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[TERMINE]Persona non grata
Capitaine Theoden
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Capitaine Theoden

[TERMINE]Persona non grata 4e4c25b7fac18a9514d44271617e6374


Trois mois. Cela faisait trois mois, depuis l'évasion de Garay. Trois mois de fuite, et de marche erreintante. Mais aussi trois mois depuis cette nuit où Bolch avait perdue la vie. Théoden avançait en silence sous sa cape, se remémorrant l'assaut fatidique sur le palais.

Les yeux à demi-clos, il ne prenait plus même la peine de regarder le paysage autours de lui. A vrai dire, il en était presque à un point tel que n'importe quel passant pourrait penser voir un de ces zombies du Nord du monde !
Mais ils n'étaient pas dans le nord, loin de là. Et au lieu de steppes gelées, Théoden foulait de ses bottes le sol aride et sec d'un plat désert battu par les vents et le soleil. Nynaeve, la princesse Elfe Blanche qui était le sujet de tous ses sacrifices marchait à quelques pas de lui, tout aussi silencieuse. Oh bien sûr, il y eut un temps où le Capitaine tenta de la faire parler. Ca avait été là ses premiers efforts pour s'éviter les âffres de la folie. En reportant toute son attention sur elle, il avait espéré s'éviter de songer à Bolch et à toutes les vies qui avaient été perdues cette nuit là. Mais, inlassablement, Nynaeve s'était faite tour à tour cassante, sèche voir colérique ! Et à force de voir ses tentatives désespérées de la tirer de la froideur de ses songes être écrasées ainsi, Théoden finit par abandonner et se replier sur lui même. Depuis lors, soit une demie douzaine de semaines le marin s'était replié sur lui-même, son amour pour la princesse s'étant vu vexé de toutes les manières possibles et imaginable.

Le temps passant, les prairies avaient faite place aux forêts, les forêts aux maricages, les maricages aux montagnes et les montagnes aux déserts. D'un regard vers le soleil, Théoden constata qu'ils suivaient toujours le bon cap. Mais là, en haut de ce qui semblait être un plateau rocheux un vent si chaud et si fort soufflait qu'il lui fut impossible de retenir l'envol de sa capuche qui, rejetée en arrière, livra aux embruns infernaux son visage fatigué et rongé par l'âge. Ce fut sans doute pendant ces trois mois que le Capitaine prit le plus violent coup de vieux de toute sa vie. Rattrapé par l'âge et le soucis, ses joues avaient quelque peu commencées à se creuser. Sa mâchoire avait commencée à se couvrir d'une barbe drue poivre et sels. Ses tempes, ses orbites et son front avaient de même été attaquées par des rides de plus en plus profondes, inexorablement. Balafré à Karak-Tur, encore marqué lors de la fuite à Garay, Théoden était devenu un Capitaine de presque Quarante ans donnant l'air d'en avoir vécu soixante.
Un regard sur son compas et sur une carte lui confirmèrent vite qu'ils étaient passé en Ram. Mais loin d'annoncer la bonne nouvelle à la Princesse, Théoden se renfrogna en un grognement sommaire et rangea ses instruments. Ici, au sommet du plateau, ils s'arrêtèrent un peu et le marin put observer les alentours.

"-'chier."

Ils devaient désormais descendre ces falaises raides pour continuer vers la côte qu'espérait atteindre Théoden. Après une courte pause, le Capitaine tourna les talons et passa près de la princesse en longeant le bord du précipice. Il se saisit de l'occasion pour plaquer sans cérémonie une gourde à demie pleine d'eau tiède contre le poitrail de Nynaeve et reprendre son chemin. Puisqu'elle avait opté pour le silence, lui avait opté pour la disparition des manières. C'était donc ainsi qu'il lui demandait de façon "sympathique" de boire et de le
suivre.

Il leur fallut pas moins d'une demie journée pour trouver un bon moyen de descendre, et presque une nuit entière avant d'enfin mettre le pieds dans ce qui ressemblait à une autre vallée de la mort. Mais Théoden pressait la princesse, inlassablement. Il la savait bien plus résistante que lui et se fiait plus à sa propre fatigue qu'à la sienne pour fixer leurs pauses.

~°~


A des mois de là, en plein océan se trouvait le Wicked Wench. Navire de plus en plus célèbre du Capitaine Théoden, réputé pour des passes célèbres comme le sauvetage de La Gardienne, la bataille de la Baie de Jade ou encore la découverte de l'Île de Teikoku ce vaisseau était maintenant une frégate en état bien terrible. Après un combat difficile contre un Kraken et une évasion surprise face à une bonne part de la flotte d'Oro, le vaisseau semblait n'être plus porté que par le talent de son équipage.
Equipage qui justement prenait une journée pour commémmorer la disparition des leurs lors de leur dernier accrochage lors du bombardement de Karak-Tur. Peu le savaient encore à terre, mais dans l'opération le navire avait essuyé quelques frappes terribles. Des boulets tirés avec habilité par la marine Royale avait entre autre fauché un bon nombre d'artilleurs émérites mais aussi et surtout le Second du Capitaine Théoden, le Premier Maître Gibbs. Blessé, le vieux loup de mer avait pourtant pu amener le vaisseau jusqu'au sortir de la mer intérieure avant qu'une fièvre terrible ne s'empare de lui et ne le fauche, en plein automne de sa vie. La nouvelle, sordide, avait affecté tout l'équipage qui devait désormais affronter la remonté intégrale des côtes du Continent par l'Ouest pour espérer retrouver leur Capitaine.
Fort heureusement, ce qu'il restait de la maistrance -préservé par la désobéissance de Théoden vis à vis des ordres de la Reine Dyzzalir- parvint à s'organiser pour que le navire puisse naviguer sans avoir à élir de nouveau Capitaine. Le Commandement du vaisseau fit donc stopper toutes les manoeuvres, le jour même du décès de Gibbs et organisa une simple cérémonie funéraire. Tous furent donc appelés sur le pont du Wench. Les voiles avaient été amenées, le pavillon mit en berne et un peloton de fusiliers jouait -d'après la tradition- un air triste au clairon.

Gibbs en tête, une trentaine de cadavres furent ainsi rendus aux profondeurs avec une moitié de solde comme leste pour les faire couler. Lorsque le dernier corps tomba à l'eau, et lorsque le dernier des clairons fit taire sa lancinante complainte, un silence terrible tomba sur le pont du navire. Tous les hommes d'équipages figés là restèrent un moment avant de lentement se disperser et retourner aux manoeuvres.

~°~

Bolch courrait. Du haut de ses 8 ans, il était rapide et agile. Suffisamment pour échapper au vieux père Gayotte, le boulanger auquel il venait de voler un morceau de pain. Malheureusement, cette fois-ci, il s’était fait prendre, lui, le petit prince des petits voleurs. Théoden, son ami, surgit d’une ruelle avoisinante, transportant pour sa part un peu de viande volée à un boucher, avec un garde de la ville aux trousses. Les deux compères continuèrent à courir, tandis que le port approchait devant eux. Les passants ne faisaient rien pour les aider, mais rien pour les arrêter non plus. Ce genre de scène était si banal, dans la ville portuaire de Kelvin !

Peu à peu, les deux enfants arrivèrent au port. Lorsqu’ils furent sur la jetée, le garde leur dit « Les enfants, vous nous avez bien fait courir, mais il serait temps de rendre ce que vous avez volé, maintenant que vous êtes coincés ». Ce garde devait être originaire d’une autre ville, pour ignorer qu’à Kelvin, les enfants savaient nager avant de savoir marcher. Les deux compères lui adressèrent un regard moqueur, avant de sauter à l’unisson dans l’eau du port.

Ils passèrent sous les pontons, avec le demi-mètre d’espace qui séparait la mer des planches de bois. Par ce chemin, ils parvinrent à rejoindre en passant par la grille descellée depuis des siècles menant aux catacombes, englouties à marée haute. Cette grille, Bolch et Théoden la connaissaient bien. Tous les pauvres de la cité la connaissaient, et même les gardes. Elle avait été retirée, selon la légende, par une troupe d’elfes noirs en quête d’esclaves dans la ville. Légende ou réalité ? Nul ne le savait, mais une chose était sûr : de mémoire d’homme, elle avait toujours était là, descellée, posée sur le côté de l’ouverture, rouillée, couverte d’algues et de coquillages. Les catacombes avaient une sortie dans tous le cimetière de la ville, qui se trouvait en plein milieu du labyrinthe des coupe-gorges, nom donné au quartier pauvre de la ville portuaire.


Théoden eût un léger sourire, quelque peu absent. Cela faisait maintenant une semaine entière qu'ils arpentaient ce désert maudit par les dieux. Dans le grand silence des dunes, le Capitaine errait de plus en plus difficilement. Son exil avec la princesse s'était lentement transformé en chemin de croix et comme il marchait, l'absence d'eau s'était faite de plus en plus terrible.
Sur ces terres, là où la vie s'était faite aussi discrète que l'espoir, Théoden s'était fait de plus en plus distant. Sa cape envolée, il marchait maintenant avec lenteur en traînant des pieds. Ses mains semblaient chercher à se saisir de quelque chose, remuant naïvement devant lui. C'eût-été comme si il cherchait à agripper quelque chose devant lui. Ou peut-être à rattraper quelque chose ? Tout était si beau dans sa tête. Les silhouettes hautes et tordues de façades de Kelvin, les regards à demi-amusés des passants... Il rit un peu de sa voix rauque, sa tête lui tournant de plus en plus. Mais alors qu'il allait plonger de nouveau dans ses souvenirs, le pied de Théoden sembla buter sur quelque chose. Quelque chose de si dur qu'il en vint à chuter en avant et s'abîmer face la première dans quelque chose de mou, d'odorant, de... frais ?

Le Capitaine releva la tête sans attendre et se redressa prestemment, légèrement sonné. Qu'était-ce que cela ? D'un regard en arrière, il vit que son pieds avait buté sur une sorte de racine. De racine ?! C'est là que Théoden réalisa qu'il ne sentait plus la morsure du soleil, ni les vas et viens douloureux du vent torride du grand Ouest. Il vit que ses mains s'enfonçaient dans de la boue, et il sentit ses cheveux détachés soulever avec eux des chapelets entiers de gouttelettes ocres. Une oasis ! Il eût hurlé de plaisir si sa gorge le lui avait permit, tout comme il aurait plongé à l'eau si un vacarme familier ne se faisait pas entendre non loin de là.

Alors que sa vue se précisait, Théoden vit se détacher entre ce qui semblait être des fourrés épais les silhouettes de jeunes femmes voilées et d'enfants en larmes. Le petit groupe semblait aux prises avec ce qui apparaissait être des esclavagistes locaux. Le Capitaine vit danser entre des lames courbes des chapelets de ces petites choses brillantes et assourdissantes qu'il reconnu vite comme étant des chaînes. A la vue de ces infernaux outils, le sang du marin ne fit qu'un tour et comme il se relevait en hâte il se saisit du sabre qui pendait dans son dos faute de ceinture pour le porter. Il vérifia que la princesse était toujours là puis bondit sans attendre dans l'action avant même de réaliser qu'il allait devoir affronter pas moins de huit hommes en pleine formes !
Mais qu'importait, ces femmes là ne sauraient tomber en esclavage. Par surprise, après avoir traversé le bassin peu profond de l'oasis en quelques enjambées, Théoden parvint à éliminer une paire de ces sauvages enturbannés. Avec la princesse, ce combat s'était annoncé comme une simple formalité pour le marin fatigué qui se dressait seul entre un groupe de ces réfugiés apeurés et de dangereux serpents du désert. Mais étrangement, Nynaeve ne leva pas même le petit doigt, même lorsque le fouet d'un des esclavagistes vint retenir le bras de Théoden, arrachant au passage des morceaux entiers de sa chemise !
Seul, Théoden ne put donc pas parer le coup de botte que lui expédia l'homme au fouet, confortablement installé sur la selle de son cheval. Ce fut pendant ce laps de temps, alors que le Capitaine roulait dans la poussière en tentant de retenir les quelques filets de sang qui coulaient de ses narines et de sa bouche que les esclavagistes restants se saisirent de ses nouvelles protégées et les jetèrent sans ménagement à l'arrière d'une carriole bardée de cages.

Théoden dû ensuite faire face en l'espace d'un instant aux assauts d'une troupe entière d'esclavagistes acharnés, poussés par l'envie de venger leur camarade assassiné. Avec son seule sabre comme parade face aux lames courbes des cimeterres de ses adversaires, le Capitaine fut contraint de se contorsionner en tous sens, tout en reculant. Car si il était une chose qui était redoutable avec ces armes, c'était leur incroyable aptitude à glisser sous les gardes et à mordre à travers n'importe quelle armure.
Vite acculé, le marin vit son bras gauche sévèrement touché par la fente habile de ce qui semblait être le lieutenant de cette horde de malandrins. Il fallut à Théoden bien des efforts pour se soustraire à cette tempête de lame dans laquelle il s'était empêtré. Mais, à la faveur d'une esquive, il parvint à rejeter contre un palmier un de ses agresseurs et à s'engouffrer dans la brèche qu'il venait de s'offrir d'une roulade lourde et malhabile.
Avec autant de fatigue accumulée, Théoden parvint pourtant à se débarasser ainsi de trois de ses agresseurs avant que les autres ne finissent par abandonner et s'enfuir sur des chevaux.

Avant même que le Capitaine n'est le temps de bondir à cheval pour les poursuivre et tenter de sauver ces jeunes femmes, un vertige le prend et il retombe sur les fesses au bord de l'eau. Au moins avaient ils gagnés quelques montures et de l'eau pour poursuivre leur voyage. Mais pour l'heure, Théoden était bien trop fatigué pour faire quoi que ce soit. Et il ferait par de sa colère à la princesse une prochaine fois. Il venait de s'endormir, dans le sable et la nuit tombait...
Sam 2 Jan 2016 - 23:08
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Dargor
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Dargor
Depuis qu’elle était sortie des geôles de Garay, Nynaeve essayait par tous les moyens d’éviter la conversation. Tout ce qu’elle savait avait volé en éclat dans ces geôles, toutes ses certitudes s’étaient envolées. Elle suivait Théoden, bien sûr, elle suivait le capitaine, qui l’emmenait loin d’ici, vers sa mère peut-être. Sans doute. Sans doute sa mère l’attendrait-elle à la fin de tout ce voyage. Mais pour quoi ? Et ne devrait-elle pas faire demi-tour ?
Elle avait choisi dès le début de suivre Théoden. Il aurait été aisé de lui fausser compagnie dans son sommeil, mais si elle craignait de revoir sa mère, elle craignait tout autant d’aller retrouver Asarith. Pour l’instant. Les deux lui paraissaient aussi dangereux l’un que l’autre. A tout le moins, cependant, elle dormirait dans des draps de soie chez elle, et non sur le sol d’une cellule sale. Pendant son voyage sur le continent humain, elle mit ce qu’elle avait appris chez Asarith à l’épreuve. Le continent, à l’aller de ce voyage, lui avait paru bien étrange et rempli de paradoxe. La vision d’Asarith s’imposa à elle quand elle fit le voyage de retour. Les villages qu’ils traversaient étaient miséreux, et n’avaient aucune mesure avec le luxe des palais des rois du continent. Il régnait ici une injustice totale, et une injustice acceptée par tous. Bien loin de la race à laquelle la sagesse avait été enseignée par les elfes.
La sagesse des elfes. Elle-même une vaste plaisanterie, pour ce qu’elle en savait désormais. Ses passages dans les palais des elfes sylvains à l’aller l’avaient rendue furieuse. Elle avait à l’époque cru que les elfes sylvains s’étaient eux-mêmes laissés corrompre par le mal, au point de ressembler désormais plus aux elfes noirs qu’aux elfes blancs. Elle en était désormais convaincue. Cela faisait-il des elfes blancs des mauvaises personnes ? Les elfes sylvains étaient un peuple à part à présent. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de trouver la folie dans la forme d’obsession que sa mère lui avait enseignée à toujours se mettre en quête de la perfection absolue dans la moindre œuvre. Il était vrai qu’Asarith lui avait montré que l’on pouvait se contenter de choses fonctionnelles, après tout. Mais elle n’en était pas sûre. Après tout, les elfes blancs vivaient dans un milieu paisible. Etait-il ou non corrompu ? Elle accordait le bénéfice du doute à cette question.
Et pour vérifier cela, elle suivait le capitaine.

Au début, il était prévenant avec elle, mais il finit par céder, et par ne pas la ménager, sans doute quand il comprit qu’elle ne se souciait pas de ses prévenances. Cela lui était égal, en ce qui la concernait. Il avait bien fait de changer d’avis. Elle ne se plaindrait pas, mais n’avait pas besoin qu’on la plaigne non plus. Puis arriva l’affaire des trafiquants d’esclaves.

« Vous rendez-vous compte de la vie qu’ils auraient eu si je n’étais pas intervenue ? lui soutenait le capitaine.
-Quelle vie vont-ils avoir à la place ? Crever de faim et finir par eux-mêmes devenir esclaves ? répondait-elle. »

Et la conversation variait autour de ce thème. Elle s’en lassa très vite, et se contenta de hocher la tête à ses reproches. Il en vint à l’accuser d’être devenue froide et distante, voire dénuée de sentiments. Elle s’apprêtait à se contenter de lui répondre qu’il avait peut-être raison quand un bruit de chevaux parvint à leurs oreilles. Il s’agissait en effet d’une troupe de cavaliers. Leurs chevaux, plus rapides que ceux qu’ils avaient récupérés sur les esclavagistes, eurent tôt fait de les rattraper et de les encercler. Les hommes, ou les femmes, qui les chevauchaient avaient le corps comme le visage enveloppés dans d’épais tissus ne laissant transparaitre que leurs yeux. Le capitaine s’y trompait peut-être, mais Nynaeve ne pouvait le faire. Des yeux d’elfes.
Des elfes lourdement armés, et qui n’eurent pas besoin de beaucoup de mots pour se faire comprendre. Le capitaine Théoden s’apprêtait à dégainer son épée, mais Nynaeve, dans un geste las, leva le bras pour l’arrêter.

« Vous ne feriez que nous faire tuer tous les deux. Je tiens encore à ma vie, merci. »

Avait-il remarqué qu’il s’agissait là d’elfes ? S’il l’avait fait, il n’en disait rien. Les cavaliers mystérieux se contentèrent de les désarmer avant de les guider, formant autour d’eux un cercle, vers ce qui apparut bientôt comme une ville. Et devant la porte de la ville, ils retrouvèrent les esclavagistes qui avaient échappé au capitaine. Ce dernier aurait bien dût requérir la force de plusieurs d’entre eux pour être immobilisé, mais que peu un homme désarmé quand il a une lame sous la gorge ?

« Dame Turaën, dit celui qui semblait le chef des esclavagistes, ce fut un plaisir de savoir que vous avez pu trouver les assassins.
-Tout le plaisir fut pour moi, répondit ladite dame, retirant le tissu qui masquait son visage, ne laissant aucun doute sur sa race d’appartenance.
-Celle-là, demanda le chef esclavagiste, n’est-elle pas une elfe ?
-Oui da, répondit Turaën. C’est une elfe. Mais ce n’est pas une des miennes. Cela n’a donc aucune importance à mes yeux.
-Qu’il en soit ainsi, répondit le chef. Nous capturerons les femmes qu’il a protégées quand nous aurons pu recruter un groupe plus conséquent. En attendant, passez les fers à ces deux-là.
-Je vous conseille vivement de vous laisser faire, dit Turaën à Théoden et la princesse en remontant sur son propre cheval. Mes archers vous auront encore en mire pendant longtemps. Vous qui êtes une elfe, je ne doute pas que vous connaissiez notre talent. »

Ainsi donc, songea Nynaeve en rentrant prisonnière dans la ville étrangère, ainsi donc les elfes d’ici étaient de mèches avec les esclavagistes ? Cela la confortait dans son opinion sur les elfes de ce continent. Elle posa néanmoins, par curiosité, la question au chef.

« Depuis quand ce sont nos amis ? Depuis un tour, répondit-il. Quand on a dû s’allier contre les elfes noirs. Avant c’était nos ennemis. On pensait qu’ils redeviendraient nos ennemis, mais ils ont trouvé leur content dans l’alliance apparemment. Et nous on s’en plaint pas. Après tout, ils adhèrent à notre mode de vie, et même s’ils restent des nomades vivant sous la tente et n’entrant jamais dans les villes, ils aiment nous aider à vivre comme nous l’entendons. Y compris s’ils peuvent aider les marchands d’esclaves, mais aussi les honnêtes marchands, les compagnies de soldat, bref tout le monde. On leur donne de l’eau en échange, ou on fait rafistoler leurs armes. Bref des trucs pas faciles à faire dans le désert. »

Ils ne posèrent pas la question de ce qu’ils allaient faire. C’était évident. Théoden serait sans doute jugé pour meurtre… Ou pas. Ils furent amenés dans un gigantesque bâtiment.

« Avec vos talents, dit le chef des esclaves en recevant de l’or de la part d’un homme riche qui vraisemblablement les attendait, ce serait dommage de ne pas vous exploiter pas vrai ? Ne décevez pas votre maître, gladiateurs, celui-là a la réputation de ne pas aimer les investissements ratés. »
Dim 10 Jan 2016 - 0:17
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Capitaine Theoden
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Il avait fallut pas moins de cinq hommes pour maîtriser Théoden, lorsque celui-ci avait réalisé que la fuite leur fut impossible. Lorsque le Capitaine eût habilement brisé le bras du malheureux qui le menaçait avec une dague, il en furent deux assez lent pour voir leurs gorges déchirées par coups secs et vifs. Mais la fatigue. Mais la chaleur. Mais l'habilité de ses adversaires. Théoden fut vite désarmé pour la seconde fois, et même en brisant les nuques de deux des enturbannés qui voulurent se saisir de lui comme du bois sec, il termina sa faible résistance tête la première dans une bute de sable brûlant avec d'épais fers aux poignets. Couvert de honte, le Capitaine avait vite abandonné la moindre forme de résistance et avait été relevé juste à temps pour voir la Princesse être enchaînée tout comme lui.
Mais elle, bien entendu, n'avait pas levé le petit doigt.

Théoden ayant été promptement délesté du moindre de ses biens, les maigres qu'il avait conservé de sa cabine à Karak-Tur, ce fut dans une simple chemise qu'il dû affronter les gloussements même furtifs des gardes tout autours d'eux.

La princesse et ce qui ressemblait à une Elfette discutèrent pendant un instant puis ils furent emmenés dans une sorte d'énorme prison. Ou était-ce un entrepôt ? Une caserne ? Difficile à dire.
Tout ici puait. C'était sans doute ce que Théoden avait le plus remarqué alors que l'on les escortait dans des couloirs. Il vit une épaisse bourse, passer d'une main à une autre et deux gardes le saisirent par les épaules pour lui faire passer le passage étroit d'un corridor menant à une sorte de petite cour intérieure. Il y avait là une certaine foule de gens en train de s'entraîner. Par deux, en rang devant un grand homme à la forte stature ou à l'écart avec des armes de bois. En marchant sous ce qui était en réalité une arcade, Théoden put distinguer sous l'ombre d'un balcon dominant toute la cour d'exercice la silhouette d'un homme richement vêtu et accompagné d'une ribambelle de serviteurs. Mais le Capitaine s'attarda plutôt sur les gardes qui encerclaient l'endroit. Eux étaient toujours par deux à chaque porte, armés lourdement et visiblement très certainement aguerris. Il y avait apparemment des archers dans les hauteurs et quelques entraîneurs qui allaient et venaient entre les groupes pour corriger au besoin -et souvent au fouet- les recrues qui échouaient à leurs exercices.

Théoden parvint à jeter un regard en arrière, le temps de voir la princesse le suivre. Alors c'était comme ça. Ils allaient devenir gladiateurs... Tantôt, les deux gardes se saisirent du Capitaine et le précipitèrent sans ménagement dans un cercle de combat au centre de la cour d'exercice. Surprit, et sans doute poussé bien trop fort par ses tortionnaires, il tomba à la renverse dans la poussière sous les rires de quelques gladiateurs oisifs et d'autres entraîneurs.

Comme si la honte ne suffisait pas, Théoden essuya un coup de fouet en travers du dos. Les rires des gardes se mirent à croître, face au spectacle. Il fallut quelques instants au Capitaine épuisé pour se relever face à celui qui venait de le gratifier d'une pareille humiliation. C'était à nouveau ce grand homme drapé de jaune, celui qui semblait diriger les exercices. Exercices qui justement venaient de cesser. Autours de l'arène se trouvaient maintenant massés les quelques dizaines d'hommes d'armes de la cour avec leurs entraîneurs en jaune et les soldats dans leurs armures brillantes.
Théoden cracha par terre en se relevant. Le grand type devant lui sembla lui raconter certaines choses sans doute très importantes pour de futurs gladiateurs. Le marin retint le nom d'Alid, pour la gueule qu'il s'apprêtait à défoncer aussitôt que ses chaînes tomberaient. Car il l'avait bien saisit : on allait l'évaluer ! Il n'y avait pas de meilleure occasion. Et Théoden était déterminé à ne pas finir gladiateur, quitte à devoir briser toutes les nuques de ce maudit village. Il y eut encore du blabla, sommes toute interminable. Puis finalement, Théoden sentit ses poignets s'alléger dans son dos, et un vent chaud souffler sur sa peau que la chaleur du métal avait fait suer. Il baissa les yeux en se massant un peu les mains. On venait de jeter à ses pieds ce qui ressemblait à une épée courte en bois, à la lame large et à la poignée épaisse. Un fin sourire fendit alors son visage, un fin sourire carnassier. Un fin sourire avide de revanche ! Il allait leur montrer à tous ces rigolards ce qu'était un véritable combat.

Très vite, celui qui se faisait appeler Alid se replia hors du cercle de combat et siffla dans une sorte de petit sifflet ce qui indiqua le début du test. Un premier gigolo se jeta dans l'arène, arme en main. Mais à peine fut-il à porté de bras qu'il s'effondra dans le sable, violemment assommé par un revers de main du Capitaine. Le suivant ne fut pas plus chanceux, recevant en plein visage le retour du premier coup de Théoden. Il en passa ainsi quelques-uns, que Théoden pu envoyer au tapis à la seule force de sa main gauche. Et tous allaient être condamné à la soupe jusqu'à la fin de leur jour, c'était certain ! Enfin pour ceux qui survivaient au fait de se faire marteler le crâne par la botte du Capitaine...
Rapidement, Alid changea d'idée et envoya non plus des gladiateurs simple mais des entraîneurs dans l'arène. Mais il sembla qu'au centre de ce rond, Théoden s'était fait un petit royaume. Et aussitôt qu'il s'était emparé d'un second glaive par terre, il devint impossible de passer ces frontières. Ainsi, pendant de longues minutes, l'on entendit des os se briser, des articulations se démettre, des yeux éclater, des rotules se retourner. L'on vit du sang voler en tout sens avec des chapelets de dents. Ce fut une après midi sanglante pour cette maison de gladiateurs. Bientôt, il fallut qu'Alid envoie les gardes dans leurs armures épaisses pour stopper le Capitaine qui sautait les barrières du cercle de combat pour se chercher une sortie ! Mais même là ce fut avec peine que les pleutres qui s'attaquèrent à Théoden le ralentirent.
Oh bien sûr, leurs armures les protégeaient efficacement contre les coups de lame de bois du Capitaine. Mais casque ou non, gorgerin ou non, il était difficile de lutter lorsqu'une tornade de furie se saisissait de vous et vous martelait le crâne contre une colonne. Ou gratifiait vos parties de coups de pieds sourds. Voir dans certaines occasion vous jetait contre un de vos camarade !

