panique qui la gagnait au cœur de cet océan d'obscurité, et pressa sa main gauche contre son flanc, appuyant de toutes les forces qui lui restaient au-dessus. Il fallait ralentir l’hémorragie. Elle se trouva la force de sourire en évoquant muettement le fait que son rustre d'époux l'aurait bel et bien percée de toutes les façons possibles. A côté d'elle, à moitié sous elle, Lum remua. Phadria pensa que c'était bon signe.

La dernière fois qu'elle s'était vidé ainsi de son sang, c'était il y a plusieurs Tours à présent, au cœur de la cité portuaire sultane de Khamsin. Trois carreaux d'arbalètes de poing disséquaient ses chairs, plantés à l'intérieur de ses deux cuisses. A bout de force, la belle avait mordu la poussière, laissant l'équipage du Galion Déité terminer le raid de la cité portuaire. Sa tête lui tournait, et la douleur atténuait la douleur. Prise dans un tourbillon de sang, de souffrance de supplice physique, on aurait dit qu'elle ne sentait plus rien. Le sang tambourinait contre ses tempes, ne lui laissant pas même une demi-seconde de repos. Mais de quel repos parlait-on ? La guerre faisait encore rage, et elle, était au sol. Elle avait à peine vingt-trois Tours, et songeait qu'un tel mal mettrait un terme à ses jours si elle ne réagissait pas. Madame Red, la pirate, n’avait pas manqué de remarquer les deux sabres d'abordage qu'elle serrait toujours entre ses mains crispées et transpirantes. Elle s'en servit afin de bander les muscles de ses jambes, et se relever une fois qu'elle eût brisé et ôté les trois carreaux qui, miraculeusement, étaient plantés moins profonds qu'elle l'avait cru. Devant ses yeux, ondulaient dans la fumée, les éclats de poudre et les flammes, la chevelure noire de celle qui menait cette danse macabre.

- Tu es foutue. Reste ici, tu ne pourras pas suivre.
- Non, avait lancé Phadria en serrant les dents. Je viens avec vous !

Car rester ici, c'était s'offrir toute entière à la mort. A vingt-trois Tours, Phadria ne voulait pas mourir. Pas ici. Et pas comme ça. Il lui restait tant de merveilles à voir, d'océans à explorer, de gens à rencontrer ! Ne venait-elle pas de retirer les trois carreaux qui l'affaiblissaient ? Elle était tout-à-fait en mesure de suivre la cadence imposée par sa supérieure ! Ou dans le cas contraire, lui donner le change...

Elle s'était approchée, prenant soin de laisser son dos droit, afin de paraître moins mutilée qu'elle ne l'était. Elle venait, sa décision était prise ! Mais avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, elle avait senti le crochet d'acier froid s'introduire net dans son flanc, à quelques pouces au-dessus de l'os de sa hanche. Alors elle chancela. Tant d'efforts pour rien. Son visage presque collé à celui de son interlocutrice, le sol se dérobait sous elle. Définitivement cette fois-ci. La femme en face d'elle s'était écartée. De quelques pouces seulement, mais c'était suffisant afin que Madame Red morde la poussière, vaincue une seconde et dernière fois. Le crochet s'était retiré de son corps sans un brin de modération pendant qu'elle chutait. Contrairement à la pointe des carreaux des arbalètes à poing Khamseinnes, le crochet glacé qui venait de lui broyer le corps était allé en profondeur en elle. Et en ressortant, il avait bien sûr emporté le maximum de chairs ! Et cette douleur-là, songea la rouge, était pire que tout ce qu'elle avait connu dans sa vie ! En face d'elle, elle distinguait au-travers la poussière et les braises dansantes les bottes en cuir noir. Lorsque ses yeux se relevèrent un peu à la recherche de celui de son ennemie, la langue sèche dans sa bouche, comme si elle était déjà morte, Phadria se heurta à une réplique aussi cinglante que le coup de feu qui la percuta la seconde qui suivit. Elle n'eut le temps d'apprécier la douleur ni le nuage de poudre odorant qui faucha ses yeux larmoyants. Un coup de botte en pleine mâchoire lui déchira la lèvre inférieure et la mit knock-out.

Aujourd'hui, Phadria Red Guadalmedina ne craignait pas la mort. Mais elle songea au vide qu'elle laisserait derrière elle auprès de ses rares amis. Et surtout, surtout, elle ne pouvait pas partir auprès d'Atÿe sans avoir revu Théoden une dernière fois. Il l'avait laissée en arrière afin de la tenir loin des dangers de son odyssée. Si elle mourrait comme ça, maintenant, la culpabilité le rongerait. C'est sur cette pensée et en s'accrochant au caractère sacré de la vie sous la mature débastée du navire, que Phadria sombra dans les limbes.

~



Comme les vieux marins répétaient toujours qu'il suffisait d'une bonne tape dans le dos et d'un peu d'eau-de-vie afin de guérir des pires maux, Phadria consentit à avaler l'intégralité de l'alcool qu'on laissait glisser entre ses lèvres pâles. Elle eut une pensée délicieuse pour les deux premières secondes où ses yeux s'étaient ouverts, afin de la découvrir bandée, soignée et alitée. Et en vie.

- C'est bien, buvez tout. Comme ça, oui.

Phadria parvint à remercier l'homme penché au-dessus d'elle, et jugea de bon augure le fait que son ''merci'' ait su franchir la commissure de ses lèvres. Une forte odeur régnait dans la pièce à l'intérieur de laquelle elle se trouvait, et elle ne s'étonna pas en découvrant Atilla, le chat géant d'Argorg, couché près de ''son'' lit, occupé à panser ses paies à sa façon -à comprendre à renfort de grands coups de langue.

- Comment vous sentez-vous ? Vous êtes hors de danger.

Phadria se redressa sur les coudes. Son flanc la faisait souffrir. Elle gémit et souffla sous l'effort.

- Je me sens hors de danger.

Elle leva alors ses grands yeux verts afin de rencontrer ceux de son interlocuteur, qu'elle trouva. Des yeux bruns, fatigués, songea-t-elle. Jeunes. Effectivement, l'homme qui lui parlait et qu'elle n'avait jamais vu jusqu'à aujourd'hui, ne devait pas être plus âgé qu'elle.

- Je suis Nataniel Masson, se présenta-t-il en déposant sur son chevet la flasque qui avait contenu l'eau-de-vie. Vous êtes à bord de l'Hydre de la Passe, le navire que vous avez attaqué.

Phadria prit le temps nécessaire afin que les mots de son interlocuteur atteignent son esprit encore un brin embrumé.

- J'en suis le Capitaine, désormais, reprit Nataniel.
- Je m'appelle Phadria.
- La femme du Roi Pirate ?

Une question beaucoup trop direct pour un réveil beaucoup trop récent, songea la jeune femme. Que répondre ? Oui ? Non ? Elle devina que c'est sans doute pour cette unique raison qu'elle occupait à ce jour une cabine à bord de l'Hydre de la Passe plutôt qu'un froid cocon humide et sombre au fond des abysses de la Garce.

- Je ne suis pas une pirate, Nataniel.
- Appelez moi Capitaine Masson si cela ne vous dérange pas.
- D'accord.
- Vous n'êtes pas l'épouse du Roi Pirate ?
- Si. Je crois...
- Vous souvenez-vous de ce qu'il vient de se passer ?

Après un long instant de réflexion, Phadria répondit par l'affirmative.

- Je me souviens que mon mari vous a proposé ses redditions. Puis l'Alvaro a attaqué. Ensuite il y a eu le combat, j'ai été blessée et...plus rien.
- Un serpent des mers a surgi des profondeurs et a démâté le navire. Notre situation est précaire pour ne pas dire critique. Mais au moins, nous avons profité de la diversion pour fuir vos deux vaisseaux. J'ai été élu nouveau commandant, vu que le Capitaine Forsa est décédé. C'est moi le plus âgé à bord.
- Je suis navrée pour votre perte.
- Inutile de l'être vu que vous en êtes responsable, railla Masson en brandissant un regard acéré sur la jeune femme puis se calmant aussitôt en entendant le grognement d'Attila non loin.
- Je suis mariée à Guadalmedina, Capitaine, mais je ne partage pas ses convictions.
- J'aurai bien du mal à vous croire, madame Guadalmedina. Vous avez été retrouvé blessée à bord de notre navire. Cela signifie que vous avez participé à l'attaque. Combien des nôtres sont morts par vos lames et vos haches, ou bien par celles de vos pirates ?
- Je ne combats pas, se défendit d'une voix faible Phadria. Je suis prêtresse. S'il vous plait Capitaine Masson, pouvez-vous me passer un verre d'eau ? J'ai la gorge sèche.