Il le sentait presque maintenant. La peur. Là haut, sur son balcon, le Maître semblait dégouliner de cette crainte. Ou alors était-ce de la colère ? Qu'importait, Théoden se satisfaisait de ce spectacle, de cette cour jonché de corps se tortillant de douleur. Il n'y avait plus personne pour rire, ou le prendre de haut. Oh bien sûr, il restait toujours Alid et la princesse qui s'était mit en retrait. Voilà pourquoi le Capitaine troqua séant ses lames de bois contre ces authentiques lames courbes qui pendaient aux ceintures des gardes inconscients. Il faudrait bien ça pour venir à bout du chef de ces vauriens !
Sous le soleil écrasant de la cour, Théoden s'approcha de l'entraîneur qui avait lui même troqué son fouet contre une lance et un bouclier. Le combat s'engagea sans beaucoup plus de formalité. Et avec surprise, le Capitaine découvrit un adversaire doué d'un certain talent ! Alid se fendait d'une défense remarquable et eut le mérite d'offrir plus que dix secondes de résistance à son adversaire. Il y eut des cris, il y eut de la sueur et de l'effort mais finalement Théoden parvint à renverser le contremaître et à le séparer de son cher bouclier. Partant de là, ce n'était plus qu'une question d'instants. La lance d'Alid finit brisée et son joli turban jaune aurait pu se voir tâché de pourpre si une voix forte et froide n'avait pas jeté un soudain "Cessez."

Théoden soupire, en interrompant son geste avant de blesser Alid. Il reconnaissait cette voix. Le temps de se redresser, le Capitaine vit accourir une nouvelle troupe de gardes plus lourdement armés encore. Vaincu par la mauvaise volonté de la princesse autant que par le nombre de ces nouveaux assaillants, il écarta les bras et laissa tomber sa paire de sabres. Sans attendre, on le mit à genoux et on l'assomma brusquement pour l'emmener dans une cellule où il fut jeté, seul. Apparemment, il avait été plus "évalué" que prévu ! Restait à savoir si le Maître allait garder un homme si dangereux, ou le faire tuer.

Le Capitaine resta un bon moment dans le noir, sans savoir quel fut le sort de Nynaeve ni des hommes qu'il avait abattus. Non pas qu'il s'en souciait réellement, dans les deux cas. Mais les questions qui allaient avec ces destins incertains nourrissaient son esprit et le forçait à se tenir occupé. Il pariait plus qu'il n'espérait, se demandant quel serait la suite. Mais à cette question là, il n'eut pas de réponse avant très très longtemps. Combien de temps ? Difficile à estimer, dans une cellule sans fenêtre et plongée dans le noir...
Lun 11 Jan 2016 - 23:36
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Dargor
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Dargor
Le Maître était dans son bureau, occupé à dicter des lettres d’invitation aux prochains jeux à un scribe, quand Alid vint lui faire part de l’incident.

« Nous avons fait enfermer ce fou furieux maître, dit-il. Ils nous a mis hors de combat quatre entraineurs, et une quinzaine de gladiateurs, dont deux sont morts des suites de leurs blessures. Je propose qu’on le fasse tuer en toute discrétion. N’eut été la fille, il aurait sûrement continué.
-Gardez-le plutôt en cage pour l’instant, répondit le Maître. J’aviserai sur son sort quand j’en aurais terminé avec les exigences de ma charge. »

Il passa l’après-midi à continuer à dicter les lettres, puis quand le soleil se coucha, sortit enfin de son bureau. Cet aspect-là des choses était réglé. Mais lui qui souhaitait goûter un peu de repos avant d’être invité par le gouverneur de Kar, la ville où il se trouvait, faisait une croix sur ce projet. Il alla trouver Alid.

« Alors dis-moi, Alid, les dégâts sont-ils confirmés ?
-Oui Maître, répondit l’intéressé. Heureusement, les blessés sont hors de danger. Pas mal d’entre eux ont perdus quelques dents, mais ça aurait pu être pire. Par contre il faudra des lunes avant qu’ils ne soient opérationnels.
-Une tête de liste manquante ?
-Non.
-Alors les dégâts sont au moins limités. Le coupable est enchaîné dans les geôles du cirque j’imagine ?
-Oui Maître. Enfermé dans la cellule la moins confortable, et couvert de chaînes des pieds à la tête. Devons-nous le tuer ?
-J’y réfléchirai, répondit le Maître. Bien, je vais dîner. Donne-moi tout ce que tu sais sur lui, et toutes ses possessions doivent aller dans mon bureau d’ici demain matin. Je compte bien lui rendre une visite à l’aube… Je sais que je devrais en faire un exemple, et le faire fouetter à mort, ou égorger dans son sommeil, ou empoisonner sa nourriture. Mais vu ce que tu me dis de son talent, je préfère le garder. Sous haute surveillance et en cage, mais le garder néanmoins. Il pourrait tout à fait s’avérer utile. Et très rentable. Et après tout, c’est ce que nous cherchons. Tu demanderas à mes intendants de calculer les dédommagements qu’il faudra effectuer aux blessés. Ils seront retenus sur sa solde. Sur ce, je te souhaite une bonne soirée, entraineur en chef. »

---

Pour Alid, le Maître faisait preuve d’une pitié bien trop grande à l’égard du nouveau gladiateur. Il le fusilla du regard tandis qu’il s’éloignait, et se permis dans son dos de dresser son majeur dans sa direction. Comme toujours, le Maître voyait ses gladiateurs comme des chiffres et non pas comme des hommes. Lui, en tant qu’entraineur, était amené à les connaître et à savoir qui ils étaient vraiment. Il se demanda quel serait son châtiment si le Maître venait à découvrir qu’il avait égorgé le nouveau dans son sommeil. Il était un excellent entraineur après tout. Il pourrait aussi trouver du poison dans la ville et empoisonner la nourriture de ce nouveau…
Mais comme toujours, il renonça à de tels projets. Si le Maître le renvoyait, il finirait eunuque dans un quelconque harem, et cette perspective, il n’en voulait pas. Car le Maître prendrait un autre entraineur, un qui serait certainement abusif et cruel, comme il y en avait beaucoup. Alid avait conscience de faire office d’exception. Etait-ce de l’orgueil de sa part ? Il pensait que les gladiateurs avaient besoin de lui.
Mais il n’allait pas se priver d’un petit plaisir néanmoins. C’est lui qui amena sa ration au nouveau. Et juste avant de la lui tendre à travers le judas de la porte de sa cellule, cracha de façon évidente dedans. C’était petit et insignifiant comme vengeance, mais il ne pouvait pas simplement ne rien faire.

Il alla ensuite trouver la jeune fille qui accompagnait l’homme. Elle prenait son dîner dans la cantine des gladiateurs. Pour l’instant, elle était à l’écart, mais elle s’intègrerait. Ou pas. Il prit un plat et alla s’installer à côté d’elle. Elle ne pipa pas un mot du repas, malgré ses multiples tentatives d’engager une conversation amicale. Il se résolut alors à adopter une autre stratégie.

« Quand tu lui a dit d’arrêter, à ton ami, il s’est tout de suite immobilisé. Quel genre de lien vous attache ?
-Aucun, répondit-elle. Disons juste qu’il respecte ma mère.
-Ta mère serait une femme riche ? Plutôt curieux pour une esclave, non ?
-Ma mère n’a aucun contrôle sur ce que je deviens, répondit-elle. Et c’est bien mieux comme ça. Où sont les chambres dans ce cirque ? »

Alid soupira. Il n’obtiendrait pas un mot de plus, devina-t-il. Il lui indiqua l’endroit où elle pourrait trouver les bains des femmes, ainsi que leurs vestiaires. Sans même remercier, elle le quitta, le laissant en plan. Il retira son turban et de désespoir se prit la tête entre les mains. Entre le cinglé qui l’accompagnait et celle-là qui était particulièrement distante, l’entraineur en chef n’allait pas avoir des nouveaux sympathiques, supposait-il.

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Le Maître, avant d’aller dans les prisons, s’observa un instant dans le miroir, espérant qu’il avait son maintien habituel. Il ne s’agirait pas de donner l’impression d’un miséreux au gladiateur. Il devait bien marquer ce qui le distinguait lui, l’homme riche et libre, d’un gladiateur pauvre et condamné à la servitude. Ses amples vêtements furent salis par l’escalier crade qui descendait aux cellules, mais il avait trop de choses à penser pour s’en soucier.
L’homme était dans une petite cellule voutée, fermée par une grille laissant voir tout l’intérieur de son lieu de vie. Un simple tas de paille dans un coin lui servait de lit, et un seau pour ses besoins naturels. La porte était fixée à la grille, et contenait un judas assez large pour lui faire passer ses repas au niveau du sol. Il garda le soin de s’en tenir éloigné, hors de portée de ses coups s’il cherchait à faire passer le bras par les espaces entre les barreaux.

« La première règle, dit-il, quand tu es un gladiateur, c’est que tu acceptes de mettre ta vie en danger pour la distraction de la foule et l’enrichissement de ton propriétaire. Toutefois, un gladiateur, cela a un coût. Voilà pourquoi, si les blessures à l’entrainement sont normales, il te faut éviter de tuer tes camarades d’entrainement. Car n’ait aucun doute à ce sujet, gladiateur. Ceux que tu as tués sont tes camarades, et non tes ennemis. Et même dans les arènes, ceux que tu affronteras ne seront pas des ennemis, mais des compagnons de spectacle. Voilà pourquoi même là, lorsque je te dirai « Bas-toi, mais ne tue point », tu ne tueras pas. Car cela serait préjudiciable.
-Si vous avez peur que je tue, répondit l’homme, envoyez-moi dans des combats à mort ! »

Il allait donc falloir tout lui expliquer du début à la fin.

« C’est moi, le Maître, qui selon les rapports effectués par les entraineurs détermine qui combat quand. Je ne t’enverrai dans les combats à mort que si cela s’avère nécessaire.
-Vous verrez bien que je suis rentable, dit l’homme sur un ton ironique. Un gladiateur pour cinq, ça devrait rouler pour vous. »

Ce gladiateur avait donc une vision cynique des jeux du cirque. Le Maître allait se faire un plaisir de le détromper. C’était quelque chose qu’il aimait, défendre sa profession auprès de ceux qui en doutaient. Ça avait quelque chose … de spécial. Il se sentait important dans cette situation.

«  La question n’est pas de combien de gladiateurs tuez-vous, mais de l’endroit où le public aime vous voir. Si on vous met là où ils ont envie de vous voir, ils verseront plus d'argent. Mais si on vous met là où ils n'en ont pas envie, ils en donneront moins. C'est comme ça que ça marche. Plus le fait que les cinq gladiateurs que vous auriez tués auraient pu être rachetés à leurs maitres à vil prix en cas de blessure profitable pour nous. Vous devriez vous soucier de ces considérations vous aussi, après tout vous aurez une part de l'argent versé par le public. Ce serait intéressant d'avoir une donation plus importante. Même si vous devrez commencer par retenir sur votre solde le remboursement des blessures que vous avez causées à l’entrainement, vous pourriez vite devenir riche.
-Je peux montrer au public ce qu'aucun autre gladiateur ne leur a jamais montré. Je peux leur apprendre ce qu'est vraiment un combat, ce que c'est vraiment que de tuer quelqu'un ! Mais ce serait brider mes talents que me faire feindre une quelconque difficulté ou m'arrêter au moment le plus intéressant du duel. »

Ce ne serait pas feindre ses talents, eut envie de réplique le Maître. Ce serait les exploiter d’une meilleure façon. Quelle aberration, l’homme était un guerrier. Il détestait recevoir ce genre de gladiateurs, mais il aurait dû s’en douter d’un autre côté. Ceux-là étaient généralement ceux qui posaient le plus de problèmes. Il prit une quinzaine de secondes pour réfléchir à sa réponse.

« C’est à moi de décider de l’utilité de vos talents, finit-il par choisir. Je ne les nie pas, je nie l’utilité qu’il y aurait à les gâcher ainsi. Sinon, vous savez je peux vous faire trancher le sexe et vous vendre à un quelconque calife qui aurait besoin d'eunuques. Les anciens gladiateurs sont appréciés pour ce rôle. Ce sera à vous de voir si vous voulez être utile dans les arènes et gagner de l'argent dont vous disposeriez, où si le rôle d'eunuque vous convient. En ce qui me concerne, les deux me sont égales. Vous avez jusqu'au prochain jeu pour arrêter votre décision. Vous me la ferez savoir en obéissant, ou non, aux instructions dans l'arène. En attendant nous vous laissons dans cette cage, je crois que vous comprendrez pourquoi. Ca vous donnera l'occasion de réfléchir tranquillement. Sur ce, à dans quelques jours, nouvelle recrue. Ce fut un plaisir de faire connaissance.
- Je n'ai pas l'intention de rester "recrue" ici, vous le savez n'est-ce-pas ? Même sans mes armes, je vaut vos meilleurs gladiateurs. »

Le Maître ignora sa dernière déclaration. Beaucoup se vantaient. Il avait peut-être raison. Il avait peut-être tort. Lui s’en fichait. Dans tous les cas il rapporterait l’argent que son achat avait couté, où il finirait eunuque. Ou dans un combat à mort, mais cette fois-ci un combat face à des fauves, pour le plaisir du public. Tout en marchant vers la sortie, il lui répondit.

« Ca, vous me le ferez savoir dans l'arène, dans trois jours. En attendant, votre amie s'est faite très positivement remarquer par les entraineurs. J'ai hâte de la voir à l'œuvre, elle vaudra de l'or, je peux déjà prédire ça... »

Derrière lui, il entendit l’homme déclarer qu’il ne devait pas rester d’entraineurs en état après hier. Il l’ignora et continua sa marche. A vrai dire, il avait dû recruter de nouveaux entraineurs en urgence. Cela lui avait couté très cher. Et il ne savait pas si la fille en question aurait la moindre utilité. Il avait juste eu envie de déclencher une réaction. Au temps pour lui. Donc cet homme ne tenait pas à son amie. Peu importait.

Il alla inspecter les affaires qu’on avait mises dans son bureau. Une carte navale, ornée de nombreuses décorations. Un compas, sauf qu’il n’avait jamais compris à quoi servaient ces instruments, une bague, une rapière, et un collier fait de quelques poils… Les cheveux d’une femme sans doute. Enfin, une chevalière. Celle-ci portait un sceau Kelvinois, il en était certain, mais il n’avait pas les connaissances nécessaires pour savoir à quoi correspondait-elle. Habituellement, quand un gladiateur arrivait, ses possessions devenaient les possessions du Maître, à moins qu’il ne soit venu en homme libre. Ce qui n’était pas le cas ici.
Le Maître se demanda donc ce qu’il allait faire de toutes ces choses. La bague n’était, pour ce qu’il en savait, pas assortie à ses différentes tenues. Il la ferait vendre sur le premier marché venu. La rapière gagnerait l’arsenal de la troupe, on lui trouverait bien une utilité. D’un geste négligeant, il laissa tomber les cheveux. Aucun intérêt. La carte, il la vendrait une fois arrivé à Ray, ville portuaire, leur prochaine étape. De même pour le compas. Il ignorait s’il en obtiendrait de bons prix, mais c’était toujours cela de pris. Il garda la chevalière. Cela pouvait toujours servir, s’il venait à traiter avec des kelvinois.

---

Nynaeve observait l’escalier qui la mènerait à l’arène. Cela faisait une semaine qu’elle était là. Elle avait prouvé ce qu’elle valait à ses entraineurs, sans y prendre la moindre joie. Elle avait juste fait ce qu’on attendait d’elle. Quand le capitaine s’était énervé dans le carré il y avait une semaine, elle l’avait arrêté parce qu’elle était lasse de son empressement. Contrairement à lui, elle ne souhaitait pas nécessairement rentrer immédiatement. Une vie de gladiatrice lui convenait. Après tout, elle était une elfe, elle pouvait bien prendre quelques décennies avant de chercher un moyen de retourner chez sa mère. Elle comprenait que le capitaine souhaite pour sa part s’échapper. Mais le problème était qu’il ne partirait pas sans elle. Il lui faudrait avoir une discussion avec lui à ce sujet. Quand elle le reverrait, ce qui n’était pour l’instant pas le cas. Peut-être avait-il été tué.
Elle abandonna ces considérations lorsqu’Alid lui demanda de se regarder dans la glace en bas dudit escalier. Il lui avait expliqué que le maître ayant appris qu’elle était une elfe, il avait choisi de lui faire incarner une sauvage guerrière sylvestre.

« Ta peau est trop blanche pour te déguiser en elfe du désert, avait-il dit. Et nous ne pouvons pas risquer de les insulter s’ils devaient être là. Les elfes sylvestres sont ici une légende. En voir une guerrière sera du plus bel effet d’après le Maître. »

De fait, Nynaeve ignorait comment juger sa tenue. On avait utilisé une teinture pour décolorer ses cheveux, les rendant plus blonds encore, et pour leur donner des teintes vertes très légères. On avait délié ses cheveux, qui tombaient libres dans son dos. Elle allait les bras nus, et portait en tout pour tout une longue robe verte fendue au niveau de la jambe droite, et serrée autour de sa taille par une ceinture de cuir brune. Une épaisse couche de maquillage rendait tout ce que sa peau avait de visible d’une pâleur à faire peur, et aucun maquillage facial ne lui avait été épargné. Dressée comme ça, elle aurait plutôt été à un bal masqué qu’à un combat d’arène. On lui avait donné une lance pour se battre. Elle sourit, pour la première fois depuis des lunes. Pile ce qui lui allait. Elle retrouvait une sensation familière.

« Tu es parfaite, dit cependant le Maître en la voyant monter la marche. Maintenant écoute-moi. Tu es la forêt. Tu es la fureur de la nature. Déchaine cette fureur dans l’arène. Evite de te faire tuer, bien sûr, tu m’as couté très cher à déguiser, je ne voudrais pas perdre cet argent. Normalement, tu n’as pas à tuer ton adversaire aujourd’hui. C’est une femme plutôt populaire, dans le camp d’en face, et le Maître que j’affronte n’aimerait pas la perdre. Si le public demande du sang, regarde-moi. Je lèverai la main. Poing fermé, tu la tues. Main ouverte, tu la laisses vivre. »

Sur ce, il s’élança dans l’arène, d’un pas décidé, regardant le sable sous ses pieds. En face, un homme bien moins richement vêtu, mais de toute évidence plutôt aisé s’avança.

« Peuple de Ker ! hurla le Maître d’en face. Vous connaissez la réputation de ma rude nordique ! Elle vient tout droit de la lointaine Hasdruba, c’est une femme qui s’est faite passer pour un  chevalier !
-Tissu de mensonges, murmura Alid à l’oreille de Nynaeve. J’ai déjà parlé à cette femme. Elle vient du sud de Ram. »

Ce fut néanmoins une ovation qui accueillit la femme chevalier qui entrait. Nynaeve leva un sourcil d’étonnement. Ceux qui l’avaient déguisé n’avaient même pas essayé d’en faire une parodie de chevalier. Elle portait bien des brassards de cuir, d’après ce qu’elle voyait, mais le reste consistait en une chemise noble serrée et un pantalon brun bien trop correct. Et des bottes, tout de même. Elle maniait l’épée et un bouclier.

« Peuple de Ker ! rugit son Maître à elle. Pour vous opposer à la chevalière d’Hasdruba, j’ai amené pour vous une nouvelle gladiatrice. Nynaeve, la farouche guerrière venant de la Forêt des Elfes, va combattre aujourd’hui pour votre gloire ! »

Nynaeve entra, ne prêtant pas attention à l’ovation qui s’élevait. Elle regarda son adversaire, tandis que les Maîtres regagnaient leurs places respectives. Le sol de l’arène était déjà tâché de sang. Puis ce fut le signal.
Si la vitesse était synonyme de clémence, alors ce combat fut particulièrement clément. Lorsque Nynaeve retira sa lance de la gorge de son adversaire, le sang l’éclaboussa et macula son visage. Un silence gêné se fit entendre pendant quelques secondes, puis la foule sembla se diviser. Il y avait ceux qui huaient et ceux qui applaudissaient, aucun ne semblant prendre parti sur l’autre. Nynaeve s’en fichait. Elle avait fait son travail. Elle retourna vers son Maître.

« Je t’avais dit de ne pas la tuer ! fulmina-t-il. Alid ! Fais la mettre à l’écart, on discutera de cette insubordination plus tard ! Et fais la enchainer à quelque chose, tiens. Fais attention à ce que l’autre ne la voie pas comme ça, ça pourrait être préjudiciable. »

---

De fait, Alid alla plus tard chercher le nouveau dans sa cellule, escorté par plusieurs gardes.

« C’est ton tour, dit-il. »

Il l’accompagna jusqu’au salon de maquillage, où l’attendait une femme au visage barré de cicatrices, dans la trentaine environ.

« Mon nom et Bekha, dit-elle au gladiateur en boitant vers lui. J’ai perdu la moitié de mon visage et mon genou dans ces arènes, alors tu me fais pas peur. Le Maître m’a laissé des instructions sur toi. Le peuple aime l’exotisme, donc tu dois en amener. T’auras plus d’argent comme ça, et le Maître aussi, donc tout le monde est content. J’ai appris que t’étais doué avec des bouts de bois et la main hein ? Alors voilà ce qu’on va te faire. Le Maître va t’annoncer comme un barbare venant des Iles de Jade. Donc je te mets en braies, torse nu. Je te fais des faux tatouages un peu partout. Et si t’es d’accord, un peu de teinture rousse dans les cheveux. Avec des mèches grisées parce que tu as l’air d’avoir l’âge pour ça. Vendu ?
-Puisqu’il le faut, répondit-il d’un air sombre et contrarié.
-D’accord, assied-toi sur cette chaise et laisse-moi faire. Y’a des jeux pendant encore assez longtemps pour t’improviser une teinture à peu près correcte, je vais essayer de pas trop la rater, promis. »

Quelques heures plus tard, au coucher du soleil, le Maître vit arriver son nouveau gladiateur.

« Tu ne dois pas tuer ton adversaire, dit-il. Si la foule te demande de le tuer, regarde-moi. Je lèverai la main. Poing fermé, tu le tues, paume ouverte, tu le laisses vivre. »

Sur ces mots, il vérifia qu’il avait bien son bâton, et s’engagea dans l’arène.

« Et pour conclure ce spectacle, peuple de Ker, je vous propose d’assister au combat livré par un immense sauvage venant tout droit des Iles de Jade ! »

Puis il regagna sa place, et laissa entrer le gladiateur.
Mar 12 Jan 2016 - 22:08
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Capitaine Theoden
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Le sable de l'arène était brûlant. Théoden ne pouvait pas le manquer, comme il était pieds nus. Le soleil frappait fort, tombant comme chape de plomb sur ses épaules. Le publique hurlait, surexcité. Dans cet assourdissante tornade de fracas, il était difficile pour un nouveau gladiateur de garder la tête sur les épaules. Surtout après plusieurs jours dans le noir complet d'un cachot !
Une nouvelle fois, Théoden se regarda. Il vit ses bras nus, couverts d'une peinture que sa sueur faisait déjà cailler. Il sentit sa main gauche effleurer les crevasses profondes des cicatrices barrant son torse. Un vent chaud soufflait dans l'arène. Un vent qui souleva légèrement le pagne de fourrure du Capitaine, et fit battre contre ses jambes les volutes loqueteuses de ses braies. Quel étrange costume devait-il portait là !
A son entrée la foule s'était levée et avait lancé des huements sinistres, comme d'une seule voix. Apparemment, les guerriers des îles de Jade étaient mal vus dans cette partie-ci du monde ? A quelques pas de là, Théoden vit l'homme qui l'avait annoncé, se tenant devant une sorte de loge royale. Mais vue la taille de l'arène, ce ne devait être là qu'un gouverneur. Peu importait, son adversaire venait d'arriver. Théoden voulu le détailler de loin, mais le soleil sur le sable blanc l'aveuglait. Son poing se serra sur le bâton qui lui servait d'arme et son pieds s'avança pour oser un premier pas sous le regard de la foule qui accueillait l'autre guerrier avec plus d'enthousiasme déjà. Dans tout ce brouhaha, le Capitaine peina à entendre le nom du type avec qui il allait se battre. En revanche, il voyait très clairement qu'il brandissait une longue lame. Une longue lame effilée, au profil sans aucun doute assez tranchant pour lui faire regretter sa certaine nudité ! D'un regard en arrière, noire, Théoden chercha son Maître pour lui envoyer toute sa rancoeur. Difficile de s'imaginer survivre, maintenant. L'homme d'en face avait été introduit comme étant un de ces duellistes Oréens dont tout le monde avait un jour entendu parler. C'était un guerrier à la silhouette fine, au visage rasé de près et aux habits richement décorés.
Le Capitaine jura. A sa main. Il connaissait ces duellistes et en avait vu combattre quelques-uns. Avec de longues rapières, ils étaient si difficile à toucher que l'on prétendait qu'ils étaient capable d'inscrire leur nom sur le poitrail de leur adversaire avant même de le tuer !

Théoden se mit sans attendre en garde, et se prépara à devoir affronter une véritable tornade de coups. Lorsque s'écarta l'arbitre qui les avait annoncés, l'Oréen fit de même. Mais étrangement, sa garde était véritablement catastrophique.
Pour avoir été longtemps entraîné à l'escrime, Théoden s'en rendit compte immédiatement. L'homme en face brandissait sa rapière comme une vulgaire épée, et s'avançait raide comme un bâton vers lui. Etait-il simplement mauvais ? Ou était-ce un vulgaire fermier dans un costume de qualité ?

L'Oréen se fendit d'un premier coup, timide. Il était évident que Théoden l'impressionnait dans son costume ! Théoden justement se contenta de s'effacer sur le côté pour laisser l'estoc s'âbimer loin de lui. Comme pour se faire plus intimidant encore, il dévia du plat de sa paume la lame de son adversaire d'un simple coup. Autant dire qu'une véritable lame n'aurait jamais laissé une telle humiliation arriver. Et Théoden comprit immédiatement qu'il avait affaire à un pantomime médiocre, tout juste bon à râtisser le sable avec ses dents.
Les deux adversaires s'offrirent un écart de quelques pas, après cette première courte passe. Le faux guerrier des Îles en profita pour jeter au loin son bâton, comme pour tenter d'impressionner plus encore la foule. Il y eu un "OH" général dans l'assemblée, lorsque le Barbare se désarma en offrant à son adversaire le sentiment très clair qu'il allait se faire étriper à mains nues.

L'Oréen leva de nouveau son arme et se jeta en avant. Il fut hélas reçu par Théoden qui salua son audace avec un simple direct au visage et ignora tout bonnement son assaut. Il reprit immédiatement en envoyant un second crochet droit sous le menton du duelliste ce qui -sous le coup de la force- le fit voler si haut dans le ciel qu'il en vint à s'applatir brusquement sur le dos quelques pas plus loin, désarmé.
Théoden, lui, ramassa la rapière et la regarda un instant avec la considération qu'aurait eu un épéiste Insulaire d'une lame aussi fine.
Après quoi, sans plus de cérémonie, il empoigna à deux mains l'épée par la lame et vint la briser sur son genoux avec un grognement de rage tout à fait simulé. Ou pas, à vrai dire. Il était écoeurant d'en venir à un tel jeu d'acteur pour un homme qui, en son temps, avait fait plier sous ses ordres une flotte entière ! La situation en était devenue tellement paradoxale que personne, alors, n'aurait pu deviner si Théoden jouait la comédie ou non. En tous cas, lorsque l'Oréen trouva la force de se relever, il se rua brusquement sur lui et l'envoya rouler dans le sable plus loin encore en frappant son torse de ses deux pieds joints.