Il se leva et alla lui apporter cela, ainsi qu'une assiette de ragoût qu'il lui tendit en lui suggerant de reprendre des forces. L'eau-de-vie lui brûlait encore la trachée.

- Prêtresse d'Ariel, donc.
- Non, prêtresse d'Atÿe.

Nataniel Masson eut un rictus.

- Atÿe ? Rien que ça ?
- Oui, monsieur.
- Et votre tatouage, sur l'épaule. Le Jolly Roger. C'est une célébration pour Atÿe ?
- Non, monsieur.
- Expliquez-moi dans ce cas !
- Je me suis faite tatouer il y a dix Tours, bien avant de connaître Atÿe. Avant, j'étais une pirate, oui. D'ailleurs, je ne suis pas encore prêtresse. Je suis encore en formation.
- Et c'est le ''Roi Pirate'' qui vous forme ? demanda le Capitaine Masson, poussant la raillerie jusqu'au bout.
- Il m'a forcé à l'épouser.

Phadria remercia le Capitaine et commença à manger. Le ragoût n'était plus très chaud, mais il la revigora. Elle sut, en avalant, que sa convalescence ne serait pas aussi longue qu'elle l'avait redouté.

- Que pouvez-vous me dire à propos des pirates ? demanda Phadria. Le Roi Pirate est votre prisonnier ?
- Non, madame, il est mort.
- Pardon ? Comment ?
- Le serpent des mers. Un mal pour un bien, je dirai. Si il a détruit partiellement notre bâtiment, il s'en est surtout pris aux vôtres. Il nous a permis de fuir votre mari, et tandis que nous nous éloignions, ses vaisseaux n'ont pas su résister aux anneaux géants de la bête, et ont fait naufrage. Ariel vient de débarrasser le nouvel Ouest de la Passe de ses parasites.
- Vous avez des prisonniers, à votre bord ?
- J'en ai, oui.
- Un Orc serait-il parmi eux ? Très grand. Très fort. Il combattait sur votre bâtiment lors de l'attaque du serpent.
- Non, je n'ai pas d'Orc dans mes cales. Avant d'attaquer vos navires, le serpent des mers a fauché d'un grand coup de sa queue l'Hydre de la Passe. Nous avons été démâté net, mais surtout toutes les personnes en train de combattre, debout sur le pont ont été jetées à l'eau. Mes hommes m'ont dit que ce fut le sort de votre ami Orc et celui de votre mari.
- Ils ne se seraient pas noyés.
- Je présume qu'ils ont dû regagner leur bâtiment. Avant que le serpent les dévore vivants, ou les saborde. Leur fin fut la même.

Une profonde tristesse empêcha Phadria de construire une réplique. Elle sentit ses mains trembler. Argorg. Sirk. Adarien. Tous ses hommes. Morts ? C'était impensable ! Mais comment expliquer autrement la présence d'Atilla à ses côtés, si Argorg était toujours en vie ? Elle se rappela que le serpent de mer avait fauché et envoyé à la mer tous les combattants à bord de l'Hydre de la Passe. Argorg avait été du nombre, le Capitaine Masson l'avait confirmé. Attila, bien moins grand qu'un homme debout, avait dû échapper au fauchage de la bête.

- Et Lum ?
- Qui ?
- Lum ! Une jeune fille, la protégée d'un ami ! Elle se trouvait sous moi après que Franco m'ait transpercé avec son épée, je m'en souviens. Elle est ici, n'est-ce pas ?
- Elle est ici. Elle n'avait rien, elle est donc à fond de cale avec les autres. C'est elle qui a empêché qu'on ne vous balance à la mer, vous croyant morte, en gueulant que vous étiez la femme de Guadalmedina. Mais dites-moi, qui vous a blessé ainsi ? Votre époux ?
- Je vous l'ai dis Capitaine, je ne porte plus les armes. C'est en voulant protéger Lum qui tentait d'abattre par derrière le Roi Pirate que j'ai été blessée par son bras involontaire. Puis il y a eu l'attaque du serpent, et le noir complet. C'est ce dont je me souviens.
- La mâture qui vous est tombé dessus, concrètement, fit Nataniel Masson.
- Ca doit être ça. J'ai entendu un grand bruit.

Le Capitaine se leva, tirant un rideau d'infortune entre le lit et le reste de la cabine.

- Vous occupez ma cabine, faute de place. Reposez vous, madame, je vous tiendrai au courant de la suite des événements. Je ne veux rien vous cacher. Le bâtiment se désagrège de toutes parts, l'eau s'infiltre, les pompes ne réagissent plus. Il se peut que nous soyons obligés de l'abandonner très bientôt. Nous n'atteindrons pas Teikoku.

Á la place de Franco, songea Phadria en se laissant retomber sur son oreiller, je ne me serais jamais laisser plaisanter par un serpent des mers géant ; et, avant de céder sous ses coups, j'aurai fais en sorte de lui offrir l'un des deux bâtiments en pâture, afin d'avoir une chance de sauver l'autre.

~



Effectivement, l'Hydre de la Passe était destinée à rencontrer Ariel. Le Capitaine Masson ayant anticipé le décès du bâtiment, ses hommes s'affairaient à préparer des radeaux d'infortune depuis trois jours. En comptant les prisonniers, il y avait presque soixante âmes à bord du Teikokujin à l'agonie. Mais Nataniel Masson avait été clair. On n'emporterait pas les pirates. Ils seraient des bouches de plus à nourrir, d'éventuels dangers supplémentaires. Ils prendraient de la place dans les radeaux, ils nécessiteraient de l'attention afin de les surveiller. Une attention qui s'avérait primordiale dans la jungle hostile du Nouveau Monde où ils désiraient pénétrer, disait le Capitaine. Une attention qu'on ne pouvait absolument pas se permettre de relâcher, car on serait en territoire Gyrkime, loin du royaume de Kafkon Samuel. Phadria plaida la cause de ses amis. Selon ses dires, Masson était un homme de bien. Sinon, pourquoi s'afférait-il à préparer autant de canots et de radeaux, si au fond de lui il était déterminé à abandonner les forbans sur un navire prêt à couler ? Elle argumenta en faveur des hommes de Guadalmedina. En cas d'attaque de naturels ailés, une flèche dans le corps de l'un des pirates était toujours une flèche de moins dans le corps des Teikokujins. Par ailleurs, l'Hydre de la Passe comportait suffisament de vivres transportables afin de nourrir les premiers jours, en rationnant, une cinquantaine de bouches. Par la suite, le Capitaine Masson serait heureux de disposer des pirates, afin qu'ils goûtent en premier les fruits dont le Nouveau Monde regorgeait, et qui seraient infinis le long de leur chemin jusqu'à Teikoku. Cela éviterait que des Teikokujins meurent d'empoisonnement ou d'indigestion à cause de fruit qu'ils ne connaîtraient pas et qu'ils auraient mangé. Pour finir, elle avait demandé, en le regardant dans les yeux, si il était vraiment homme à l'abandonner au plus funeste des sorts, elle, après l'avoir nourrie, veillée, soignée avec tant de bonté, la laissant reposer dans son propre lit. Le Capitaine avait cédé à Phadria. Les pirates viendraient avec les Teikokujins qu'ils avaient attaqué moins de quatre jours auparavant. Ils seraient désarmés, bien évidemment, et resteraient groupés constamment surveillés. Phadria avança que si un seul de ses hommes se révoltait durant leur mésaventure commune, et qu'il attaque l'un des marins Teikokujins, alors Nataniel Masson pourrait planter dans son cœur son propre sabre, en guise de représailles et pour avoir su le convaincre de s'allier à des forbans.