Théoden se releva calmement, à peine essouflé et regarda plus loin son adversaire qui gisait sur le sol. Ses côtes avaient peu être été touchées ? Le Capitaine s'en approcha donc, calmement et le saisit sans ménagement à la gorge pour le traîner jusque devant la loge principale de l'arène. C'était là qu'il pensait trouver son Maître, ou à défaut qu'il allait apprendre si il devrait tuer ce malheureux.
Il souleva le corps léger de son adversaire du bout de son bras et attendit, toisant avec un haine terrible dans le regard le public autours d'eux. L'ordre fut donné, après un long moment. La foule aboya son envie de sang, pourtant l'Oréen obtint de son Maître que sa vie soit épargnée, étrangement. Théoden grogna, en voyant cela. Son regard allant et venant entre sa proie et la loge, il resserra sensiblement son étreinte sur la gorge du gladiateur qui se débattait de plus en plus. Mais un coup d'oeil à son propre Maître suffit à le convaincre, et il jeta plus loin sur le côté le duelliste perdant avant de cracher par terre et de se retirer d'un bon pas. Derrière lui, il entendit la foule derrière lui se lever brusquement dans un brouhaha semblable à une ovation. Quel étrange peuple que celui-ci, songea Théoden alors qu'il marchait vers l'office de Bekha pour qu'on lui ôte ces teintures immondes.

Là, tandis que la vieille femme faisait son oeuvre, Théoden rencontra un gigantesque colosse, semblant fait de plus de muscles qu'un véritable géant ! Depuis sa chaise, il vit sans mal le regard de ce gladiateur s'assombrir lorsqu'il le vit. Le Capitaine comprit qu'il s'agissait d'un de ces gladiateurs qu'il n'avait pas affronté le jour de son arrivée. Sans doute un ami de ses dernières victimes. Il ne faudrait assurément pas s'en faire plus que cela un ennemi ! A moins bien sûr de se trouver une arme convenable.
Et par convenable, Théoden songeait à autre chose qu'un simple bâton.
Bekha présenta Théoden à celui qui s'appelait Borcha, tandis qu'il allait s'asseoir plus loin sur un banc pour attendre son tour. Elle semblait faire fi de l'apparente colère de l'arrivant, et plus encore des méfaits du nouveau venu. L'échange commença comme n'importe quel autre genre d'échange entre le gros bourru et le Capitaine revêche. Théoden se fit traiter de "Nouveau", une fois encore et s'insurgea.

"-J'ai un prénom." avait-il lâché avec gravité. Et Bekha de répondre, calmement :

"-Tu nous l'as pas dit.

-Personne ne l'a demandé."

Apparemment, la voix de Théoden ne revenait pas au gros Borcha qui, s'emportant vivement vint s'en prendre au Capitaine.

"-Quel intérêt on aurait à demander le nom d'un mec qui tue nos copains lors d'un simple entrainement ?"

Bekha, bien sûr, s'était empressée d'acquiesser. Toujours à l'oeuvre sur la barbe de Théoden, elle ne prit pas même la peine de lever les yeux vers lui. Elle n'aurait reçu de toute façon qu'un regard noir. Ce regard, le marin le jetait sur Borcha et semblait l'empaler avec. Oh, qu'il aurait aimé croiser cette montagne de muscles le jour de son arrivée ! Il aurait sans doute offert plus de résistance que tous les autres pleûtres du pitoyable domaine qui retenait la quête de Théoden.

"-Je suis un soldat, répondit le Capitaine en prenant sur sa personne pour ne pas bondir sur son affreux interlocuteur, je fais ce pour quoi je suis fait.

-On t'avait prévenu que tu allais être gladiateur, t'es quand même pas si bête, si ?"

-Tu entends bien après avoir été passé à tabac et enchaîné ?

-Si t'es un soldat, tu dois être habitué aux passages à tabac, non ? A moins que tu ne sois un mauvais soldat."

Sur ces mots, le Capitaine fronça les sourcils et serra les acoudoirs de sa chaise avec ses deux poings. Se faire traiter ainsi, ce n'était vraiment pas acceptable pour un homme de sa condition. Un commandant de son talent. Théoden vit rouge et ne pu guère résister à l'envie de répondre à ce qu'il prit comme une pique avec tout le cynisme que l'âppreté de sa vie lui avait conféré. Quitte à devoir se battre après ! Enfin -et ça il en était certain- quitte à devoir tuer ce gros lard si il venait à tenter quoi que ce soit.

"-Si j'avais été un mauvais soldat, tu aurais encore tous tes compagnons."

Bien sûr -et c'en était risible de prévisibilité- Borcha avait manqué de s'emporter à son tour et d'offrir à Théoden l'excuse pour déclencher un nouveau combat. Mais Bekha s'était montrée étonnement ferme, et un seul de ses regards vers le colosse sembla suffir à contenir son élan. Mais même ravisé, le gladiateur semblait sur le point d'exploser. A tel point qu'un long silence se fit dans la pièce. Un long silence pendant lequel la maquilleuse achevât de démaquiller Théoden et lui fit céder sa place à Borcha. Ces deux là se frôlèrent de si près, lorsque le Capitaine offrit au gladiateur son fauteuil, qu'il sembla un instant que le bâtiment tout entier se prit à en frémir. Finalement, le gros reprit avec une certaine difficulté :

"-Donc si tu es un bon soldat tu as déjà dû connaître des coups durs. Alors dis-moi pourquoi t'as tué nos copains, Nouveau. Des morts à l'entrainement, ça arrive par accident, mais là tu vas pas me faire croire que tu maitrisais pas ce que tu faisais.

-Est-ce donc si surprenant que j'essaye de me tirer d'ici ?

-En essayant de tuer les nôtres, oui.

-Les tiens qui se ruaient vers moi avec des armes, oui."

A ces mots, le géant sembla se raidir sur son siège. Il se redressa brusquement pour s'insurger, face au sourire narquois de Théoden qui s'était appuyé contre un mur avec les bras croisés.

"-Des répliques d'armes en bois, bon sang !!"

Théoden haussa tranquillement les épaules, répondant avec simplicité qu'il avait été facile de songer à une sorte de divertissement. Comme une attraction que des soldats feraient de la torture d'un type attrapé au hasard dans le désert. Il avait déjà vu ça. Ce n'était pas exceptionnel sur le Continent ! Ni dans les Îles de Jade, sans parler de l'Île Noire. Toujours était-il que le Capitaine avait son excuse pour la violence dont il avait fait preuve. Il ne s'en cachait de toute façon pas ! Mais il savait qu'il serait difficile pour un simple homme comme Borcha de trouver quoi que ce soit à redire. Avec un grand calme, il attendit donc la rédition du lourdau qui ne tarda guère.

"-Il va falloir que tu grandisses, petit, dans ce cas. Admettons que c'était un malentendu. Les autres vont pas être aussi bonnes poires que moi, petit. Mais en ce qui me concerne, je t'accorde le bénéfice du doute. C'était un accident. Un regrettable accident. Mais je ne t'aime pas petit."

Théoden se redressa, en entendant le petit sobriquet qu'avait osé employer Borcha. C'était l'injure de trop ! Mais sa réplique fut tuée dans l'oeuf par Bekha qui venait d'achever de démaquiller le gladiateur.

"-Bien maintenant que vous vous êtes déclarés votre amour, Nouveau et Borcha, vous pourriez dégager qu'on puisse tous aller dîner ?"

Mais le Capitaine ne voulait pas se laisser ainsi faire.

"-Je crois qu'après une injure pareille, je vais plutôt emmener notre gros ami manger du pavé.

-Je vais encore devoir jouer les mères poules pour les enfants donc ? Borcha tu te calmes. Notre ami est naïf, mais son nom c'est Nouveau, pas Petit. Tu as le droit de pas l'aimer, mais appelle-le par son nom. Nouveau, tu te calmes aussi. Tu as tué deux amis de Borcha, comprends qu'il ne soit pas content du tout. C'est déjà bien qu'il ait accepté de t'accorder le bénéfice du doute. Et méfiez-vous les gars, si vous vous serrez pas tout de suite dans les bras l'un de l'autre, je démarre la distribution gratuite de baffes. Je suis boiteuse, pas manchote."

A ces mots, Théoden vit Borcha hocher silencieusement la tête avec un regard lourd de sens. Sans doute une vieille histoire entre ces deux là ? Peu importait. Si elle était aussi crainte, le Capitaine comprit vite qu'il était de bon sens de ne pas se la mettre à dos. En tout cas pas immédiatement. Néanmoins, il lâcha un sec.

"-Théoden, mon nom c'est Théoden."

"-Alors Théoden, Borcha, heureuse de vous présenter, moi c'est Bekha. Et vous vous serrez dans les bras tout de suite si vous voulez pas que je m'énerve. Borcha pourra te le confirmer Théoden, tu ne veux pas que la maquilleuse s'énerve sur toi."

Le Capitaine n'a même pas le temps de se tourner vers le géant pour lui tendre sa main qu'il se trouve déjà étouffé dans une étreinte plus qu'exagéré. Il ne faisait aucun doute que le géant de muscle s'exécutait avec un certain dégoût ! Théoden rendit maladroitement son câlin à Borcha et s'écarta le plus vite possible en se raclant la gorge.

"-Donc, fit le gladiateur, Théoden. Je vais essayer de te présenter la compagnie."

A ces mots, et la maquilleuse en tête, tous trois sortirent de l'office et se mirent en chemin vers le réfectoire. Ils passèrent sous les même arcades qu'avait traversé Théoden à son arrivée, bordant la cour d'exercice et descendirent quelques marches à travers un large cadre de porte au sommet arrondi. C'était là. Une grande et longue salle que des dizaines de tables meublait avec au moins autant de gladiateurs. Il y avait quelques gardes -dont le type au fouet qu'avait affronté le Capitaine- et des cantiniers à leur office tout au bout. Sans attendre, Borcha poussa Théoden en avant jusqu'à l'intérieur où un silence se fit sur l'instant. Le regard de Théoden navigua avec une certaine indifférence entre les tables, et chaque âme dans ce sinistre endroit lui rendit un instant toute la rancoeur qu'il avait pu provoquer. Puis en un souffle, la lourdeur de l'instant s'évapora et chacun retourna à ses racontards.

Théoden suivit tranquillement le géant entre les tables, les mains jointes dans le dos. Bekha n'avait pas attendu pour se faire servir et aller manger. On servit au nouveau venu une écuelle d'une mixture peu ragoûtante qu'il considéra avec un certain dédain. Après quoi, Borcha se retira pour rejoindre ceux qu'il semblait considérer comme ses plus proches compagnons et le Capitaine se trouva seul.
Il haussa les épaules et repartit après un moment vers la sortie en cédant sa ration à la première tablée venue. Il avait bien remarqué que Nynaeve n'était pas là. Quelque chose clochait ! Mais la Princesse pourrait bien attendre une nuit. Lui était fatigué. Fatigué. Et tout cela lui pesait. Il remonta en quelques enjambées la volée de marches qui le séparait de l'extérieur sans un regard en arrière et traça fixement son chemin vers la cellule qu'il allait devoir occuper.
Il espérait qu'elle ne ferait rien d'inconsidéré. La reprise de leur voyage en dépendait.

En route, le Capitaine croisa le chemin de deux jeunes femmes. Toutes deux étaient assez richement vêtues pour de simples gladiatrices, et Théoden ne manqua pas de s'interroger à ce sujet. Mais comme il s'écartait pour leur céder le passage il vit également que si l'une semblait le considérer avec une once de crainte, l'autre ne redoutait pas d'afficher une sorte de haine vis à vis de lui.Mais c'était tout sauf étrange. C'était là sans doute bien triste pour le Capitaine, mais il devrait s'y faire. Elles passèrent leur chemin sans répondre au "Bonsoir" de Théoden, et lui resta un moment l'air pensif et le pas suspendu. Il était effectivement un meurtrier. Le meurtrier de beaucoup beaucoup de monde ! Et ce soir encore, il n'aurait pas même le confort de sa cabine ou la fraîcheur de l'air marin pour veiller sur son sommeil.
Mar 26 Jan 2016 - 21:51
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Dargor
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Nynaeve était enfermée depuis environ vingt-quatre heures à présent, du moins telle était la durée qu’elle avait réussi à mesurer. C’était difficile, quand même le soleil n’arrivait pas. Mais elle s’était habituée, dans les geôles d’Asarith, à estimer le temps qui s’était écoulé. Ce n’était pas ce petit enfermement qui allait lui faire peur à présent. Aussitôt sortie de l’arène, on l’avait sans ménagement jetée dans cette cellule, sans même lui retirer sa tenue de guerrière elfe sylvaine ou essuyer le sang qui maculait son visage. Cela ne la dérangeait pas. Elle passa sa langue sur le liquide rouge, désormais séché, de la femme qu’elle avait tué.
Asarith lui avait enseigné que le goût de la vie se trouvait dans le fait de se sentir puissant, et surtout de l’être effectivement, afin de pouvoir utiliser ce pouvoir. Ultimement, il lui avait dit ne pas vouloir trouver ce goût, trop passionné par sa recherche. Car il ne serait réellement satisfait de ce qu’il trouverait que le jour où tout le plan physique de Ryscior serait à genoux devant lui. Malene, sa mère, lui avait enseigné que la vraie voix de la vie était celle qui poussait à voir ce qu’il y avait de bon dans le monde autour d’elle, et à secourir ceux qui étaient dans le besoin. Elle-même n’y arrivait pas toujours, bien sûr, disait-elle, mais à tout le moins elle s’y essayait au maximum, et pour cela elle se sentait heureuse.
Devant ces deux conceptions, Nynaeve se sentait à nouveau perdue. Le goût salé du sang qu’elle venait de goûter, n’était-ce pas cela ? Le vrai goût de la vie ? Après tout, ce liquide n’était-il pas vital à tout être vivant ? Son oncle et sa mère se trompaient-ils ? Mais si la vie résidait dans le sang, et que se sentir vivant devenait la voie de la violence, Asarith n’était-il pas plus proche de la vérité ? A moins qu’il ne faille prendre le contrepied de ce qu’elle avait ressenti, auquel cas sa mère avait raison ?
Mais à cette donnée, elle devait en ajouter une deuxième. Dans l’arène, elle s’était sentie puissante. Elle avait sans peine triomphé de son adversaire, et des centaines de personnes l’avaient acclamée pour cela. Pour la puissance qu’elle avait montrée. Elle avait été adulée pour cela. La quête de puissance était-elle alors le vrai sens de la vie ? Se pouvait-il qu’Asarith ait raison ?

« Alors, la vie de gladiatrice, princesse ? »

La voix du capitaine Théoden l’arracha à ses pensées. Elle aurait pu lui parler de son raisonnement, de ses interrogations, mais n’en fit rien. Le temps viendrait où elle discuterait de tout cela. Mais pas avec lui. Avec sa mère sans aucun doute, même s’il était encore possible que ce soit avec son oncle.

« Intéressante, pour l’instant, se contenta-t-elle de répondre. »

Ce qui était vrai. Cette nouvelle sensation qu’elle avait ressentie dans l’arène, cette sensation grisante de pouvoir, était intéressante. Il y avait quelque chose là-dedans. Et elle devait déterminer ce dont il s’agissait.

« Profitez-en tant que cela dure, dit le capitaine. Nous serons bientôt dehors. »

Elle aurait pu lui répondre qu’il n’en était pas question pour l’instant, mais n’avait pas envie de s’engager dans un débat avec lui. Elle préféra s’allonger sur sa couche, et lui tourner le dos. Elle repassa sa langue sur son visage, goutant au sang séché. Il était froid. Quel goût pouvait-il avoir, chaud ?

Le Maître descendit peu après. Il s’adressa d’abord à elle, en faisant ouvrir sa cage par Alid. Elle devrait aller rendre son déguisement à Beskha, après quoi ils devraient tous les deux avoir une longue conversation. Sans rien dire, elle se leva et obtempéra, tandis que le Maître lui-même se dirigeait vers Théoden.

---

Le Maître observa son nouveau gladiateur, emmuré dans le silence, pendant de longues minutes. Il avait des ennuis avec ces deux-là. Et si la fille semblait prête à signer, il devait savoir ce qu’il en était de l’homme.

« Vous n’êtes pas d’humeur bavarde, aujourd’hui, dit-il en guise de salut.
-C’est toujours mieux que le jour de mon arrivée, j’imagine, répondit le gladiateur. »

Le Maître sourit. Il le trouvait vraisemblablement de bonne humeur, ce qui était une bonne chose, parce qu’il avait une bonne nouvelle à lui annoncer. Du moins était-ce supposé en être une.

« Justement, c’est de cela dont je voulais parler. Je peux vous faire sortir d’ici, si vous me promettez de vous tenir tranquille comme hier soir, après le combat.
-Je n’ai pas de raison de tenter de m’enfuir sans la jeune femme qui m’accompagne et sans mes effets. Or, vous semblez posséder les deux, pour mon plus grand malheur. »

On en arrivait directement au cœur du sujet qui préoccupait le Maître. Puisqu’il en était ainsi, il préféra être franc. Après tout, il n’avait pas besoin de cacher quoi que ce soit.

« Bien, cela est parfait, dit-il. Je ne vois aucune raison de vous laisser dans cette cage pour l’instant, d’autant plus que je n’ai pas le droit d’y détenir un homme libre.
-Il y a quelque chose que j’aimerais que vous fassiez pour moi, répondit le gladiateur. »

Le Maître leva un sourcil étonné. Il venait de lui annoncer qu’il n’était pas esclave, mais libre, et voilà que le gladiateur ignorait la nouvelle.

« Vous n’êtes pas vraiment en position de me demander une faveur, dit-il.
-Ecoutez, dit le gladiateur en se levant. J’ai besoin de prier… J’imagine que c’est quelque chose que vous pouvez comprendre, hm ? J’aimerais que vous me rendiez ma bague. C’est là ma bague de fiançailles, mais aussi l’autel sur lequel je prie tous les soirs. »

Le Maître sourit. Il voulait récupérer sa bague ? Tant mieux, il allait tout récupérer. Sauf la mèche de cheveux, qu’il n’était pas parvenu à ramasser après l’avoir malencontreusement laissée tomber il ne savait où.

« C’est de cela que je viens discuter, dit-il. Je dois vous rendre vos effets, gladiateur. Voyez-vous, je pourrais continuer à prétendre que vous et votre compagne êtes mes esclaves, mais à la première occasion, un concurrent me fera tomber en révélant que vous avez été acheté selon des méthodes peu respectueuses de la loi.
-Si cela devait être le cas, dit le gladiateur après réflexion, qu’adviendrait-il de cette endroit ? »

Le Maître mit un instant à réaliser qu’il parlait du cirque. Mais quel pouvait bien être le lien avec la situation dont il parlait ?

« Le cirque ? Il ne m’appartient pas. Mais en revanche, je risquerais bien d’être trainé en justice pour avoir réduit en esclavage des hommes considérés comme encore libres, vu qu’aucun juge ne vous avait déclaré esclave.
-Je crois que ma compagne n’est pas disposée à me suivre loin d’ici pour l’instant, vous savez, dit cependant le gladiateur. Je ne peux donc pas partir non plus. »

Le Maître sourit. Alid lui avait parlé de la jeune fille. Taciturne, violente, insoumise, mais volontaire et enthousiaste à l’entrainement.

« J’ai cru comprendre cela. Je suis ici pour vous proposer un contrat. Si vous êtes libres, la seule raison pour laquelle je ne vous mets pas tous deux hors du cirque d’un coup de pied aux fesses, c’est que je veux vous gager à l’aide d’un contrat. Bien sûr, je pourrais vous faire marquer comme esclave par un clandestin, mais je préfère éviter ces procédés dangereux.
-C’est une façon honnête d’en parler, dit l’homme dans un rire. Je prends le contrat, si ça me permet de rester auprès d’elle sans perdre ma liberté. »

Le Maître s’interrogea. Qui était-elle au juste ? Sa fille ? Sa sœur ? Sa cousine ? En plus il était humain, elle était elfe. Des sang-mêlés peut-être ?

« Soit, dit-il. En conséquence, vos effets vous seront rendus dans la soirée. Mais vous comprendrez, j’espère, que dès lors, toute personne vous tuerez sans mon aval vous fera traduire devant la justice pour meurtre.
-M’est-il permis d’écrire ? demanda-t-il après avoir hoché la tête. »

Le Maître se demanda si son gladiateur avait bien compris la notion de liberté, mais cela était normal. Il avait déjà eu l’occasion d’affranchir des esclaves. C’était toujours bizarre pour eux.

« Vous êtes un homme libre, dit-il en faisant ouvrir la cage par Alid. Prenez la journée pour vous, vous l’avez méritée hier dans l’arène. Ce soir, je vous attends dans mon bureau pour signer ce contrat. »

Sur ces mots, il le quitta, retournant vaquer à ses affaires.

---

Anita marchait d’un pas lent dans le couloir, tâtant la bourse qu’elle portait désormais à la ceinture, allant faire un rapport au Maître sur … sur la dernière nuit, quand elle croisa le tueur. N’ayant pas envie d’avoir quoi que ce soit à voir avec lui, elle baissa le regard et passa rapidement à côté de lui, espérant qu’il ne la remarquerait pas.

« Je ne crois pas que nous nous soyons déjà rencontrés. Je suis enchanté. »

Raté.

« Euh… Enchantée aussi. J’ai à faire, désolée.
-J’espère que nous nous reverrons. »

Elle n’espérait pas, ayant un peu trop peur de lui pour apprécier sa proximité, et pourtant…

« Le cirque est petit, dit-elle sur un ton résigné.
-Et il est facile d’y trouver la mort ! »

Pour certains oui, songea-t-elle. Mais pas pour elle. Le Maître n’accepterait jamais de l’envoyer dans un combat où elle risquerait de se faire tuer. Pas tant qu’elle reviendrait avec de lourdes bourses à sa ceinture.

« Parle pour toi ! dit-elle en s’éloignant.
-C’est justement de ça que je parlais, dit-il dans son dos. »

Elle s’arrêta, étonnée, et sans se retourner lui demanda s’il avait vraiment peur de mourir. Lui ? Un tueur ? Peur de la mort ? Qu’il fréquentait pourtant comme une amie ? Peur de la faux d’Elis ?

« Je ne suis pas immortel ! Il serait stupide de ne pas avoir peur ici, surtout quand je vois les regards que me lancent mes compagnons.
-Nous ne sommes pas tes compagnons, dit-elle. Même si Borcha dit t’avoir pardonné, tu as tué deux des nôtres. »

Il lui répondit qu’il cherchait le pardon. Elle ricana, et lui répondit que s’il cherchait le pardon, qu’il demande conseil à ceux qui le lui avaient déjà donné. Borcha, le Maître sans doute, et Beskha, parce que la bonne vieille Beskha se fichait de ce qu’il se passait dans le sable. Il s’éloigna en la saluant, partant à la recherche de l’un d’eux. Et elle repartir voir le Maître.

---

Alid était assis sur un banc à l’ombre. Il venait de passer plusieurs heures à entrainer quelques gladiateurs, et observait maintenant Borcha pratiquer un peu de musculation, afin de conserver sa force légendaire. C’est à cet instant qu’arriva le meurtrier de l’autre jour. Alid mit la main sur sa lance, prêt à intervenir si les choses tournaient à nouveau mal. Il observa autour de lui. En plus des gladiateurs habituels, il y avait Maria et Marina, qu’il faudrait faire sortir dès le début s’il attaquait. Le Maître ne voudrait pas qu’elles soient blessées, pas elles. Pas ses jumelles. Et bien que le Maître ne voit en elle que des coffres d’or sans fond, Alid, lui, voyait les jeunes filles qu’elles étaient encore, et ne voulait pas risquer leur vie à toutes les deux. Pas comme ça. Heureusement, observa-t-il avec soulagement, Johão Porthos était là. Cet homme libre était sa plus fine lame. Il alla le trouver, et lui demanda de suivre la brute de l’œil. A eux trois, lui, Borcha et Alid parviendraient sans nul doute à la maitriser.

Heureusement, la brute ne semblait pas chercher le combat cette fois. L’homme discuta longuement avec le géant, parlant de moyen d’avoir le pardon des autres. Borcha lui fit remarquer que cela serait dur, ce qu’Alid approuva, n’étant lui-même pas prêt à pardonner. Ce serait lent, comme le fit remarquer Borcha, et Alid pensait pour sa part que contrairement à ce qu’il venait d’ajouter, le temps n’aurait aucun effet.
La brute fit alors remarquer qu’il ne voudrait attendre, car il ne saurait combattre avec des hommes qu’il ne pourrait pas regarder en face. Ce à quoi Borcha rétorqua qu’il n’avait qu’à demander à Alid et au Maître de lui éviter les combats d’équipe. Alid cracha par terre. Il n’était de toute façon pas question de l’envoyer avec qui que ce soit d’autre. La conversation prit ensuite une tournure bien étrange. Borcha dût expliquer à la brute comment le monde des gladiateurs fonctionnait-il. Comment chacun essayait d’avoir les combats qui le mettaient dans de bonnes conditions, et comment certains combats étaient truqués. La brute semblait ignorer tout cela.
Alid grimaça. Se pouvait-il que le double meurtre de l’autre jour soit réellement une erreur ? Si la brute ignorait tout de la vie dans le cirque, alors c’était bien possible. Un simple malentendu, qui avait couté la vie à deux hommes. Il comprit qu’il allait devoir faire avec ça, quand Borcha le montra du doigt comme étant Alid, l’entraineur, et celui qui saurait demander au Maître un type de combat en particulier pour lui.

---

Nynaeve sortait du bureau du Maître, et regardait, assise dans les gradins, les gladiateurs s’entrainer en bas. Le capitaine était donc sorti de sa cellule, lui aussi ? Il était là, discutant avec Alid. Elle s’allongea sur le banc qu’elle avait trouvé. Beskha lui avait rendu des vêtements plus communs, et même si elle n’avait pas retiré sa teinture, elle avait effacé le sang. Tant pis pour cette fois, elle y regouterait plus tard.
En voyant le soleil, elle s’interrogea tout de même. Avait-elle gouté à la vie ou à la mort ? Et si c’était la mort, pourquoi cela lui avait fait tant plaisir que cela ? Elle vit dans le soleil le visage de sa mère, l’espace de quelques instants, et lui sourit. Sa mère lui avait toujours dit que donner la mort était quelque chose d’ignoble. Il leur faudrait avoir une longue discussion à son retour.
Dim 31 Jan 2016 - 22:39
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Capitaine Theoden
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Capitaine Theoden
"-C'est que vous ne m'avez pas vu combattre avec ce sabre que vous m'avez rendu !"

Théoden s'était relevé de son siège, face au bureau du Maître. Dans son office baignée par la lumière du jour, le Capitaine était reçu pour discuter de son nouveau rôle de Gladiateur dans l'arène. Bien entendu, la conversation avait vite échoué en des rivages dangereux : l'équipement. Car si le nouveau venu souhaitait abandonner le pagne et le gourdin au profit du sabre et de la redingote, le patron des gladiateurs ne l'entendait pas de cette oreille !

"-Peut-être, mais le public non plus. Et c'est trop tard. Ils voudront voir le barbare des marches."

Soupirant, Théoden se rassied et passa une main lasse sur son visage.

"-Un barbare, vous en trouverez bien assez facilement un ! J'ai des doutes quand au fait que vous trouviez un authentique Officier de Marine Kelvinienne. Avec... tous les talents qui vont avec.

-Je préfère éviter de me retrouver avec un incident avec Kelvin sur les bras."

A nouveau, le Capitaine secoua la tête. Il était fatigué de ces conversations incessantes. Alors il tenta de mentir, pour y couper court et enfin obtenir ce qui lui revenait de droit.

"-Rien n'atteste que je le suis vraiment. Et puis mon contrat signé, je serais volontaire."

Bien entendu, le Maître devait ignorer que parmi les effets qu'il avait rendu à Théoden se trouvait une chevalière que ne portaient que les Officiers diplômés de l'Académie Navale de Kelvin. Fait peu connu. Néanmoins, le Maître n'abandonna pas.

"-J'imagine que Kelvin verrait d'un mauvais œil un homme singer un de ses officiers, voyez-vous, je peux singer les elfes sylvains parce qu'ils ne viendront pas s'en plaindre. Je peux singer les insulaires parce qu'ils sont isolés, arriérés, et que nous n'allons jamais les rencontrer. Je peux singer les épéistes d'Oro car il arrive de temps à autre que l'un d'eux vienne se faire gladiateur, et ainsi de suite. Mais je dois avouer qu'un officier kelvinois serait un risque à prendre...

-Mais quel profit !

-Mais quelle serait la colère de l'école navale de Kelvin ! Je dois prendre en compte cette donnée. Voilà ce qui va se passer. Je vais contacter mes amis kelvinois, et demander ce qu'ils en pensent, si cela peut vous rassurer. En attendant la réponse, vous restez le barbare. Cela vous convient-il ?"

A cela, Théoden répondit par un non négatif et assuré de la tête, en croisant les bras. Le Maître assura ne pas avoir d'autres solutions.

"-Sans cela je ne peux pas recourir à tout le talent dont je dispose.

-On trouvera une autre façon de vous utiliser.

-Pas de bâton, pas de griffes, pas de fouet, pas de lances. Je suis un bretteur moi !" s'empressa de s'exclamer Théoden.

"-Vous êtes ce que je décide de faire de vous dans l'arène, gladiateur."

Il fallut un instant à Théoden pour garder contrôle de sa personne, les poings serrés. Il répondit avec une voix plus sèche qu'il ne l'aurait voulu, mouché par l'attitude du Maître.

"-C'est juste. Mais c'est à vos risques et périls.

-C'est vous qui risquez votre vie dans l'arène, pas moi, c'est le principe même de ce métier.

-Et avec une arme que je ne maîtrise pas je peux tout à fait me faire tuer ou tuer par accident.

-Ce sont les risques du métier. Entrainez-vous donc si vous avez peur.

-Pourquoi vous obstiner à me refuser mon arme de prédilection, hm ?

-Vous me lassez gladiateur. Vous n'êtes pas mon esclave, mais je n'ai pas à vous répondre pour tout, surtout quand nous en avons déjà discuté.

-Vous ne m'avez pas dit ça.

-Je vous ai dit que je ne veux pas d'ennuis avec Kelvin, et je n'en aurai pas.

-A cause de l'uniforme seulement. On peut bien trouver autre chose Nom de Zeus !

-Moi je pense que votre image de barbare est très bonne. Elle a connu, et j'ai la réputation d'avoir un barbare dans mes gladiateurs maintenant. J'aurais du mal à en trouver un comme vous.

-Maquillez un autre, prétendez qu'il est mort à l'entraînement, je ne sais pas. Hors de question que je remette ce costume.

-Je reste votre supérieur gladiateur, et c'est moi qui décide du costume que vous revêtez dans l'arène.

-Je peux encore vous faire perdre des sommes colossales si vous voulez."

En disant cela, Théoden rappela au Maître qu'il avait récupéré son sabre. Et il ne manqua pas non plus de lui laisser le soin d'imaginer le nombre de perte que sa maison pourrait subir si il venait à choisir de s'en servir sur des hommes désarmés.
L'heure n'était plus aux scrupules, le Capitaine s'était fait de moins en moins consciencieux.

"-Je vous rappelle que maintenant que vous êtes un homme libre, tuer quelqu'un sans mon accord fera de vous un meurtrier.

-Ca ne m'effraie pas.

-C'est amusant, votre amie m'avait prévenu que vous diriez cela si nous en venions à ce genre de propos. Il faudra que vous me précisiez la nature de votre relation un jour, c'est assez curieux. Elle m'a dit de vous dire que c'est avec elle qu'il faudra discuter de ce point, si cela devait s'avérer nécessaire, quoi que cela veuille dire. Pour la peur, je laisse la justice ramienne se charger de vous donner tort."

A ces mots, le Capitaine se leva d'une traite. Il laissa sa chaise se renverser sur le sol, rassembla ses effets et vint marcher d'un bon pas vers la porte sans plus de cérémonie.

C'est hors de lui que Théoden quitta le bureau du Maître. Vexé par un tel manque de considération, il s'élança et descendit en quelques enjambés la volée de marches qui le séparait des étages des gladiateurs. Il lui fallait parler urgemment à la Princesse, comme elle semblait se plaire à le museler. Il ne fut pas surprit de trouver sa cellule vide, comme le soleil était déjà proche de son zénith. On ne pouvait au moins pas lui reprocher de se tourner les pouces toute la journée ! Même si c'était pour s'enliser dans un endroit pareil.
Son sabre au côté, Théoden pressa encore un peu le pas et descendit d'encore un étage pour se trouver au niveau du terrain d'entraînement. En zig-zaguant entre les groupes de gladiateurs qui se reposaient à l'ombre des colonnades. Le Capitaine jetait des regards en tout sens, cherchant la silhouette fine de sa supposée protégée. Il la vit de l'autre côté de la cour, sous l'ombre d'un abris de feuilles tressées à l'écart. Il jeta un oeil aux alentours, et vit avec satisfaction qu'à cette heure là de la journée, il n'y avait presque personne dans la cour. Donc peu de monde pour les entendre. Et encore moins pour les interrompre si ça allait dégénérer. Ce qu'il prévoyait, tout naturellement. Il allait sortir une ultime carte de sa manche, et croiser les doigts.

Après une profonde inspiration, Théoden s'élança à travers le patio rectangulaire, sous un soleil de plomb et vint trouver Nynaeve qui était en train d'aiguiser sur une massive pierre poreuse la lame de sa lance. Planté ainsi dans son dos, le Capitaine jetait sur elle toute la largeur de son ombre. Et c'est sa voix grave qui s'éleva la première, lourde de reproches.

"-Me prendriez vous pour un chiot, pour vous offrir le droit de commander à la moindre petite liberté qu'il me reste encore ?"

Bien entendu, Nynaeve ne se sentit pas l'envie de répondre. D'ailleurs elle ne sembla même pas vouloir considérer le Capitaine qui se trouvait derrière elle, toute arquée sur son ouvrage qu'elle était. Cela ne fit qu'attiser l'ardeur de Théoden, qui recula d'un pas en inspirant profondément.

"-Ah oui, encore le silence ! Comme c'est aisé de se taire, et d'esquiver. Comme c'est aisé !"

Sans plus attendre, Théoden tira son sabre et laissa de brusques volutes de flammes en embraser la lame. Le son clair de l'acier vint réveiller les quelques gladiateurs somnolents des alentours.

"-Si l'envie me prenait de tuer ces gens, rien ne vous permettrait de m'arrêter. Je ne suis là qu'à cause de vos caprices immatures, ayez au moins le minimum de respect nécessaire pour me permettre de manœuvrer au mieux avec le peu d'existence qu'il me reste voulez vous !"

Il y eut un léger silence, que le crépitement de l'arme de Théoden troubla à peine. Nynaeve se stoppa un instant, sans se retourner. Et enfin sa voix se fit entendre.

"-Essayez de les tuer, et je vous arrêterai par la force. Je me plais ici, je n'ai pas envie que vous gâchiez ça.

-Est-ce dont toute la reconnaissance que vous avez pour les sacrifices que j'ai fait ?

-Dénoncez-moi à ma mère, elle vous en donnera pour nous deux.

-Je n'ai pas le droit d'abandonner. Même si la princesse pour laquelle je me bat a oublié sa raison dans le fond de ses chausses !

-Je ne vous demande pas d'abandonner, juste de me laisser apprendre ce qu'il y a à apprendre ici."

Théoden fronça les sourcils, abaissant sa lame un instant. Il se demanda si elle n'était pas sotte pour considérer qu'il était homme à abandonner si aisément un serment. Ou alors elle pensait que ses pertes ne valaient rien à ses yeux ? Son contrat envers la couronne de Teikoku n'était plus d'encre et de papier. Mais bien de sang et de larmes. De chair et d'acier. Ce n'était pas un engagement dont on se défaisait si aisément.

"-Vous êtes princesse, si vous voulez revenir, vous pourrez revenir ici d'ici quelques mois. Mais il est temps pour moi d'en finir avec cette mission, par tous les dieux ! Je ne vous demande pas la lune, seulement quelques mois de votre putain de vie de putain d'immortelle !"

Nynaeve, prise d'un léger ricanement se retourna un instant vers Théoden, le temps de lui lancer qu'elle finirait prisonnière aussitôt arrivée "chez elle". Même si les barreaux de sa cage seraient faits d'or. Bien entendu, Théoden ne pu nier cette possibilité. Mais il n'était pas à lui de statuer là dessus. Et comme il ne répondit rien, la Princesse se retourna sur son banc pour se remettre à travailler sur sa lance. Théoden jura à mi-mot et rengaina, avant de se laisser reculer de quelques pas encore. Il lâcha donc sa dernière botte avec une voix lourde de reproches.

"-Korien serait sacrément fier de sa protégée."

Il ne fallut pas plus d'un instant avant que la haine de la Princesse n'éclate. En un éclair, elle s'était trouvée sur ses pieds et avait bondit jusqu'au Capitaine, sous la lumière du jour. Le fer de sa lance débarrassé de sa hampe, elle le plaqua sous la gorge nue de l'homme et vint l'y presser si fort que quelques gouttes de sang vinrent perler sur son torse. A travers les reflets argentés que le soleil, se reflettant sur la lame, projetait sur les visages des deux compagnons, Théoden vit une lueur de haine des plus commune le darder.

"-N'invoquez ... Plus jamais son nom. Vous ne savez rien de lui."

Loin de bouger sous la menace, et la voix tremblottante de rage de Nynaeve, Théoden tend même le cou et lui offre un demi sourire. Avec grand calme, il écarte légèrement les bras de son corps comme pour se rendre.

"-J'en sais assez pour savoir qu'à rester là, vous rendez sa mort inutile."

A nouveau, Théoden sent croître sur sa gorge la pression que le fer de lance exerçait. Frémissante de colère, la Princesse peine à répondre un instant, avant de siffler.

"-Retirez tout de suite...

-Faites moi ce plaisir."

Théoden sentit les tremblements de la Princesse s'atténuer, jusqu'à lentement disparaître. Rapidement, ses pupilles devinrent aussi froides que les mers du grand nord. Et comme sa prise s'affermissait sur la gorge du Capitaine, il lui sembla un instant sentir Elis tirer de ses petites mains sur sa manche. Nynaeve, toute de rancoeur insista avec d'avantage de cette assurance et de cette autorité qu'il lui avait connue à une époque.

"-Retirez ce que vous avez dit sur Korien Capitaine.

-Difficile à supporter, hm ?"

A nouveau, Théoden sourit malgré le sang qui coule de plus en plus de sa gorge. Mais il continuait de la provoquer, encore et encore. Bientôt, tous les gladiateurs rassemblés autours du terrain d'entraînement les regardèrent. C'était là un évènement surprenant pour tous, car il était dit dans toute la Maison des Gladiateurs que ces deux là étaient compagnons.

"-Vous croyez vraiment que je serais incapable de le faire ?" fit la princesse. En guise de réponse, Théoden s'appuya lui-même sur la lame, en tendant le cou. Il rapprocha ainsi leurs quatre yeux.

"-Même aussi âgée, vous n'êtes qu'une enfant. Et vous n'assumez pas que des gens se soient ainsi sacrifiés pour vous. Dommage, c'est ainsi que se font les guerres. Et vous, vous êtes redevable envers toutes ces personnes qui se sont tuées pour que vous rentriez chez vous."

La princesse sembla s'apprêter à égorger le bon Capitaine quand un violent choc sembla soudainement la cueillir derrière la tête. La jeune Elfe s'effondra brusquement et tomba à genoux dans la poussière. Théoden recula d'un pas, surprit et porta une main à sa gorge endolorie. Son sauveur n'était autre qu'Alid qui, tout à sa contrariété, avait décidé d'employer toute la violence à sa disposition pour stopper cette folie. La Princesse à genoux, sonnée, il jeta plus loin l'anse de la cruche qu'il venait d'éclater sur le crâne de l'Elfette et posa son poing sur sa hanche. Son autre main s'agitait en l'air devant les deux compagnons en signe de réprimande.

"-Vous deux, si vous voulez vous entretuer, il faut attendre que le public soit là."

Bien entendu, Nynaeve n'accueillit pas aussi bien l'Entraîneur que le Capitaine, qui s'empressa de le remercier avec une certaine chaleur.

"-Vous tombez à point nommé Maître Alid. Comme toujours semble-t-il.

-C'est mon rôle.

-J'avais une simple discussion avec mon amie, ne vous en faites pas ! Evidemment, elle n'allait pas me tuer."

Il lança un regard insistant à la princesse, à demi amusé. Nynaeve cracha à ses pieds en guise de réponse et, après s'être péniblement relevée, s'éloigne sous le regard des deux hommes.

"-J'ai l'impression que tu l'as vexée.

-Je m'y attendais. Cette gamine a beaucoup trop de choses sur les épaules. Et elle n'assume tellement pas qu'elle préfère se cacher dans ces arènes plutôt que de rentrer chez elle.

-Mouais. Je serais toi je me méfierai. Tu sais qu'elle avait pour instruction de ne pas tuer à son dernier combat ? On te l'a pas raconté hein ? Elle s'est pas posée la moindre question. Elle a juste égorgée d'un seul coup de lance son adversaire, et souriait quand elle est sortie le visage plein de sang. Moi je dis qu'elle est dangereuse, plus que toi.

-C'était une jeune femme admirable, quelques temps auparavant. Je regrette de constater que même moi j'ai plus de retenue qu'elle en combat.

-Crois-moi gars, j'ai vu passer du monde dans ces arènes, après tout je suis entraineur, c'est mon rôle. Et je sais reconnaître ceux qui sont ici parce qu'ils aiment tuer quand je les vois...

-J'ai bien peur que tu aies raison. Voilà exactement pourquoi je veux partir d'ici avec elle le plus vite possible.

-Je crois qu'il faudra la forcer pour ça. Et présente avant votre démission au Maître. C'est pas le meilleur des hommes, mais il mérite qu'on lui fasse pas de mauvaise surprise."

Théoden haussa les épaules :

"-C'est discutable."

Bien sûr, le Capitaine savait qu'il était sans doute bien sévère que de juger d'après leur dernier échange le Maître de cette Maison. Mais n'était-il après tout pas d'une stupidité sans nom que de refuser cela à Théoden alors même que ça serait au final profitable à tout le monde ? N'était-ce pas une insulte à sa personne que de le grimmer ainsi, et s'obstiner à la priver de ses effets ? Avec Alid, ils en parlèrent longtemps avant de se replier sous l'ombre des arcades. Au fil de leurs échanges, le Capitaine vit une idée naître dans son esprit. De quoi rendre la monnaie de sa pièce au Maître et s'assurer une tenue décente et de vraies armes pour les prochains combats. Finalement, Alid proposa à Théoden de l'entraîner au bâton. Bien sûr, il ne lui sembla pas nécessaire d'accepter, comme son prochain combat serait sans doute le dernier avec une arme si ridicule. Néanmoins, et pour l'intérêt de l'intégration, il accepta. De quoi garder la forme, en plus !

~o~

A nouveau le fracas de l'arène. A travers ses sandales grossières, Théoden sentit de nouveau la morsure du sable brûlant sur ses pieds. Mais cette fois, plus que d'habitude, il affichait une mine assurée. Le public allait acclamer l'entrée du Barbare des Îles une toute dernière fois ! De cela, il était certain. Son adversaire en face était un homme assez grossier. Somme-toute un ancien coupe-jarret que l'on envoyait là avec un coutelas pour faire amende honorable. Pas de gros défi en soi. Surtout pas pour le Capitaine.
Lorsque le signal fut donné, Théoden se débarrassa de son arme comme il l'avait fait au combat précédent. On entendit à nouveau une clameur, comme le public semblait s'attendre à une démonstration de violence inouïe ! Le coupe-jarret d'en face s'était élancé comme un dératé, son large couteau en main. Mais quand les premiers de ses coups se mirent à pleuvoir sur le supposé Barbare, il ne se passa rien de plus qu'une série d'assauts pitoyables sans réponses d'aucune sorte. Théoden ne fit, pendant de longues minutes qu'esquiver et dévier les coups maladroits de son adversaire. Bien vite, la clameur de la foule retomba et plus rien ne couvrit plus les rugissements pénibles de l'attaquant. Le Capitaine se contentait de reculer, parfois. Bien entendu, il était contraint en de rares occasions de faire reculer son adversaire ou de remettre de la distance entre eux ! Mais son flegme lui fit simplement crocheter les jambes de son bandit d'adversaire. Ou alors il lui arrivait de le repousser de la plus simple des façons, en poussant sur son torse avec ses deux mains.
Ce fut en somme le combat le plus ennuyeux que sembla connaître cette arène. Tant et si bien que le Maître ne pu plus prétendre ignorer les hués et les lancés de détritus dans l'arène. Parfois, Théoden jetait un regard vers la loge du Maître avec un sourire défieur. Il ne fit aucun doute que le Capitaine comptait laver l'humiliation que ce costume lui infligeait. Et comme le Barbare était maintenant haït des foules, il ne ferait aucun doute que sa disparition ne serait pas une perte pour la maison.
Il sembla à Théoden que cet échange interminable dura une éternité. Le public ne se calmait pas, indigné par la nullité du spectacle. Alors il vint un moment où le combat fut interrompu et où les deux gladiateurs furent rappelés dans leurs loges. Le Capitaine se contenta de ramasser son bâton, avec une démarche nonchalante puis adressa un clin d'oeil à son adversaire enragé. Après quoi, il disparu du cercle de combat sous un tonnerre de sifflements et de jets d'oignons.

De retour dans le frais des sous-sols, Théoden rendit son arme à l'armurier puis se dirigea vers l'office de Bekha pour se faire démaquiller. Bien sûr, on le dévisagea avec étonnement. Mais lui continuait d'afficher son contentement sans effronterie. Si le Maître après ça n'accédait pas à sa requête, il serait sans doute obligé de commencer à se montrer moins conciliant.
Jeu 11 Fév 2016 - 22:00
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
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Nynaeve remarqua bien que le Maître fulminait lorsque Théoden sortit, avant qu’elle n’entre elle-même. Des huées avaient résonné. Il l’attrapa par le bras, et le serra si fort qu’elle en eut mal, même si elle n’en montra rien.

« Ton ami, dit-il, a décidé de faire sa mauvaise tête… Je compte sur toi pour donner au public un spectacle qu’il n’est pas près d’oublier, pour me compenser ça. Et ne tue que sur mon ordre ! »

Elle grommela. Pourquoi faire semblant de se battre ? Elle était juste là pour tuer son adversaire, vite et bien. Quand elle fut annoncée, étonnement, le silence se fit dans un public excité par les huées qu’il avait pu hurler. Nynaeve l’elfe, calmer un public ? Cette perspective la réjouit. Un tel pouvoir, simplement parce qu’elle avait tué… Et le Maître prétendait l’empêcher de recommencer ?

« Nynaeve la Rouge ! cria quelqu’un dans le public. »

Il souleva une ovation d’un côté, mais des huées de l’autre.
Elle sourit et regarda le Maître. Ce dernier semblait hésiter. Elle soutint longuement son regard, tandis que son adversaire était annoncé. Il finit par baisser les yeux. Criant de joie, elle entra dans l’arène, levant sa lance haute au-dessus de sa tête.
Si la clémence était synonyme de vitesse, alors ce combat fut plus clément encore que le précédent. Et plus sanglant en même temps. Tandis que le public, à nouveau, était partagé entre les huées et les applaudissements, elle passa son doigt sur la torche tranchée sur toute sa longueur, appuyant même à l’intérieur pour recueillir le maximum de sang sur son doigt, écartant les chairs. Elle porta les doigts ensanglantés à la bouche. Le goût salé du sang encore chaud l’envahit. Elle sourit. La vie, la mort. Tout cela, elle y goûtait à présent. Le public continuait à scander. Elle étala le sang sur son visage, y traçant des traits.
Nynaeve la Rouge. Cela lui plaisait bien comme surnom. Elle sortit là-dessus, la tête haute. Le Maître ne la regarda même pas passer. Elle comprit qu’il calculait l’envie qu’il avait de les garder, elle et Théoden. L’inquiétude naquit dans son esprit. Elle espéra que le public … Que son public serait généreux. L’avenir de Nynaeve la Rouge en dépendait.

Elle dormit dans un dortoir ce soir-là. Elle sourit en s’endormant. Le Maître ne l’aurait pas fait dormir ici si elle l’avait déçu. Puis elle s’enfonça dans un sommeil plein de rêves. Elle voyait sa mère. Elle voyait son oncle. Les deux étaient couverts de sang des pieds à la tête. Sa mère était horrifiée, son oncle heureux. Qu’as-tu fait ? demanda sa mère. Elle observa ses mains, qu’elle dût relever. Du sang. Elles étaient couvertes de sang. Elle observa à ses pieds. Korien. Elle poussa un cri de terreur, et recula précipitamment. Sa mère s’élança pour la rattraper. Elle tomba. Frappée dans le dos par Asarith, qui la rejoignit d’un pas léger. Tu t’es bien comportée mon enfant. Et étrangement, les cadavres de ces deux êtres chers, la présence de cet ennemi, tout cela la fit se sentir bien. Comprise.
Elle se réveilla perturbée. La lune brillait encore par la fenêtre, alors elle se rendormit. Le rêve fut semblable. Mais cette fois, c’était sa mère qui frappait Asarith. Et au lieu de la féliciter du meurtre de Korien, elle la serra dans ses bras. Qu’es-tu devenue mon enfant ? Nynaeve ne sut que répondre. Elle se sentait bien dans les bras de sa mère, cette sensation familière. Mais le cadavre à ses pieds… Elle ne se sentit pas protégée de la vision du visage accusateur de Korien, malgré l’étreinte protectrice des bras de sa mère. Fallait-il qu’elle se dresse contre elle ? Qu’elle lui dise qu’Asarith semblait la comprendre ? Elle voulut lui parler.

Elle fut réveillée par une gladiatrice à cet instant. Ladite gladiatrice lui expliqua que l’on quittait le cirque. Elle demanda où allait-on.

« A Ray, répondit la gladiatrice. Je n’aime pas cette arène. La proximité de la mer leur fait beaucoup trop aimer l’eau… »

Nynaeve se posa des questions. Quel genre de spectacle pouvait-on organiser dans une arène avec de l’eau ?

---

Le convoi avançait sur la route, tracée dans le désert. Johão Porthos, comme à son habitude, s’était calé dans un chariot, faisant une petite sieste. Les gladiateurs, et leurs supérieurs, à savoir le Maître et les entraineurs, les cuisiniers, Beskha, etc., etc, marchaient autour des chariots ou montaient se reposer dedans. Il se releva, sa sieste étant à ses yeux terminée. Le spectacle autour de lui fut presque comique. D’un côté du chariot, l’elfe. De l’autre, son chaperon. Les deux semblaient énervés. Ils devaient s’être disputés durant la sieste qu’avait faite Johão. Désireux de faire connaissance avec ces nouveaux membres de l’équipe, il se tourna d’abord vers l’elfe, mais se heurta dès son salut à un regard de glace.

« Pas bavarde dis-donc ton amie ! dit-il se tournant vers l’autre. »

L’homme le regarda, les bras croisés, et opina. Il lui fit savoir qu’il ne fallait pas s’attendre à trouver une âme derrière ces prunelles glaciales, et qu’il ne fallait pas y prêter attention. Johão descendit de son chariot pour marcher à ses côtés, lui faisant remarquer qu’il était là plutôt sévère. Mais l’homme, qui se présenta comme étant Théoden, lui répondit qu’elle savait exactement pourquoi l’accabler de ces mots. Johão eut envie de répondre qu’elle n’avait pas l’air très accablée, mais se retint. Machinalement, et connaissant déjà la réponse, il demanda si elle était de sa famille. Bien sûr que non, lui n’était pas un elfe.
Pour l’oréen, la famille était l’une des choses les plus importantes du monde. Puisqu’il voulait parler avec son interlocuteur, autant qu’il sache qui était sa famille. Mais lorsqu’il lui demanda s’il en avait quelque part, Théoden répondit par la négative, et lui demanda qui il était. Johão, d’humeur un peu vantarde, se présenta comme étant Johão Porthos, épéiste oréen libre engagé par le Maître sous contrat. Au plus grand plaisir de ce dernier d’ailleurs, qui le tenait pour sa plus fine lame.
Théoden sourit, détendant l’oréen, qui appréciait la tournure de cette conversation. Mais lorsque Théoden lui proposa presque un duel, il déclina poliment. Après tout, il était certes doué, mais lui ne savait pas s’il était la plus fine lame (même s’il aimait cette perspective). Et puis, il lui fallait absolument être doué. Il n’avait pas envie que Fiora le récupère entre quatre planches, ce serait pénible pour elle.

« Une amante laissée au pays ? demanda Théoden.
-Une sœur, et deux frères ! répondit Johão. Nous sommes la famille Porthos. Pas forcément une famille noble selon les critères d’Oro, mais on peut se vanter d’avoir une position plutôt confortable. Nous sommes une famille d’artistes, et heureusement pour nous, ça nous a réussi ! Je suis un artiste des arènes, comme j’aime à moi-même m’appeler. Mon petit frère, Vaasco, est un chanteur. Ma sœur, Fiora, Fiora Rossi depuis qu’elle a épousé son capitaine Henrique de mari, ma grande sœur devrais-je dire, est une peintre, et mon grand frère, Alphonso… C’est pas vraiment un artiste lui. Il avait disparu quelques tours, puis il est reparu quand le roi Asarith est arrivé au pouvoir. Apparemment que c’est un de ses hommes de confiance, mais il aime pas trop en parler. Assez homme de confiance pour qu’il ait reçu une ville entière à diriger, pour lui et sa femme, Theresa. Ça nous a tous profités remarque. Alphonso a gardé le sens de la famille. Il a fait entrer Fiora au palais, elle a reçu des commandes de plein de nobles, Vaasco a pu se produire devant la cour royale, et il a promis de réussir à me faire offrir une épée par le roi en personne la première fois que je me produis devant lui ! C’est ce que j’appelle le sens de la famille. Oups, je m’égare, désolé l’ami. Faut dire qu’ils me manquent tous ces trois sagouins. Même si j’aime bien voyager, ça fait du bien de les voir. Faudrait que je pense à rentrer au pays… Tu fais une drôle de tête l’ami, puis-je savoir pourquoi ?
-Oh, rien, rien… répondit Théoden. Je suis heureux de voir quelqu’un savourer les joies de la fraternité. »

Johão se rassura. Un instant Théoden avait paru nerveux, mais s’était tout de suite détendu. Il n’aborda plus le sujet de la famille. Sans doute avait-il perdu la sienne, pour que ce sujet le tende. C’était quelque chose qu’il ne souhaitait pas. Alors il préféra parler du métier. Très vite il comprit que Théoden ne l’aimait pas vraiment. Il essaya alors par pur accident de détourner la conversation sur le sujet qu’il maitrisait le moins au monde. La métaphysique.

« Vois-tu Théoden, dit-il, le risque du métier, j’en conviens c’est la mort. Mais tu vois, à terme, c’est les dieux qui choisissent quand on meurt. Après tout, Elis est une déesse, pour terrifiante qu’elle soit. Et sa mère, Finil, contrôle le destin. C’est du moins ce que disent les prêtres. »

A priori Théoden ne partageait pas non plus cette opinion. Mais la conversation ne déplaisait pas à Johão, qui avait trouvé là une chose rare dans cette compagnie, à savoir quelqu’un qui appréciait au moins autant que lui le fait de parler jusqu’à ne plus avoir de salive en bouche. Ou bien alors qu’il était juste trop heureux de défendre ses opinions. Et Johão aimait à défendre les siennes.