- Je réponds de mes hommes, Capitaine. De chacun d'eux.
- Capitaine Masson, avança un officier Teikokujin. Le Capitaine Forsa n'aurait pas emmené cette femme.
- Je ne suis pas le Capitaine Forsa, avait simplement répondu le jeune Masson en roulant sur la femme de son ennemi des yeux doux. Nous sommes tous dans la même merde. Des indigènes ailés risquent de nous tomber dessus. On doit s'entraîner !

Et voilà qu'il parlait comme la femme qu'il refusait d'écouter quelques heures auparavant ! Phadria parvint à se tenir debout et à marcher, mais avec lenteur et peine. Avant d'abandonner l'Hydre, Nataniel Masson fit construire une civière pour la femme de Guadalmedina. Une seule civière. Une seule convalescente. Il n'emporterait pas avec eux les pirates blessés qui pourraient ralentir davantage leur progression. Phadria lui demanda ce qu'il en était des Teikokujins blessés, mais Masson lui répondit qu'il n'y en avait pas. Les blessés les plus graves étaient morts, par la main des pirates lors de l'abordage, par l'attaque du serpent ou alors par l'aggravation de leurs blessures, une fois l'Hydre de la Passe hors-de-danger.

- Sur les océans, dit Masson à Phadria, Ariel pose ses propres règles. Ceux qui ne peuvent suivre sont de toutes façons déjà morts.

Cette phrase du Capitaine lui rappela les derniers mots qu'avait craché Noire à son visage, lors de la prise de Khamsin avant qu'elle ne la plante de son crochet. La belle s'opposa jusqu'au bout à cette idée, à savoir abandonner sur un bâtiment prêt pour le naufrage une dizaine d'hommes en convalescence. Elle tenta d'accélérer leurs guérisons, mais ses compétences chirurgicales demeuraient trop menues. Et Franco avait assassiné le chirurgien de bord de l'Hydre de la Passe. Elle implora Atÿe de l'aider, mais le don clérical n'était pas une chose simple qu'on pouvait invoquer comme on le voulait. Les faits demeuraient clairs. Elle n'était pas encore prêtresse, et donc était incapable de faire une apposition des mains. Elle ne put que recommander l'âme des derniers pirates de l'Hydre de la Passe à sa Déesse. Puis on embarqua.

Boussole en main, un pavillon teikokujin enroulé autour de son bras droit, le Capitaine Masson prit la tête de l'expédition. Elle comportait une cinquantaine d'âmes, dont une vingtaine de pirates. Lum et Attila étaient du lot. Le but des marins Teikokujins était de joindre la capitale du Roy, à savoir Teikoku, en longeant les côtes du Nouveau Monde par la terre, toujours plus au nord. Ils dérivèrent quelques heures à bord des radeaux, presque une demi-journée, puis enfin les côtes du continent les cueillirent. Comme prévu, ils progressèrent à pied. Allongée sur une civière d'infortune pour Phadria. Elle songea que son inconfort n'aurait pu être plus grand, tant qu'elle se força à marcher avec ses compagnons, et parvenait à rester debout un peu plus longtemps tous les jours. Le Capitaine Masson lui donnait le bras, et Attila la pressait de l'autre côté. De temps en temps, le fauve borgne s'éloignait, soumis à quelques sauvages instincts, et revenait enserrant entre ses crocs gigantesque une proie quelconque, et souvent inconnue de tous. Mais il ne permettait à personne de la lui ravir ! Comme tout bon prédateur, Attila chassait pour se nourrir et il laissait à ses compagnons humains le choix du morceau uniquement lorsqu'il était repus. Sauf qu'Attila ne laissait jamais de morceau.

~



Leur progression se passa sans encombre durant près de douze jours. Le treizième, les ennuis pointèrent le bout de leur nez. Un groupe d'indigènes ailés, ces Gyrkimes, leur tombèrent dessus. Mené par un gyrkime aux longs cheveux blonds et aux ailes d'or qui devaient bien faire deux fois sa taille lorsqu'il les déployait, la troupe d'archers qui les encadrèrent les tinrent en respect. Peu désireuse de tuer des êtres aussi magnifiques, probablement les plus beaux que Phadria avait vu de sa vie, elle mit en évidence ses deux mains, bientôt imitée par les Teikokujins qui posèrent au sol leurs armes et enfin les pirates. Depuis toujours, Franco et ses Seigneurs Pirates lui avaient décris le peuple des Gyrkimes comme une race de « feuleurs » comme ils disaient. Des espèces de monstres ailés disproportionnés, qui étaient incapables de réfléchir, incapable de parler, de communiquer. Des bêtes sauvages munies de gigantesques serres, d'ailes noires comme celles des corbeaux, au regard acéré et vitreux et qui ne demandaient qu'à détruire ceux qui en étaient dépourvus. On les disait très laids, la bouche en bec-de-lièvre, les yeux placés de chaque côté de leur visage grossièrement écrasé, à la façon de ces insectes qu'on nommait mante-religieuse. C'est tout juste, songeait Phadria Red, si son loup de mari ne leur ajoutait pas un bec de coq et des pinces vertes ciselées. En réalité, les Gyrkimes étaient des êtres à l'image des Hommes, des Elfes même, tant leur visage était délicat et beau, leurs ailes leur conférait des allures de semi-dieux et lorsqu'ils parlaient, le chant des plus nobles des oiseaux embaumait l'air. La troupe n'opposa aucune résistance et suivit à pied le chemin que les Gyrkimes leur ouvrait, après une discussion entre eux.



~



Des tentes d'infortunes avaient été rapidement dressées entre les murs de la colonie Ramienne, dirigée par le cheikh Abad El Shrata. Étant les seules femmes au cœur de la colonie, Phadria Red et Lum jouissaient d'une tente pour elles-seules. Ils étaient arrivés hier au beau milieu de la nuit, escortés par une vingtaine de Gyrkimes. Apparement, il fallait croire que les Ramiens et particulièrement le cheik demeuraient en meilleurs termes avec les naturels que le Roy Samuel régnant sur Teikoku à des centaines de lieues d'ici. Phadria ne se réveilla point à l'aube, ce matin-là. Lovée au creux d'un lit de camp chaud et particulièrement douillette, elle rêva toute éveillée à son amour parti en mer. Elle rêva à ses yeux gris, à ses bras chaleureux et tendres lorsqu'il la serrait contre son cœur, aux petits soupirs qu'elle poussait lorsqu'il l'embrassait. Sans lui à ses côtés, elle avait l'impression souvent de n'être plus qu'un fantôme. Elle se demanda, tout en rêvant, si ses amis avaient conscience que leurs regards pourraient un jour finir par la traverser si Atÿe se détournait subitement d'elle ?

- Oui, c'est bien elle.

Une voix, celle d'un homme. Le premier obstacle désagréable qui devait la ramener petit-à-petit à s'extraire d'un songe merveilleux. Elle ouvrit un œil tandis qu'une seconde voix, de femme, répondait à la première. C'était étrange d'ailleurs. N'était-elle pas la seule femme de la colonie d'Abad ?

- Vous savez que c'est malpoli de réveiller les gens quand ils dorment, hein ? marmonna-t-elle en se redressant sur le lit.

En lieu de femme, c'était un second homme, un jeune garçon plutôt, qui se dressait là, debout dans sa tente, aux côtés d'un individu qu'elle eut un peu de mal à reconnaître au début, et qui effectua une révérence fort amusante.

- Palomar Nadheeri, fils du Capitaine de Qassim Anar, Grand Sultan de Ram, Hikhesh Nadheeri ! Il vous faut excuser mon Oiseau, madame ! Il adore battre de l'aile auprès des jolies filles lorsqu'elles sont en train de dormir ! N'est-ce pas, Rajah ?

Sans sourire, le second quitta la tente de Phadria.

- Laissons à cette dame le soin d'un réveil serein, maître.

Le lit de Lum, en face du sien, était vide.