---

Ils arrivèrent à Ray au bout de trois jours de voyage. Le Maître se méfiait. Pourquoi, par tous les dieux, le calife de la cité souhaitait-il l’avoir lui et sa compagnie particulièrement ? Qu’allait-il se passer dans cette arène ? Il eut sa réponse en découvrant le cirque dans lequel ils allaient se produire. Celui-ci commençait à être inondé. Il jura intérieurement. Il n’aimait pas ce genre d’épreuves, c’était le synonyme de pertes ahurissantes. Mais que pouvait-il y faire ? Il ne pouvait pas s’aliéner ce calife-là. Aussi, lorsque ledit calife se tourna vers lui et lui annonça fièrement que la représentation serait dans une semaine, il se contenta de s’incliner devant lui.

« Calife, dit-il, ce sera pour moi et mes gladiateurs un honneur que de combattre et de mourir pour vous et votre cité. »

Il n’en pensait pas un mot. Aussitôt qu’il le put, il alla trouver Alid, qui l’attendait à l’entrée du cirque, faisant entrer les gladiateurs, encore ignorants de ce qui les attendait, vers leurs appartements en sous-sol. Il l’amena aussitôt vers le chariot contenant la trésorerie.

« Un problème Maître ? demanda Alid, qui savait deviner quand il était inquiet.
-Oh que oui, répondit le Maître en ouvrant le coffre le plus conséquent. »

Il regarda l’intérieur. Tout cet or aurait dû être utilisé pour acheter de nouveaux déguisements pour ses gladiateurs. Des armes de meilleure qualité. De la meilleure nourriture pour les bêtes de la ménagerie.

« Prends ça, dit-il. Va sur le marché aux esclaves. Achète-moi tout ce qui aura l’air d’être capable de tenir une arme. Il me faut… Deux centaines de gladiateurs. Pas la peine qu’ils soient doués. »

Alid pâlit.

« Ils veulent un massacre, Maître.
-Un massacre sur l’eau, oui. Nous allons leur donner, c’est notre travail, mais pas question que je sacrifie autant de gladiateurs que cela. Il faudrait refaire l’équipe en entier après ça, tu imagines un peu ? »

Alid n’aimait pas cela. Mais il comprenait le raisonnement du Maître, et partit acheter les esclaves.

---

Cela faisait à priori deux jours qu’ils étaient enfermés dans leurs appartements. Nynaeve savait les gladiateurs nerveux autour d’elle. Ils avaient entendu parler d’un massacre. Pour sa part, cette perspective la réjouissait particulièrement. Une bataille digne de ce nom, enfin ? Dans ces arènes ? Cela lui ferait du bien. Mais pour l’instant, c’était l’attente. On les avait tous convoqués, dans une salle commune, pour attendre le Maître, qui tardait à venir. Alid aussi s’était fait invisible ces derniers temps.
Les deux entrèrent en même temps. Ils avaient l’air épuisés.

« Je n’irai pas par quatre chemins, dit le Maître sans les saluer. Nous sommes ici pour une reproduction de bataille navale dans l’arène. Je n’ai pas plus que vous l’envie d’y participer, mais nous n’avons pas le choix. J’ai pu recruter un équipage d’esclaves qu’Alid entraine jour et nuit pour se faire passer pour des gladiateurs, mais le calife de la ville a été mis au courant de cette ruse. J’ai pu le convaincre de l’utilité de ne pas vous envoyer tous à la mort, mais il exige que certains d’entre vous y participent. Je m’en vais les choisir moi-même. »

Alid avait un visage désolé derrière lui.

« Toi, dit le Maître en saisissant l’épaule d’un gladiateur, qui supplia quelques instants, avant de comprendre que c’était inutile. »

« Toi. »

« Toi. »

« Pas toi. »

« Toi. »

Il se rapprocha de Nynaeve, et la considéra quelques instants.

« Nynaeve la Rouge hein ? Tu seras la capitaine de notre … Armée. »

Nynaeve, à l’inverse des gladiateurs qui pâlissaient à l’annonce de leur sélection, ne put retenir un cri d’excitation. Elle allait y participer pour de vrai. Sa lance allait goutter des flots de sang… Le Maître arrivait sur Théoden, qui était assis à côté d’un certain Johão, qui semblait l’avoir pris en amitié. Il les considéra un instant.

« Aucun de vous deux. »

Puis il s’éloigna, faisant signe aux gladiateurs sélectionnés de le suivre. Nynaeve le fit d’un pas léger, quand les autres trainèrent des pieds, étouffant quelques sanglots. Et la porte se referma sur la salle commune où ceux qui avaient eu la chance, ou la malchance selon Nynaeve, de ne pas être sélectionnés, se mirent aussitôt à discuter dans un brouhaha qui résonna dans le couloir, poursuivant la trentaine de véritables gladiateurs, soit près d’un tiers de l’équipe, qui allaient rejoindre les esclaves par centaines qui mourraient.
Car, lui apprit Alid, il n’avait acheté qu’une équipe d’esclaves. Au total, quatre maitres des gladiateurs feraient s’affronter quatre équipes aux effectifs comparables, dans un chacun pour soi sanguinaire. Chacune aurait une petite galère à manœuvrer, dans l’espace restreint de l’arène.
Nynaeve sourit. Un sourire inquiétant et carnassier.

Mon enfant, qu’es-tu devenue ?
La voix de sa mère s’effaça aussi brusquement qu’elle jaillit dans son esprit.
Tu t’es bien comportée, mon enfant.
La voix d’Asarith, elle, resta.
Dim 14 Fév 2016 - 0:20
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Le jour J arriva vite. A Ray, une effervescence sans précédent avait embrasé les rues de tous les quartiers. Pauvres comme riches se précipitaient vers la grande arène pour assister à ce que le Calife avait annoncé comme les plus beaux jeux depuis des tours et des tours. Les travaux sur le bâtiment même avait soulevé certaines inquiétudes, bien sûr. Mais après tout, n'était-ce pas toutes les questions que ces préparatifs avaient soulevées qui déchaînaient le plus les passions ?
Toute l'enceinte autours de l'arène avait été renforcée pour recevoir l'eau sur laquelle allait évoluer les navires. Les navires. Difficile d'y croire quand on y pensait. Le Calife avait dépensé de véritables fortunes pour faire amener dans l'enceinte de la Rose des Sables non pas une, mais bien quatre galères entières ! Théoden pour sa part avait vite comprit quel monstrueux spectacle se préparait lorsqu'il vit un navire démâté être hissé à la force de dizaines de treuils dans l'arène. Une naumachie. Là était sa chance !
Renvoyé par le Maître, celui-là même qui détenait la Princesse, le Capitaine avait longuement arpentées les rues de Ray en cherchant un moyen de se hisser jusqu'à elle. Bien sûr, il la savait peu prompte au départ. Mais il devait trouver un moyen de discuter avec elle.
Voilà pourquoi il s'était engouffré dès le lendemain de son renvoie aux aurores, dans les souterrains de la Rose des Sables.

Il ne resta vite plus une seule place de libre dans les gradins. L'après-midi avait vite succédé au matin, et tandis que les gladiateurs s'armaient, la foule de spectateurs s'installaient avec confiseries et coussins pour les plus aisés ou de simples paillasses tressées pour les autres. Dans le vestiaire où se préparait Nynaeve, beaucoup des cent hommes de son équipage pleuraient et suppliaient qu'on les épargne. Bien sûr, Alid tenait son rôle et, avec d'autres, renvoyait à leurs préparatifs les plus réticents avec l'espoir, sans doute, que la boucherie trouverait une fin avant que plus personne ne soit là pour remplir les cages à la fin de la journée.
La Princesse, elle, était forte d'une confiance ahurissante, parfois terrifiante pour ses camarades. Comment pouvait-elle donc sourire au destin qui les attendait ? Car personne ici n'avait vu une galère de sa vie. Ou ceux qui l'avaient fait n'avaient eux jamais eu à porter les armes.

Puis l'heure vint. L'on sonna dehors les trompettes annonçant les débuts des festivités. Et comme la voix du présentateur commença à résonner dans l'arène, tous furent amenés en rang jusqu'à la porte aménagée spécialement dans le mur pour leur permettre d'embarquer dans leurs galères. Ce fut là que les rôles furent définis. Par quatre, les esclaves se voyaient attribuer tantôt une rame et y étaient enchaînés, comme à la guerre, tantôt des arcs, tantôt des lances, tantôt des lames au profil bien étrange. Large, mais courbée à partir du premier tier jusqu'à la tête. Des Khépesh. Voilà leur nom. Étrangement, aucun bouclier ne fut distribué. Il n'y avait en réalité aucun hasard là dedans. L'esprit tordu qui avait imaginé les jeux d'aujourd'hui avait juste trouvé bon d'accélérer la boucherie en privant les combattants de protection. La Princesse avait-elle eu plus de chance. Comme elle était Capitaine de galère, elle fut libre de choisir son équipement et sa tenue. Elle s'était donc tout naturellement tournée vers une lance effilée et vive, à la hampe résistante. Une belle arme.

Le soleil de quatorze heures tombait comme une chape de plomb sur la Rose des Sables. Malgré les voiles qui avaient été tendues au dessus des gradins, il régna vite une chaleur telle que beaucoup regardaient avec envie l'eau dans l'arène qui faisait danser avec une lenteur envoutante les quatre galères disposées aux quatre coins du cercle de combat. Le présentateur scanda les vers d'un conte classique, que tout Ramien connaissait. C'était une histoire sanglante, une histoire de guerriers impitoyables se battant pour la domination des océans.
Lorsque tous furent en place, lorsque les rames des galères furent en place et que les tambours de guerre purent enfin emplir l'air de leurs rythmes assourdissants, une flèche de feu fut tirée depuis une tribune. Et le combat commença sous l'ovation du public.
Très vite, une galère sortit du lot. Ce n'était pas celle de Nynaeve la Rouge, puisque celle-ci, comme deux autres peinait à se mouvoir dans le bouillon de l'arène. C'était là le navire d'un petit Maître qui avait été contraint de sacrifier parmi ses meilleurs éléments pour pouvoir armer son vaisseau. Et il semblait que beaucoup à bord étaient d'anciens marins.
Rapidement, des flèches commencèrent à pleuvoir en tous sens, ainsi que des javelots. Les équipages encore immobiles se mirent à jeter sur leurs voisins le plus de munitions possibles. Tant et si bien qu'en une dizaine de minutes, il se trouva dans l'eau déjà assez de corps pour transformer l'arène en une véritable infusion de sang. La première galère qui parvint à se mouvoir, portée par les efforts de son équipage vint à la rencontre d'une seconde. Et lorsque son éperon d'acier mordit le bois de la coque à pleine dent, toute l'arène fut secouée par le choc et les hurlements de l'équipage que l'eau venait déjà engloutir. Il y eut une ovation, pour ce vaisseau qui offrait déjà le spectacle délectable d'un abordage en règles. Des cordages furent jetés de par et d'autres des galères pour permettre aux équipage de se ruer les uns sur les autres. Mais l'avantage était à l'assaillant qui ne présentait que sa proue à aborder.

Frustrée par le spectacle du combat qui lui échappait, Nynaeve serra les dents et tenta une dernière fois de faire avancer son embarcation avant d'abdiquer. Quelle bande d'incapables ! songea-t-elle en attrapant sa lance. Elle vit que sur le flanc gauche de sa galère approchait le quatrième vaisseau de cette bataille monstrueuse et un sourire carnassier se saisit de son visage. Elle dérivait. Mais au moins dérivait-elle assez près de son ennemi pour pouvoir s'en charger ! Alors, avec toute la légèreté de sa race, elle prit son élan et traversa la largeur du pont de son navire en quelques enjambés. Tant et si bien que le saut qui suivit la propulsa jusqu'au dessus des têtes stupéfaites de l'équipage adverse ! Sa lance fit-elle son office en un clin d’œil. Et Nynaeve la Rouge mérita encore son nom. Elle se fit si efficace, si vive, qu'elle éclipsa même un instant la violence du combat qui avait lieu de l'autre côté de l'arène. Elle sembla se promener sur le pont de ses adversaires, se courbant tantôt pour éviter un coup grossier, tantôt pour frapper à son tours avec rapidité. C'eût été comme si aucun n'était capable de suivre ses mouvements. Sa danse.

Mais il en était un à qui rien n'échappa. Un œil vif guettant sous l'ombre d'un tricorne à liserait doré. De l'autre côté de l'arène, Théoden observait. Il était celui qui commandait au navire qui s'était le premier fait remarquer. Et depuis la poupe de son embarcation, il offrait aux milliers d'âmes présentes dans les gradins comme sur l'eau une véritable leçon de stratégie navale. Bien sûr, ses archers manquaient leurs tirs comme d'autres. Mais ses défenses tenaient, aidées comme elles l'étaient par le fait qu'il ait abordé l'ennemi par la proue. Et comme la galère d'en face coulait rapidement, il perdait peu d'hommes. Ou du moins moins que les autres.
Le Capitaine avait suivie un instant l'échappée solitaire de Nynaeve. Très bien, qu'elle s'occupe. se dit-il en abandonnant la barre à un autre marin. Il devait s'empresser d'éliminer le Capitaine adversaire.
Il y eut une nouvelle ovation, lorsque de l'autre côté de l'arène, la galère que venait de vider la princesse vint s'écraser brusquement contre le mur de l'enceinte et projeter à l'eau nombre de ses combattants, livrés aux flèches des autres équipage. Aucun n'allait survivre à cette baignade mortelle. Nynaeve la Rouge releva la tête à temps pour voir en face un homme brandir une épée à la lame enflammée. Surprise pour le public, qui poussa des "OH !" d'étonnement, cette apparition ne fit que contrarier l'Elfe qui avait reconnue le Capitaine de cette damnée embarcation et qui lui volait son public. Son pouvoir. SON pouvoir.

Théoden avait lui bondit assez rapidement sur le navire d'en face pour voir la Princesse plonger à l'eau. Déjà, sa nouvelle redingote se tâchait du sang des malheureux qui pensaient encore vouloir l'approcher. Et lorsque la gorge du Capitaine s'offrit à son sabre de feu, elle n'offrit pas plus de résistance qu'une autre. Le Capitaine faisait des excès de zèle, et de théâtralité pour provoquer la Princesse en lui volant son manteau de gloire. Il jeta promptement la tête de l'officier qu'il venait de tuer à l'eau et remonta à bord de sa propre embarcation juste à temps pour voir le pont être aspiré par le tumulte des profondeurs, entraînant avec lui les dizaines de rameurs qui n'avaient pas pu se libérer de leurs rames. Il ne restait donc plus que deux galères. Et le Capitaine vit la Princesse lutter avec les courants que les deux naufrages venaient de créer. Le sang mêlé à l'eau rendait sa nage difficile. Sans parler des dizaines de marins qui tentaient de se raccrocher à elle pour ne pas se noyer.

Bien sûr, il y eut l'idée dans l'esprit du Capitaine de voler à son secours. Mais elle devait apprendre. Elle devait apprendre ce qu'était la véritable guerre et tuer d'elle même tous ces hommes que l'effroi tenait aux tripes pour survivre. Elle devait échapper aux abîmes à la force de sa seule main. Choisir de se couvrir de sang pour vivre. Couler le peu d'espoir de ces hommes, et offrir à leurs yeux écarquillés pour dernière vision que le fond d'un bassin jonché de cadavre. Voilà pourquoi, Théoden fit ramer ses hommes vers l'embarcation de son ancien Maître, qui encore était à la dérive. Il fit armer les tirs de ses archers et à nouveau déchaîna l'enfer sur leurs têtes. A nouveau, les deux galères se rentrèrent dedans. Mais cette fois, le Capitaine avait amené son vaisseau contre le bord de son adversaire. Et ainsi, le combat serait total. Rapide, sans merci.
Dans un silence de mort, les deux galères glissèrent l'une contre l'autre, brisant une à une les rames du navire du Maître de la Princesse dans un fracas assourdissant. Théoden, lui, avait fait relever à la verticales les siennes comme le voulait le protocole dans le cas de ce genre d'abordages. Ce qui permit non seulement de ralentir les assauts adversaires, puisque les pagaies épaisses et hautes formaient une sorte de barrière, mais aussi d'offrir une protection toute relative à ses archers contre les flèches adverses. Lorsqu'enfin les deux navires se stabilisèrent l'un contre l'autre, des cors retentirent des deux côtés et l'assaut fut donné.
Privé de Capitaine, depuis le départ de Nynaeve, l'embarcation qu'affrontait Théoden sembla privé de véritable stratégie. Et comme il fut le premier pour monter à l'assaut, il vit rapidement des hommes se rendre et être passés au fil de l'épée. La victoire approchait. Et elle continua de se faire sentir jusqu'à ce qu'un frisson sinistre le long de son dos lui fit deviner que la princesse venait de regagner son bord.

Le vacarme que produisait le public en furie se tu. Les Maîtres de Théoden et de la Princesse virent leurs deux équipages s'achever mutuellement, après un combat sans merci aucune. Et quand les corps finirent de remuer sur le pont devenu glissant des deux galères, Théoden pu voir que Nynaeve la Rouge était déterminée à achever le dernier de ses adversaires. Un cadavre à bout de bras, sa lance dans son autre main, elle affichait la mine sinistre de quelqu'un qui avait pourtant choisit de vivre à tout prix. Et malgré son inexpérience des combats d'envergure, Théoden se douta qu'il lui faudrait une intervention divine pour survivre à ce qui allait suivre.
Sans même l'ombre d'un seul mot, Nynaeve se rua en avant vers celui qui prétendait encore la protéger. Et même avec toute son habilité et ses sortilèges, son adversaire ne pu prétendre la surpasser en vitesse comme en agilité ou en force.
Néanmoins, il avait un avantage, Théoden pouvait certainement compter sur sa connaissance du terrain. Ainsi, homme de la mer, il pu danser avec elle. Car le pont glissant, courbe et jonché de cadavres la ralentissait. Il put s'épargner quelques bottes mortelles, en faisant tomber sur sa route d'épais cordages. Mais comme le combat à lui seul n'avait aucun sens pour le Capitaine, il la suppliait. Il la suppliait encore et encore de renoncer à sa folie et de le suivre jusqu'à leur maison.
Par deux fois, il fut coupé par un assaut enragé de la Princesse. Par deux fois, il put s'en sortir grâce à des pirouettes de marin.

"-Renoncez, Princesse ! Rentrez chez-vous pour l'amour des dieux !" hurlait-il, de plus en plus en difficulté.

Mais l'Elfe semblait poussée par une soif terrible de meurtre. Ou était-ce de pouvoir ? Ce public qui l'acclamait allait tantôt lui faire assassiner le seul homme qui se souciait encore d'elle en ces terres maudites. Un instant, Théoden pu s'éviter la peine capitale en bondissant sur son ancien navire, à travers le mur de rames. Mais là, il fut stupéfait de voir que d'un coup d'un seul, Nynaeve avait été capable d'en fendre une pour s'arranger un passage. Alors Théoden jura et recula. Il reçu chaque assaut avec une force de plus en plus diminuante. Et comme son sabre avait mit le feu au navire d'en face, il se rendit vite compte qu'aucune retraite ne lui était possible.
Il tenta donc le tout pour le tout. Et lorsque la princesse s'avança pour frapper de nouveau, il trancha sur sa droite un épais cordage qui, contre le mât, avait à lui seule la charge de supporter le caillebotis sous leurs pieds. L'effet fut immédiat, et les deux combats furent emportés sous le pont par l'affaissement de la trappe qui n'avait plus rien pour la soutenir. De surprise, Nynaeve ne pu cette fois que tomber à plat sur le dos et lâcher sa lance. Théoden lui parvint à se rattraper sans dommage, droit dans ses bottes. L'eau avait déjà commencé à monter ici, aussi le Capitaine s'empressa de redresser la tête de la Princesse sonnée, pour lui éviter de boire la tasse pour de bon.

"-Allons, écoutez-moi bon sang !" répéta-t-il "Il est temps de rentrer, de retrouver votre..."

Mais il n'eût guère le temps de finir. Car déjà, la Rouge avait jeté à son visage un violent coup de tibia. Qui, non content de lui briser le nez le fit reculer. Et de ses mains, elle se saisit de cette lance qui en un unique coup vint frapper le Capitaine droit dans l'abdomen. Si loin en lui que le fer perça sa redingote dans son dos. Théoden, le souffle coupé, abandonna son sabre au tumulte de l'eau et tomba à genoux, le souffle coupé. Il n'y eût pas d'ovation, pour ce crime là. Car au couvert de la cale, le Capitaine s'assurait au moins une mort intime. Une mort dont personne ne tirerait la moindre satisfaction. Si ce n'était elle, assurément. Car Nynaeve avait déjà prit un couteau à sa ceinture et s'approchait pour finir ce qu'elle avait commencé.
Théoden, prostré, crachait du sang par gros bouillon. Son nez brisé, son corps rompu, il ne parvint pas même à relever la tête. Et lorsqu'elle vint pour lui trancher la gorge, ni ses mains ni son visage n'eurent la force d'exprimer le moindre mouvement. Juste un abandon total. Sa tête tomba en arrière, offrant son cou à la caresse de son couteau. Lui ne dit rien, incapable de parler avec autant de sang dans la bouche. Elle ne dit rien non plus, avec autant de haine dans le regard.

Finalement, les cordages enflammés ne pouvant plus soutenir la vergue du seul mât de la galère, il y eut un craquement sinistre et toute la mâture s'écroula sur les ponts deux galères. Trop abîmées par les combats, les deux vaisseaux craquèrent d'abord, et se brisèrent en un instant ce qui força la Rouge à abandonner aux eaux le corps du Capitaine. Le pont s'effondra au dessus de leurs têtes, et Théoden bascula sur le dos, avant de disparaître avec la proue entière de sa galère. Et tous retinrent leur souffle dans les gradins, impatient de voir qui du Capitaine ou de la Rouge ferait surface, victorieux...
Dim 14 Fév 2016 - 18:13
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
Dargor
Nynaeve eut bien du mal à remonter à la surface. Les remous causés par le naufrage du navire, le choc encore trop récent dans sa chute… Ce fut un miracle qu’elle puisse remonter à la surface et s’y maintenir dans ces conditions. Elle nagea péniblement, parmi les débris et les cadavres, vers un espace où elle pourrait enfin se reposer et se remettre du combat épuisant qu’elle venait de livrer, contre des esclaves misérables d’abord, puis contre elle-même quand il lui avait fallu regagner son navire, et puis contre le capitaine pour terminer. Mais elle les avait tous gagnés. Tous. Et ses adversaires étaient morts. Elle parvint finalement à regagner le bord, où elle attendit patiemment. Le public n’avait pas dû la voir sortir, car un silence de mort continuait à régner sur le cirque. Alors elle cria.

« Victoire à moi ! »

C’était un hurlement de défi. Lancé à son public. Saurait-il l’applaudir comme elle le méritait ? Lancé à l’âme de Théoden. Elle l’avait tué. Elle avait tué celui qui se voulait son protecteur. Que pouvait-il y faire maintenant ? Lancé à sa mère aussi. Voilà ce qu’elle était devenue. Sa mère pourrait-elle jamais le savoir ? Savoir qu’elle était maintenant Nynaeve la Rouge, maîtresse des arènes ? Une corde lui fut jetée. Elle se hissa péniblement, fatiguée qu’elle était, mais put entendre la voix du Maître.

« Voici ma gladiatrice ! hurla-t-il. Nynaeve la Rouge ! Applaudissez-la peuple de Ray ! Applaudissez-la car après tout, n’est-elle pas MERVEILLEUSE ? »

Le public lui répondit en scandant. Merveilleuse. Merveilleuse. Merveilleuse. Ce fut une douce musique pour accompagner l’ascension de la princesse. Elle était merveilleuse. Non. Son nom était désormais Merveilleuse. Nynaeve la Rouge. Merveilleuse. Deux noms pour une même personne. Une gladiatrice de renom. Elle se surprit à penser que le nom de Merveilleuse ferait bientôt le tour du continent dans son entier. Son oncle finirait forcément par savoir qu’il s’agissait d’elle. Serait-il fier de sa nièce ? En tout cas, elle savait que sa mère ne serait pas fière de sa fille. Mais était-ce si grave ? En fait, elle s’aperçut en finissant de se hisser qu’elle n’en avait rien à faire.
Arrivée en haut, elle se laissa tomber sur le dos, écoutant le public scander son nouveau nom. Elle se sentait bien. La suite fut comme un rêve. On la ramena dans ses quartiers, où Beskha lui proposa de quoi se laver. Elle accepta avec plaisir l’offre.

« Tu dîneras avec le Maître ce soir, dit-elle en grommelant et en lui jetant un regard noir. »

Nynaeve ne se demanda pas une seule seconde pourquoi ce regard. Tout le monde avait reconnu Théoden, c’était évident à ses yeux. Allaient-ils tous lui en vouloir ? A cette question, la réponse fut oui quand, se promenant dans les couloirs, elle tomba sur Johão.

« Tu as tué ton ami, dit-il, d’une voix chargée de reproches. »

Elle le regarda dans les yeux.

« Je ne connaissais pas cet homme, finit-elle par répondre. »

Elle se fichait bien ce qu’il pensait. En revanche, il y en avait un dont elle ne se fichait pas, et elle alla vite le trouver. C’était le Maître.

« Merveilleuse ! dit-il en l’accueillant. Puisque tel est le nom de scène que le public t’a choisi, autant t’y habituer tout de suite. Tu as été parfaite ! C’était incroyable. Ce voyage sera sans nul doute rentabilisé simplement grâce à toi ! Je pourrais t’embrasser si je ne me retenais pas. Et tu sais quoi ? Le calife de Ray a été impressionné par ta prestation. Il veut te … Nous rencontrer ce soir. Nous dînerons avec un calife, Merveilleuse. Il aurait même été sultan, si Qassim Anar n’avait pas unifié Ram. C’est un homme d’une grande puissance. Et d’une grande richesse… »

Le reste de la journée se passa en silence pour Nynaeve. Elle restait à savourer sa victoire dans un coin, grimaçant quand les coups qu’elle avait pris lui faisaient mal. Le soir, on lui amena une robe traditionnelle de Ram. Légère mais opaque, avec un voile pour dissimuler son visage. Rouge. D’un rouge sang uni. Le Maître n’avait pas perdu son temps semblait-il. Il la fit venir, et c’est dans une chaise à porteur qu’ils traversèrent ensembles la ville jusqu’au palais du calife.
Ledit calife fit à Nynaeve l’impression d’un homme très imbu de lui-même. Un bon commerçant peut-être, car ils passèrent des heures à parler affaires avec le Maître. Quoi de plus normal pour une ville portuaire, songea-t-elle. Mais au final, sa présence ici n’eut aucun intérêt. Ni le Maître ni le calife ne firent attention à elle. Jusqu’à un certain point.

« Il se fait bien tard, dit le calife. Je comprendrais que vous souhaitiez rentrer, Maître. Puis-je suggérer à votre gladiatrice de rester ici pour la nuit ? Je peux lui assurer le confort… »

Nynaeve n’était pas sotte au point de ne pas connaître la condition de sa nuit au palais. Elle regarda le Maître. Elle ne connaissait pas les usages locaux. Dans son esprit, elle calcula vite. Si le Maître exigeait d’elle qu’elle couche avec le calife, elle le ferait. Elle ne voulait pas perdre sa place fraichement acquise. Dans le cas contraire…

« Ma gladiatrice est une femme libre, dit le Maître. Je suis oréen, pas ramien, mais je crois que selon vos lois, il vous faudrait l’épouser pour partager sa couche. »

Nynaeve sourit. Le Maître tenait à ses gens apparemment. La conversation finit ainsi, et ils rentrèrent ensembles.

Les rêves de Nynaeve furent étranges cette nuit. Le public scandait toujours. Merveilleuse ! Merveilleuse ! Encore et encore. Puis elle identifia une voix dans ce dernier. La voix de sa mère. Alors le cirque se transforma en jardin rougi par les couleurs de l’automne. Elle se sentit plus légère. Plus petite aussi. Etait-elle redevenue enfant ? Sa mère arrivait, et la prit dans ses bras. Elle s’entendit rire. Merveilleuse ma fille. Tu es merveilleuse. Sa mère parlait en la soulevant pour la porter au niveau de son visage. N’oublie jamais cela ma fille. Tu es merveilleuse, et ta mère t’aime. Je t’aime. Moi aussi je t’aime Maman. Ça veut dire quoi merveilleuse ? Ça veut dire quelque chose de très précieux ma chérie. Alors toi aussi tu es merveilleuse Maman. Pas autant que toi ma fille. Tu es ma petite merveille à moi.
Nynaeve se réveilla en se mettant la main sur la bouche, les larmes aux yeux. Ce n’était pas un rêve. C’était un souvenir de son enfance. Etait-elle vraiment en train de trahir ainsi sa mère ? Théoden. Il aurait pu la ramener. Qu’avait-elle fait ? Elle eut le plus grand mal du monde à se rendormir.
Merveilleuse. Tu es merveilleuse mon enfant. C’était la voix de son oncle. Elle lui paraissait désormais sinistre. Elle se tenait sur un champ de bataille. Du sang maculait le sol, du sang qu’elle avait elle-même contribué à faire couler. Tu es merveilleuse. Une merveilleuse machine à tuer. Merci mon oncle. Sans vous je n’en serais jamais arrivée là. Elle regarda sa lance. Des âmes hurlantes par milliers s’en échappaient en gémissant.
Elle se réveilla en sueur. Etait-elle en train de devenir une pure tueuse ? Ce n’était pas un souvenir ça par contre, elle en était sûre. La lune était encore haute dans le ciel.
Merveilleuse ma fille. Tu es merveilleuse. Elle se tenait fièrement droite devant des rangées de soldats elfiques, nains et humains. Des démons gisaient morts au loin. Elle avait mené la charge. Sans elle, cela n’aurait pas été possible. Sans la présence inspirante de la princesse pour leur montrer le droit chemin. Merveilleuse ma fille. Tu as été merveilleuse. Tu as mis fin à ce mal.
Un autre avenir. Un autre rêve. Sa mère pouvait lui offrir cela aussi après tout.
Merveilleux. C’est merveilleux. Quoi de plus normal pour une jeune fille merveilleuse comme toi ? Un trône d’or, au siège de velours. Des montagnes d’or autour d’elle. Elle regarda sur le mur. La carte de l’empire recouvrait le monde entier. Des représentants de toutes les races s’inclinaient devant elle. son oncle et sa tante, Dizzalyr, lui mirent une couronnent sur la tête. Et elle alla s’asseoir sur le trône. Tu es merveilleuse. Tu étais faite pour cela.
Merveilleuse. Tu es merveilleuse. Tout comme le temps. Tout comme le cycle de la vie. Mère, tu ne peux pas mourir. Rien n’est éternel ma fille. Rappelle-toi toujours de cela. Tu es merveilleuse. Ne laisse pas ton oncle t’entrainer dans la haine. Mère, il t’a tuée. Ne gâche pas ce que j’ai été, en te transformant au nom de mon souvenir en une bête sauvage.

Nynaeve fut heureuse quand la cloche vint enfin mettre fin à cette série de rêve étranges. Durant tout le petit déjeuner, elle fut perdue dans ses pensées. Qui était-elle vraiment ? La souveraine crainte par tous et à l’autorité incontestée montrée par son oncle ? Ou la femme respectée et aimée, meneuse d’une armée glorieuse et brillante de lumière, montrée par sa mère ? Elle devait aller leur parler. A tous les deux. C’était la seule solution. Elle devait d’abord parler à sa mère. Ce serait dur, mais il le fallait, car son oncle ne la laisserait pas repartir, elle le savait. Sa mère non plus d’ailleurs. Mais contrairement à son oncle, la vigilance de sa mère pouvait être trompée.
Mais Théoden mort, il lui fallait un moyen de retourner trouver sa mère. Elle regretta de l’avoir tué pour cela. Elle regrettait aussi un peu d’avoir tué un serviteur loyal de sa mère. Mais ce qui était fait était fait, elle n’avait plus le choix.

« Nous partons. »

Le Maître dit cela durant le petit-déjeuner, sans annonce ni conclusion. Cela n’étonna personne. Elle demanda toutefois à Alid pourquoi cette précipitation.

« Pour éviter que ta prestation d’hier ne donne de mauvaises idées au calife, dit-il. Allons dans une arène plus calme, où les massacres horrifient le public. »
Mar 16 Fév 2016 - 16:31
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Capitaine Theoden
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Capitaine Theoden
Vois-tu Théoden, si la mort n'est pas la phase la plus plaisante de la vie il nous faut l'accepter. Surtout nous qui devons chaque jour voguer sur son dos. Tu sais hier, quand nous affrontés tous ces pirates nous n'avons fait que tenir nos places dans le vaste monde. Et n'oublies surtout pas que ces places, nous les devons à Ariel seule. Alors pries la, remercies la tous les matins de te laisser arpenter son domaine sans être inquiété par ses fosses abyssales et leur noirceur éternelle. Ne sommes-nous, après tout, pas qu'ombre et poussière ?

Théoden écoutait avec la candeur de ses neuf tours son précepteur, le Lord Amiral de Nevers. Assit sur un tonneau, avec ses deux jambes battant dans le vent, le tout jeune garçon peinait à saisir le flot de paroles de son père adoptif qui -comme souvent- se plaisait à lui confier ses réflexions à l'heure où le soleil se fondait avec l'horizon. C'était un homme grand. Bien grand en tout cas, pour le jeune mousse à qui il s'adressait avec tant de verve. Ses mains jointes sur une canne, il avait une massive chevalière au doigt que Théoden regardait souvent avec admiration. Et comme à chaque fois, Nevers souriait dans l'ombre de son tricorne droit et l'ôtait de son doigt pour lui tendre.

"-Ne la fais pas tomber petit homme ! Autrement tu peux être sûr...

-De la rejoindre aussitôt !" finit-il avec une frimousse rieuse et des étoiles pleins les yeux.

La main du jeune garçon manqua de s'effondrer, lorsque son père vint y déposer la chevalière scintillante. Sous la lumière du soir, il la soupesa et la souleva au dessus de sa tête pour s'y mirer, quitte à s'en renverser par dessus bord ! Nevers le rattrapa d'ailleurs de justesse, et tous deux eurent un rire franc. Rare, à vrai dire. Car le Lord Amiral était à vrai dire un homme bien souvent grave, que le poids du devoir étouffait depuis bien des tours.

"-Fais attention petit homme ! Pas sûr que l'on puisse te repécher comme tu es petit !" lança-t-il en lui ébouriffant sa tignasse déjà agitée par les embruns.

Théoden se leva, s'empourprant d'un orgueil enfantin et se dressa devant lui, debout sur son tonneau. Ils faisaient la même taille maintenant ! Ses poings sur ses hanches, le mousse lui rétorqua qu'un jour viendrait où il devrait lever les yeux pour le regarder.
Il ne su d'ailleurs pas quand ce souvenir si doux se transforma en cauchemar. Peut-être qu'enfant il avait été prophète ? Car quinze tours plus tard, sur le pont même du Wicked Wench, Théoden eut à baisser les yeux sur la carcasse brisée de ce même homme qui avait et serait toujours son père. Son père qui lui racontait des histoires à propos de bravoure et d'honneur, les soirs par temps calme et lui apprenait à se battre lorsque personne n'était à la manoeuvre.
Il s'en souvenait maintenant. La bataille de la Baie de Jade, une explosion, du sang jusqu'aux hunes. Mais pas un hurlement, pas une larme. Nevers était mort dans ses bras, des mots de courage pour son fils adoptif aux lèvres et un bouillon de sang vif à la place du coeur.

Quel enfer était donc devenu son existence depuis ce jour là ?

Et maintenant c'était à son tour de lever les yeux. Sur la Princesse, d'abord. La Princesse qui n'eût ni incompréhension ni haine de sa part. Nynaeve qui ne reçu que des lances de chagrins à travers les yeux voilés de Théoden. Puis ce fut le chaos, et tout alla très vite. Il sentit le sol s'affaisser, au loin, et un tourbillon de flamme se saisir de lui avant que l'eau ne l'avale et ne l'écrase.
C'était son tour d'avoir le corps brisé. Le nez, le ventre bien sûr. Mais dans ce bouillon que le sang frais réchauffait tout entier, il lui sembla sentir que toutes ses blessures cédaient. Il y eut son visage bien sûr. Mais pas même le souvenir de Phadransie ne lui revint. Il ne songea qu'à cette Amazone, et à son regard face à la mort. Il y eût sa taille aussi. Et son torse, la piqûre du Basilisk. Son épaule, et l'évasion des Îles de Jade. Son épaule, et la morsure de Brecianne en sirène. Et tant d'autres. Tant d'autres qu'il en perdit le compte. C'était ainsi, et sa vie le quittait.

Il serra une ultime fois son épée, devenue bien trop lourde pour sa main. Il savait qu'il ne la retrouverait plus, elle qui avait vues tant de choses dans sa main. Il avait perdue sa soeur déjà, il y avait de cela bien des tours. Et le départ de cette dernière amie lui arracha le peu de son coeur qui battait encore dans sa poitrine.

Qu'il faisait froid. Sous l'eau, la chaleur du soleil ne l'atteignait plus. Et bientôt, la lueur même des flammes de son sabre ne suffirait plus à éclairer son regard. Ses yeux qui se fermaient sur les abysses de son trépas, qui l'entraînait avec une infinie lenteur par delà les plaines du monde jusqu'aux portes de Canërgen. Et il coulait, il coula. Il coula encore, et encore. Tant et si bien qu'il n'y eut plus autours de lui que le noir de la nuit.

Et puis un son. Une odeur. Celle des vagues contre la roche d'un bord de plage. Le sel, qui vous brûle pour la première fois les narines lorsque vos parents vous emmènent jusqu'à l'eau. Tout était si loin. Si proche. Comment savoir ? Il faisait froid. Mais il ne tremblait plus. Son sabre avait précédée sa chute, loin dans son dos. Et dans le noir, l'homme voulu se rouler en boule.
Une éternité s'écoula en quelques instants. Et un battement de coeur plus loin, mille ans furent écoulés. Suspendu dans le temps, perdu dans l'espace de sa propre existence, Théoden sentit finalement un choc dans son dos. Etait-il enfin arrivé ? Impossible de bouger. Mais une lumière froide vint lécher son visage et faire danser sur son corps les reflets incertains d'un souvenir éthéré.

"-P...par tous les dieux..où suis-je ?" parvint-il à souffler, se surprenant même par le simple fait de parler, et plus encore sous l'eau.

Etait-ce cela, le trépas ? N'était-ce dont vraiment pas la fin, comme le prétendaient Nevers et la Reine Malene ? Pouvait-il vraiment avoir conscience de lui-même, remuer les lèvres et aller jusqu'à prononcer des mots ? D'un autre côté, il n'y avait rien autours de lui. Juste noirceur et... ces vagues, si lointaines. Loin au dessus. Et la lumière ne faisait que grandir, grandir, jusqu'à l'enrober tout entier. Et sur ce sol invisible qui semblait l'empêcher de sombrer d'avantage, Théoden parvint à s'appuyer, à se redresser. La lumière était là, maintenant presque éblouissante. Tant et si bien qu'il lui fallut un moment avant de réaliser qu'elle venait de lui ! De son épaule, où les emprunte de chaque dents de sirène qui l'avaient marqué bien des tours auparavant s'étaient embrasées avec ardeur.

"-Entre la vie et la mort. Tu m'avais fait la promesse de ne pas mourir d'une main autre que la mienne. Serais-tu un menteur ?"

Théoden, même mort sembla périr à nouveau en entendant ce glas sinistre devant lui. Cette voix profonde et prenante, qui vous soulevait le coeur et vous écrasait. Il savait à qui elle appartenait. Comment oublier ce rêve, et cette rencontre avec la Déesse des Océans ? Elle était après tout souveraine de l'existence de Théoden. Maîtresse de son âme !

"-M...Majesté ?!"

Nimbée d'une froide aura de lumière, la déesse apparut au Capitaine. Droite, sévère, sèche devant lui. Elle avait cette robe nacrée longue, que les courants faisait voleter et danser en de larges volutes sur le côté. Ses longs cheveux ondoyaient avec lenteur. C'était à n'en pas douter la plus belle des femmes qui soit. Belle car terrible, indomptable, fascinante ! Et un coup d'oeil à ses prunelles rendit Théoden plus insignifiant encore. Il était écrasé.

"-Debout !" lança-t-elle de sa voix terrible. Un ordre qui ne saurait être ignoré.

Théoden rassembla alors toute la force que ce delirium pu lui prêter. Il dû soulever de son mieux sa lourde carcasse brisée. Comme un poids mort avec lequel il dû jongler sur ses deux jambes que la mort fit un instant trembloter.

"-Q...que fais-je ici Majesté ?" demanda l'homme, une fois relevé.

"-Je suis ici pour m'évitez une prise de tête avec Canërgen pour te ramener à la vie si tu meurs comme un idiot pour cette princesse.

-Me ramener à la vie ?

-Te ressusciter, te relever de la mort... Tu comprends lentement avec une lance dans le ventre toi ?

-J'ai fait mentir mon serment, fit le Capitaine en baissant la tête. J'ai manqué à mes devoirs. Pourquoi me ramener Grande Reine, parjure que je suis ?

-Pas pour tes beaux yeux en tout cas ! J'ai besoin de toi."

Il y eut un instant de blanc. Et même si Théoden se demandait pourquoi elle se sentit obligée de le préciser, il ne pu s'empêcher de sourire. Il était bon de voir que certaines choses ne changeaient pas. Même si ça devait être l’âpreté du caractère de sa déesse...

"-Je vous servirais, comme toujours.

-Je veux que tu ailles vers l'ouest du monde, au-delà des frontières connues du Nouveau Continent."

Théoden fronça les sourcils. C'était une curieuse coïncidence que la Grande Reine des Océans lui confie cette mission alors même qu'il commençait à monter son expédition pour ses propres raisons. Etait-ce que quelque chose liait les deux ? Que les dieux soutenaient son entreprise ? Il en vint à lui demander, après hésitation si elle avait quelconque intérêt dans le plan qu'il fomentait. Car après tout, les dieux savent toujours tout ! Bien sûr, Ariel n'en avait que faire de ses projets. Peu surprenant après tout. Il avait sans doute été présomptueux de sa part de s'imaginer qu'une déesse ait pu se pencher avec intérêt sur son existence.

"-Irais-je avec votre bénédiction ?" finit-il par demander.

"-Pas plus que d'habitude.

-Soit. Je prierais, comme toujours.

-Bien. Je te ramène à la vie ta blessure soignée. Débrouille-toi du reste.

-Je vous remercie, Majesté."

Ce fut sans doute ce moment là que choisit Ariel pour passer à l'action. Et comme lorsqu'elle renfloua le Wicked Wench, ce fut prodigieux ! Car aussitôt que la lueur de la déesse se fut estompée, chassée de nouveau par les ténèbres des flots il se fit un courant si puissant que Théoden fit happé brusquement vers le haut. Et son corps, comme fétus de paille se souleva en tous sens, roulant à gauche puis à droite. Et sa tête passa de haut en bas à une allure vertigineuse !
Finalement, la surface sembla se rapprocher. Et la promesse d'une grande et profonde bouffée d'air. Les plaies sur le corps du Capitaine se refermaient une à une, laissant les chairs et la peau lentement grignoter sur le vide béant de ses entrailles. Et plus il montait, moins il perdait de sang. Et plus il montait, plus il se rapprochait du soleil, et de la vie qu'il allait embrasser à nouveau. Né avec une détermination nouvelle.

Alors, derrière les yeux clos de Théoden se fit une lueur. Comme l'explosion soudaine d'un millier de couleurs et de sensations. Un tourbillon nouveau s'empara de lui. Une tornade qui trouva sa source dans son coeur qui repartit avec la violence de cent canons en batterie et qui souffla le moindre pouce de son être jusqu'au bout de ses doigts. Comme il se redressait brusquement, inspirant à pleins poumons une bouffée nouvelle d'un air des plus purs. Un air qui lui arracha les poumons et lui fit cracher sang et eaux pendant de longues minutes. Là, alors, le Capitaine pu regarder autours de lui. Le soleil était éblouissant ! Et le hurlement plaintif de dizaines de mouettes lui percèrent les oreilles jusqu'à lui faire tourner la tête.

C'était un bord de plage pourtant bien paisible. Une petite hanse de sable et de roche, à l'écart du vacarme de la Cité de Ray à pourtant seulement quelques minutes de là. Si proche que Théoden sembla surprit de ne voir ici personne. En tout cas personne de vivant ! Car il était retenu contre le sol par la pression de dizaines de corps. Les corps des derniers jeux. Apparemment, tout avait été rejeté à l'océan. Et à son tour, l'eau les avait recrachés là, le long de ces rivages solitaires. Les mouettes seules étaient présentes aux funérailles de toutes ces personnes.

Théoden du prendre un moment pour pouvoir s'extirper de sa couche morbide. Il sentit alors enfin son corps se mouvoir librement, enfin. Mais que restait-il de ses biens ? Ses bottes lui avaient été prises, lorsque son corps avait été ramassé au fond de l'eau. C'était en tout cas le plus probable. Ses idées quand au devenir de son corps depuis le naufrage de sa galère dans l'arène demeuraient terriblement floues. Son compas seul lui était resté. Normal après tout, il ne pointait pas vers le nord ! Il passa sans doute pour une babiole inutile, pour tous les yeux inavertis qui purent le contempler. Mais pas de sabre non plus. Lui, le cher ami de Théoden avait disparu pour de bon, sans doute avalé par les eaux. Et outre la peine qu'il en tira, il fallait bien avouer que le Capitaine aurait besoin d'une arme pour espérer survivre. Une arme et des protections.

Alors voici Théoden qui, quelques dizaines de minutes après son retour à la vie, se lança dans la fouille de cadavres. Par dizaines, il les retourna, les examina, les palpa et finalement, les rejetta à l'océan. Le butin fut maigre, mais bien là. Alors lorsque le jour tomba, il se trouva en possession d'un Khépesh en assez bon état, mais aussi d'une cape élimée d'une paire de bracelets de force et de grèves de bronze fendues. Théoden en profita pour raser son épaisse barbe, et couper de moitié sa longue chevelure poivre et sel. Autant que personne ne soit capable de le reconnaître. Après quoi, il abandonna là sa redingote trouée et s'en alla par les falaises, laissant derrière lui le charnier de ses compagnons martyrs et le souvenir de sa première vie.

Ray, cette nuit là, était toujours imprégnée de l'effervescence qu'avaient créés ces jeux. Les gens se saoulaient jusque dans la rue et la cacophonie de milliers d'airs de musiques se mélangeaient rendant les grandes artères aussi pénibles à emprunter pour l'étranger qu'une porcherie après une épidémie de diarrhée porcine.
En tout cas ce fut le sentiment de Théoden le Grave, sous sa sinistre cape. Car il entendait sans cesse le nom de la Princesse, à toutes les bouches. Au moins ce n'était plus la Rouge qui l'avait tuée. Mais la Merveilleuse !

"-Comme si me tuer pouvait la rendre Merveilleuse." grommela-t-il en retrouvant le chemin des quartiers des gladiateurs, à l'aide de son compas. Mais en chemin, il apprit la fâcheuse nouvelle. L'on disait que l'Elfe qui avait remportés les jeux dînait avec son Maître chez le Calife. Et Théoden ne pourrait pas s'inviter dans un palais sans meilleur équipement. Aussi fut-il contraint d'attendre, dans l'ombre, le retour de la carriole. Mais dans le noir et dans la fatigue, le Capitaine manqua le retour de Nynaeve. Et lorsqu'au lendemain il trouva la caserne vidée, il soupira. Il faudrait donc la traquer à travers le Continent.

Grâce à son compas et de solides jambes, Théoden pu rattraper en quelques jours le convois lent et lourd qui abritait la Princesse. Toujours à bonne distance, par soucis de discrétion, il le suivit donc jusqu'à une ville qui, après une paire de semaines finit par enfin se montrer. De fermiers locaux, le Capitaine apprit qu'il s'agissait du village de Kiya. Tant mieux, songea-t-il, il ne sera que plus aisé d'infiltrer la caserne des gladiateurs, sans hauts murs d'enceinte. Mais il faudrait attendre la nuit. Là alors, il passa à l'action...

Et comme l'endroit était gardé, il dû recourir à de nombreuses ruses pour s'y faufiler. L'on retrouverait sans doute quelques gardes ivres morts endormis à leurs tables. Mais pas la trace de celui qui leur aurait apportées leurs bouteilles empoisonnées à la faveur des ténèbres.
Toujours était-il que Théoden se trouva assez rapidement à l'intérieur. Il semblait se faire au jeu de l'infiltration, depuis peu. Alors quand il fallut étouffer le vigile qui faisait sa ronde devant les cellules des gladiateurs, le Capitaine le fit sans le moindre mal. Et il fallut vraiment tendre l'oreille pour que sa complainte étouffée puisse parvenir à qui que ce soit.

Après de longues recherches, il trouva finalement la bonne cellule. Il était passé devant celle du géant Borcha, qu'il reconnu sans mal. Il vit aussi Alid dans un coin, les jumelles, Johão... et enfin "la Merveilleuse" qui couchait dans une cellule bien plus somptueuse que les fois précédentes. Théoden ne fut pas surprit de la trouver levée, comme elle avait pu user de son ouïe fine pour entendre son approche.

Théoden n'oubliera sans doute jamais la tête qu'elle tira cette fois là, lorsqu'elle vit en lieu et place de simple malandrins apparaître l'homme qu'elle avait tué sans la moindre once d'hésitation et -apparemment- de remords. Plus blanche encore que d'habitude, elle prit un instant pour le regarder, ses yeux allant de son visage bien vif et rougit par la fraîcheur de la nuit et son torse nu qu'une simple cicatrice ornait à la place de la hampe de sa lance. Dans le noir, Théoden affichait une mine bien difficile à lire. Sans doute un demi sourire de défis, et de contentement. Comme après une petite farce entre enfants ! Mais ses yeux étaient lourds d'un certain reproches, vibrants d'une accablante vivacité à la lumière dansante des lampes à huiles.

"-Je...je croyais vous avoir tué." hasarda-t-elle finalement.

Mais l'on ne se débarrassait pas de l'Immortel Capitaine Théoden si aisément...
Mer 17 Fév 2016 - 19:50
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Dargor
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Nynaeve était étonnée de voir le capitaine devant elle, cela, elle ne pouvait pas le nier. Mais c’était une bonne nouvelle cela dit. Lui vivant, elle irait plus aisément retrouver sa mère. Pour le meilleur ou pour le pire. Pour le meilleur, du moins l’espérait-elle. Mais si vite ? Elle se prit à réfléchir. Voulait-elle tout de suite retourner chez sa mère ? Tout de suite quitter les arènes ? Nynaeve la Rouge, ou Merveilleuse, peu importait son véritable nom, au fond d’elle, lui hurla qu’elle avait encore soif de sang et de gloire. La princesse sourit. Encore quelques arènes. Cela ne ferait de mal à personne qu’elle attende un peu plus longtemps.

« On ne se débarrasse pas si facilement de moi ! dit crânement le capitaine. »

Il avait le droit de crâner pour le coup. Habituellement on ne se relevait pas du coup qu’il avait subi. Mais qu’il ne se réjouisse pas trop vite, songea Nynaeve. Elle l’avait déjà battu une fois après tout, elle pouvait le refaire s’il tentait de lui forcer la main. Elle mit du temps à réfléchir à ce qu’elle allait dire.

« Bien, dit-elle. C’est une bonne chose que vous ayez survécu, capitaine. Du moins je le suppose, et je continuerai à le supposer jusqu’à ce que vous m’ayez apporté une preuve du contraire, auquel cas je risque de moins bien prendre votre retour. »

Elle vit à son expression qu’elle n’avait pas dû choisir judicieusement ses mots. Elle pesta. Le but n’était pas de l’énerver, aussi l’empêcha-t-elle de répondre.

« Bien sûr, je me réjouis de ne pas avoir votre mort sur la conscience. Bien ! Je suppose que vous n’avez pas abandonné votre projet de me ramener chez ma mère ? Je vais être au regret de vous informer que jusqu’à nouvel ordre, j’y suis ouvertement opposée. Je veux rester dans ces arènes, je veux continuer à m’y battre. Je suppose que cela ne vous plait pas, mais mon choix est fait. Lorsque le temps sera venu, j’accepterai d’aller retrouver ma mère, car à terme, il est vrai que je souhaite aller me confronter à elle. Mais pas immédiatement. Et je vais vous demander de respecter ce souhait, capitaine. Il y a des choses que ces arènes peuvent m’apprendre, et je compte bien les apprendre avant de partir. Des choses que ma mère ne pourra jamais m’enseigner, parce qu’elle s’y refuse. »
Mar 1 Mar 2016 - 21:19
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Capitaine Theoden
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"-Voyez-vous cela.."

Un demi-sourire fendit le visage du Capitaine Théoden. Même maintenant, elle se permettait de dicter ses règles. Eh bien soit.
Oh, il avait déjà tenté de la retenir. Maintes et maintes fois dans le passé. Et même à force de discussion, elle restait campée sur ses idées de gloire et de meurtre. Alors il céda.

"-Je ne vous empêcherais pas de rester dans ces arènes Princesse."

A ces mots, le marin vit l'air de la jeune Elfe s'éclairer un peu. C'était sans doute du soulagement. Non, du contentement. Encore une fois, elle avait ce qu'elle voulait. Et dans son caprice, elle semblait certaine que lui, maintenant envoyé par la déesse allait se permettre de perdre plus encore de temps à arpenter des villages miséreux. Eh bien non, il n'en était plus question.
Alors Théoden lâcha les barreaux de la cage de Nynaeve et recula d'un pas.

"-Mais vous ne rentrerez pas chez vous à mon bord non plus."

Sans se départir de son sourire, Théoden remit la capuche de sa cape sur sa tête et jeta un coup d'oeil à l'entrée du couloir pour s'assurer que personne ne venait.

"-Vous allez devoir vous débrouiller pour trouver un navire et un Capitaine capable de vous ramener sur Teikoku. Vous avez tué votre dernier serviteur en ces terres. Je suis moi libéré de toute obligation vous concernant. Bien sûr, je suis revenu par égard pour votre mère. Maintenant je m'en vais, sans retour pour ces arènes misérables où vous semblez tant vous plaire."

Alors il recula encore et lui lança un dernier regard.