~



Phadria avait très rapidement fait le tour du camp, ceci afin de prendre ses repères. Il se trouva qu'elle mourrait de faim et de soif, n'ayant pas bu et mangé depuis presque deux jours, et descendit jusqu'aux huttes des Ramiens afin d'espérer y trouver quelque chose à grignoter. Elle fit la connaissance, effectivement, d'un certain Capitaine Ramien, Hikhesh Nadheeri, qui discutait avec le Capitaine Teikokujin, Masson. Une fois rassasiée, la belle prit congée des deux hommes. Elle alla ensuite trouver la protégée de cette chose décrépite qu'on nommait Sirk et la trouva occupée à faire le guet, au sommet d'un monticule rocheux, à l'écart de la colonie Ramienne. Phadria songea qu'elle se trouvait également à l'écart des regards lubriques que pouvait rouler sur elle comme il avait roulé sur elle la veille, ce commandant Ramien qu'elle avait croisé et qu'on nommait Kassarime.

- Comment tu vas ? attaqua la jeune femme en relevant au-dessus de sa nuque sa crinière flamboyante.

Le climat chaud et humide du Nouveau Monde favorisait les nuées d'insectes qui étaient une véritable plaies pour le camp.

- Pas trop mal pour quelqu'un qui a foiré un assassinat, a voyagé sur un radeau plusieurs heures et est maintenant en terrain hostile et inconnu.

Phadria peignit un sourire sur ses lèvres, regardant droit devant elle une fois s'être assise près de Lum.

- Au moins tu n'as pas bouffé la lame de Guadalmedina dans le trognon. Je commence à en avoir rudement plein le dos de me faire percer de tout côté par ce type.

Elle n'obtint de Lum pas même un éclat dans le regard, mais s'attendait à cette réaction. Ou plutôt, elle s'attendait à cette absence de réaction.

- Ouais. Pourquoi tu t'es interposée d'ailleurs ?
- Tu crois que je l'ai fais pour lui ?
- Pour qui ?

Laissant après cette question une place importante au silence, Phadria se donna la temps d'une bonne inspiration avant de répondre par toute autre chose.

- Tu sais, j'ai essayé de l'assassiner moi aussi.
- Tu parles de ton mari, lâcha Lum. Ca m'étonne pas. Ça se voit que votre mariage est arrivé dans des circonstances particulières. Et ce gars, c'est tout ce que les Dagues Vertes détestent.

Encore ce refrain.

- En réalité, il n'est mon mari que lorsque nous sommes sur les mers. Sur terre, je suis promise à un autre.

Phadria posa une main sur la jambe de Lum.

- Je comprends que tu le détestes. Il a fait pendre Finn. Et il a exposé son corps aux quatre vents sur les vergues de l'Alvaro.
- M'en parle pas comme si j'en avais quelque chose à foutre ! Finn était juste un alcoolique. Si il s'est foiré, c'est de sa faute ! rugit presque la jeune fille en écartant Phadria.
- On s'est tous foiré. Nous devrions être couverts de gloire, riches, réputés, maître de l'Ancien Monde et de Puerto Blanco en prime. Et regarde où nous sommes.
-"Vous" ! Vous aviez ces plans.
- C'est la même chose pour toi. Tu comptais assassiner Guadalmedina. Et tu as échoué.
- La ferme ! Si tu ne t'étais pas interposée, je l'aurais eu et le vieux n'aurait plus eu qu'a me féliciter et reconnaître mon talent !

La naïveté dans toute son ampleur ? songea Phadria. Ou de la simple mauvaise foi ?

- Non, si je ne m'étais pas interposée, tu serais morte. Écoute Lum, tu ne regardes pas dans la bonne direction. Vois, au bord des torrents, comme l'arbre qui sait plier conserve bien sa ramure tandis que celui qui s'obstine à résister périt arraché avec ses racines. Et c'est la même chose, le marin qui tend trop fortement l'écoute et ne veut rien lâcher finit par voir son bateau se retourner et naviguer la quille en l'air. Si tu t'obstines, tu céderas aux coups du sort.
- Tu crois que le vieux ne me l'a pas déjà dit ? Que veux-tu que j'en fasse de ce conseil ? Je suis pas un putain d'arbre ou un marin, et j'ai déjà plusieurs fois bien bouffé pour avoir été obstinée ! Mais au final, ça a réussi.
- J'admire ta réussite ! ironisa Phadria. Effectivement, tu as tout ce que tu voulais, ici, Lum !

De nouveau, elle laissa un silence s'insinuer entre elles-deux.

- Je me suis interposée pour empêcher que la lame qui me transperça ne te transperce toi. Et si tu fonces de nouveau tête baissé sur Franco, je m'interposerai de nouveau. Sauf que mon mari n'a pas ma patience. Il ne rêve que d'une chose, te régler ton compte. Mais lui, contrairement à toi, ne s'obstine que dans la victoire. Jamais dans la défaite.
- Si tu tiens tant à crever pour moi, ça peut s'arranger tout de suite ! glapit alors l'interlocutrice de Phadria en faisant jaillir de sous ses vêtements une petite dague !
- Ça n'est pas ce que j'ai dis.
- Ah, vraiment ? Du coup je répète ma question ! Pourquoi tu t'es interposée ? Tu ne me connais même pas ! Sirk t'as juste parlé de moi !
- Approche, je te dis quelque chose.

Phadria esquissa un fin sourire qui rassura son interlocutrice, tandis qu'elle s'approchait un chouia d'elle.

- Entre ta vie et celle de Franco, je choisis ta vie.

Elle détourna simplement le regard, comme si elle n'avait rien entendu, ou choisissait de ne rien avoir entendu.

- Pourquoi la vie d'un tueur vaudrait-elle plus que celle d'un autre ?
- Pourquoi vaudrait-elle moins ? surenchérit Phadria.
- J'ai assassiné ma propre famille, j'ai participé à la souffrance de centaines de personne à Puerto-Blanco et j'en passe. Je suis loin d'etre un modèle selon les préceptes de ta religion.
- Laisse la religion où elle est. Toi et moi nous pourrions faire un concours. J'avais la chance d'avoir une famille qui m'aimait, et je suis parti sans même leur dire au revoir. J'ai participé à la mise à sac et au pillage de milliers de foyers. J'ai logé une balle dans la tête d'une prêtresse d'Atÿe, Déesse de l'amour. Quelques Tours plus tard, je suis retourné trouver ma famille sous le pavillon noir, et j'ai incendié leur île. Des centaines de pirates ont assassiné à dextre et à senestre des gens innocents. Après avoir touché ma part du butin, je complotais contre Khamsin, la cité portuaire de Ram. Nous avons attaqué un jour de noce, embrasé le port, déporté les citadins. Les gardes, le sultan, les femmes, les enfants ont été égorgé. Je suis allée là où ça payait bien, j'ai ruiné et tabassé des tas de types à Port-Argenterie. Et aujourd'hui, je suis là telle que tu me vois, devant toi. Et je sers Atÿe.
- Vous êtes pareil le vieux et toi, toujours à déballer sa vie pour me faire la leçon ! Parce que je n'ai pas été une aussi grosse enfoirée que vous, je dois vous écouter, je ne peux pas refuser vos conseils ? Disos m'a dit la même chose lorsque j'ai voulus rejoindre les Dagues Vertes ! "Ne te crois pas forte parce tu as tué deux personnes, tu es faible tellement faible".

Phadria nota la frustration qui étincelait entre chacun des mots de la protégée de Sirk.

- Lum, tu es trop expérimenté pour ne pas voir le péril que tu cours, et trop brave pour le craindre. Juste, ne confonds pas la bravoure et la démesure. Un jour, un ami m'a dit qu'il nous fallait commander là où nous avons le pouvoir d'exiger l'obéissance. Ici, tu n'en as aucun. La vie est un jeu très dangereux, si tu ne veux pas la perdre, tu dois remettre en question certaines de tes manières de penser. Je ne pourrai jamais t'empêcher de planter un couteau dans la poitrine de mon mari, si c'est ce que tu souhaites, et Disos ou Sirk ne pourront pas non plus t'empêcher d'entretenir tes excès de confiance. Mais conserve ton aplomb, si tu persévères ainsi, tu mourras. La mort ne s'annonce jamais à l'avance, avec une invitation et une missive. C'est comme l'attaque d'une aspic, brutal, rapide et direct.

Lum recommença aussitôt à guetter un point invisible, loin devant elle.

- Si tu le dis.

~



On entrait dans la minuscule lagune par un passage dérobée entre les frondaisons des troncs couleur feu et des herbes bleues qui caractérisaient le Nouveau Monde. Phadria n'avait pas pris la peine de se chausser. Elle aimait le contact de l'eau claire sur ses pieds nus, même si son ambition à ce jour n'était pas de prendre un bain. Elle fut surprise en le repérant, et ses yeux verts se plissèrent admirablement, encadrés de goguenardise. Elle plaça ses mains en porte-voix.

- Hého, Capitaine !

Surpris, ce dernier se retourna. Dans l'eau jusqu'à la taille et nu comme à son premier jour, il croisa le regard émeraude de la belle. Phadria avisa les habits tout-à-fait secs qu'on avait mis à sécher sur la branche basse d'un grand arbre sur lequel pendaient d'énormes fruits qui s'écrasaient quelquefois au sol en un ''splotch'' comique -sauf si l'on se trouvait en-dessous lorsque l'infortuné fruit se détachait de sa branche- et uniquement originaire du Nouveau Monde ! Elle tendit du bout du bras le drapé bleu qui séchait et tourna le dos au capitaine, lui laissant le soin de se vétir.

- On a fait sa petite lessive ? Ironisa-t-elle. Que c'est chou !
- Je me déplais dans des habits sales, lui fit pour toute réponse son interlocuteur avec tant de sérieux dans la voix que c'en était paradoxalement comique.

Dos à lui, le sourire de Phadria Red grandit jusqu'à atteindre ses oreilles.

- C'est pareil pour moi ! Palomar n'est pas avec vous ? Faites bien attention à celui-là, et gardez-le attentivement ! Il m'a l'air plutôt sympathique, ce garçon ! Veillez juste à ne pas attirer trop de soupçons dans le camp ! Les liaisons de ce genre sont mal vues à Ram je crois !

Elle se retourna devant le mutisme de son interlocuteur, visiblement très occupé à ajuster autour de son mollet sa dernière botte. Et au vu du regard qu'il lui lança une fois complètement vêtu, elle ne put s'empêcher de rire.

- Et bien quoi ? Qu'ai-je donc dis de si terrible !
- De quoi parliez-vous  ?
- Je serai une bien piètre prêtresse d'Atÿe qui je ne savais pas lire dans le regard des amoureux !

Á présent marchant épaule contre épaule avec le Pygargue, Phadria lui sourit avec davantage de tendresse.

- Vous en avez oublié les bonnes manières, Capitaine ?

Sans un mot et auréolé de l'air le plus sérieux que Ryscior ait pu contenir, il lui offrit son bras qu'elle accepta afin d'avancer.

- La barbe vous va bien ! énonça-t-elle avec gaieté. Vous avez changé !
- Elle est présente afin de satisfaire les extravagances d'un gamin parfois légèrement versatile.
- Un gamin qui a bon goût, dans ce cas.

Ils gravirent tout deux la petite bute qui menait aux lagunes, quelques mètres autour du campement de la colonie du cheikh El Shrata. Phadria songea que, grâce en soit rendue à Atÿe, sa guérison s'annonçait en de très bon termes !

- Je n'ai pas pour habitude d'offrir mon bras à une pirate, lâcha sans animosité le Pygargue.
- Alors soyez rassuré, je n'en suis plus une.
- Vraiment ? Pérennité sous la Jolly Roger, c'est pourtant ce que vos semblables aiment à dire. Un pirate jamais ne meure.
- Je sers Atÿe, à présent.

Le Pygargue garda pour lui le soin de la réplique, comme ignorant si Phadria lui présentait là du lard ou du cochon.

- Vous venez de quitter le Capitaine Théoden pour vous marier au Roi Pirate, rien que ça ! Guadalmedina, un nom que j'ai déjà entendu par le passé. Ses faits parlent pour lui. Votre nouvel époux se complet comme une belle canaille, ''Madame Guadalmedina'', car il semble bien que ça n'est plus Red.
- Je ne te savais pas à ce point rempli d'aigreur, Capitaine, répondit sans faillir la belle en passant au tutoiement. Et appelle moi Phadria, sur terre. Je n'appartiens pas à ce ''Roi Pirate''. Ainsi donc, c'est ce qui se dit au cœur de la colonie ? Que je suis l'épouse de ce loup de Guadalmedina ?
- Le Capitaine Masson vous nomme ainsi. C'est également ce qu'il a transmis comme information à maître El Shrata. Le chef de la colonie se déplaît en la compagnie de forbans, madame. Il n'apprécie point les pirates. Un mot de moi, et votre tête vous tomberait des épaules, Phadria Red. Au nom de quoi me tairai-je ?
- Au nom de quoi parlerais-tu ? Jamais nous n'avons croisé le fer ensemble.
- Votre Théoden a passé sa lame dans mon corps. Deux fois.

Phadria enjamba une houppe bleue abritant un serpent de même couleur qui paraissait sommeiller.

- Si Théoden avait pour ta part des intentions méchantes, tu ne serais plus de ce monde aujourd'hui Pygargue.
- Quelle impotance la motivation, lorsque les faits demeurent là. Voyez ma démarche aujourd'huy, je doute même de bien vous soutenir. En fin de compte, j'escompte qu'il s'agit de votre bras qui soutient le mien.

Phadria lui céda un rire léger.

- C'est aussi l'impression que j'avais, oui ! Allons Capitaine ! Théoden ne te déteste pas vraiment. En vérité, je sais même qu'il t'apprécie pour ta droiture et tes talents.

Phadria vit l'homme qui l'accompagner faire la moue.

- Il couronne l'expression de son amour de bien étranges façons en un tel cas.
- C'est pourtant la vérité ! Toi qui es marin, qui as été Capitaine pour l'Empire, tout comme lui, tu sers Ariel. Vous connaissez tous deux les lois de la Déesse. Ariel n'est pas Atÿe. Sur ses domaines...

Ils achevèrent d'une voix commune la phrase entamée : ''...ceux qui ne peuvent suivre sont déjà morts.''

- D'accord pour Théoden, abdiqua le Pygargue. Et Guadalmedina ?
- C'est une longue histoire.
- Elle apparaît bien, je n'ai rien de prévu pour tout de suite. Et je dispose de temps avant de retourner à l'entraînement des guerriers de maître El Shrata.
- Á tes aises, Capitaine.

Ils jugèrent plus prudent de s'éloigner afin de libérer sur le Nouveau Monde de tels mots. Phadria sentit bien en cet ancien Capitaine de l'est, qu'il ne l'écoutait pas seulement pour ses beaux yeux. Attentif, de bonne compagnie, sensible, il lui prêtait là son bras, ses oreilles et son cœur. Phadria jugea qu'avec Argorg et Adarien, le Pygargue demeurait le seul qui savait désormais tout sur tout sur sa relation avec le Roi Pirate, ceci car elle lui avait confié tout sur tout, sans ne rien omettre. La seule mention pour ce caractère si aimant qu'était celui du Pygargue, des actes sauvages de Guadalmedina sur sa personne, et sur la personne d'Artémis, fit danser au fond de ses yeux des chimères qui en disaient long sur ses pensées. Lorsqu'elle avait évoqué le bombardement de Kaer dans les Îles de Jade, elle avait senti le bras qui la soutenait tressaillir.

- Argorg et Franco sont en vie, j'en suis certaine, conclut-elle.

Le Pygargue jugea meilleur d'interrompre leur marche, lui offrant un regard d'acier bien que compatissant.