"-Bon vent, Princesse. Et si un jour vous revoyez votre terre, passez le salut de Théoden, Bolch, Korien, et de tous ceux qui sont morts à votre mère."
Mar 1 Mar 2016 - 21:54
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Dargor
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« Bon vent, princesse. Et si un jour vous revoyez votre terre, passez le salut de Théoden, Bolch, Korien et de tous ceux qui sont morts à votre mère. »

Le capitaine s’éclipsa sur ces mots, sans lui laisser le temps de réagir. Ce qui était sans doute tant mieux, car dans le cas contraire, elle aurait sans doute essayé de vérifier si son immortalité le sauvait à chaque fois. Elle était bien consciente que des gens étaient morts pour elle, et ne s’était toujours pas pardonné la mort de Korien. Il le savait. Et il exploitait sans vergogne ce point sensible. S’attendait-il à ce qu’elle le poursuive pour lui hurler dessus ?
Elle prit une grande inspiration pour se rendre maitresse d’elle-même. S’il s’attendait à cela, il serait bien surpris. Pas forcément agréablement, cela dit. Elle parvint à se maitriser pendant plusieurs minutes, juste assez de temps pour serrer les poings jusqu’à faire blanchir les jointures de ses mains, et hurler sa frustration. Un hurlement de rage pure, unique, qui dût réveiller une bonne partie du bâtiment.
Ceux qui avaient été réveillé par son cri n’allaient pas pouvoir se rendormir aisément, car à peine était-il fini qu’elle entreprit de saccager la pièce à l’aide du chandelier qui s’y trouvait. L’objet, plus solide que le reste de l’ameublement, lui permit de détruire des meubles qui n’avaient rien demandé, de lacérer les draps de son lit, répandant des plumes partout dans la pièce, et finit finalement par casser à force de se faire frapper contre le mur. Dans la chambre ainsi saccagée, elle s’assit contre un mur.
C’était stupide d’avoir fait ça, ça ne l’avancerait à rien, elle le savait. Mais il n’en demeurait pas moins que cela faisait du bien. Korien était un sujet sensible. Elle dût retenir ses larmes en pensant à lui. Elle l’avait admiré durant toute sa longue vie. Il avait été son mentor autant que son maître d’armes. Au fond d’elle-même, une voix lui murmurait qu’elle faisait honte à sa mémoire en se demandant si elle ne devait pas rejoindre le camp de ceux qui l’avaient tué, que ce soit un assassinat une guerre. Mais alors, la voix d’Asarith s’imposait. Dans une guerre, s’il avait choisi le mauvais camp, il était normal qu’il meure, n’est-ce pas ? Et elle, elle se retrouvait à réfléchir. Quel était le bon camp ? Korien, au final, lui avait beaucoup répété les enseignements de sa mère. Ceux-là même qu’elle remettait en question maintenant.
Mais à présent qu’elle en était là, elle réalisait que ce n’était pas sa mère qui avait fait d’elle ce qu’elle était aujourd’hui. Elle avait accordé foi aux enseignements de sa mère parce que Korien les lui avait répétés. Lui qu’elle admirait pour sa force et son talent aux armes. Sa mère, elle l’aimait et l’écoutait, mais elle avait toujours voulu lui ressembler à lui. Etre une championne, quelqu’un sur qui on puisse compter le jour du combat. Mais voulait-elle être la championne de sa mère ? Ou voulait-elle être celle d’Asarith ? Elle réfléchit longuement. Sa mère lui avait souvent dit que chaque individu était unique. Et Asarith, pour sa part, lui avait recommandé, sans doute le seul enseignement commun avec sa mère d’ailleurs, de faire ce que sa raison lui dictait. Korien aussi lui avait enseigné cela, de fait. Mais si sa raison à elle lui dictait de se rendre dans le camp de ses tueurs ? Etait-ce une trahison, ou non ? Sa mémoire, et cette question tout particulièrement, étaient les dernières choses qui l’empêchaient de rejoindre Asarith dans l’heure.
Puis arriva Alid, qui venait vérifier qu’elle s’était calmée.

« Le Maître compte sur toi dans les arènes demain, dit-il. Tu devrais te reposer. »

Elle ne lui parla pas de la visite de Théoden. Pas plus que de ses problèmes. Cela ne le concernait pas.

---

Elle était seule dans l’arène contre tous cette fois. Le Maître avait fait changer ses vêtements. En fait de robe verte, elle était désormais rouge sang uniforme. Et Beskha avait placé des sortes de peintures de guerre sur son visage. Elle sourit. En face, ils étaient cinq. Elle n’aurait aucun problème se à débarrasser d’eux. L’audience se tenait coite. Elle savait qu’elle avait beaucoup à faire pour ne pas les décevoir. Pour ne pas décevoir la réputation de tueuse rapide et efficace de Merveilleuse, ou Nynaeve la Rouge. Celle qui utilisait ce qu’on lui avait appris. Celle qui suivait sa propre voie, celle d’Asarith.
Elle éclata de rire durant le combat, alors qu’elle tuait ses ennemis. Oublié le capitaine Théoden ! Oubliés, toutes les interrogations de la nuit ! Ici, elle était elle-même. Ici, elle pouvait exprimer ce qu’elle aimait le plus. Et ce n’était même pas le fait de combattre, au final. C’était le fait de tuer ses ennemis. Dans l’arène, elle savait qui était l’ennemi, contrairement à l’extérieure, voilà pourquoi elle s’y sentait si bien. Dans l’arène, il n’y avait pas de mère, pas d’Asarith. Rien qu’elle, sa lance, et la personne dont les jours devaient prendre fin. Voilà ce qu’elle devait être.
Et sa mère prétendait l’en priver ? Korien lui-même ne lui avait jamais dit que tuer était mal. En fait, en y repensant, elle se disait qu’il n’avait jamais rien dit qui soit explicitement en désaccord avec ce que disait Asarith, si on jouait un peu sur certains mots. Elle tirait certainement trop la corde en faveur de son oncle en pensant cela, mais au final, n’était-ce pas lui qui avait raison ? Et ne devait-elle pas choisir selon sa raison ?

Et en cet instant, sa raison lui disait d’écouter son public. Elle pouvait l’entendre, alors qu’elle levait sa lance au-dessus de sa tête. Elle pouvait l’entendre scander son nom.

« Merveilleuse ! Merve…
-INSECTES MORTELS ! VOUS AVEZ OSE EVEILLER MA COLERE ! VOTRE ARROGANCE SERA CONSUMEE DANS MES FLAMMES ! »

Elle sortit instantanément de sa transe. Un silence accueillit la voix rugissante qui avait menacé des centaines d’humains. Puis tous le virent se poser sur le bord du cirque, le faisant trembler sous son poids, et écrasant des dizaines de vies sous ses pattes. Nynaeve connaissait ces bêtes, pour en avoir souvent vu des représentations, sur Teikoku. Sa mère l’avait longuement entretenue de la sagesse des dragons, de leur majesté, et de leur toute puissance. De fait, la bête qu’elle avait au-dessus d’elle rayonnait littéralement la puissance et la majesté. Mais ses propos n’étaient pas ceux d’une personne sage, songea-t-elle.
Le dragon était sans nul doute la bête la plus grande qu’elle n’ait jamais vu. Elle se surpris à le comparer en taille au navire du capitaine Théoden, le Seigneur Emeraude. Non, c’était une mauvaise comparaison. Il était bien plus grand encore, cela était clair. Deux fois plus grand, si ce n’était plus. Ses écailles étaient rouges comme sa robe. Comme le sang. A quatre pattes, il observait les humains en-dessous de lui de ses jeux jaunes lumineux. Elle n’eut pas le loisir de l’observer plus que cela. Car à peine s’était-elle fait ces réflexions qu’il se leva sur ses pattes arrières, déployant ses ailes derrière lui, et d’une impulsion, décolla du cirque. Puis il cracha dessus. Et ce fut le chaos.

---

Instinctivement, Nynaeve avait pris la direction des caves, pensant s’en sortir plus aisément. Mais le souffle du dragon avait mis le feu au cirque dans son entier, et l’incendie s’était propagé plus vite qu’elle ne l’aurait cru. Elle paniqua quelques instants, avant de respirer un grand coup. Korien lui avait enseigné de garder son calme dans ce genre de situations. Ce n’était pas le moment de faire comme cette nuit. Elle devait gagner la sortie. Elle savait où la trouver, ce ne serait pas dur. Dans les couloirs, elle trouva les jumelles. Maria et Marina, elles aussi cherchaient la sortie. Elles la suivirent, comprenant qu’elle semblait savoir où elle allait. Nynaeve pesta intérieurement. Elle n’était pas là pour materner ces deux enfants, mais pour s’échapper !
Heureusement, la porte de sortie apparut devant elle avant que la chaleur ne devienne trop intense. Le bruit autour d’elle laissait penser que le cirque risquait même de s’effondrer, de tomber… Tomber… La porte ! C’était une herse, et le mécanisme semblait abimé par la chaleur. Elle se précipita. Et c’est de justesse qu’elle parvint à se glisser avant que la herse ne s’abatte en silence derrière elle, la séparant des jumelles. Ces dernières, elle put le voir, gagnèrent le mécanisme d’ouverture… Mais il était impossible de maintenir la herse en position ouverte. A voir la façon dont elles se regardaient, Nynaeve sut qu’aucune n’avait envie de laisser sa sœur derrière elle. Elles ne réalisaient pas ce qui les attendait si elles restaient ici.

« Qu’une d’entre vous lâche ! hurla Nynaeve. »

D’instinct, Marina obéit. La brune, celle qui était supposée être la méchante dans l’arène. Maria lui fit signe d’y aller. Aussitôt, Marina sortir. Maria tenta bien d’être plus rapide que la porte, mais c’était sans espoir. Nynaeve les laissa à leurs lamentations. Elle n’avait pas l’intention d’être prise dans l’effondrement du cirque qui allait inévitablement arriver. Marina dût en arriver à la même conclusion, car derrière elle, elle écourta les adieux à sa jumelle et au bord des larmes suivit Nynaeve.

---

Le Maître était dans ses plus beaux atours. Il les avait pris spécialement quand il avait vu le dragon arriver. Depuis son bureau, une ouverture dans le mur lui permettait d’apercevoir le cirque à travers une vitre teintée pour figurer la pierre. Tout s’effondrait, car le cirque appartenait à une ville trop pauvre pour s’offrir un édifice complètement en pierre. Aussi, privé du bois qui le composait, il ne pouvait tenir. Ainsi, il allait partir comme cela. Il avait prévu de ne pas quitter les lieux quand l’incendie avait commencé. Il n’en avait pas la force. Un bruit de canne signala la présence de quelqu’un derrière lui. Il n’eut même pas besoin de se retourner.

« Beskha ? demanda-t-il. Tu n’es pas partie avec les autres ?
-Je crois que gambader, c’est plus trop dans mes cordes, dit-elle en soulevant sa canne alors qu’elle arriva à son niveau. Y’a plus moche, comme façon de partir, je suppose.
-Y’a plus moche, comme tu dis. Mourir tué par un dragon, c’est même légendaire, d’après certains. Au final, que sont les humains face à de telles forces de la nature ?
-Et toi, pourquoi tu pars pas ?
-C’était un projet qui me dépassait tellement, tout ça, dit-il en désignant l’arène. Le sens de ma vie, envoyer d’autres gens à la mort pour le plaisir d’une foule. Au final, je m’étais attaché à ces spectacles. J’avais l’impression d’être utile quand la foule m’applaudissait. Mais l’existence sur Ryscior est, je le crains désormais, plus grande que simplement profiter de la vie.
-En profiter est aussi une bonne philosophie, dit-elle. On ne peut pas tous changer le monde.
-Je suppose. Peut-être que… »

Un craquement l’interrompit. Et il ne put jamais finir sa phrase.

---

Dehors, le chaos régnait plus encore que dedans. Il n’avait pas fallu longtemps au dragon pour réduire en cendre des tours de travail. La cité se vantait du temple qu’elle avait dédié à Ariel, temple qui datait de plusieurs millénaires, à en croire les habitants. Quel que soit son âge, les flammes du dragon l’avaient consumé en quelques minutes. Et elles dévastaient désormais toute la ville. Quant au dragon lui-même, il volait en cercles au-dessus de cette dernière, et crachait de temps à autres des flammes là où il estimait que le feu faiblissait.
C’est dans cet incendie, et dans la panique qu’il déclenchait, que Nynaeve cherchait à gagner la sortie. Elle et Marina furent rejointes par Anita, qui se mit à courir devant eux. Elle aurait dû rester derrière, songea Nynaeve quand le dragon passa au-dessus d’elles. Car à cet instant, par jeu peut-être, il souffla en plein sur la jeune femme qui menait le trio. D’Anita, il ne resta rien, car la chaleur éclata même ses os. Rien qu’une silhouette sur un mur noirci derrière elle. Une vision terrifiante.

« Marina ! Nynaeve ! »

C’était Alid. Accompagné de Johão. Les deux gladiateurs allaient d’abri en abri, cherchant à éviter de mourir. Ils furent heureux de les voir vivantes, toutes deux. Lorsqu’Alid lui demanda où était sa sœur, Marina s’autorisa à pleurer, comme si l’incendie qui faisait rage autour d’eux n’existait plus. Puis soudain, elle dénonça Nynaeve.

« C’est elle qui m’a forcé à lâcher ! hurla-t-elle en la désignant. »

Nynaeve la Rouge refit surface, et saisit la jeune fille à la gorge, un air féroce, prêt à tuer, inscrit sur le visage. Alid s’employa à les séparer, mais il était désarmé, et il n’avait pas la force pour le faire seul.

« Je t’ai donné ce conseil pour que tu sauves ta petite peau, dit-elle en la regardant. Je n’ai jamais demandé à ce que toi, ou Anita, ou ta sœur, vous me suiviez d’accord ? Alors si tu veux continuer à m’accompagner, tu le feras selon mes règles, ou je te jure que je te vide comme un poisson. Est-ce clair ? »

Elle n’eut pas de réponse. Johão était intervenu, et avec Alid, ils étaient assez forts pour la décrocher de Marina.

« Je n’ai besoin d’aucun de vous trois pour survivre ! dit Nynaeve. Je n’ai jamais eu besoin de personne. Allez donc, et mourrez comme bon vous semble dans cet enfer ! Pour ma part, je retourne en Oro ! »

Une main se posa sur son épaule. Une main douce, parfumée. Une main de jeune femme. Sans y réfléchir, elle envoya un coup de coude dans la personne qui l’avait touchée, la sonnant un peu. Ladite personne était une jeune femme brune. Pas une ramienne, à en juger par sa peau claire, ses cheveux laissés aux vents, et ses vêtements d’étrangère. Une robe de soie orange, d’une seule pièce. Une broche dorée dans les cheveux. Elle se tenait le menton, qui avait l’air d’avoir encaissé tout le choc.

« Quoi encore ? lui demanda Nynaeve, quand elle eut reprit ses esprits.
-Je crois, dit l’étrangère, que je dois vous contrarier, princesse. C’est votre mère qui m’envoie. Mon nom est Demoiselle Cassandra Renrin. Et j’ai pour mission de vous retrouver, vous et le capitaine Théoden, et de m’assurer qu’il puisse vous ramener saine et sauve à Teikoku, en revenant vivant et bien portant lui aussi. »

Nynaeve chercha d’instinct sa lance. Cette femme ne l’empêcherait pas…

« Je suis l’élue de Lothÿe, dit la dénommée Cassandra Renrin. »

Le bras de Nynaeve tomba. Lothÿe était un dieu sage, de cela elle était sûre. Il n’aurait pas choisi une imbécile comme élue. Et une imbécile ne servirait pas aveuglément sa mère. Il y avait cela, et puis il y avait la puissance inhérente à cette déclaration. Si elle était vraiment l’élue de Lothÿe, alors dans ce gigantesque brasier, il était illusoire de la défier.

« Je vois que nous nous entendons, dit-elle en souriant. Suivez-moi. Je sais où se trouve le capitaine Théoden, et je préfère quitter la ville avec tout le monde plutôt qu’en petits groupes. »

Elle désigna les gladiateurs.

« Vous pouvez également venir, si cela vous sied. Je ne compte pas vous laisser mourir ici. »

Puis elle ouvrit la marche, ignorant le brasier autour d’eux. Quand les flammes se faisait trop intense, elle les calmait en levant le bras, pour protéger le groupe qu’elle escortait. De temps à autre, elle aidait des ramiens dans le besoin. Mais globalement, la panique était trop grande pour qu’elle ne puisse se mêler de tout. Puis finalement, ils trouvèrent le capitaine Théoden.

« Comment saviez-vous… demanda Johão, alors que Théoden et Nynaeve se défiaient du regard.
-Les flammes sont l’œil de Lothÿe, dit Cassandra, et je suis son élue. »

Puis elle se dirigea vers le capitaine Théoden.

« Messire, dit-elle. Je suis mandatée par la reine des elfes blancs, que je crois, vous servez également. Souhaitez-vous que nous nous présentions ici, ou dans un contexte plus favorable ? »
Jeu 10 Mar 2016 - 0:22
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Capitaine Theoden
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Théoden s'était trouvé soufflé comme un fétus de paille lorsque l'auberge qui devait l'abriter pour la nuit vint à exploser. Et le choc fut violent, ça oui. Car non content de passer à travers une fenêtre close, le Capitaine fut reçut depuis l'étage contre la façade de bois du bâtiment d'en face avant de retomber épaule en avant en plein dans la boue épaisse de la rue.
Il se passait quelque chose. Mais ça, l'homme ne le réalisa qu'après quelques instants, sonné par sa chute de quelques mètres. Des gens couraient en tous sens, terrorisés. Et au dessus de leur tête, au dessus du chaos et de ce qui ressemblait de plus en plus à une attaque, Théoden vit de grandes ailes pourpres. Il vit une gueule béante jetant par tornades entières des volutes de flammes affamées, dévorant tout ce qu'elles touchaient dans un fracas assourdissant. Le feu engloutit tout. Etales, façades, toitures, personnes... même les hurlements furent noyés dans cet enfer qui se déchaînait brutalement !
Alors Théoden se remit prestement sur pieds et vit d'un coup d'oeil que l'établissement d'où il comptait envoyer quelques lettres et préparer son voyage vers la côte brûlait avec intensité. Il n'y aurait rien de plus à tirer de là. Pas même des survivants !
Il jura. Cette créature qui les attaquait, il ne la connaissait pas. Et en l'absence de son sabre il ne se sentait pas le courage de l'affronter, aussi folle que puisse être cette idée. Alors le Capitaine se mit à courir aussi entre les îlots de survivants sonnés, entre les éboulis incandescents. Et avant même que ses yeux ne le préviennent du danger, ses jambes le déportèrent sur la droite dans une ruelle encore épargnée par le feu. Ce fut juste à temps, comme de brusques volutes de flammes vinrent souffler la rue qu'il venait tout juste de quitter après un passage de leur assaillant surprise. Et il courait, il courait. L'apocalypse qui se déchaînait lui fit oublier les arènes où se trouvait sans doute Nynaeve. De toute façon, songea-t-il, il ne lui devait plus rien. Et elle pouvait bien mourir désormais. En revanche, il avait lui une mission divine. Une mission qui le fit repartir vers l'Ouest dès que sa ruelle fut quittée. Mais avant d'atteindre les océans, Théoden réalisa qu'il devrait voguer sur ce qui semblait être une mer de flammes et de destructions. Car du haut de la petite place sur laquelle il s'était trouvé, l'on pouvait voir en contrebas toute l'étendue du désastre. Et ce si beau temple qu'il avait un jour visité venait tout juste de se faire éventrer par les abysses démoniaques qui se saisissaient de la terre. Une statue massive d'Ariel s'y effondra en grand vacarme, emportant avec elle une foule hurlante. Et quelques prêtres. Dans les rues, il ne se trouva vite plus rien de vivant. Les rares personnes qui bougeaient encore semblaient être celles qui essayaient de se débarrasser du feu qui les embrasait. Et là, même leurs lamentations n'y firent rien. Il sembla que les dieux restèrent une fois de plus silencieux. Et le ciel fut aussi vide de nuages que leur coeur de pitié. Aucune pluie n'interromprait ce massacre, c'était certain.
Un hurlement dans le ciel tira Théoden de sa contemplation. Et comme une ombre noire fondait depuis ses arrières sur la cité, rugissant sa rage, il fut contraint de sauter le muret qui le séparait des faubourgs de la ville. Derrière lui, un nouveau souffle ardent vint à réduire en cendre une autre des places de l'acropole. Celle là même sur laquelle le Capitaine se tenait quelques instants plus tôt. Il lui devenait évident que rester statique était synonyme de mort.
En contrebas, il ne fut accueillit que par la toiture plate d'une basse maison. Et alors qu'il roulait dans la poussière pour éviter de se briser une cheville, Théoden sembla voir à travers la fumée tous les toits devant lui comme autant de petits îlots qu'une tempête viendrait baloter et se faire s'entrechoquer brutalement.
Alors il se releva et courut. Il jeta toutes ses forces dans sa fuite, et sauta d'une enjambé la ruelle qui le séparait du toit d'en face. Dans les cieux, maintenant gorgés d'une épaisse fumée noirâtre, l'on pouvait toujours distinguer la noire silhouette du dragon. Alors, à travers de véritables boules de flammes, Théoden se pressa. Il dû quelques fois sur se jeter sur le côté, alors qu'un toit s'effondrait sous ses bottes et s'ouvrait sur un brasier avide de chair. Des tourelles s'effondraient en tous sens autours de lui et jetaient encore d'avantage de fumée sur le Capitaine qui se protégeait le visage d'un revers de sa manche.
Mais une fois, alors qu'il franchissait une épaisse brume de jai, Théoden s'aperçut qu'il ne se trouva devant lui que la haute stature d'un bâtiment plus haut que le sien d'une paire d'étages ! Mais, sentant sur ses talons le rugissement des enfers l'appeler, il lui fut impossible de s'arrêter. Alors il pressa jusqu'à l'essoufflement ses jambes et avala en un instant chaque pouce de terrain qui le séparait du bord du toit. Alors, il sauta. Et il sauta de toutes ses forces ! Tant et si bien que, épaule en avant, il fut jeté si brusquement contre le mur qui lui barrait le chemin qu'il en passa au travers et se trouva plaqué contre un plancher épais.
A l'intérieur, tout le monde avait déjà périt. Une épaisse fumée, montant des étages inférieurs serpentait à travers des interstices entre le bois du plancher. L'asphyxie. C'était elle qui avait emportées les familles qui vivaient là, avant même que les flammes ne les atteignent.
Théoden se résolu à ne pas finir comme eux. Il bondit sur ses jambes, en massant son épaule endolorie et vit avec stupeur que si il n'avait pu passer le mur de la maison, ce n'était que parce que le bois et la chaux qui le composait était déjà rongé de l'intérieur par des serpents de flammes. Il s'empressa de se débarrasser de sa cape, bien entamé par le feu et se lanca à travers ce qui ressemblait à un salon vers un escalier pour tâcher de gagner une sortie.
Mais là où aurait dû se trouver son ticket de sortie, Théoden ne trouva qu'une pièce effondrée, et après quelques marches, le vide. Le vide donnant sur le rez de chaussée déjà ravagé par le dragon. Le feu, même, avait tellement grignoté les poutres à la base de la maisonnée qu'il sembla que tout le bâtiment se mit à trembler, dangereusement. Une main sur le visage, le Capitaine fit donc volte face et retourna dans le salon en faisant de son mieux pour s'éviter des chutes de bois ou de se trouver happé par un trous dans le plancher.
Sa sortie, il ne la vit à travers la fumée qu'en la place d'une fenêtre qui donnait sur un semblant de balcon. Mais à cette hauteur, il était illusoire d'espérer atteindre sans dommage le sol de la rue. D'autant qu'il était déjà encombré de débris ardents et de volutes de flammes !
Il fallait trouver le moyen de remonter sur ces toits. Et une nouvelle secousse, renversant le mobilier de l'étage pressa Théoden qui tira son khepesh en voyant au dessus de sa tête l'épaisse silhouette d'un câble qui plongeait à travers la place devant lui vers un autre bâtiment. Un élan plus loin, il enjambait la rembarde du balcon et plongeait en tendant les bras vers le fil de sa survie. Son khepesh, à larme courbée, fit à merveille office de tyrolienne. Et alors même qu'il retombait vers l'abysse, Théoden fut retenu par son câble et commença à glisser à travers la place au dessus de ce qui ressemblait à un groupe de rescapés. Un instant, il lui sembla voir la silhouette de la princesse. Mais l'effondrement de la maisonnée derrière lui, celle-là même qui tenait son câble le fit vaciller. Et à quelques mètres au dessus du sol, sa tyrolienne céda, le jetant droit sur le bois épais d'une devanture de boutique. Alors, pour se sauver d'une chute mortelle Théoden renversa sa prise sur son khépesh et, rugissant sous l'effort, il le plongea dans les planches sur lesquelles il était projeté. Un nouveau choc violent. Et la vitesse, avec la force qu'y mit le Capitaine fit céder le bois. Mais la réception fut si violente que Théoden se trouva sonné juste assez longtemps pour lâcher prise et se trouver jeté sur le pavé de la place. Juste sur le passage du petit groupe qu'une étrangère semblait guider.

Relevé, le visage noircit par les cendres, Théoden détailla ces gens qui s'approchaient. A leur tête, il reconnu une de ces robes en vogue dans l'Empire d'Ambre. Et comme il semblait que cette jeune femme se faisait obéir des flammes..
A un âge apparemment si jeune, elle ne saurait posséder une telle Maîtrise de la magie, c'était évident. Un souvenir lui revint donc, presque deux décennies auparavant. Elle s'avançait, comme ce jour là dans le palais de la Capitale de l'Empire d'Ambre. Et la voix du héraut lui revint, annonçant...

"-Vous devez être Cassandra Renrin !" s'écria-t-il, alors même qu'elle semblait lui raconter quelque chose.

Vue la tête qu'elle faisait, et comme il devait lui avoir coupé la parole à cause de son étourdissement, il devina qu'il avait vu juste. Alors il ajouta.

"-Et vous semblez me connaître. Nous discuterons lorsque nous serons loin de cet enfer, suivez-moi ! Je vais nous trouver un chemin."

En le suivant, Cassandra lui demanda si ils se connaissaient. Et comme Théoden fixait son regard sur le compas dans sa main, elle s'attacha à lever les barrières de flammes qui tombaient sur leur chemin. Ils purent progresser relativement vite, suivis de la Princesse qu'il ignora après un unique regard échangé avec elle. Derrière, les gladiateurs survivants, pris par la stupeur de voir le Capitaine de nouveau en vie ne disaient rien.

"-Je vous ai vue une foi à la cour de l'Impératrice , dans l'Empire d'Ambre.

-J'ignorais que vous y aviez déjà été reçu.

-Ne faites pas attention à mon apparat du moment."

En quelques minutes, pourtant interminables, Théoden guida le groupe vers la porte Ouest de la ville. De toute façon, si il y avait eu un jour des remparts, ils avaient déjà été consumés. Et une fois le feu étouffé par les pouvoirs de Cassandra, il fut aisé de passer et de s'éloigner de la cité, devenue brasier.

Tout le monde soupira, une fois à une certaine distance du feu. Il y avait peu de survivants, ce qui était peu étonnant en soi. Une bonne partie de la ville devait se trouver dans les arènes lorsque le dragon était passé à l'attaque. Il y eu un instant, pendant lequel l'on respira, l'on s'appuya sur ses genoux, l'on se soutint. Mais le repos fut de courte durée. Car devant eux, une ombre épaisse se posa dans un nuage de poussière et un vacarme assourdisssant.
Le dragon était là. Et avant que quiconque ait le temps de frémir, paralysé par la monstruosité de la créature sa voix, grave et profonde s'éleva pleine de rage.

"-MISERABLES MORTELS, VOUS AVEZ CRU POUVOIR ECHAPPER A MA COLERE ?"

Cassandra fut la plus rapide d'entre eux, lorsqu'une nuée de flammes bleutées vint à surgir de la gueule béante de la bête. Se dressant comme un rempart entre le feu et les gladiateurs rescapés. Les mains levées, sa robe soufflée derrière elle par volutes entières, elle se campa là et devant eux, le tourbillon incandescent du dragon vint à se tordre, à se déformer et à finalement passer tout autours du groupe. Sous cette coupole de flammes, Théoden n'eut alors plus d'yeux que pour Cassandra qui déjà serrait les dents pour ne pas céder de terrain. Elle était, dans ce spectacle de destruction comme une déesse venue les sauver.

Peut-être les dieux n'étaient-ils pas totalement sourds alors.