- Je vous débarrasserai de lui, Phadria. Si j'en ai l'occasion.
- Ne t'oublies pas Capitaine, soupira la jeune femme en serrant avec douceur son avant-bras. Tu n'es plus cet homme-là. Tout comme je ne suis plus Madame Red. Et t'opposer à mon époux te mettrai en danger.
- Et continuer de porter son nom ? S'indigna-t-il. Et vous faire complice de meurtre ? Soutenir chaque jour le regard de l'assassin de votre bébé ?
- Peux-tu me promettre quelque chose, Capitaine ?
- J'ois d'abord ce que vous consentez à me dire.
- Reste le plus loin possible de mon mari. Ne t'approche jamais de Franco. Jamais. »
Ven 18 Nov 2016 - 22:45
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Abad El Shrata du Khamsin
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Roi en exil
Abad El Shrata du Khamsin
Faisant les cent pas au centre de sa hutte, Abad relut une énième fois la lettre :
« Néanmoins, nous vous interdisons formellement de lever les armes contre Kafkon, cela serait mettre en péril l'avenir de la colonie et engendrerait votre démission immédiate ainsi qu'une condamnation à mort, prenez en compte. »
Abad passa une main sur son visage. Certes il désirait aider les Gyrkimes à se débarrasser de Kafkon qui leur avait fait subir tant de maux, mais au fond est-ce qu’il n’était pas entrain de faire la pire erreur de sa vie ? N'enverrait-il pas tous ses hommes à la mort ?
Depuis qu’il avait reçu cette lettre, ses journées étaient remplies de doutes et ses nuits de cauchemars. Cependant, il était trop tard pour reculer : les Gyrkimes avaient changé de chef et celui-ci les voulait dans leur armée, sinon …
« Vous avez bien trop longtemps profité de nos terres. Il est temps  d'honorer l'accord que vous avez passé avec mon père il y a six mois Abad El Shrata. Battez-vous avec nous et gagnez le respect de notre espèce où terrez vous ici et subissez notre vengeance. » lui avait dit Gogûa un jour plus tôt.
Quelle idée avait-il eu en disant à Péri d’incendier les ruches.
Qu’est-ce que tu peux être con ! Qu’est ce que tu es allé t’imaginer, que vous vivrez heureux et aurez beaucoup d’enfant.
Abad déchira la lettre en deux et lança un juron.
Les femmes avaient toujours été la plus grande faiblesse d’Abad.
Déjà à Khamsin, lorsqu’il sortait en cachette du palais la nuit pour se rendre dans les salons de charme du port, déguisé en simple villageois et âge d’à peine quatorze ans, il tombait toujours amoureux des filles de joie qui l’abordaient. Peut-être avait-il toujours eu besoin d’un peu plus d’affection que les autres, lui qui n’avait jamais connu sa mère.
Il se rappela alors Leyla et ses yeux bleus, dont il était tombé amoureux au premier regard et à qui il avait même pardonné sa trahison. Leyla qui lui avait été si froidement il y avait de cela presque trois. Abad se rappela le pont inondé, la pluie froide tombant en trombe et remplissant ses yeux, le tonnerre grondant au dessus de sa tête. Comment ils avaient réussi à atteindre les canots.
« A trois tu coupes la corde avec moi ! Un, deux, trois ! »  
« PAN ! »  
La dernière chose qu’il avait vu était son sourire, puis le filet de sang glissant le long de ses lèvres.
Abad secoua la tête. Il ne servait à rien de ressasser le passé son père avait toujours dit. D’ici quelques minutes, il annoncerait à ses troupes qu’ils entraient en guerre contre Kafkon. Il n’avait tout de manière pas le choix.
Il sortit de la hutte et se dirigea d’un pas décidé vers la grande place.


*

Abad serra les poings, il était temps. Il monta les deux marches et atteint l’estrade qui avait été dressé au centre de la Grande Place ce matin.
Un jour plus tôt, Armand avait fait un annonce prévenant qu’Abad ferait un discours ce matin et tout le village s’était rassemblé devant lui, principalement les hommes.
Le brouhaha qui s’élevait de la foule se tut dès lors qu’Abad posa un pied sur l’estrade.
Je dois être clair, net et précis, pensa Abad. Je ne dois laisser transparaître aucun once d’hésitation, comme savait ci bien le faire mon père.
Il s’éclaircit la gorge et se mit à parler.

‘’Habitants d’Amar-Medina, comme vous le savez, nous ne sommes plus les seuls sur ce continent, à vrai dire nous ne l’avons jamais été. Les Gyrkimes, les habitants originels de ce continent ce sont révélés à nous voilà bientôt un tour. Contrairement à ce que les rumeurs racontent, ce ne sont point des êtres horribles et assoiffés de sang. Ceux-ci nous gracieusement accordé une part de leur territoire. Or la générosité va en deux sens, et à présent il est temps de répondre à leur appel à l’aide. ‘’

Abad se chargea bien d’omettre que Gogûa les avaient menacé de les exterminer s’ils ne payaient pas leur dette.

‘’ Lorsque les histoires ne mentent pas, c’est quand elles parlent de Kafkon. Ce vampire et sa colonie qui se sont installés au Nord, pillent, brûlent -Abad s’éclaircit la gorge- et tuent des Gyrkimes. Aujourd’hui les Gyrkimes ont décidé de ne plus se laisser faire et d’attaquer Kafkon, et nous leur prêterons main forte pour tous les services qu’ils nous ont rendu et afin que nos relations perdurent dans le temps. ‘’

Un murmure se propagea dans la foule, puis une voix s’éleva.
Elle provenait de Peter Canto, que tout le monde appelait Pecan. Il avait été dans la même caravelle qu’Abad lors de leur Odyssée.
“ Vous voulez dire que nous rentrons en guerre.
Abad regarda sur sa gauche, là ou se tenaient Gogûa, Herma, Arkhis, Tougr'h ainsi que Péri, qui lui lança un regard plus qu’insitant.
ㅡOui . ‘’

*

Ce fut épuisé qu’Abad regagna sa hutte. L’annonce de la guerre à venir avait crée une veritable explosion de voix, mais aucun homme n’avait osé défier les directives d’Abad, son peuple lui faisait confiance. Après ça, il avait ordonné aux hommes de retourner à leurs préparatifs, puis il avait convoqué Toudr’h dans sa hutte pour lui expliquer la démarche à suivre qu’il avait mise au point avec Gogûa deux jours plus tôt. Tougr’h s’était bizarrement montré très calme et avait écouté les explications d’Abad sans broncher. Lorsqu’Abad avait finit, Tougr’h avait alors hoché là tête, posé deux questions auxquelles le Khamsini avait rapidement répondu puis il avait demandé à se retirer pour expliquer la marche à suivre à ses hommes.
Abad tourna la tête vers la vue du balcon. Au loin le soleil se couchait derrière l’horizon, projetant sur les flot une fine pellicule dorée.
Abad se leva et alla s’allonger sur sa couchette et pensa que d’ici deux jours à peine, il voguerait vers une batailles qui s’averait sangante. Il ne savait pas exactement de combien d’hommes disposait Kafkon, mais si Gogûa disait vrai et que tous les clans attaquaient d’une seule et même voix, alors Kafkon ne faisait surement pas le poids.
Alors que le sommeil le gagnait peu à peu, ses pensées voguèrent vers Péri. Elle lui manquait. Il fallait qu’il la revoit, qu’il lui parle, qu’il la sente près de lui. Il s’endormit en rêvant qu’il arpentait le ciel grâce aux ailes qui avait poussé dans son dos, Péri à ses côtés lui sourit lorsqu’il tourna la tête vers elle.

*
Abad fut réveillé par une douce chatouille sur son visage. Lorsqu’il ouvrit les yeux, la nuit avait pris possession de la pièce qui n’était plus que faiblement éclairée par la lumière des étoiles. Abad aperçu une silhouette assise au bord du lit.
“ Qui êtes vous ? “
Tout à coup il y eut un crépitement, puis une lueur qui découvrit le visage de l’inconnu qui n’était autre que Péri. Celle ci posa la bougie qu’elle venait d’allumer sur la table de chevet puis tourna lentement la tête vers Abad. La lueur de la flamme creusait ses joues et faisait ressortir ses pomettes par un subtile jeu d’ombre et de lumières, tandis que dans ses yeux d’améthystes dansaient un voile orangé. Ses cheveux blonds était portés détachés et cascadaient sur ses épaules. Attaché autour de son cou et retombant dans le creu de ses seins, le colliers magique.
“ Je m’excuse d’interrompre ton sommeil Abad, dit elle en remettant en ordre une mèche de cheveux. Tu as bien parlé ce matin. Tes hommes t’écoutent, tu es un bon chef. J’avais besoin de te le dire, ajouta-t-elle.
Abad ne sut quoi répondre alors il lacha un simple ‘’merci’’, puis il se ressaisit :
“ Péri, tu ne devrais pas être là.
ㅡ Je suis une Gyrkime libre, je peux aller ou bon me semble, répondit-elle les sourcils légèrement froncés.
ㅡ Que dirait Gogûa si il te voyait ici. “
Abad savait que Gogûa avait des vues sur Péri. Il savait aussi qu’il ne valait mieux pas voler la femme d’une allié, surtout en temps de guerre.
ㅡRien. Je ne lui appartiens pas. “
Elle avança à quatre pattes sur le lit puis se plaça au dessus d’Abad. Il devient dur sous les draps. Il la voulait toute entière mais essaya de se concentrer :
ㅡ C’est toi qui m’a sauvé. C’est à toi que j’appartiens.
ㅡ Péri, arrête …
Elle plaça un son index contre sa bouche et soufla un ‘’chut’’ sensuel :
ㅡ Nous allons gagner cette guerre. Puis nous nous unirons devant les dieux du Ciel et de la Terre et alors les Gyrkimes et les hommes seront liés grâce à nous. Nous serons les préceptes d’un monde noveau. “
Elle l’embrassa, une main poséé sur son torse nu. Ses cheveux retombaient sur son visage. Ils sentaient la fleur, et le miel. Il se redressa en la serrant dans la bras. Ils restèrent un instant en position assise, s’adonnant à de torides embrassades. Il la déshabilla doucement, tout en la couvrant de baiser. Lui était déjà nu. Lorsqu’il eut terminé, il la prit dans les bras et l’allongea sur le dos. Alors qu’il entrait en elle, celle-ci gémit en agrippant ses cheveux puis elle déplia ses ailes, qui enveloppèrent alors les deux amants.

*

« Abad Cheik s’il vous plaît réveillez-vous. »
Abad se redressa sur sa couchette et amena une main à son front.
Il faisait nuit.
Abad était en sueur et ne pouvait voir d’où provenait la voix.
« Qui est là ?
− C’est Armand Seigneur.
Abad tourna la tête vers le côté. Péri n'était plus là.
− Qu’est ce qui te fait déranger mon sommeil ?
− Nous sommes en présence d’une urgence maître, des hommes de Kafkon sont en ce moment dans le camp. ''
Abad se leva immédiatement du lit et enfila frénétiquement les vêtements de la veille posés sur son bureau.
− C’est une attaque ?
− Non Seigneur, non. Les Gyrkimes les ont aperçu en abord du camp et les ont ramenés ici. Ils ne sont même pas armés pour la plupart.
− Gogûa est-il déjà au courant ?
− Oui, il est avec eux en ce moment.
− Merde » lâcha Abad en sortant de sa hutte, Armand sur ses talons.

*

Une cinquantaine d'hommes, genoux à terre et tête penchée vers le sol, demeuraient genoux à terre au centre du camp, baignant dans la pâle lueur de la lune. Une dizaine de Gyrkimes les encerclaient et pointaient leurs lances vers eux sans broncher. Un peu à l'écart se tenaient plusieurs guerriers de la colonie, les bras croisés.
En face se tenaient trois Gyrkimes dont Abad n’apercevait de là où il se trouvait que les ailes repliées dans leurs dos.
Lorsqu’ils s’approcha, ceux-ci tournèrent alors la tête et Abad reconnu les visages graves de Gogûa, Arkhis et Herma.
« Quelqu’un peut-il m’expliquer ce qui se passe ici ?
Arkhis et Herma se lancèrent un regard presque moqueur puis Gogua prit la parole. Il portait le collier magique.
− Ces hommes vous appartiennent-ils ?
Abad regarda vers les hommes agenouillés. Des quelques uns qui avaient relevé la tête, il n’en connaissait aucun.
− Non, ils ne font pas partie de la colonie.
− Des espions de Kafkon, cria alors Arkhis. Si c'est le cas, je veux leurs têtes sur une pique.
− Calme toi Arkhis, chaque chose en son temps, dit Gogûa.

Abad s’approcha des prisonniers.
− Qui fait office de chef parmi vous ?
Personne ne répondit. Aucun ne bougea.
− Vous voyez ces Gyrkimes autour de vous ? Ils n’ont qu’une envie c’est de vous planter leurs lances au fond du crâne et pour le moment je suis le seul qui peut encore les en empêcher. Alors ne me faîtes pas changer d’avis. Je vais donc le répéter une dernière fois, qui est votre chef ?
− Je le suis.
Abad chercha un auteur à cette voix qui s’était élevé parmi le groupe. Il le trouva dans ce qui constituait la seule femme du groupe, et qu’Abad n’avait même pas remarqué de prime abord. A ses côtés était couché un tigre comme Abad n’en avait jamais vu d’aussi gros, même dans le Cirque de Vindex.
− Et moi.
Alors qu’il se dirigeait vers la demoiselle qui s’était à l’instant dénoncé, Abad fut surpris d’entendre une autre voix s’élever. Celle d’un homme cette fois.
Celui-ci se trouvait à ses pieds et avait relevé la tête vers lui. Le visage qui s’offrait aux yeux d’Abad ne semblait pas mauvais, il paraissait au contraire raisonnable. Ou du moins était-il suffisamment intelligent pour savoir que lorsque l’on est désarmé et en surnombre, on ravale sa fierté.
Abad ordonna à quatre de ses guerriers de les amener au fournil pour interrogatoire:
" Petyr ne vous laissera pas entrer, dîtes à Petyr que je vous envoie. Si il ne vous laisse toujours pas entrer, vous n'aurez qu'à m'attendre, je n'en ai pas pour longtemps."
Les deux prisonniers furent pris en poids par un guerrier placé de chaque côté et amenés au fournil, tantôt trainant tantôt lévitant.
Abad irait les interroger un peu plus tard, en attendant, il avait quelques questions supplémentaires à poser :
" Où les avez-vous trouvé exactement ?
− Presque à la lisière des plaines de Nord et de la Jungle de l'Est, répondit Arkhis en faisant un pas en avant.
− Vous devriez mieux faire surveiller votre camp, cher Abad.
− Mes hommes ne patrouillent qu’aux abords du camp.
− On ne prévient pas le danger lorsqu’il nous tombe dessus.
La remarque piqua dans le vif mais Abad se reprit rapidement. Les autres ne pouvaient comprendre ce que disait Gogûa, il n’était pas ainsi publiquement humilié
−  Il remontaient vers le Nord, ajouta Arkhis.
− Kafkon ?
− Qui d'autre ? lâcha Gogûa.
Abad pinça les lèvres.
− Cela ne peut pas être des éclaireurs, pas un aussi grand groupe, affirma Arkhis.
− Que faisaient-ils tous rassemblés là-bas dans ce cas ? Surtout qu'ils ne possèdent pas d'armes et sont en piteux étât, ajouta Herma.
Elle avait raison. Le mystère restait entier et il n'y avait qu'une seule chance de l'élucider :
− Je vais m’entretenir avec eux, dit Abad. Pendant ce temps continuez à garder les autres.
− Gardez les bien, dit Gogua à ses troupes.
Puis en s’approchant vers Abad.
Nous, allons nous entretenir avec eux. »

*

"Pour qui travaillez-vous ?"
Les deux prisonniers avaient été placés au centre de la pièces, à genoux et mains toujours liées. Abad avait réquisitionné le commerce du boulanger Petyr et il se trouvait entre un fournil à sa droite et trois sacs de farines de cinquante kilos. Un endroit bien particulier pour un interrogatoire, mais rien n'était d'usage sur le Nouveau Monde, Abad s'en était aperçu dès lors qu'il y avait posé le pied.
Bien sûr, lorsque les quatres mercenaires avait pénétré l'atelier en lui demandant de quitter les lieux sous ordre du Cheik Abad, celui-ci avait refusé.
"Lorsque Abad me le dira en face" avait-il déclaré, les bras croisés sur sa large poitrine.
Lorsqu'Abad était finalement rentré dans la pièce accompagné de Gogûa, Petyr avait posé un genoux à terre.
" Abad Cheik, je ne voulais en aucun cas remettre en question vos ordres. C'est juste que la visite de vos hommes étaient un peu impromptue. Vous savez c'est avez honneur que je prépare chaque matin le pain de la colonie, et c'est avec plus grand honneur que je vous prête ma mansion.
− Ta dévotion est bonne Petyr. Ne t'en fais pas, nous ne réquisitionnons pas les lieux pour longtemps, la fournée de ce matin n'aura que quelques minutes de retard, répondit Abad. Lève toi maintenant, et laisse nous. "
Petyr s'était contenté d'un hochement de tête accompagné d'un "hm" puis il avait quitté la pièce par la porte de derrière, donnant à ses appartements.