Il fallut à l'Elue redoubler d'efforts lorsque, frustré par son échec, le dragon reprit tout son souffle et cracha une nouvelle fois ses nuées mortelles. Plus vif encore que la première fois, le feu sembla se heurter à la magie de Cassandra comme une vague sur la coque d'un navire. Et elle plia un instant les genoux, pour accuser le choc. Prodigieux. Elle était prodigieuse. Plus encore que Nynaeve, au summum de sa splendeur.

La bête, rugissant de rage jeta sur le groupe un souffle de haine avant de se dresser sur ses pattes arrières. Menaçant le groupe de toute sa hauteur, il jeta sur eux son ombre. Cassandra, essouflée, fut soutenue par Théoden avant qu'elle ne s'effondre. Mais elle le rejeta sur le côté lorsque le dragon retomba brusquement sur ses griffes, faisant trembler le sol. A nouveau, des volutes hurlantes de flammes jaillirent de sa gueule. Mais le choc fut si violent, lorsque la boule de feu se heurta à la défense de l'élue qu'elle fut projetée en arrière !
Et la créature, sentant que son feu ne trouva guère de résistance eut un rire lugubre, en s'envolant. Persuadé de sa victoire.

La nuit tomba peu après, sur les ruines embrasées du village. Et la bête, maintenant loin, ne se doutait pas qu'il laissait derrière lui un groupe de survivants...
Jeu 10 Mar 2016 - 11:26
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Dargor
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Le Maitre de l'Intrigue
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Deux des gladiateurs étaient partis. Tant mieux, pensait Nynaeve. Plus elle se tenait éloignée de ces deux-là, mieux elle se portait. Alid et Marina avaient dit vouloir chercher d’éventuels gladiateurs encore en vie dans la cité en ruines. Grand bien leur en fasse, ils n’en trouveraient pas, et elle le savait. Mais s’ils avaient envie de s’attarder sur les ruines du passé, c’était leur problème. Et il n’avait aucune importance une fois comparé à son problème à elle, qui prenait en apparence l’innocence d’une femme évanouie.
Elle ricana à cette pensée, en l’observant. L’élue de Lothÿe, évanouie pour avoir lutté quelques instants contre les flammes d’un dragon. Parmi les mages elfiques, elle pouvait en citer des qui aurait fait la même chose sans dormir pendant des journées entières après. Car après quatre jours de voyage, l’élue ne s’était toujours pas éveillée ! Elle inquiétait d’ailleurs Johão et Théoden, qui constataient que la jeune femme ne pouvant s’alimenter dans son inconscience, maigrissait terriblement. Aux yeux de Nynaeve, c’était plutôt une bonne nouvelle. Après tout, si elle mourrait d’inanition dans son coma, elle serait libre. Car elle était prisonnière. Prisonnière de l’éventualité dans laquelle cette jeune femme se réveillerait. Cette élue avait pour mission de la ramener à sa mère, et elle pourchasserait donc Nynaeve où qu’elle se cache. Asarith pourrait-il la protéger ? Nynaeve l’ignorait. Elle pensait qu’il le pouvait, mais aussi qu’il n’apprécierait certainement pas qu’elle lui ramène une élue de Lothÿe déchainée à ses trousses.
Un soir que Johão dormait, laissant Théoden et elle-même seuls éveillés autour de leur feu de camp, elle fit part de ces sentiments au capitaine, qui lui rit au nez. Cela ne l’affecta pas. Elle n’avait pas besoin du soutien de cet humain. Ce dont elle avait besoin, c’était d’être libérée de cette élue. De s’assurer qu’elle meure avant de l’avoir fait prendre la mer pour Teikoku. Elle en fit également part au capitaine. Ce dernier prétendit que les forces du destin l’en empêcheraient. Nynaeve rit, et s’arma. Etait-ce le destin ? Lothÿe veillait-il sur son élue ? Toujours était-il que c’est à cet instant précis que cette catin s’éveilla. Nynaeve estima rapidement ses chances de victoire. En présence d’une élue divine, même affaiblie, elle en ignorait tout. Elle préféra ne pas prendre de risques, et écouta plutôt la pathétique conversation qui s’engagea entre l’élue et Théoden.

---

La tête de Cassandra tournait, et s’asseoir fut pour elle une épreuve. Elle avait mal. Elle avait faim. Elle avait froid. Alors que les deux étrangers à côté d’elle semblaient discuter de quelque chose la concernant, elle essayait de savoir où était-elle. De rassembler ses souvenirs récents. C’était confus. Lothÿe lui avait confié une mission. Quand elle repensa à cela, tout se précisa petit à petit, lui causant des maux de tête qui la forcèrent à la prendre dans les mains. Elle revit le visage des personnes qu’elle était allée chercher. La cité en flammes, et le dragon.
Elle avait vaincu un dragon en duel !
Elle avait à peine le temps de réaliser cela que le capitaine vient s’occuper d’elle. Il s’assura qu’elle allait bien et lorsqu’elle en exprima le besoin, lui donna de quoi manger. Elle lui demanda son nom, n’arrivant pas à le trouver. Il lui fit remarquer qu’elle le connaissait pourtant, vu qu’elle l’avait utilisé dans la cité. Elle ne parvint toutefois pas à s’en souvenir. Le monde autour d’elle tanguait. Plusieurs fois, quand elle tenta de porter la nourriture à sa bouche, son bras passa à plusieurs centimètres de sa tête. Tout allait mal. Et elle était si fatiguée…
L’elfe, à côté, la princesse plutôt, ne l’aidait pas, par sa méchanceté gratuite et l’acidité de chacune de ses interventions. Lorsqu’elle fit référence au fait que de nombreux mages auraient tenu tête au dragon sans dormir pendant quatre jours après, Cassandra baissa la tête, les larmes aux bord des yeux. La fatigue peut-être, accentuait l’impact des remarques de la princesse, et celle-ci le voyait très bien, et en tirait parti. Même si le capitaine lui dit bien de l’ignorer, Cassandra ne put le faire. Elle se sentit honteuse de sa faiblesse, et prit conscience du temps qu’il lui faudrait pour récupérer … Puis pour progresser.
Elle l’entendit au loin lui dire de l’appeler Théoden. Elle avait gagné ce droit en lui sauvant la vie. Mais sa voix était lointaine, car déjà, elle sentait le vide l’appeler.

---

Nynaeve observa sa geolière se rendormir, après un bref éveil, avec un certain plaisir. Si le capitaine lui avait tenu la conversation pendant une longue heure, cela avait été difficile à entendre pour elle. Les mièvreries de l’élue, liées à la soudaine douceur du capitaine qui habituellement était sec, l’avaient franchement énervée.
Et c’est énervée qu’elle continua le voyage vers Vindex, avec le groupe. Prisonnière d’une élue qui se réveilla de plus en plus souvent, et de plus en plus longtemps. Elle retrouva peu à peu sa santé, et même si elle reprenait lentement du poids, il était clair qu’elle serait bientôt dans son état normal. Physiquement, car mentalement, tout alla rapidement mieux. Elle cessa d’avoir des troubles de mémoire, et se montra détendue et souriante. Elle voulait s’affirmer comme le moyen de garder le sourire au sein du groupe, et s’entendit particulièrement bien avec Johão et Théoden. Mais pas avec Nynaeve.
Un soir que le groupe était dans une auberge pour passer la nuit, la dernière sans doute avant Vindex, Cassandra parvint pour la première à établir un semblant de conversation avec Nynaeve. Rien de concluant cela dit. Nynaeve lui fit bien savoir qu’elle n’avait pour elle que du mépris.

---

Cassandra était malheureuse pour la princesse. Elle avait fini par comprendre qu’elle haïssait sa mère pour quelque chose. Et cela, pour l’élue, était inconcevable. Ayant été élevée dans les champs, elle avait toujours apprécié le courage de sa mère. Et s’il y avait quelque chose à faire pour ne serait-ce que la revoir, elle était prête à le faire, peu en importait le prix. Et elle voyait la princesse haïr la sienne. Elle tenta de lui faire comprendre la valeur du pardon, mais Nynaeve, pour toute réponse, la gratifia d’un regard noir.
Cassandra était au désespoir. Cette situation l’affectait particulièrement. La figure maternelle était pour elle d’une extrême importance, et même adulte, même avec sa véritable mère morte, l’élue continuait à chercher celles qui pourraient faire office de figure maternelle pour elle. En l’occurrence, l’élue d’Ohiel. Mais la jeune princesse elfique devait pardonner à la sienne. Cassandra s’en fit un devoir. Elle devait lui faire comprendre la valeur du pardon.
Il y avait des musiciens dans l’auberge, qui jouaient de ces airs mélancoliques et atmosphériques de Ram, lentement, sur leurs instruments. Elle leur demanda s’il pouvait jouer la légende Nassid le Parfait. Cette requête les étonna, en vérité, car une telle légende leur prendrait des heures à jouer en intégralité. Elle les paya. Et demanda à Nynaeve d’écouter la légende en son entier. Elle connaissait cette histoire. Elle était à la fois horrible et belle, mais enseignait la valeur du pardon.

Au commencement étaient deux jeunes frères, Nassid et Nasser. Nassid était l’ainé d’un tour. Tout lui souriait. Il était sage, bon, généreux, et doué dans tout ce qu’il entreprenait. Son père n’avait d’yeux que pour lui. Nasser, lui, avait tué leur mère en venant au monde. Et pour cela, son père le haïssait. Nasser était régulièrement battu, et les coups le rendaient apeuré et maladroit. Il se mit à envier Nassid son frère, qu’il surnomma Nassid le Parfait. Mais Nassid essayait par tous les moyens de lui faire oublier cette envie, allant même jusqu’à rejeter sur lui-même la faute lorsque leur père reprochait à Nasser quelque chose de mal. Mais rien n’y fit.
Un jour que Nasser voulait montrer qu’il valait autant que Nassid, maladroit et apeuré comme à son habitude, il se précipita beaucoup trop, et mit par accident le feu à la maison familiale. Suite à cela, son père le chassa du domicile, malgré les supplications de Nassid. Nasser se retrouva à mendier dans la rue, mais même les mendiants ne voulurent pas de lui. Alors, il s’en alla trouver la mort dans le désert. Dans ce dernier, il tomba sur un djinn, les fées vivant dans le désert. Cette dernière était, dit la légende, une noire fée poussée par des intentions mauvaises. Elle donna de grands pouvoirs à Nasser, pour qu’il puisse se venger.
Nasser adopta alors, dit la légende, le pouvoir de changer d’apparence, et alla trouver son frère. Il fut d’abord pour lui un ami. Puis il changea d’apparence et devint un serviteur. Puis il changea à nouveau, et l’approcha en tant que marchand. Et ainsi alla leur vie, pendant de nombreux tours. Nasser observait Nassid, préparant une vengeance durant toute sa vie. Une vengeance brutale. La plus terrible possible. Nassid, de son côté, se maria, eut deux fils et une fille. Il se lança dans le commerce et devint riche. Sa sagesse et son érudition étaient réputées par-delà les frontières du sultanat, et les plus grands demandaient ses conseils en affaire, tout comme les plus pauvres demandaient à être éclairés de sa sagesse. Les deux, il n’hésitait pas à les pourvoyer, et régulièrement, il donnait des repas aux affamés, car il était bon et généreux.
Un jour, cet homme bon et généreux vit un jeune voleur de l’âge de ses enfants se faire poursuivre par les gardes. Un mendiant, assit contre un mur, fit de son bâton un obstacle qui fit tomber l’enfant, le condamnant à être rattrapé par les gardes. Nassid le sauva du châtiment qui l’attendait et le recueillit en sa maison, l’élevant comme son propre fils. Si sa fille accepta ce frère nouveau et le traita avec bonté, ses deux fils furent très vite jaloux de ce mendiant. La mère, quant à elle, n’eut pas le temps de penser, car une mauvaise fièvre l’emporta. Ainsi fut l’adolescence des quatre enfants de Nassid. Jusqu’au mariage de sa fille.
Elle épousa un jeune homme riche, beau, bien éduqué et qui l’aimait profondément. Mais même le soir de son mariage, ses trois frères et disputaient, et durent être rappelés à l’ordre par Nassid. Il se trouva que des nomades frappèrent ce soir-là à la porte de Nassid. L’intéressé la leur ouvrit, car ce soir était un soir de réjouissance, et il souhaitait partager sa joie à tout le monde. Parmi les nomades se trouvait Naïssa, une ravissante jeune femme. Elle se mit soudain à errer dans la maison, et alla observer les bijoux de l’épouse décédée de Nassid. Ce dernier la vit fouiller dans les bijoux de sa femme. Alors, Nasser, dissimulé sous les traits d’un nomade, rendit Naïssa plus belle encore qu’elle n’était. Il changea son apparence. Nassid crut reconnaitre Aicha, sa défunte épouse.
Tandis que Naïssa, sa tentative de vol découverte, fuyait, Nassid fit un malaise. Un médecin vint le trouver, et l’alita. Ce fut la fin des réjouissances, et le début des malheurs de Nassid le parfait. Obsédé par la femme qu’il avait vue, il ne parvint plus à s’alimenter. Plus à apprécier la vie. Le jeune mendiant qu’il avait recueilli, devenu un homme, se fixa pour objectif de retrouver la jeune femme. Mais en la retrouvant, il tomba amoureux d’elle. Et elle partagea son sentiment. Il voulut en parler à son père, mais ce dernier lui jeta un regard noir en apprenant la nouvelle. Pour la première fois, Nassid le Parfait ressentit la jalousie. Et l’ancien mendiant se sentit coupable. Nassid lui avait donné un toit, de la nourriture, des vêtements, une éducation, et l’amour d’un père. Qu’avait-il reçu en échange ? Un fils qui cherchait à lui prendre la femme dont il était amoureux.
Alors, l’ancien mendiant tenta de se suicider. Mais Nasser ne l’entendait pas de cette oreille, et parvint à le sauver de la mort. Juste à temps pour apprendre la nouvelle. L’un des fils de Nassid, ayant appris la jalousie de son père, et les sentiments de son demi-frère, connut un moyen de tourner l’un contre l’autre. Il se rendit au camp des nomades, et là, viola la jeune femme. Alors les nomades sortirent les armes, et se dirigèrent vers la maison de Nassid, déterminés à faire payer dans le sang le crime dont avait été victime Naïssa.
Dans la bataille qui s’ensuivit dans les rues de la ville, à laquelle Nassid, malade, ne put assister, les deux fils, l’adopté et le légitime, s’entretuèrent pour une femme. Son fils de sang mourut. Et son fils adopté fut enfermé en prison. Nassid, en apprenant cela, connut le désespoir. Mais la vengeance de Nasser n’était pas encore consommée.
Le fils adopté fut condamné à mort par le tribunal, mais Nasser, avec la complicité la jeune fille de Nassid et de son époux, le fit évader, et le poussa à rejoindre les nomades pour épouser Naïssa. Au troisième fils de Nassid, il souffla un désir de vengeance à nul autre semblable, et le convainquit de prendre avec lui la garde de la ville pour aller trouver et tuer cet évadé. La fille de Nassid, en apprenant cela, envoya son époux tenter de raisonner ses frères. En vain.
Le jour du mariage du fils adoptif de Nassid avec Naïssa, le dernier fils attaqua, avec la garde. Dans le carnage qui s’ensuivit furent tués les deux fils restant de Nassid, ainsi que l’époux de sa fille, quand il s’interposa. En apprenant cela, et en voyant que son père allait lui aussi mourir d’une étrange maladie, la veuve s’immola sur le bûcher de son époux. A cet instant, Nassid guérit.
Abattu par la perte de ses enfants, il vit un soir Naïssa, qui lui demanda de le suivre, pour lui montrer le tombeau de ses fils, qu’il n’avait jamais pu voir. Souhaitant les pleurer, il la suivit. Dans le désert. Deux jours durant, il la suivit, jusqu’à tomber de soif et d’épuisement. Alors, Naïssa se pencha sur lui, et prit le visage de Nasser, qui lui montra comment il avait pris sa revanche sur lui, Nassid le Parfait.
Alors, Nassid fit quelque chose d’incroyable, il répondit à son frère.

« Mon frère, quelle joie me prend quand je te retrouve en vie et bien portant ! Toute ma vie durant, j’ai attendu ce moment. Mon frère, quel plaisir est-ce là de te retrouver ! Quelle douleur dut être la tienne pour que tu veuilles te venger aussi brusquement. Mais contrairement à ce que tu dis, je ne suis pas parfait. Si j’avais été parfait, j’aurais vu la jalousie de mes fils, et j’aurais accepté l’amour qu’ils ressentaient. Si j’avais été parfait, rien de tout cela ne serait arrivé. »

Nasser tenta de le faire taire, ne parvenant pas à entendre ce message d’amour de Nassid.

« Mon frère, maintenant que je meure, sache que je te pardonne. Je vais trouver mes enfants dans un monde meilleur. Un monde où les erreurs du passé ne seront pas refaites. Mais avant ma mort, tu m’as offert de revoir mon petit frère, et pour cela, tout t’es pardonné. »

Nasser saisit alors une pierre et lui intima de se taire, lui broyant la tête avec son arme improvisée. Puis il s’enfuit en hurlant dans le désert, lui qui n’avait jamais eu sa vengeance. Nasser le Maudit avait été terrassé par le simple pardon de Nassid le Parfait, son frère.


Cassandra applaudit la prestation des musiciens, tirant les manches de ses compagnons pour qu’ils applaudissent. La récitation du poème entier avait pris de longues heures. Les musiciens étaient fatigués, leur voix cassée, mais toute l’auberge emplie les applaudissait.
Toute, sauf la princesse, constata Cassandra. Celle-ci lui adressa un geste vulgaire et moqueur. Et Cassandra versa des larmes silencieuses. Emue par la poésie des ramiens, mais abattue en comprenant que la princesse n’en saisissait pas la portée.
Mer 16 Mar 2016 - 21:19
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Capitaine Theoden
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Il y avait en Vindex comme un air de familiarité pour Théoden. Lorsque ses hauts murs se dressèrent devant lui, et jetèrent leur ombre sur sa face dorée par le soleil, un léger sourire fendit son visage. Quelque trente tours plus tôt, il était venu ici avec son ancien mentor alors Amiral de Kelvin. Et malgré le flot de souvenirs qui lui revint, il fut d'abord heurté par la grandeur de la cité. Et comme alors, les hautes tours, les murs et les rues par delà le pont levis le tinrent muet. Bien sûr, il y était revenu depuis. Mais jamais n'y était-il entré par la grande porte. Cassandra et Johão sur ses talons, la Princesse en dernier, Théoden passa la paire de gardes postés de part et d'autres de la haute porte et s'engouffra dans la cité tentaculaire.

Il y avait entre les maisons de chaux blanche et les étales de tissus multicolores tout un monde de senteurs. Des parfums doux, aux touches épicées et rondes qui faisaient parfois tourner la tête ! Par dizaine, l'on voyait des bâtonnets de cet encens brûler sous les étales ou dans les maisons. Et entre les filets de fumée claire jouaient des enfants tantôt avec des ballons, tantôt avec des épées de bois. Des marchands se plaisaient à vanter les mérites de leur marchandise au moindre passant ! D'autres essayaient d'acheter aux voyageurs le moindre de leur bien. Tant et si bien que Théoden ne fut pas surprit de voir l'un d'eux approcher Cassandra en lui offrant des prix toujours plus gros pour ses bijoux. Il en fut un qui s'adressa de la même façon à Johão, semblant avoir remarqué son équipement de combattant. Un autre, plus inconscient tenta bien d'offrir à Nynaeve un prix pour des mèches de ses cheveux. Mais comme il fut repoussé avec une sécheresse indescriptible, il ne tarda pas à se rabattre sur Théoden qui n'en fit pas cas et poursuivit sa route vers la côte.

Depuis le matin, lorsqu'ils avaient quitté l'auberge, le voyage s'était fait dans un calme tout à fait relatif. Il y eu bien sûr Cassandra qui discuta avec Johão et le Capitaine pendant une bonne portion de la route. Mais le moindre mot de la Princesse était devenu aride et blessant, à un point tel qu'il fallut pour tout le monde des efforts conséquents pour ne pas devoir la chasser.
Dans le trio qui se formait, une bonne entente était née. Eclairé sur la mission de Théoden, Johão en était venu à le respecter. Théoden éprouvait pour lui une certaine estime en retour. Et tous deux étaient bien trop absorbés par leurs conversations avec Cassandra pour songer aux malheurs qu'ils laissaient derrière eux.
Après ces longs mois, Théoden oubliaient enfin la mort de Bolch dans le Palais de Garay. Et ses nuits étaient de moins en moins hantées par d'anciens souvenirs teintés de culpabilité. Bien sûr, il n'oublia pas à qui il devait tous ces malheurs et il en vint à se promettre de trouver la justice avant de succomber à la vieillesse.

La nuit jeta sur le port de Vindex une vie nouvelle. Les maisons, aux façades chauffées parle soleil semblaient se muer en petites étoiles à la lumière des torches. Il avait fallu pas moins de quelques heures au petit groupe pour descendre la plus grande rue de la Capitale jusqu'aux quais. Et les allées se vidèrent rapidement, aussitôt la lune montée sur son estrade. En tête, Théoden pu enfin voir la platitude de l'horizon et sentir à plein poumon l'air salé de la grande mer de l'ouest. Alors, en rangeant son compas, il se tourna vers les siens et leur indiqua de ne pas le quitter. Les quais de la capitale avaient pour réputation d'être bien plus chaotique que ceux de Kelvin. Faute au nombre monstrueux de vaisseau, à leurs équipages doués d'une discipline moindre et de la quantité ahurissante de marchandises qui devaient transiter dans l'un -si ce n'est le- des plus grands port du monde.
Il fallut donc mille et une précaution, pour pouvoir déambuler le long des trirèmes et galères Ramienne, ponctuées ici et là de bâtiment à plusieurs mâts et à l'architecture étrangère. Il y avait pour ainsi dire des cordages, des tonneaux et des cordes partout. Et comme la foule de travailleurs ne disparaissait jamais des quais, l'on du presque se coller pour suivre.
Tout au bout du quai, dans un fugace rayon de lune, Théoden aperçut enfin la proue d'un trois mâts que l'on avait rangé maladroitement en retrait des autres vaisseaux. Qu'était-il donc arrivé à son beau Wicked Wench ? La figure sur sa proue avait été apparemment fauchée par un boulet. Et toute une partie du bout dehors, ce mât qui normalement se dressait au dessus de la tête de la figure avait disparu.
Des trois mâts, il n'en restait plus que deux, brinquebalants avec quelques vergues de moins et des voiles carguées avec maladresse. Les ornements avaient disparus, le tableau arrière était criblé d'impacts et de trous sommairement calfeutrés, le bastingage semblait avoir été brisé par une volée entière de canons... Quel désastre. Passé le premier haut-le-coeur, Théoden se stoppa à une certaine distance de son navire. Interloquée, Cassandra lui demanda ce qui n'allait pas. Et le Capitaine ne trouva à répondre que :

"-Quelque chose ne va pas."

Ils s'avancèrent lentement jusqu'au pied de la passerelle menant au pont principal. Et là seulement, un garde pointa le bout de son nez. Ce n'était pas n'importe quel garde d'ailleurs. C'était un Elfe Blanc. Un de ceux que Théoden avait gardé en poste sur le vaisseau lors de son départ pour Garay. Et d'un regard, le Capitaine reconnu son homme. Sans doute un instant lui fut d'ailleurs nécessaire pour réaliser qu'il se trouvait face à son supérieur. Sans parler de la Princesse qui devait pester en silence, derrière tout le monde !
Un instant passa, pendant lesquels Théoden échangea avec l'Elfe Onwë une vigoureuse poignée de main et où tout le monde se présenta. Après quoi, la compagnie gagna le bord d'une pas leste.

Des combats avaient eu lieu là. Et beaucoup de sang avait dû être versé pour la défense du Wench. Théoden pouvait le sentir jusque dans le bois de son bâtiment. Comme si il vibrait depuis les tréfonds des cercles du monde où sont enchaînées les âmes de ses hommes tombés.
Pourtant, malgré l'état de la charpente -qui ne semblait tenir à rien- tout était rangé le mieux possible. Rien ne traînait, ou presque. Très vite, Johão se sépara du groupe pour faire le tour des lieux avec une certaine curiosité. Cassandra resta avec le Capitaine et la princesse, alors qu'ils avançaient lentement sous la lumière faible de la lune. Pas de lumières à bord. Et lorsqu'Onwë revint, ce fut accompagné d'à peine quelques dizaines.
Théoden reconnu bien des têtes parmi les restes de son équipage. Belaner le premier, d'ailleurs, puisqu'il semblait s'être constitué parmi les survivants comme la nouvelle figure de proue du navire. Mais à part quelques Lieutenants, quelques quartiers maîtres, quelques aspirants... il n'y avait là que des fusiliers.

L'effroi se saisit du Capitaine, qui abandonna sur place le morceau arraché d'une gravure du bastingage. Les yeux emplis d'incompréhension, il vit l'air pourtant serein de Belaner s'emplir de compassion. Et il ne comprit pas. Quel était ce chagrin, sur les mines de tous ces hommes ? Et pourquoi l'accueillaient-ils ainsi ?
D'ailleurs, où était Gibbs ?
Théoden se saisit de l'Elfe devant lui, serrant fort ses deux bras. Et lui ne pu que baisser la tête, tirant de ses poches les restes brisés d'une pipe de bois brun.
Une voix, dans le groupe se fit entendre alors.

"-J'ai fait tout ce que j'ai pu, Théoden... sois-en sûr."

Et Belaner s'écarta, pour révéler la présence du Docteur Thackery, le chirurgien du bord. Tous deux se connaissaient de longue date, et même stupéfait, le Capitaine fut forcé de reconnaître qu'il n'avait jamais vu son compagnon avec une mine aussi abattue. Il avait dû passer tout le temps du trajet à essayer de sauver ceux qui avaient encore leurs chances. Apparemment, sans grand succès...

"-On a rien vu venir Capitaine, j'vous jure." fit un des soldats.

"-Ils nous sont tombés dessus sans crier gare ! Not'bon Second a fait tout ce qu'il a pu."

Il y eu un murmure d'approbation dans la foule. Mais Théoden ne les entendait plus, hélas. Alors, malgré que Cassandra ait tenté de le retenir, il fila droit vers sa cabine. Et malgré qu'il se soit heurté en chemin à des caisses, au grand mât et à des cordages enroulés sur le pont, il ne s'arrêta pas. Il avait bien vus des yeux regarder dans cette direction. Que devait-il y trouver ?

Lorsque la porte de sa cabine céda à ses efforts, le Capitaine fut entraîné dans l'ombre de son office. Malgré d'énormes trous dans le fond de la pièce, pourtant, beaucoup de choses étaient restées en place. Mais il y avait cette drôle d'odeur. Et des traces de sang sur le sol, menant jusque sur la grande table du bureau ! Il y avait eu de l'agitation. Et même si tout était sec et vieux, l'on sentait encore le chaos qui avait empli cet endroit.

Cassandra laissa aux bons soins de Belaner et des siens la charge de la Princesse, préférant aller voir ce que faisait Théoden. Johão, saisissant que quelque chose se tramait s'approcha à son tour. Mais tous deux ne trouvèrent qu'une porte claquée en hâte pour leur répondre ! Car entre temps, le Capitaine avait mit la main sur une lettre tâchée de sang. Et les derniers mots de son Second n'appartenaient à personne d'autre qu'à lui. Personne !

Malgré le silence du commandant, que tous semblèrent comprendre, les ordres furent vite donnés. Et sans plus d'attente, le Wicked Wench, bien que meurtrit, écourta son escale et reprit sa route vers le nord à faible vitesse. Il quitta donc Vindex anonymement. Et les mois de route jusque les Marches d'Acier s'annonçaient terriblement longues...
Ven 18 Mar 2016 - 20:58
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