Abad laissa sa question en suspend quelques secondes mais personne ne répondit. Il sut alors qu'il devrait les interroger séparément pour obtenir des réponses.
"Amenez celui-ci à l'extérieur, je vais commencer par la demoiselle" avait-il dit à ses mercenaires.
Lorsque les hommes furent sortis, Abad saisit d'une chaise qui trainait près des sacs de farines et se dirigea vers sa captive. Il plaça la chaise en face d'elle et s'assit.
Un instant, il étudia son visage :
De grands yeux verts, que le khôl à la base de ses cils magnifiait à merveille, un petit nez en arlequin traversé par une constellation de légères tâches de rousseur allant d'une pommette à l'autre, des lèvres pulpeuses et rosées et une chevelure purpurine cascadant jusqu'au bas de sa poitrine ; il n'y avait pas à dire, la femme qui se tenait devant lui était d'une splendeur que l'on ne croisait que rarement.
− Quel est ton nom ?
− Phadria Mary Red.
Même sa voix était charmante, douce et profonde. Son regard se posa sur le reste de son corps elle portait une tenue de cuir et de tissus qui avait était trouée à plusieurs endroits. Abad remarqua aussi que son corps était parsemé de plusieurs bleus, mais alors un détail attira son attention en particulier.
− Une pirate ? je comprends mieux maintenant dit Abad en remarquant le Joly Roger sur l'épaule de la belle.
Abad se leva d'un bond et se saisit de la pirate par les cheveux :
− Connais-tu Phadransie la Noire ? Tu ne voudrais pas me mentir maintenant, ajouta-t-il en dégainant son épée qu'il plaça sur la gorge de la belle. Gogua fit un pas en avant mais le regard que lui lança Abad le dissuada d'approcher plus.
La pirate aux cheveux rouges semble hésiter un instant puis avoue :
- Elle m'est familière, oui.
- Comment ? Pourquioi ? Je me suis juré de mettre à mort le moindre pirate qui croise mon chemin dans la seconde et tu fais deja exception à ma règle alors je te conseille de parler vite et sans manière, dit Abad en resserant le fil de la lame contre la gorge de la belle.
- J'ai dû naviguer sous ses ordres à bord du Galion Déité. Mais c'était il y a très longtemps.
- Longtemps ? Combien de temps, je veux des dates.
La belle déglutit :
- En... environ six ans, balbutia-t-elle.
D'un geste, Abad jeta la pirate contre le sol. Le pirate à côté d'elle proteste mais Abad lance un coup de pied dans la chaise suivit d'un ''ferme ta geule'' qui le rammene au silence.
- AS-TU PARTICIPE AU MASSACRE DE KHAMSIN ? cracha Abad sa bouche écumant de rage.
- Oui, oui, j'y étais, peut-on entendre sortir de la chevelure de la belle, qui cache son visage contre le sol.
A présent il approche et pose son épée sur la nuque de la rousse.
- As-tu touché qu'à ne serais-ce qu'un cheveux de mon peuple ?
Alors la pirate relève la tête, des chaudes larmes brillent dans ses yeux.
- J'ai abattu beaucoup d'innocents lorsque j'étais pirate, Khamsins ou non. Mais je sers Atÿe, à présent ! Je le jure, je ne porte plus les armes. J'ai essayé d'endiguer les excès du Roi-Pirate lorsque j'étais à bord de l'Alvaro de la Marca. En même temps, le Père Adarien me forme à la magie cléricale. Je sais que l'imposation des mains ne ramènera pas à leurs familles ceux que j'ai tué, mais je peux toujours tenter de preserver la vie désormais.
Abad semble déboussoulé un instant :
- Toi, une prétresse d'Atÿe ?
Alors le pirate assis à ses côtés prend la parole.
- Je vous assure Monseigneur, cette fille n'est pas une pirate ou du moins elle ne l'est plus. Certes c'est aux sorties d'un bâteau pirate éclatée que nous l'avons recueillie au large des côtes de Teikoku, mais je me demande encore ce qu'elle faisait avec ces types là.
Abad rammène son regard vers la soi disante prétresse. Un instant il ne dit rien, puis il ouvre les lèvres :
- Prouve le, lâche-t-il.
- Je ne le peux pas ! Je suis encore en formation. Le père Adarien me forme mais je ne sais pas où il est, je ne sais même pas si il a survécu à l'attaque.
- L'attaque ? Quelle attaque ? Et qui est ce Roi Pirate dont tu parles ? Et ces hommes à l'extérieur, ce sont des pirates aussi ? Tu as intêret à me raconter comment tu as attérit ici, et vite.
- J'étais, contre mon gré, à bord de ce vaisseau qui se fait appeler Alvaro de la Marca. Le Loup de la passe a jeté son dévolu sur les richesses de Teikoku et du Nouveau Monde. L'Alvaro croise par ses rivages et ses baies que depuis peu. Il y avait avec moi le Père Adarien, prêtre d'Atÿe comme je te l'ai dis, ainsi que quelques-uns de mes amis, notamment un Orc. Le tigre qui est parmi le groupe est à lui. Nous nous sommes retrouvés tous les deux à bord du batiment Teikokujin lors de l'attaque, involontairement d'ailleurs. Une bête surgie des profondeurs à séparée les deux navires, coulant au passage l'un des deux bâtiments du Roi-Pirate. C'est comme ça que je me suis retrouvée, blessée, à bord du navire de monsieur Masson. Nous avons dû l'abandonner car il n'était plus bon marcheur et prenait l'eau de toutes part. Nous tentions, lorsque les Gyrkimes nous sont tombés dessus, de joindre Teikoku en longeant les côtes.
- Plus de la moitié des hommes qu'il y a dehors sont les miens, rajouta Masson.
- Le Loup de la Passe ?
- C'est comme ça qu'il se fait appeler. Guadalmedina. C'est son vrai nom. Il en a après les richesses du Nouveau Monde et de Teikoku.
- Et ce Guadalmedina, a-t-il périt lors de l'attaque ?
- Je ne pense pas, non..
- Et de combien d'hommes restant dispose-t-il ?
La belle réfléchit un instant.
- Ils étaient environ quatre-cents avant l'attaque du navire du Capitaine Masson... Je n'ai pas vu l'attaque du serpent qui a séparé les deux navires, j'étais déjà inconsciente. Mais il est possible qu'ils soient toujours aussi nombreux.
- Et qu'en est-il de Teikoku ? demanda Abad en tournant la tête vers Masson.
- Trois milles hommes dont environ deux cent guerriers, répondit-il sans réfléchir. Et nous disposons d'une dizaine de bateaux.
Abad lui aussi réfléchit, puis il se dirige vers Gogua et lui fait le compte rendu de l'entretien qui vient de se passer sous ses yeux sans pour autant qu'il n'en comprenne la moindre parole.
- Que comptez-vous faire ? demande Armand.
- Les hommes capturés serviront dans les galères. Nous aurons besoin de bras solides pour les rames, ils servitont aux manoeuvres. Bien sûr ils seront enchainés. Quand à la fille c'est une prétresse, elle a des capacités de guerisons, je la veux sur le pont. Elle pourra circuler librement dans le camp jusqu'à ce que nous prenions la mer. Les autres je les veux en cales.
Puis il replace dans son fourreau sa dague et quitte la pièce.
Dim 20 Nov 2016 - 14:03
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